Déclarations de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur la coopération culturelle et audiovisuelle franco-italienne, à Annecy le 5 décembre et Paris le 12 décembre 1996.

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Circonstance : 14èmes rencontres du cinéma italien à Annecy le 5 décembre 1996. Colloque sur le thème "Quel projet culturel pour l'Italie ?" et conférence de presse sur la télévision latine à Paris le 12 décembre

Texte intégral

Point presse - jeudi 5 décembre 1996

XIVe rencontres du cinéma italien à Annecy

Mesdames,
Messieurs,

Ma présence avec le vice-président du conseil italien Walter VELTRONI à ces rencontres du cinéma italien d’Annecy est une nouvelle fois l’occasion de souligner notre attachement à la coopération culturelle franco-italienne et plus particulièrement dans le domaine du cinéma.

L’initiative conjointe que nous avons prise à Venise le 5 septembre de cette année poursuit un triple objectif :

Tout d’abord, le renforcement de la coopération cinématographique franco-italienne dont il est inutile de souligner les racines historiques.

Ensuite, la reconquête de parts de marchés pour nos cinémas, d’abord dans nos deux pays et aussi ailleurs en Europe et dans le reste du monde.

Enfin, une collaboration diplomatique dans le cadre des principales négociations concernant l’audiovisuel qui se déroulent ou vont se dérouler dans le cadre de l’union européenne et celui d’organisations internationales comme l’OMC et l’OCDE.

II faut comprendre que nous voulons que notre action commune soit exemplaire. Nous ne voulons pas, Walter VELTRONI et moi nous singulariser par rapport à nos partenaires européens mais leur ouvrir, sur des bases concrètes, notre partenariat.

À nos yeux, le soutien public à la production mais aussi à la diffusion est un élément essentiel du maintien et de la croissance de nos industries cinématographiques qui ne peuvent relever uniquement d’une loi du marché étrangère à toute perception culturelle et à toute préoccupation sociale.

Nous souhaitons donc, d’une part, améliorer encore les conditions dans lesquelles ce soutien est fourni à nos industries respectives et, d’autre part, examiner ensemble les conditions dans lesquelles le soutien français et le soutien italien pourraient être conjugués en leur faveur.

À cet égard, la réforme en cours actuellement en Italie, sous l’impulsion de Walter VELTRONI, me paraît très positive en particulier dans la mesure où elle organise la participation active des chaînes de télévision à la production cinématographique et audiovisuelle à l’image de ce qui existe déjà en France.

Parallèlement, j’ai pris connaissance avec intérêt du rapport que vient de me remettre la Commission pour la réforme de l’agrément français, qui repose notamment sur un principe d’assouplissement et de simplification du régime applicable aux coproductions, ce qui devrait encourager le développement de nos échanges.

Nous nous félicitons que la voie tracée à Venise ait trouvé un écho parmi les professionnels et que le bureau du cinéma franco-italien, qui forme l’ossature souhaitée de longue date d’une instance permanente de concertation entre nos deux pays, ait commencé à examiner, ici même à Annecy, en présence du directeur général du CNC, Marc Tessier, et du directeur général des spectacles italien, Mario Bova, les possibilités concrètes de coopération ouvertes par nos projets de réforme nationaux.

Nous remercions l’ensemble de ce bureau, Messieurs Ettore Scola, Roberto Cicutto, Enzo Porcelli, Silvio Clementelli, Daniel Toscan du Plantier, Mmes Margaret Menegoz, Véronique Cayla, Nella Banfi et M. Jean Cazès d’avoir participé de manière aussi constructive à ces travaux.

Comme eux, nous estimons que nos actuels accords de coproduction qui remontent à un demi-siècle (c’est, en effet, en 1946 qu’a été signé la première « entente » cinématographique franco-italienne préfigurant les accords actuels) montrent actuellement leurs limites et qu’il apparaît nécessaire maintenant de les réformer en profondeur.

Outre la proposition d’abaisser à 10 % le seuil de coproduction financière, qui apparaît effectivement plus compatible avec la réalité économique, nous examinerons avec intérêt la piste consistant à « globaliser » nos relations bilatérales en appréciant la réciprocité des coproductions non seulement au niveau des parts de coproduction respectives mail aussi à celui des engagements de diffusion pris par les opérateurs de télévision de chaque pays.

