Texte intégral
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1997.
ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’éducation nationale : Avec 277 milliards de francs, ce budget est le premier de l’État. Il est en hausse de 1,5 % soit une évolution moins rapide que les années précédentes, et porte 5 000 suppressions de postes, ce qui marque une rupture avec le passé.
En conclure que c’est un mauvais budget serait méconnaître que l’Éducation nationale se tourne désormais plus vers la qualité que vers la quantité, vers une meilleure utilisation des moyens.
Jamais on n’a autant demandé à l’école, pour instruire, mais pour remédier aux carences familiales et aux difficultés sociales. C’est la mission de plus d’un million de personnes. Monsieur le ministre, vous êtes le patron de la moitié des fonctionnaires de l’État !
Cet énorme budget est constitué à 95 % de dépenses de personnels puisque les collectivités locales ont la charge des bâtiments. Leur motivation et la qualité de leur formation jouent un rôle décisif. Or ce budget respecte scrupuleusement les engagements de l’État en matière de revalorisation. Quel chemin parcouru depuis 1989 ! L’instituteur en milieu de carrière qui gagnait 7 800 F par mois en perçoit aujourd’hui 11 800 F. En moyenne, la rémunération des enseignants s’est accrue de 20 % en francs constants.
Les jeunes ne s’y trompent pas et les candidats se pressent aux concours, rendant désormais inutiles des incitations comme l’allocation d’IUFM ou la prime de première affectation, qui sont donc supprimées.
Dans ce contexte se pose aujourd’hui la question des maîtres auxiliaires. Grâce aux concours spécifique et au plan de résorption de l’emploi précaire, des solutions acceptables devrait être trouvées cette année.
L’inflexion dans l’évolution des postes -5 200 suppressions pour 313 créations d’emplois- n’est pas la rançon de la rigueur budgétaire ; elle y reflète la prise en compte normale et nécessaire de la baisse des effectifs scolaires : il y a eu 200 00 enfants de moins dans le premier degré de 1990 et 1996, 50 000 de moins à la rentrée 1996 et encore 60 000 de moins à la prochaine rentrée. Cela permet un déploiement au bénéfice de l’enseignement supérieur.
Ces suppressions d’emplois, concentrées sur des postes de stagiaires, n’affectent pas le nombre d’enseignants présents devant les élèves. Les indications que je donne dans on rapport sur les mises à disposition relativisent le mythe de ces cohortes d’enseignants mis gracieusement à la disposition de mutuelles ou organismes divers.
Un effort important est consenti en faveur des zones urbaines sensibles. Sait-on que, grâce au moratoire des fermetures d’écoles à la campagne, ce sont 350 écoles qui à la rentrée 1997 seront sauvegardées ? Que plus de 1 300 écoles à classe unique accueillent aujourd’hui moins de 13 élèves ?
Dans les zones urbaines sensibles, le budget 1997 permettra de réaliser l’un des objectifs du nouveau contrat pour l’école, à savoir l’abaissement à 25 du nombre des élèves par classe maternelle en ZEP ; en outre, l’effort de scolarisation des enfants de 2 ans sera amplifié.
Dans le second degré, la présence d’adultes dans les collèges et lycées sera accrue, en particulier dans les 175 établissements classés sensibles, par la création de 250 postes de maîtres d’internat, surveillants d’externat, conseillers principaux d’éducation et de 50 emplois d’assistantes sociales et d’infirmières. Plus les quartiers sont difficiles, plus l’Éducation nationale doit mettre l’accent sur la prévention sociale et sanitaire.
Résultat des efforts conduits depuis 1993, les 6 185 établissements scolaires des 563 ZEP, qui accueillent 1 200 000 élèves, 4 700 appelés du contingent, contre 2 500 l’an dernier ; leur présence est ressentie positivement.
Mais l’effort doit porter aussi sur la qualité des enseignants. Or, malgré les incitations financières mise en œuvre, on rencontre trop souvent, dans les collèges et lycées des quartiers difficiles, des enseignants en début de carrière ou des anciens démotivés, alors qu’au contraire dans les écoles du 1er degré, les instituteurs font un travail remarquable.
L’Éducation nationale a un rôle primordial dans la politique de la ville. Ma circonscription, le Val-de-Marne, juxtapose, sur moins de 5 km, deux villes résidentielles et une partie d’une troisième érigée depuis l’origine en ZEP. L’égalité des moyens et des normes pour ces deux secteurs n’aurait pas de sens. L’équité commande au contraire, une concentration de moyens et des méthodes particulières pour ces quartiers à la dérive, afin qu’aucun enfant ne quitte le CM2 sans avoir acquis les savoirs primordiaux de la langue orale et écrite et du calcul élémentaire – mission difficile, mais nos enseignants, par leur qualité et leur dévouement, sont capables de remplir. Je suggère de donner plus de responsabilités aux chefs de ces établissements afin qu’ils constituent des équipes pédagogiques performantes où le travail collectif conforte la pratique individuelle. C’est là le défi majeur de l’école de demain ; c’est là que se jouera l’intégration, que se résorberont ou s’exacerberont les désordres et violences sociales.
Pour en revenir à la gestion de cette immense maison qu’est l’Éducation nationale, elle est beaucoup moins centralisée qu’on veut bien le dire. Les services centraux parisiens ne représentent que 0,5 % des effectifs ; avec les services rectoraux et départementaux, on arrive à 4 % - ce sont des ratios dont n’a pas à rougir une éducation nationale jadis comparée, injustement, à l’armée rouge !
Quant au fameux « mouvement » qui, dans le second degré, brasse chaque année des dizaines de milliers d’enseignants, il s’effectue pour plus d’un tiers à l’échelon des rectorats. Il serait injuste de juger l’efficacité de cette immense machine sur deux évènements phares, la rentrée et le baccalauréat. Reconnaissons néanmoins les excellentes conditions dans lesquelles s’est déroulée la rentrée 1996 ; pas une fausse note dans ma circonscription, ni dans la plupart des autres.
Des améliorations sont bien sûr nécessaires, je les ai déjà évoquées ; déconcentration accrue à l’échelon des établissements scolaires et, surtout, renforcement du couple chef d’établissement-équipe pédagogique. Il n’est pas normal qu’un enseignant puisse refuser de participer, voire s’opposer ouvertement à un projet d’établissement sans aucune sanction.
Monsieur le ministre, vous venez de publier un bilan des deux premières années d’application – 1995 et 1996 – de la loi relative au nouveau contrat pour l’école. Il en ressort que les engagements pris sont, pour l’essentiel, respectés : réduction du nombre d’enfants dans les classes maternelles en ZEP, mise en place progressive des nouveaux cycles d’études à l’école primaire et au collège, ainsi que des études surveillées centrée sur l’apprentissage des méthodes de travail, adaptation des rythmes scolaires, réintroduction du latin en cinquième…
Ainsi, les choses avancent dans l’Éducation nationale non pas à grands coups de réformes, mais grâce à l’expérimentation et à l’encouragement des initiatives locales.
Plus que par des moyens supplémentaires, ces avancées se réalisent par des mesures de redéploiement et d’adaptation. Notre système scolaire devient plus efficace en se fondant sur la participation et la concertation, selon une méthode qui vous est chère et qui est le seul possible.
