Texte intégral
Monsieur Jospin une fois de plus privilégie un effet d’annonce sur le règlement, au fond, d’un vrai problème.
Il aura fort à faire pour s’exonérer du soupçon de l’opération politicienne. Il est vrai que le passé garantit l’avenir : sa vertueuse décision, il y a quelques mois, d’interdire à ses ministres d’exercer des fonctions exécutives et en particulier les fonctions de maires, a conduit, on le sait, à une pantalonnade indigne, les ministres se bombardant 1er adjoint à vocation générale, et continuant à gouverner leurs communes, via des hommes de paille. En s’obstinant à traiter différemment les fonctions de chef et de membre d’un exécutif, M. Jospin nous promet la même pantalonnade à la puissance 1 000.
En réalité, la réduction des cumuls nécessite une démarche progressive et cohérente. Elle n’a de sens que dans la mesure où elle s’accompagne d’une évolution concomitante du contexte institutionnel.
À quoi servirait-il en effet d’avoir 577 députés à plein temps, s’il ne s’agit de leur faire peupler une chambre d’enregistrement, à laquelle on ne donne l’illusion de l’existence qu’en la faisant siéger nuitamment ?
De la même façon, où est le statut de l’élu qui est la contrepartie nécessaire de toute réforme ?
Où est la mise en ordre de la décentralisation sans laquelle les élus ne peuvent trouver les chemins de l’efficacité qu’en cherchant à être présent à tous les échelons prenant part à l’élaboration d’une seule et même décision ? Dans le même esprit, l’idée saugrenue consistant à interdire à un parlementaire d’exercer les fonctions de maire mais l’autorisant à prendre la tête d’un des organismes intercommunaux qui progressivement concentreront l’essentiel des pouvoirs locaux marque un degré d’imagination dans l’hypocrisie qui laisse... interdit.
Monsieur Jospin, en choisissant de surcroît un calendrier surréaliste démontre qu’il veut le beurre et l’argent du beurre. Jouer les chevaliers blancs sans que ses amis aient à en supporter les conséquences : prendre une posture avantageuse avant les régionales et les cantonales, sans s’aliéner ses propres sortants, et rejeter par avance sur l’opposition les retards et difficultés prévisibles d’une démarche si incertaine.
La vraie réforme reste à imaginer et à faire. Elle ne peut être qu’un élément de rénovation globale de notre système démocratique. Dans l’immédiat, il est convenu, conformément aux orientations définies par le Président de la République, de commencer par l’interdiction du cumul de deux fonctions exécutives (largo sensu), l’interdiction de tous mandats aux ministres en exercice (et tant pis pour Cintegabelle !) et la remise en cause des seuils.
On en est loin.