Nous sommes également favorables à la mise en place, sur la base de la réciprocité, d’un soutien à la distribution en salles, qui permettrait aux films français de recevoir une aide en Italie et vice-versa.

Par ailleurs, nous sommes satisfaits que soit confirmé par les professionnels le principe d’organiser en 1997, à des dates encore à fixer, deux manifestations à Paris et à Rome, grâce, notamment, à l’expérience acquise par Unifrance Film et Cinecitta International. L’idée de faire sélectionner par un jury de spectateurs les films les plus susceptibles de recueillir un écho populaire et de leur offrir une aide à la distribution sur nos territoires respectifs nous paraît particulièrement séduisante.

En ce qui concerne la promotion de nos œuvres cinématographiques en dehors d’Europe, nous demandons à Cineccita International de nous proposer un projet dans le bassin Méditerranéen.

Nous engageons le bureau à poursuivre activement ses réflexions, auxquelles nous souhaitions également que soient associées les chaînes de télévision.

Nous nous réjouissons à cet égard des perspectives de coopération évoquées à la table ronde entre ARTE, France Télévision et la RAI, notamment, pour ces deux dernières, en matière de chaînes thématiques et de chaînes régionales.

Pour conclure, rappelons que nous concevons notre démarche comme ouverte aux autres pays de l’Union européenne, particulièrement mais pas uniquement à ceux qui partagent notre culture latine. Notre objectif final étant de constituer avec l’ensemble des pays qui souhaiteront coordonner avec nous leur politique de soutien au cinéma un ensemble cohérent permettant de mettre en commun le maximum de moyens au service de la production et de la diffusion.

 

Ouverture du colloque : Quel projet culturel pour l’Italie ? (jeudi 12 décembre 1996)

Monsieur le ministre,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

C’est vers l’Italie que, depuis des siècles, se tournent les hommes cultivés, qui la fréquentent sans s’en lasser. La France est liée à sa sœur latine par tant de souvenirs et de fascination mutuelle qu’il serait vain de vouloir évoquer les noms de tous ceux qui, comme STENDHAL ou CHATEAUBRIAND, durent à l’Italie leurs plus grandes émotions artistiques.

Une connaissance intime de l’Italie reste indispensable, à quiconque veut former sa sensibilité. La culture italienne continue à imprégner celle des Français qui réservent, toujours, une attention particulière aux différentes expressions de cette culture.

C’est sans doute particulièrement vrai dans le domaine de la littérature : les traductions de l’italien vers le français sont nombreuses, plus peut-être au cours de ces dernières années que par le passé.

Des films italiens sont présents sur nos écrans ; les artistes italiens contemporains ont occupé, lors de la dernière foire d’art contemporain, la FIAC, une place remarquée ; de récentes expositions à Beaubourg ou ailleurs, les succès du design ou des grands créateurs de la mode italiens en France en témoignent.

La culture italienne est moins connue, en France, qu’elle n’a pu l’être, ceci surtout sous ses aspects les plus contemporains. Nous connaissons moins bien l’Italie, sa vitalité, sa créativité.

Sans doute faudrait-il évoquer l’évolution générale de nos sociétés, qui, marquées par le développement de la mondialisation, nous rendent paradoxalement nos voisins moins proches.

Peut-être faut-il, aussi, citer la rapidité de l’évolution de la société italienne, qui a fait perdre leurs repères à ceux qui n’avaient que trop tendance à rester attachés à des modèles anciens.

Je souhaite participer à un mouvement allant en sens contraire, permettant aux échanges culturels franco-italiens de connaître un nouveau développement.

Depuis que je suis ministre de la culture, j’ai déjà eu l’occasion d’aller à de nombreuses reprises en Italie : à Venise, à Bologne, à Naples... Je compte bientôt me rendre à Rome, pour de nouvelles rencontres. J’y ai, toujours trouvé des partenaires attentifs, et souhaitant comme moi donner un nouveau souffle à nos échanges.

Cette relance des relations culturelles entre nos deux pays passe, à l’évidence, par une meilleure connaissance réciproque. Nous devons mieux nous connaître, en prenant en compte les évolutions les plus récentes qu’ont pu connaitre nos pays.

C’est le but de ce colloque. C’est pourquoi j’ai décidé, avec beaucoup d’enthousiasme, dès que l’idée m’en a été présentée, que le ministère de la culture participerait à son organisation.
    