Au total, l’Éducation nationale consent un gros effort. Mais il ne faut pas non plus trop exiger. C’est pourquoi, sitôt ce budget voté, je serai le premier à votre côté pour préparer celui de 1998 afin que, comme cette année, soit préservée l’intégralité des crédits et des personnels qui sont directement au contact des élèves.
Vous nous présentez un bon budget. La commission des finances l’a adopté sans y apporter d’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
M. Bourg-Broc, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales : Le budget de l’Éducation nationale n’est sans doute pas celui sur lequel il soit le plus difficile de s’exprimer. Ses deux sections augmentent globalement de 2 %, alors que le budget général de l’État en est loin. La priorité ainsi donnée à l’éducation nous satisfait. Connaissant la difficulté d’arbitrer budgétairement entre différents besoins également légitimes, nous remercions le Gouvernement de faire prévaloir cette nécessité vitale pour une nation qu’est la transmission du savoir.
Sans doute, au sein même de l’Éducation nationale, toutes les actions ne pourront-elles pas être financées autant que de besoin ; les rapporteurs pour avis se chargeront de le préciser.
M. Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l’enseignement supérieur : Tout à fait !
M. le Président de la commission des affaires culturelles : Cependant, et c’est l’essentiel, votre budget permettra globalement de financer la réforme en cours des écoles et des collèges et la mise en œuvre des orientations fixées par les états généraux de l’enseignement supérieur.
Plus précisément, les crédits de l’enseignement supérieur augmentent de 5,5 % ceux de l’enseignement scolaire de 1,5 %. Cette évolution différenciée est à rapporter aux perspectives démographiques. En effet, la baisse des effectifs dans le primaire et le secondaire se poursuivra l’an prochain, puisqu’on s’attend à 50 000 élèves de moins. Cette évolution permettra de redéployer des emplois au bénéfice de l’enseignement supérieur, sans toutefois, on vient de le rappeler, affecter les effectifs d’enseignants présents devant les élèves, qui demeureront constants.
On raille souvent l’inertie des dépenses budgétaires. Or vous nous montrez qu’une volonté politique forte permet de réintroduire de réelles marges de manœuvre. De fait, c’est dans une nouvelle répartition des masses financières du budget de votre ministère que l’on peut trouver les moyens de nos ambitions.
S’agissant de l’enseignement scolaire, votre volonté de gestion maîtrisée vous honore. C’est dans le dépenser mieux plutôt que dans le dépenser plus que réside la solution pour notre pays. Ce qui est vrai dans l’Éducation nationale devrait l’être partout.
Le budget de l‘enseignement scolaire, le plus important de tous, permettra de poursuivre les réformes engagées, en particulier la mise en œuvre du nouveau contrat pour l’école. Disons-le bien aux familles, l’encadrement des élèves na sera pas affecté pour la légère adaptation des emplois, bien au contraire, et le ralentissement de la progression des crédits ne portera nullement atteinte à la qualité de l’enseignement.
Sur l’enseignement supérieur, pour lequel vous connaissez mon attachement, j’attends de vous quelques précisions relatives à la mise en œuvre des mesures annoncées aux états généraux. Quel sera le calendrier d’application de réformes annoncées le 18 juin ? Vous avez installé au début du mois cinq groupes de réflexion. En attendant leurs conclusions, pouvez-vous nous indiquer, parmi la quarantaine de réformes annoncées, celles qui prendront effet rapidement, par exemple l’autonomie des universités, la réforme des aides sociales, la réforme du premier cycle ?
M. Glavany : Bonne question !
M. le Président de la commission des affaires culturelles : Quelle place occupera le Parlement dans la mise en œuvre de la réforme ? Vous n’aimez guère, je le sais, les grands chantiers législatifs et je vous comprends. Néanmoins, il serait inconcevable que le Parlement ne soit pas associé à la réflexion en cours, comme il l’a été en mai et juin derniers. Pouvez-vous nous préciser vos intentions sur ce point ?
Les parlementaires ont beaucoup à dire, et notre point de vue n’est pas moins intéressant que celui des autres partenaires.
Au total, votre budget répond pleinement à nos attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
M. Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l’enseignement scolaire : Selon vos propres termes, Monsieur le ministre, les maîtres mots de la réforme progressive du système éducatif sont expérimentation, dialogue et concertation. Le temps du passage en force est révolu.
Les bonnes conditions dans lesquelles s’est effectuée la dernière rentrée vous donnent raison. Dans un contexte budgétaire particulièrement rigoureux, le budget de l’enseignement scolaire pour 1997 permettra de poursuivre la réforme engagée.
En effet, les crédits de l’enseignement scolaire, qui s’élève à 277 milliards, sont en augmentation de 1,5 %, signe de la volonté du Gouvernement de maintenir à l’enseignement scolaire le caractère de priorité nationale.
Les crédits prévus sont-ils suffisants pour atteindre les objectifs fixés et respecter les engagements pris ? La réponse est oui.
En effet, l’augmentation de 1,5 % soit 4 milliards, conjuguée avec la poursuite de la baisse démographique, permet d’améliorer les conditions d’accueil et de l’encadrement des élèves.
Dans l’enseignement primaire, le nombre de ceux-ci a baissé de près de 200 000 depuis 1990, dont 50 000 pour cette dernière rentrée, et une diminution de 60 000 élèves est encore attendue pour la rentrée 1997. Grâce à cette évolution favorable, l’objectif de ramener l’effectif moyen à 25 par classe dans les zones d’éducation prioritaire pourra être atteint.
Cette diminution rend également possible une réduction de 5 200 du nombre des postes, mais vous avez pris l’engagement qu’elle n’affecterait pas le personnel présent devant les élèves.
D’autre part, maintenir le moratoire en zone rurale est une décision très satisfaisante car l’école concourt à l’aménagement du territoire. Vous témoignez, en outre ainsi, d’une volonté d’offrir les mêmes chances à tous les Français. Le fait qu’aucune classe unique n’ait été fermée contre la volonté des maires a favorisé la concertation entre les communes voisines et les regroupements scolaires concertés.
Dans l’enseignement secondaire, le nombre des élèves a diminué de 25 000 en 1996 et devrait encore baisser de 20 000 en 1997. Il y a lieu d’ajuster le recrutement des enseignants à cette situation en gérant au mieux les besoins en emplois. Évitons de faire naître de faux espoirs parmi les candidats inscrits sur les listes complémentaires d’admission aux concours de recrutement des enseignants. Cette année, nombre d’entre eux ont heureusement pu être intégrés mais peut-être faudrait-il éviter, à l’avenir, qu’il y ait un trop grand écart entre le nombre de candidats et celui des postes offerts. Cela dit, il serait sans doute difficile d’imposer un numerus clausus à l’entrée.
D’autre part, l’intensification du recrutement des professeurs titulaires rend moins nécessaire le recours aux maîtres auxiliaires, auxquels des facilités sont accordées pour préparer les concours – 44 000 d’entre eux ont ainsi été intégrés en 1995. L’effectif des suppléants et maîtres auxiliaires a été ramené à 32 000 en 1996, soit une diminution d’environ 18 % depuis 1993.
Enfin, toujours à propos des enseignants, la revalorisation des carrières est capitale. Les plans et protocoles prévus à cet égard ont été appliqués, y compris aux maîtres de l’enseignement privé, conformément à la loi Guermeur. Il en sera de même pour les fonctions de directeur d’école dès la rentrée 1997.