Je remercie le président de la chaîne culturelle européenne Arte d’avoir pris cette initiative, imaginée dès le départ en collaboration avec le ministère et me réjouis que vous ayez pu venir nombreux à ces rencontres qui, à n’en pas douter, feront date.

Ce colloque est très ambitieux. Je reviendrai tout à l’heure sur les différentes questions qui vont être abordées pendant ces deux journées.

Mais mieux nous connaître ne suffit pas. Il faut, également, mieux travailler ensemble, donner une nouvelle ampleur à notre coopération.

Ce second volet est en large partie, plus encore que le premier, de la responsabilité des pouvoirs publics. J’ai trouvé en vous, Monsieur le ministre et cher ami, quelqu’un qui partage fortement cette volonté.

Les responsables italiens, comme les responsables français, sont bien décidés à ce que la situation évolue, à ce que les échanges culturels entre nos deux pays prennent un nouvel essor, à ce que l’accroissement de notre coopération touche tous les secteurs.

Je n’en citerai que quelques-uns.

Dans le domaine du patrimoine et des musées d’abord, où l’on risquait de se reposer sur des acquis devenus avec le temps moins vivants qu’ils n’auraient dû l’être. Des groupes de travail ont été constitués ; leurs premières réunions doivent se tenir dans quelques semaines ; des axes de coopération concrets ont été définis.

Des séminaires sur la gestion des musées ont d’ores et déjà été organisés cet automne, et seront poursuivis l’année prochaine. Une collaboration active nous rapproche dans le multimédia, notamment dans le cadre d’un projet G7 et sur le plan communautaire.

Dans le domaine des spectacles une rencontre entre les professionnels français et italiens du théâtre et de la danse doit avoir lieu en avril prochain, avec les contours de mes services et de l’office national de diffusion artistique : les projets de coproductions et d’échanges de spectacles vont se multiplier.

Mais c’est dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel que les avancées sont les plus spectaculaires. Est-ce en raison de la personnalité du vice-président du conseil italien ? Est-ce parce que nous considérons, tous, qu’il s’agit d’un secteur primordial qui touche aux fondements de notre culture ?

Toujours est-il que les décisions des responsables politiques ont, immédiatement, rencontré le plein soutien des professionnels concernés, qui se sont réunis d’abord à Venise puis la semaine dernière à Annecy pour la première réunion d’un bureau du cinéma franco-italien.

Notre objectif est clair. Nous l’avons affirmé, dès le 5 septembre, à Venise.

Il faut renforcer notre coopération cinématographique, dont il est inutile de souligner les racines historiques ; il faut reconquérir des parts de marché pour nos cinémas, d’abord dans nos deux pays mais aussi dans le reste du monde ; il faut s’unir pour que nos positions en faveur de l’exception culturelle puissent prévaloir lors des prochaines négociations qui s’ouvriront dans le cadre de l’OMC ou de l’OCDE.

Des mesures précises ont d’ores et déjà été décidées en ce qui concerne aussi bien la production que la diffusion et la promotion avec par exemple, pour ce dernier point, l’organisation d’une manifestation conjointe aux États-Unis au printemps prochain.

Avec Walter VELTRONI, nous souhaitons que notre action commune soit exemplaire. Notre démarche est ouverte aux autres pays de l’Union européenne, particulièrement à ceux qui partagent notre culture latine, et nous rencontrerons d’ailleurs tout à l’heure les autres ministres de la culture de l’Europe du sud, pour une réaffirmation solennelle de notre attachement au pluralisme culturel.

Notre objectif est de constituer, avec tous les pays qui souhaiteront coordonner leur politique de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, un ensemble cohérent qui rassemblera le maximum de moyens au service de la production et de la diffusion.

Je pense que vous avez compris qu’il ne s’agit pas seulement de grandes déclarations de principe, dont nous autres, Latins, sommes quelquefois friands. Il s’agit, au contraire, de véritables collaborations concrètes, qui permettront durablement à nos échanges de se multiplier.

Une meilleure connaissance réciproque, de nombreuses actions de collaboration, tels sont les vecteurs qui contribueront à la relance de nos relations que j’appelle de mes vœux. Cette relance passe aussi par un approfondissement de notre réflexion sur les grands sujets qui orientent le débat culturel dans nos sociétés.

Aussi souhaiterais-je, avant de conclure, revenir sur les différents thèmes que ce colloque va aborder.