Pour ce qui est de l’aide aux familles, les mesures existantes ne sont pas toujours suffisantes : les bourses nationales d’études de lycée, qui atteignaient 3 milliards en 1996, progresseront de 26 millions en 1997 ; le fonds social collégien augmentera de 30 millions pour atteindre 180 millions ; l’allocation de rentrée scolaire est versée à 3 millions de familles et à 7 million d’élèves ; enfin, l’aide à la scolarité est attribuée par les caisses d’allocations familiales en une seule fois à la rentrée. Peut-être conviendrait-il de revoir ce dernier dispositif dans la mesure où certaines familles dépensent tout l’argent dès le début de l’année et ne disposent plus ensuite des sommes nécessaires pour régler la cantine. Les crédits du fonds social collégien ne sont pas suffisants pour résoudre tous les problèmes.
A cette liste s’ajoutent 7,5 milliards d’aides indirectes, telles que les prêts de livres et les transports scolaires.
Votre politique, Monsieur le ministre, telle qu’elle ressort de ce projet de budget, consiste à poursuivre l’application du nouveau contrat pour l’école. Selon le rapport d’étape, ses objectifs ont été presque totalement atteints en 1995 et 1996 et on peut espérer qu’il en sera de même en 1997.
Dans l’enseignement du premier degré, la priorité est accordée cette année à l’apprentissage de la langue : la lecture et l’écriture sont, en effet, essentielles pour éviter l’échec scolaire et poursuivre une formation quelle qu’elle soit. L’observatoire national de la lecture doit jouer pleinement son rôle. Quant au plan de développement des bibliothèques scolaires et des centres documentaires, il a été mené à son terme en 1996.
L’incitation aux langues étrangères est nécessaire dès le plus jeune âge, ne serait-ce que pour intégrer la dimension européenne dans l’éducation. L’expérience menée en ce domaine s’est révélée très positive selon les premières évaluations : elle devrait être étendues en CE1 et en CE2.
Dans les collèges, la rentrée 1996 a été marquée par l’entrée en vigueur du système des trois cycles – observation et adaptation en sixième, approfondissement en cinquième et quatrième, orientation en troisième -, entrée en vigueur qui doit être progressive. Signalons la mise en place des enseignements adaptés grâce à la rénovation des sections d’enseignement général et professionnel adaptés – SEGPA.
Dans les lycées d’enseignement général et technologique, notons la revalorisation par la voie technologique et la création de nouveaux enseignements optionnels. Notons aussi que les enseignements professionnels sont aménagés pour faciliter le cursus du CAP jusqu’au diplôme d’ingénieur.
J’insiste sur l’importance de l’orientation, nécessaire dès les classes de cinquième et quatrième avec un temps privilégié en troisième. Souvent, l’échec au moment de l’entrée dans la vie active est lié à une mauvaise orientation au départ.
Il importe aussi de développer les structures d’accueil pour les enfants en difficulté, notamment pour les handicapés comme les autistes et de renforcer le personnel médico-social.
L’expérience d’aménagement des rythmes scolaires doit être poursuivie, étant entendu qu’il ne fait pas généraliser trop rapidement faute d’infrastructures suffisantes. N’oublions pas que ce sont les collectivités qui financent celle-ci !
J’insiste aussi sur l’importance des enseignements artistiques. C’est dès leur plus jeune âge qu’il faut développer la sensibilité des enfants et les ouvrir au monde extérieur. Or, très souvent, cette formation doit être assurée par les collectivités locales, au prix de sacrifices financiers importants, dans les écoles de musique et de danse ou dans les ateliers d’arts plastiques. L’école doit contribuer à l’épanouissement de toute la personnalité. Le temps n’est plus où l’on opposait tête bien faite et tête bien pleine, mais rien n’a changé sur le fond.
Je terminerai sur un thème que vous avez privilégié, Monsieur le ministre, dans le programme d’enseignement : la formation du citoyen. L’enfant doit être préparé à vivre en société en connaissant ses droits et devoirs. L’éducation civique est plus que jamais nécessaire.
D’autre part, le Gouvernement est déterminé à agir contre la violence, qui reste heureusement exceptionnelle, en améliorant l’encadrement des élèves et le soutien apporté aux enseignants confrontés à ce problème. Il vaut mieux préparer les jeunes à faire face à certains fléaux, tels que la drogue, le racket, le tabac ou l’alcool. Certes, l’Éducation nationale n’est pas la seule en cause mais, en dehors de la famille, qui n’est souvent pas assez présente, l’école est la mieux à même de remplir ce rôle de formation. Ouverte maintenant sur le monde et la société, elle peut faire appel à des personnalités extérieures. Ainsi, lorsqu’un enseignant nous invite, nous sommes surpris de constater l’intérêt des enfants pour la fonction de député ou l’élaboration de la loi. On peut aussi faire venir des représentants, du monde juridique, du monde du travail ou de la santé. C’est une façon peu coûteuse d’aider les enseignants qui, malgré leurs compétences, ne peuvent plus tout savoir.
Préparer les jeunes à bien s’insérer dans la société est une des missions fondamentales de l’école. Peut-être faut-il des moyens plus grands, notamment pour la médecine scolaire et l’accompagnement social des enfants.
Après avoir adopté des observations sur quelques points de détail, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l’adoption des crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
M. le Président : Nous vous remercions de cette présentation passionnée.
M. Jacquemin, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’enseignement supérieur : La conviction de M. Perrut est toujours réconfortante.
La crise universitaire de l’automne 1995 a été conclue dans un premier temps par l’adoption de mesures d’urgence dont le bien-fondé n’est pas contestable. Les crédits de fonctionnement et les dotations pour créations de postes d’IATOS prévus initialement étaient sans contredit insuffisants ; nous l’avions souligné.
Pour dénouer la crise, l’élément le plus novateur a été le lancement d’une réflexion en concertation avec la communauté universitaire sur les insuffisances du système et les réformes nécessaires. Chacun a alors pu prendre conscience qu’il ne suffisait pas de dépenser plus mais qu’il fallait dépenser mieux et autrement. Les états généraux de l’Université – je vous remercie, Monsieur le ministre, de nous avoir associés à leur préparation – ont débouché sur un programme de réformes solide universitaire, la modernisation de la gestion des universités. Ce projet de budget honore les engagements pris dans le cadre du plan de rattrapage et finance certaines mesures adoptées aux états généraux, par exemple le tutorat.
Pour continuer à participer à la réflexion sur l’efficacité de la dépense publique, je m’appuierai, sans complaisance ni sévérité excessive, sur les travaux de l’inspection générale de l’Éducation nationale. En tout cas, il est réconfortant de constater que la communauté universitaire dans son ensemble reconnaît qu’il est légitime de s’interroger sur la productivité de l’investissement public.
Le budget de l’enseignement supérieur apparaît clairement comme la priorité du Gouvernement. A 47 milliards, il en augmentera de 5,5 %, soit la plus forte de tous les budgets. Les dépenses ordinaires progressent de 4,5 % et les dépenses en capital de 13,7 % en crédits de paiement. Cet effort est d’autant plus significatif que pour la première fois cette année, les effectifs des premiers cycles baisseront de 1,4 % même si l’effectif global progresse encore… Les engagements sont donc tenus. La dotation de fonctionnement aux universités progresse de 5,3 % soit 223 millions. Ils s’ajoutent aux 453 millions supplémentaires votés dans la loi de finances initiale pour 1996. Le plan de rattrapage est donc financé.