J’ai été frappé par la résonance très forte qui existe entre les quatre thèmes choisis pour interpeller le projet culturel italien et les débats qui se tiennent en ce moment en France. En réfléchissant sur le modèle culturel italien, vous avez à évoquer des questions que l’on se pose avec beaucoup d’acuité en France.

Le thème des identités régionales et de l’identité nationale font immédiatement penser aux progrès de la décentralisation culturelle en France, aux espoirs et aux craintes qu’elle suscite, aux dangers du nationalisme et du populisme.

Il en est de même pour le débat sur le rôle culturel des médias. Nous disposons en France avec la Cinquième et Arte d’un dispositif essentiel, une télévision de l’offre mais ce n’est pas leur faire injure que de rappeler que leur existence est loin d’épuiser ce débat toujours plus nécessaire sur le rôle culturel de la télévision.

Quant à l’équilibre à trouver entre patrimoine création, c’est une question rémanente en France.

Sur la question concernant les attirances qui peuvent nous porter vers les États-Unis, l’Europe et la Méditerranée, les Français réagissent sans doute différemment des Italiens, si tant est qu’on puisse utiliser ces notions globales.

Mais s’agissant de ce quatrième et dernier thème du colloque, il sera également très intéressant de confronter nos points de vue sur la manière de concilier la préservation des identités culturelles et la multiplication des échanges.

Ces débats s’annoncent passionnants ; nous aurons beaucoup à apprendre de vos témoignages, de vos réponses, de vos interrogations.

Mme si, en France, le ministère de la culture a su, depuis maintenant près de quarante ans, trouver des repères, j’ai souhaité récemment réunir une commission qui a réfléchi aux axes que pourrait prendre sa refondation. C’est dire que nous devons toujours nous remettre en cause et que je me réjouis de cette confrontation d’idées.

En cette année de commémoration du vingtième anniversaire de la mort d’André MALRAUX, je me dois de conclure en citant ce grand homme, qui a su par ailleurs entretenir un rapport passionné avec les grands chefs d’œuvre de l’art italien, et dont la décision de nommer BALTHUS à la direction de la Villa Médicis montrait bien l’amour qu’il portait à l’Italie. « Ce que l’Occident appelle culture », dit MALRAUX en 1936, « c’est avant tout, depuis près de cinq cents ans, la possibilité de confrontation ». Je vous remercie.

 

conférence de presse télévision latine le 12 décembre 1996

Mesdames et Messieurs,

Pas un jour ne passe sans que ne soient évoquées par les médias les grandes stratégies qui animent les acteurs du secteur de l’audiovisuel, terrain privilégié de grandes opérations financières, de rapprochements stratégiques d’empires industriels pour se positionner sur de nouveaux marchés prometteurs.

D’un autre côté, nous constatons chaque jour que les fondements de notre modèle culturel sont sans cesse fragilisés face aux nouveautés qui l’assaillent et aux enjeux commerciaux croissants.

Nos enfants sont plongés dans l’univers des séries télévisées américaines comme des dessins animés japonais. Cet univers heurte leurs repères, modifie leurs comportements.

Je crois avoir déjà fait part à l’un ou l’autre d’entre vous de ma stupéfaction en entendant un jour, dans un tribunal, un jeune homme s’adresser au président en l’appelant « votre honneur » s’inspirant ainsi tout simplement d’un vocable anglo-saxon sans lien avec la réalité française.

Sommes-nous en retard d’une guerre ? Je ne le crois pas. Je crois au contraire qu’il est urgent de réagir, de réagir maintenant et de réagir ensemble, avec des pays dont nous partageons un grand nombre de valeurs.

Le ciel se charge de satellites qui couvrent progressivement le monde entier, des bouquets de programmes et des services audiovisuels se mettent en place.

C’est aujourd’hui qu’il faut agir.

Nous venons de faire entrer au Panthéon des grands hommes André Malraux. De sa vie et de son œuvre retenons qu’avant toute chose, le monde des arts et des œuvres de l’esprit est irréductible et que la part de génie que possède chaque peuple est un bien inaliénable.

C’est pourquoi j’ai souhaité susciter aujourd’hui cette rencontre avec mes homologues de l’Europe du Sud.

Messieurs Walter VELTRONL vice-président du conseil et ministre des biens culturels en Italie ; Manuel Maria CARRILHO, ministre portugais de la culture ; Evanghelos VENIZELOS, ministre grec de la culture et Madame Olga KLIAMAKI, présidente de l’Institut héllénique de l’audiovisuel qui représente M. Dimitris REPPAS, ministre grec de la presse et des médias, ainsi que Monsieur Fernando OTERO, directeur de l’Institut de l’audiovisuel et du cinéma espagnol, qui représente Mme Esperanza AGUIRRE retenue par un débat budgétaire au Sénat espagnol, ont bien voulu me rejoindre à Paris ce matin.

Je vois dans cette réunion un gage de cet attachement à mieux définir, au sein de nos gouvernements respectifs, nos engagements face aux bouleversements qu’entraîne l’émergence de nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Nous le savons déjà, cette civilisation de l’image n’est en rien comparable à ce que nous avons vécu. Toutes les pratiques culturelles, jusqu’aux modes même d’appréhension de ces pratiques, seront en grande parties modifiées au contact des nouvelles technologies, qui vont transformer notre rapport à l’information et à la communication.

Dans le cadre de cette nouvelle donne industrielle, nous avons décidé aujourd’hui, ensemble, d’exprimer solennellement notre volonté de mieux préserver et renforcer les conditions de la création, de l’accès à la connaissance dans le respect des libertés individuelles et de l’égalité de tous les publics.

Ne nous laissons pas enfermer dans des contraintes technologiques, ni dans des contraintes marchandes.

Le numérique ne doit pas échapper aux principes de la démocratie et notre responsabilité en tant que ministres de la culture nous impose ce devoir de vigilance mais aussi de coopération : c’est le message que nous voulons ensemble adresser aux professionnels de la création et de la production et à tous ceux qui se reconnaissent dans le combat que nous menons pour défendre l’exception culturelle,

Nous avons souhaité, par une déclaration commune, rappeler :
      - l’importance que nous attachons à la construction d’une Europe de la culture, qui doit se construire dans le respect de la diversité et dans l’affirmation des valeurs de tolérance et d’échange ;
      - la priorité que constitue le développement d’une industrie de contenus, notamment dans les domaines de l’audiovisuel et du multimédia.

Les missions d’intérêt général des chaînes de télévision, notamment des chaînes publiques, dans le but de maintenir les conditions d’une programmation de qualité et le respect de l’égalité de traitement de tous les publics, en particulier pour la formation et la culture.

Cette réunion entre ministres nous a permis de constater dans les domaines de l’audiovisuel et des nouveaux services, si prometteurs et si complexes, que nous pouvons échanger nos expériences afin de renforcer une nécessaire coopération entre nos pays, dans le cadre européen, il va sans dire, mais aussi en direction des pays de la Méditerranée et de l’Amérique latine. Les liens historiques, linguistiques et culturels qui nous rattachent à ces pays appellent en effet un véritable devoir de solidarité.

À l’occasion de réunions bilatérales, et nous venons de nous rencontrer encore très récemment avec Monsieur Walter Veltroni, nous avons déjà largement exploré ces axes de coopération.

Le principe d’une réunion multilatérale, première du genre, loin d’exprimer les craintes d’un quelconque pré carré sur la défensive, est au contraire un signe d’ouverture aux autres pays et un appel à une plus large coordination de nos moyens respectifs.

Ensemble nous pouvons faire mieux. Nous lançons un appel à l’exigence de qualité et à la diversité de la programmation.

Sur les différents aspects de notre coopération, qui sont précises dans la déclaration commune qui va vous être remise, nous avons souhaité mettre l’accent sur quelques points, en ayant conscience que nous avons lancé aujourd’hui un processus de travail qui devrait nous réunir régulièrement.

En premier lieu, nous devons avoir une démarche commune dans les discussions que nous menons au sein d’organisations internationales comme 1’OMC ou l’OCDE.

En effet il ne faudrait pas que ce que nous essayons de faire prévaloir dans le cadre communautaire, la défense de notre identité culturelle, soit abandonné ou très largement marginalisé à l’issue de négociations sur les échanges commerciaux qui ignorent l’approche culturelle.

Dans des secteurs aussi ouverts que la diffusion télévisuelle, la transmission par satellite ou la consultation de données et de programmes à distance, le risque est réel d’un alignement des biens culturels sur les biens de consommation courante.