1 488 postes d’enseignants sont créés, soit 206 de professeurs, 654 de maîtres de conférence et 588 de professeurs agrégés ou certifiés. Sont aussi inscrits 1 000 emplois supplémentaires d’IATOS. Rappelons que, dans le cadre du plan d’urgence, 2 000 emplois d’enseignants et 2 000 emplois d’IATOS avaient déjà été créés si bien que le taux d’encadrement passera de 22,8 à la rentrée 1995 à 21,5 à la rentrée 1997.
Grâce à une augmentation de 1,7 % en crédits de paiement, on pourra financer les engagements de la construction pris dans le cadre des contrats de plan et accélérer la réalisation de la mise aux normes de sécurité. Le plan élaboré à cette fin et doté de 2 milliards d’autorisations de programme et de 500 millions en crédits de paiement au 30 décembre 1995 est abondé de 500 millions de crédits de paiement dans le budget 1997.
On estime à 5 milliards le montant des travaux à réaliser. Les réserves des établissements sont mobilisées pour 911 millions comme nous le demandions. En ce qui concerne l’amiante, un effort exceptionnel est entrepris, notamment à Jussieu. Cette opération coûteuse s’achèvera en 1999.
Le plan de réduction des inégalités de traitement engagé dans la concertation avec les universités répond à un souci d’équité. Mais la démarche n’est possible que parce que l’on a fixé des règles du jeu plus rigoureuses.
Suite à ce qu’on décidé les états généraux, 100 millions sont consacrés au tutorat en premier cycle.
Pour l’action sociale, 1997 sera une année importante. Il faudra réfléchir à la mise en place de l’allocation sociale d’étude, en se souvenant qu’aujourd’hui nous consacrons plus de 23 milliards à l’action sociale étudiante.
Au-delà des chiffres, je souhaite revenir sur quelques enjeux essentiels comme l’orientation, l’utilisation plus rationnelle des locaux et un contrôle resserré de la gestion.
Le refus de la sélection oblige à réussir l’orientation. Au moment où il choisit une filière, chaque étudiant tient-il compte des débouchés professionnels ? A chaque rentrée, on constate des effets de mode. C’est le cas pour la filière sciences et techniques des activités sportives. De 2 960 en 1992, les effectifs sont passés à 6 995 en 1995 et on prévoit 11 000 étudiants cette année. Pourtant 830 places seulement sont mises au concours pour l’EPS.
Il faut donc mieux informer les lycéens : les journées portes ouvertes des universités y concourent. 600 000 fiches d’orientation portant sur le contenu des filières et les taux de réussite en fonction des séries du bac ont été distribuées dans les lycées en 1995 et 1996. On envisage de réserver une plage horaire spécifique pour cette information dès la seconde.
Ces efforts suffiront-ils à faire naître des comportements plus rationnels et à diminuer le taux d’échec en premier cycle ? Ce n’est pas certain, et les incertitudes qui pèsent sur l’avenir des carrières jouent aussi leur rôle.
L’organisation de l’année en semestres donnera plus de cohérence à la politique d’orientation. Elle permettra aussi d’utiliser plus rationnellement les locaux. A l’heure actuelle, les universités n’ont pas toujours une connaissance détaillée de leur patrimoine immobilier : un travail d’inventaire s’impose de façon urgente, car cette connaissance est une condition de bonne gestion.
Pour l’instant, les locaux universitaires font trop souvent l’objet d’une utilisation irrationnelle et irrégulière dans le temps, comme le souligne un rapport de l’IGAEN de juillet 1996. Ce défaut ressortit à un mal plus général : l’insuffisance capacité de pilotage des services centraux des universités et les résistances de la communauté universitaire sur deux semestres conduira à mieux utiliser les locaux, ce qui passera nécessairement par une réforme du système des examens universitaires. Je souhaite donc que la « semestrialisation » fonctionne dans les plus brefs délais comme c’est déjà le cas dans de nombreuses universités de l’Union européenne.
S’agissant des personnels, ce projet pour 1997 traduit un réel effort budgétaire. J’en profite pour dire qu’un contrôle resserré de l’exécution des obligations de service des enseignants-chercheurs est nécessaire. Un rapport de l’IGAEN montre, en effet, que le système des heures complémentaires est en roue libre. Certes, les heures d’enseignement ne représentent qu’une partie des obligations de service des enseignants-chercheurs, qui s’impliquent aussi dans l’orientation des étudiants, l’administration de leur établissement, la recherche, la participation à des jurys pédagogiques… Mais l’IGAEN constate que l’on trouve rarement un dispositif cohérent de pilotage et de contrôle au niveau de la direction et que les heures complémentaires constituent parfois un domaine réservé dans lequel le personnel administratif est simplement chargé de mettre en paiement, sans aucun contrôle sur la réalité du service effectué. Il conviendrait donc de rappeler chacun à ses responsabilités, étant entendu que le président de l’université est le responsable et le garant de l’exécution des obligations statutaires, que le directeur de l’unité de formation et de recherche doit lui aussi jouer son rôle et qu’il revient au ministère de donner essor à une politique de contrôle rigoureuse.
En 1996, Monsieur le ministre, vous avez tracé les grandes lignes de vos réformes. La commission des finances s’attachera en 1997 à en suivre les incidences financières et, pour l’heure, a émis un avis favorable à l’adoption de ce bon budget. (Applaudissement sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
M. Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l’enseignement supérieur : Qui ne serait satisfait de constater que les crédits pour l’enseignement supérieur progressent de 5,5 % ? Cette progression est nettement supérieure à celle du budget de l’État, limitée à 0,8 %, et même à celle de l’ensemble des crédits du ministère de l’éducation nationale, qui atteindra 1,5 %. Je vous félicite, Monsieur le ministre, d’avoir si bien défendu l’enseignement supérieur dans un contexte budgétaire tendu.
Les 2 700 emplois nouveaux – 1 500 d’enseignants et de 1 200 de non-enseignants, dont 200 pour les bibliothèques – que ce projet de budget financera renforceront l’encadrement des étudiants, amélioré aussi par la décélération de effectifs et par la mise en place du tutorat. La rémunération de tuteurs a été prévue à hauteur de 100 millions de francs. Rappelons que si tous les étudiants de première année de premier cycle souhaitent ce type d’encadrement, 116 000 tuteurs seront nécessaires.
L’amélioration globale de la situation ne doit pas occulter le fait que certaines filières – la filière sportive, par exemple – attirent plus d’étudiants qu’elles ne peuvent en accueillir. Il faut donc encore améliorer l’orientation.
La dotation globale de fonctionnement des établissements augmente de 115 millions. Dès 1996, tous ont bénéficié d’une dotation réelle au moins égale à 80 % de leur dotation théorique. Cet effort sans précédent sera poursuivi de manière qu’en 1999, tous les établissements bénéficient d’une dotation réelle égale à leur dotation théorique.
D’autre part, les crédits destinés aux bourses augmentent de 3,6 % et les taux des différents échelons sont réévalués de 2 % en moyenne. La subvention de fonctionnement aux œuvres universitaires s’élève à 15 millions de francs – plus 1,45 % - et celle attribuée aux services de médecine préventive est majorée de 5,1 %. Je note aussi que l’effort d’investissement immobilier est maintenu, que les moyens de la recherche s’accroissent. Au total, ce projet de budget s’inscrit dans une politique universitaire ambitieuse.
Les réformes proposées à l’issue des états généraux engagent à long terme l’avenir de l’Université sur des sujets aussi essentiels que le statut de l’étudiant, la nouvelle architecture des premiers cycles, l’insertion professionnelle, la mise en place d’une véritable filière technologique, l’autonomie des universités et la modernisation de leur gestion. J’adhère pour l’essentiel à la philosophie des mesures annoncées, mais des compléments me paraissent parfois nécessaires.
En premier lieu, il faut centrer la réforme de l’Université sur l’insertion professionnelle des étudiants. A cette fin, les modules de professionnalisation devraient être définis de façon plus précise.
Je souhaiterais aussi que l’on réoriente vers le concret quelques enseignements parfois trop théoriques, que l’on prévoie à toutes les étapes du cursus universitaire des modules de préparation aux concours de la fonction publique et que l’on étudie la possibilité de valider séparément des modules de professionnalisation, de façon qu’en cas d’échec au diplôme général, l’étudiant dispose tout de même d’une reconnaissance minimale de ses compétences.
Il convient par ailleurs de conforter l’entreprise comme partenaire de l’enseignement supérieur et d’ouvrir plus grand l’Université à la formation en alternance, qui a depuis longtemps prouvé ses mérites. Les établissements devraient être incités à délivrer des diplômes de niveau Bac+3 ou Bac+4 à l’issue d’une formation de ce type.
Je crois, d’autre part, qu’une approche plus volontariste du statut de l’étudiant est souhaitable. Or une étude qualitative du système actuel de bourses montre la dégressivité très rapide de l’échelle de celle-ci, ce qui pénalise gravement les familles aux revenus moyens. Il conviendrait d’aider mieux les quelques 60 % d’étudiants dont les parents disposent d’un revenu compris entre 60 et 240 000 F et qui sont les grands perdants du système actuel. Il faut également veiller à ce que notre système d’aide aux étudiants offre à tous la possibilité de choisir librement leur cursus pédagogique et permettre à ceux qui sont suffisamment avancés dans ce cursus d’être tout à fait autonomes vis-à-vis de leur famille. Dans un contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons, il est nécessaire de revenir sur un certain nombre d’avantages acquis et de réintroduire plus d’équité dans l’octroi des aides.
Le rôle central de l’Université dans la continuité des formations devrait être plus affirmé. Elle assume des fonctions de service public qui lui imposent de devenir ou de redevenir un outil de mobilité sociale, un recours en matière de formation, une référence pour les citoyens engagés dans une remise à niveau de leurs compétences. En l’Université, chacun doit trouver l‘instrument d’une deuxième chance. Pour ce faire, il convient à la fois d’assouplir les possibilités de fractionnement des formations initiales et de mettre en valeur le rôle de l’université dans la formation continue des adultes. Il faut que l’Université reconnaisse mieux l’expérience professionnelle et qu’elle tienne compte de l’expérience concrète, des compétences réelles de chaque candidat. C’est l’objet de la politique actuelle de validation des acquis professionnels. Il faut tenir compte de ces acquis tant pour l’obtention des diplômes que pour les modalités d’inscription.
Il faut aussi que l’Université s’ouvre davantage à la pluridisciplinarité. Les étudiants obtiendraient ainsi des diplômes plus personnalisés. A la diversité des emplois correspondrait celles des enseignements, les professeurs, l’administration, les représentants du monde économique veillant à ce que cette diversification soit compatible avec la professionnalisation des filières. Cette réforme me paraît indissociable d’une réduction du nombre excessif des examens qui transforment un parcours universitaire en une course d’obstacles. Je me réjouis enfin que soient installés les groupes de réflexion sur la mise en œuvre des grands axes de la réforme. Leurs conclusions sont très attendues ; il leur faudra donc travailler vite et bien.
Au total, ce budget ne décevra que ceux qui confondent le souhaitable et le possible. Sur ma proposition, la commission des affaires culturelles lui a donné un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RPR et du groupe UDF)
M. Rodet, rapporteur spécial de la commission de finances pour la recherche : Depuis 1994, l’effort de recherche diminue : ainsi la dépense intérieure de recherche développement a chuté de 2,45 % du PIB à 2,35 % en 1996 alors que, de 1981 à 1992, elle avait augmenté en moyenne deux fois plus vite que le PIB.
M. Bayrou, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche : Le secrétaire d’État à la recherche et moi-même considérons que la dépense intérieure recherche-développement ne permet pas de bien mesurer l’effort global de recherche de la nation dans la mesure où il n’y est pas tenu compte d’un des postes principaux : l’activité de recherche des 40 000 enseignants-chercheurs.
M. Glavany : Cela ne changerait rien !
M. le Ministre : L’augmentation très importante de leur nombre devrait vous amener, Monsieur Rodet, à revoir votre appréciation.
M. Rodet, rapporteur spécial : J’allais y venir. En tout cas, les comparaisons internationales nous éclairent. Au sein de l’OCDE, les États-Unis et le Japon consacrent 2,70 % de leur PIB à la recherche. Ils comptent respectivement 1 million et 550 000 chercheurs et l’Allemagne 230 000 alors que la France avec les enseignants-chercheurs dont vous venez de parler n’en a pas plus de 190 000. Les États-Unis assurent à eux seuls 43,5 % de l’effort de recherche de l’OCDE, le Japon 18 %, l’Allemagne 10 %, la France 6,8 %. Où en est-on de l’objectif de rattrapage des trois premiers fixés en 1994 ?
Globalement, le budget civil de la recherche-développement stagne ou même enregistre un léger recul. Les crédits destinés à l’exploration de l’espace, à la protection et à l’amélioration de la santé, à l’énergie demeurent les plus importants. Ceux consacrés aux industries de communication diminuent, mais moins que ceux de l’aéronautique et des industries de transformation.
Si les crédits de la recherche universitaire augmentent, c’est principalement grâce à des reports de crédits. Je me réjouis que le décalage entre autorisations de programme et crédits de paiement soit en voie de résorption. La Cour des comptes l’avait dénoncé en 1995, notamment parce qu’il mettait le CNRS en difficulté.
Je déplore en revanche la réduction de 600 à 100 millions des crédits du CEA qui devra faire appel à un compte d’affectation spéciale alimenté par les recettes de privatisation, alors même qu’il bénéficiera d’un report de 200 millions de crédits de la défense au titre de la recherche duale.
Pour les emplois, 600 postes d’ingénieurs, techniciens et administratifs seront supprimés. Si les chercheurs sont moins touchés, je regrette l’insuffisance des revalorisations indiciaires qui pourraient inciter à la mobilité vers l’enseignement supérieur, dont les besoins sont importants.
La section recherche du budget de l’éducation nationale progresse légèrement, de 0,16 %, pour atteindre 28,905 milliards.
Les crédits affectés aux personnels des organismes de recherche progressent de 2 %. Si les effectifs décroissent régulièrement depuis quelques années, la Cour de comptes relève que les détachements en provenance des établissements publics à caractère scientifique et technologique sont nombreux.
Même faible, la diminution des crédits destinés à l’information, à la consultation et des crédits d’études n’incite guère à l’optimisme.
En matière d’aide à la formation et à la recherche, le nombre des allocations versées aux titulaires d’un DEA qui préparent un doctorat augmente cette année ; mais on peut craindre une diminution dans les années à venir, d’autant que ces diplômes ont ensuite bien du mal à s’insérer dans la vie professionnelle.