Pouvons-nous tolérer que les impératifs du commerce international excluent les principes culturels et le respect du pluralisme ?

Soyons conscients cependant que les enjeux ne sont pas uniquement culturels. Face à la formidable concentration de moyens financiers et industriels que nous constatons, sachons préserver les chances de nos entreprises, dont la vitalité et la créativité constituent notre meilleur atout.

Le besoin en programmes des nouvelles chaînes devrait faciliter la circulation des programmes. Nous pouvons et nous devons trouver les synergies et les complémentarités nécessaires pour maintenir une industrie audiovisuelle forte et diversifiée. L’arrivée du numérique est un vrai défi.

Sur le plan audiovisuel, notre souci est de maintenir une programmation de qualité, en favorisant le développement des échanges de programme entre les diffuseurs et en assurant une présence réciproque sur les bouquets satellites et les réseaux câbles. Présence qui peut d’ailleurs contribuer utilement à un meilleur apprentissage réciproque de nos langues.

Vous savez que la France a créé la Cinquième une chaîne du savoir, de la formation et de l’emploi et que les résultats obtenus depuis 2 ans témoignent d’une réelle attente des Français.

Nous souhaitons que la Cinquième puisse établir des liens de coopération avec les diffuseurs des pays européens et en particulier avec ceux de l’Europe du Sud.

Enfin nous ne pouvons que souhaiter une plus large coopération entre des chaînes comme France 2, France 3, la Sept/Arte ou Canal + et les opérateurs des pays de l’Europe du sud. Le niveau de qualité de leur programmation, leur recherche de thématiques alternatives ouvrent des perspectives très intéressantes.

L’accord de coopération qui doit être signé entre la Sept/Arte et la RAI va exactement dans ce sens.

Sur le plan cinématographique, nous allons renforcer les liens bilatéraux en matière de soutien à la production et à la distribution et mettre en place une appréciation globalisée sur les contributions aux coproductions afin de favoriser leur développement.

Cette politique doit avoir une valeur exemplaire et pourra être ouverte à tous les pays de l’Union européenne qui voudront bien en partager les objectifs.

Nous nous sommes donné comme impératif une présence accrue de nos productions cinématographiques et audiovisuelles dans l’ensemble des marchés nationaux et européens.

Nous allons aussi engager des actions communes dans la restauration et la diffusion de nos patrimoines cinématographiques afin d’alimenter les chaînes thématiques cinéma.

Enfin dans le domaine des nouveaux services, compte tenu des enjeux économiques sociaux et culturels de la société de l’information, nous voulons unir nos efforts pour élaborer des règles communes en vue de promouvoir une politique culturelle des contenus.

Nous avons commencé dans le cadre de programmes européens à valoriser notre patrimoine, nos musées, nos bibliothèques. Cette coopération va s’étendre à l’ensemble des informations qui ressortent de la culture scientifique et technique, il en va de notre présence sur le plan international.

Cette démarche commune doit se faire dans un esprit d’ouverture et non de repli sur soi. C’est pourquoi je considère que cette réunion est une première étape, qui doit être étendue aux pays de l’Amérique latine et de la Méditerranée.

Nous organiserons, au cours du premier semestre 1997, une grande rencontre avec nos homologues d’Amérique latine, et des pays méditerranéens et des professionnels.

Sachons par nos propositions et notre action future faire passer ce message : celui du pluralisme culturel et de la nécessaire collaboration avec les créateurs et les professionnels. Les chaînes de télévision demeurent des partenaires indispensables à la réussite de cette coopération.

Dans le domaine de la communication audiovisuelle, sans cesse évoqué par l’actualité, les enjeux sont considérables. Il est de ce fait important de faire savoir que les responsables politiques, à l’écoute des professionnels mais aussi du public en général, prennent toute leur part de responsabilité afin de préserver l’essentiel de ce qui constitue notre acquis, notre richesse et notre diversité culturelle.

N’acceptons pas comme un fait inéluctable l’uniformisation de nos marchés. Les nouvelles chaînes vont développer des besoins nouveaux en programmes audiovisuels et en films. Ce besoin va susciter une demande alternative des chaînes aux programmes américains : il faut saisir cette opportunité pour faciliter les échanges de programmes.

C’est à ce prix que nous continuerons cet enrichissement mutuel indispensable qui constitue le propre de notre histoire.

Je souhaite maintenant passer la parole à mon ami Walter VELTRONI.