Les crédits incitatifs pour les centres régionaux d’innovation et de transfert de technologie représentent 43,5 % millions ? On peut à ce propos s’étonner qu’on n’en ait pas encore évalué l’efficacité.
J’en viens aux organismes de recherche et en premier lieu aux EPST. Le CNRS : on y supprime cette année 100 postes de chercheurs, au détriment du potentiel de recherche, ainsi que 413 postes d’ITA sur un total de 14 879. Le problème de la mobilité et de la promotion se pose à nouveau. Certaines mesures récentes vont dans le bon sens : les chercheurs affectés dans les entreprises peuvent désormais toucher un salaire représentant 150 % de leur salaire de base, au lieu de 130 ; en outre, le ministère semble décidé à soutenir certains groupes industriels, dans le cadre de grands programmes technologiques, à condition qu’ils accueillent des chercheurs en provenance d’organismes publics.
L’évolution des dépenses en capital est préoccupante : les AP baissent de 3 % et les CP de 4 %. L’INRA semble à peu près préservé, mais non le CNRS et l’INSERM.
La Cour des comptes a insisté dans son rapport sur le décalage entre AP et CP, qui avait entraîné la crise du financement du CNRS en 1995. Mais d’autres établissements sont concernés, notamment l’INSERM et l’ORSTOM.
En ce qui concerne les EPIC, le CEA va devoir compenser la réduction très importante des dotations par le recours au fonds d’affectation spéciale. Cette débudgétisation obligera CEA Industrie à céder des activités qui pourraient être profitables.
L’ADEME va également se trouver en butte à des problèmes de financement. Certes l’insuffisance des crédits peut être compensée par les interventions d’autres laboratoires ou des taxes parafiscales. Il conviendrait cependant d’assurer à l’ADEME des ressources plus régulières.
En conclusion, s’il convient de mieux coordonner les efforts de la communauté scientifique, il faut veiller à ne pas entraver sa liberté d’initiative, meilleur garant de son efficacité. En outre, la recherche fondamentale ne devait pas être sacrifiée à la recherche appliquée, car les deux sont liées.
Je terminerai sur deux questions d’actualité.
Au moment où on parle de Thomson, rappelons l’effort important que ce groupe français a fait pour la recherche, en collaboration étroite avec les laboratoires universitaires.
Par ailleurs, je voudrais vous remercier, Monsieur le ministre délégué, de la mise au point publiée dans le bulletin de votre département suite à une déclaration polémique et intempestive de M. Dominique Machet de la Martinière, ancien directeur général des impôts, qui avait mis en cause la fiabilité du CNRS. Si cet organisme a connu des problèmes de financement, il n’en reste pas moins un instrument original et puissant, qui porte une grande partie des espérances de la recherche française. Compte tenu de la qualité des résultats qu’il a obtenus, ce serait une grave erreur de le démanteler, même si des réformes de structures s’imposent. Peut-être pourrait-on rappeler à M. de la Martinière ce vieux proverbe péruvien : « Les frelons ne sucent pas le sang des aigles mais pillent la ruche des abeilles ».
Sous réserve de ces observations, la commission des finances a adopté ces crédits.
M. Bariani remplace M. Bouvard au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE DE M. Didier BARIANI, vice-président.
M. Foucher, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la recherche : Le budget de la recherche est un excellent indicateur de la manière dont un pays envisage son avenir. Il reste, cette année, à un niveau acceptable : si le BCRD, avec 52,3 milliards, enregistre une baisse de 1,4 % dans un contexte général de rigueur, le budget propre du ministère, qui en représente 60 %, est en légère hausse. Ces 28,9 milliards permettront de poursuivre le rattrapage commencé en 1993 et la Cour des comptes s’est récemment félicitée.
En tant que rapporteur, je tiens à souligner la sincérité avec laquelle le budget est présenté, cette année comme l’an dernier. Une clarification était nécessaire, car à bon quoi annoncer des autorisations de programme qui, en raison des difficultés budgétaires, seraient suivies de gels de crédits en cours d’année ? Cette méthode a été trop employée par le passé et la recherche française en subit maintenant les conséquences. Cette sincérité doit être désormais complétée par une gestion saine et rigoureuse afin de ne pas compromettre les programmes en cours.
La baisse des crédits du BCRD s’explique par trois facteurs principaux : le recentrage des actions de recherche industrielle, le report de crédits de l’ANVAR et la diminution conjoncturelle du budget de l’aéronautique civile. Cette baisse n’affecte pas le soutien à l’innovation dans les secteurs concernés puisque la recherche fondamentale bénéficie de 19,1 milliards dévolus en priorité à la biologie, la recherche clinique, les sciences physiques et les sciences de l’environnement.
La Défense nationale de recherche et de développement – DNRD – est estimée, elle, à 180 milliards, dont 90,6 milliards provenant de l’initiative privé. L’effort accru du secteur privé doit être soutenu par de procédés simples, mais efficaces : financement croisés, incitations fiscales, mesures pour accroître la mobilité des chercheurs.
Les priorités de la recherche en 1997 sont clairement établies. La réunion du comité interministériel de la recherche scientifique et technique – CIR -, la première depuis 1982, a été une étape essentielle. Le comité a conclu à la nécessité d’un effort soutenu en faveur de la recherche fondamentale dans les domaines créateurs d’emplois et de richesses tels les industries agroalimentaires, les transports terrestres et aéronautiques, les industries électroniques, les technologies de l’information, entre la chimie de formulation. D’autre part, la France doit consolider son potentiel dans plusieurs secteurs : recherche médicale, environnement et cadre de vie, enfin recherches technologiques de base et innovation pour les entreprises. Il est nécessaire de mieux orienter l’effort vers des applications utiles aux industries, comme le fait le programme REACTIF.
Dans le domaine médical, les choses ont profondément évolué au cours de ces dernières années : la recherche sur le sida réunit de nombreux partenaires publics et parapublics – l’ANRS, l’institut Pasteur, l’INSERM et le CNRS. La maladie touchant 6 000 nouvelles personnes chaque année, cette recherche doit être prioritaire !
Le secteur de l’environnement est porteur d’une demande sociale croissante. Le programme prévu fait appel à un financement mixte et permettra de créer des emplois dans un domaine représentant un marché de plus de 400 milliards de francs d’ici à l’an 2000.
Le financement public pour la recherche industrielle s’établit à 2,514 milliards pour les AP et 2,756 milliards pour les CP.
Pour le FRT, l’effort de redressement est très net. Rappelons que jusqu’en 1995 les autorisations de programme dépassaient nettement les crédits de paiement. La tendance est maintenant inversée. L’aide sur projet constitue le cadre commun des subventions allouées aux entreprises qui mènent ces programmes de recherche. Cependant la réduction des crédits oblige à un recentrage des interventions du fonds, qui devient exclusivement un instrument d’incitation au développement de la recherche industrielle et du transfert de technologie.
La diversification des moyens incitatifs est nécessaire dans un contexte de partenariat entre État, organismes et entreprises. Au mécanisme traditionnel du crédit impôt-recherche, s’ajoute la création des fonds communs de placement dans l’innovation – FCPI -, qui permettra vraisemblablement d’injecter 400 millions de francs d‘argent privé dans la recherche. Il faut s’en réjouir. Autres mécanismes utiles, les CORTECHS, gérées de manière décentralisée, et les conventions CIFRE passées entre un jeune diplômé et une entreprise, formule très créatrice d’emplois -73 % des CIFRE terminées en 1995 ont débouché sur l’insertion professionnelle.
De plus en plus associés à l’élaboration et au suivi des programmes, les grands organismes entrent en partenariat avec les entreprises et les universités. Le CNRS reçoit cette année plus de 13 milliards 452 millions pour soutenir 1 325 unités propres réparties sur l’ensemble du territoire, 76 unités propres de l’enseignement supérieur associé – UPRESA -, 38 équipes en réaffectation et 312 structures fédératives ou groupements de recherche. En 1995, 1 400 contrats ont été signés avec 450 entreprises, et la concertation avec de nombreuses universités se développe.
L’INSERM, doté de 2 milliards 467 millions, pourra développer de nouveaux programmes en accord avec les priorités ministérielles, notamment la recherche contre le cancer.
En ce qui concerne l’ORSTOM, le CNES et l’INRA, notre commission souhaite que la régulation budgétaire ne remette pas en cause l’achèvement des grands programmes.
Enfin, elle souhaite revenir sur le problème récurrent de la mobilité des chercheurs. Le renouvellement des générations implique un flux de recrutement régulier. Le budget permettra de préserver un taux de 2,5 %, ce qui est tout juste suffisant, voire faible hors le CNRS et l’INRA. Le vieillissement révélé par la pyramide des âges devient préoccupant. La mobilité, encore insuffisante, doit être encouragée. Des mesures d’incitation, comme les redevances perçues sur les inventions, la diffusion de l’information scientifique et technique, la participation des chercheurs à la création d’entreprises doivent être mises en place. Je vous félicite, à ce sujet, d’avoir amélioré l’association des chercheurs au produit de leurs découvertes. Il s’impose aussi d’encourager, par des indemnités, au départ volontaire propre à assurer un renouvellement. La mobilité des chercheurs est, en effet, vitale pour maintenir notre recherche à un haut niveau.
Notre commission, tout en insistant particulièrement sur ce point, a émis un avis favorable à l’adoption du budget de la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
M. Grosdidier, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la recherche : Dans la compétition entre les grands États industriels, l’importance qu’accorde un pays à la recherche est déterminante. En y consacrant 2,4 % de son PIB, la France continue de faire partie du peloton de tête, à égalité avec l’Allemagne, juste derrière les États-Unis et le Japon. Les succès que nous remportons dans des domaines de la recherche civile tels que l’aéronautique, l’astronautique ou la biologie, montrent à quel point la recherche est indispensable au développement des pôles d’excellence de notre tissu industriel. C’est pourquoi un État puissant se doit de disposer d’une recherche de haut niveau, aussi bien fondamentale qu’appliquée.
Cet objectif prioritaire se retrouve dans les crédits inscrits pour 1997, bien que la situation budgétaire générale soit difficile en raison d’une dette qui a décuplé en deux septennats. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
S’il est un reproche que l’on peut vous faire, Messieurs les ministres, c’est de ne pas suffisamment insister sur l’héritage qui nous accable : le poids de la dette n’est-il pas passé de 7 800 F à 60 000 F par habitant ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
M. Glavany : C’est un comique !
M. Grosdidier, rapporteur pour avis : En même temps, ce budget contribue à restaurer la signature de l’État, compromise dans ce secteur par des autorisations de programme très supérieures aux crédits de paiement. Enfin, des dispositions nouvelles permettront de mieux valoriser les travaux des laboratoires.
Si les crédits du BRCD diminuent de 1,27 %, les dotations du CNRS augmentent de 1,12 %, celles de l’INRA de 1,1 % et la tendance est la même pour l’INRIA et l’INSERM. Les crédits de la recherche en génie rural progressent même de 10 %. En revanche, les dotations de l’INRETS, de l’INED et de la recherche outre-mer reculent respectivement de 1,6 %, 2,67 % et 1,76 %.
S’agissant des EPIC, même si les crédits consacrés au CEA sont reconduits à 2,13 milliards en moyens d’engagement, il sera encore fait recours au compte s’affectation spéciale des recettes de privation pour financer son effort de recherche civile.
Il est satisfaisant que les dotations aux organismes privilégient le soutien aux laboratoires. Les efforts porteront s’abord sur les frais de structure et d’administration. Les effectifs des ingénieurs, techniciens et personnels administratifs reculeront de 600 postes sur un total de 34 073. En revanche, les emplois de chercheurs seront préservés.
En revanche, les dotations des grands équipements, notamment celle du CERN à Genève, seront réduites. L’engagement de la France dans le projet international LHC risque d’en être affecté, ce qui priverait notre pays de retombées économiques intéressantes, notamment en incitant l’Allemagne à attirer cette installation sur son propre territoire. Pouvez-vous nous apporter des apaisements à ce sujet ?
Compte tenu des départs naturels, les recrutements statutaires de chercheurs dans les organismes ne pourront, à eux seuls, assurer le taux de renouvellement minimum de 3 % des équipes, reconnu pourtant comme indispensable. Or les dispositifs destinés à favoriser la mobilité des chercheurs n’ont pas donné les résultats escomptés.
Dans les EPST, le renouvellement par les retraites demeurera faible, 1,2 % par an jusqu’en 2003. Les mobilités volontaires ne représentent-elles aussi que 1,4 %.
C’est pourquoi seul un plan de développement de la mobilité permettra de préserver un taux suffisamment dynamique de recrutement de chercheurs. Il devra favoriser particulièrement la mobilité vers l’entreprise à laquelle les chercheurs ne songent guère spontanément. Un moyen puissant d’incitation à mieux favoriser le potentiel de recherche est l’intéressement des chercheurs aux redevances perçues sur leurs inventions par les organismes publics. Des dispositions règlementaires devraient prochainement viser à cet objectif : elles viendraient s’ajouter au dispositif du projet de loi de finances tendant à ne taxer qu’au terme de cinq années l’apport en nature sous forme de brevet à la création d’une PME-PMI.
L’essaimage est un bon moyen d’assurer le transfert de la recherche dans l’économie. Aujourd’hui les chercheurs sont à l’origine de la création d’une quarantaine d’entreprise de haute technologie. Que ne s’inspire-t-on des méthodes appliquées dans les bassins industriels de restructuration ? Encore faudrait-il assouplir les conditions dans lesquelles un chercheur est autorisé à quitter son organisme. Enfin, il serait bon qu’en vertu des grands programmes technologiques de partenariat État-entreprises, on encourage les chercheurs à aller vers la recherche au sein de celle-ci.
Pour qu’elle se développe dans les PME, il faut que celle-ci bénéficient de hautes compétences. Sur ce point les procédures de formation mises en place telles que les CIFRE et les CORTECHS, ainsi que les aides versées par l’ANVAR, ont démontré leur efficacité. Il faut se féliciter que le niveau de leur dotation ait été maintenu.
Les nombreuses expériences de coopération entre la recherche publique et les entreprises ont doté la France d’un réel savoir-faire. Mais la faiblesse de fonds de la recherche et de la technologie n’a pas permis de faire de notre recherche publique un véritable atout pour la compétitivité de notre économie. Il faut, là encore, faire mieux. Je souligne à cet égard les efforts du ministère pour améliorer la circulation de l’information et intensifier les relations État-entreprises.
Le crédit d’impôt-recherche a été reconduit jusqu’au 31 décembre 1998. Son principal avantage est d’être une mesure fiscale d’ordre général, qui contribue à promouvoir une recherche compétitive et offrir un environnement stable à l’innovation technologique. Pour l’entreprise, il fonctionne comme un apport en trésorerie ou en fonds propres. Il est donc totalement neutre du point de vue des choix techniques.
C’est une formule largement utilisée par les entreprises moyennes, puisque celles qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions totalisent 70 % des dépenses de recherche tandis qu’elles ne bénéficient que de 52 % du crédit d’impôt total. Toutefois, le dernier exercice clos de 1994 fait apparaître un certain tassement, même si le dispositif se développe dans l’agriculture, l’énergie, l’industrie pharmaceutique, les constructions automobile et navale et l’habillement. Le montant des crédits relatifs aux dépenses exécutées en 1995 est évalué à 2,4 milliards. S’il est clair que le crédit d’impôt-recherche favorise l’embauche de chercheurs et de techniciens, son efficacité pourrait être améliorée par une simplification de son mécanisme de son mécanisme et de ses conditions d’accès, en particulier pour les plus petites entreprises.
En conclusion, ce budget est bon car il privilégie les moyens des laboratoires, poursuit la restauration des financements des autorisations de programme, incite à renforcer la recherche dans les entreprises et stimule dans les PME innovantes.
C’est pourquoi la commission de la production a émis un avis favorable à son adoption.
M. le Président : Si nous voulons entendre la totalité des orateurs inscrits dans la discussion générale qui va commencer, je demande à chacun de respecter son temps de parole.
M. Poignant : C’est au nom du groupe RPR que je m’exprime que ce budget qui regroupe pour la deuxième année consécutive, l’enseignement scolaire, l’enseignement supérieur et la recherche et qui, dans un contexte de rigueur, bénéficie d’une priorité justifiée. L’Éducation nationale est, en effet, au cœur des enjeux de notre société.
Le budget de l’enseignement scolaire et supérieur progresse de plus de 2 % pour atteindre 324,2 milliards, la progression étant de 5,5 % pour le second, ce dont je me félicite compte tenu de l’augmentation du nombre d’étudiants.
La plus grosse masse financière est consacrée à l’enseignement avec 277,2 milliards, soit une augmentation très significative de près de 4 millions par rapport à 1996.
En revanche, la progression de 0,4 % du budget de la recherche, qui s’élève à 31,14 milliards, peu apparaître faible, compte tenu de l’importance de ce secteur pour le rayonnement international de notre pays.
Ce budget vous permettra-t-il d’atteindre vos objectifs prioritaires et de tenir vos engagements ?
Dans l’enseignement primaire, la baisse du nombre d’élèves - 50 000 en 1996, près de 60 000 en 1997 – peut justifier les suppressions d’emplois d’enseignants dans la mesure où celle-ci n’affecteront pas les emplois dans les classes devant les élèves.
D’autre part, dans les ZEP, l’effectif moyens des classes de maternelle sera ramené à 25, conformément à l’objectif du nouveau contrat pour l’école.
A propos de ces zones, j’insiste sur la nécessité de considérer les milieux ruraux autant que les milieux urbains difficiles.
M. Glavany : L’aménagement du territoire implique, en effet, de maintenir les services, au premier rang desquels l’école, dans les petites communes. Je me réjouis donc que le moratoire soit maintenu en milieu rural.
S’agissant de rythmes scolaires, comment envisagez-vous de poursuivre la réforme ? Quelles expériences avez-vous l’intention de mener ?
Pouvez-vous également faire le point sur les décharges de classes pour les directeurs d’écoles ?
Enfin, selon quel rythme et à quelle échéance pensez-vous mener à bien l’intégration des instituteurs dans le corps des professeurs des écoles ?
Dans l’enseignement secondaires, la baisses des effectifs qui a été de 50 000 en 1996 sera de près de 20 000 en 1997. Vous proposez de redéployez les moyens pour satisfaire les besoins des lycées et des classes post-baccalauréat : j’appuie cette proposition, qui s’accompagne d’une préservation des moyens nécessaires pour poursuivre la baisse du nombre d’élèves par classes dans les établissements situés en zones difficiles.
Pour ce qui est de la rénovation pédagogique des collèges et des lycées, j’appelle de mes vœux son accélération. En effet, il faut faire évoluer drastiquement notre système d’éducation, il faut le rapprocher du monde de l’entreprise et du travail, l’adapter aux besoins d’une société en pleine évolution, il faut aussi orienter au mieux nos jeunes, dès que possible.
Je tiens à souligner l’inscription des crédits destinés à renforcer l’encadrement sanitaire et social des élèves ainsi que le fonds social collégien.
Restent quelques points sur lesquels je m’interroge. Pensez-vous, Monsieur le ministre, que le nombre de maîtres auxiliaires se résorbera comme les autres années en fonction du remplacement des titulaires ?
Sans méconnaître l’inadéquation d’un simple calcul mathématique ni les conséquences à long terme d’un recrutement, ne serait-il pas possible de transformer progressivement en emplois une partie des 800 000 heures supplémentaires de second degré ?
M. Glavany : Très bonne question !
M. le ministre : Que ne l’avez-vous fait !
M. Poignant : J’ai bien noté, d’autre part, la mesure budgétaire qui permet, chaque année, d’appliquer la loi Guermeur, c’est-à-dire le principe de parité entre les enseignants du public et ceux du privé.
Enfin, j’ai cru comprendre que, malgré la diminution des crédits de formation continue des personnels enseignants, les accords étaient respectés. Merci de le confirmer, Monsieur le ministre.
J’en viens au budget de l’enseignement supérieur. C’est celui qui augmente le plus en 1997, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement de satisfaire les besoins des universités.
En deux années, ce budget aura progressé de 10 % avec deux objectifs clairs : créer des emplois pour faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants, appliquer les grandes orientations dégagées par les états généraux de l’Université.
Vous prévoyez de créer 2 700 emplois, enseignants et IATOS, et de mettre à disposition 300 agents de l’administration centrale, pour faire suite aux 4 000 postes créés à la rentrée 1996 en application du plan d’urgence.
Vous avez également inscrit des crédits qui devraient notamment permettre de poursuivre le plan de rattrapage en faveur des universités – 250 millions – et le plan de sécurité, de mettre en place le tutorat – 100 millions -, d’augmenter les crédits alloués aux bourses – 225 millions -.
Cela dit, comment comptez-vous développer le tutorat ?
Pensez-vous être en mesure de faire aboutir rapidement un statut de l’étudiant sur lequel j’ai personnellement travaillé avec mon collègue Claude Barate, et que les étudiants attendent ?
Envisagez-vous de multiplier les passerelles entre enseignants et chercheurs ? Ne peut-on développer la relation Université-entreprise, recherche-entreprise, et favoriser la création d’entreprises à partir du monde universitaire ? Avez-vous l’intention de développer une filière technologique souhaité par les états généraux ?
Enfin, pensez-vous pouvoir engager en 1997 la réforme universitaire attendue ?
S’agissant du budget de la recherche, sa relative stagnation vous permettra-t-elle d’atteindre vos objectifs ?
Pour ce qui est des engagements de l’État, il fallait bien commencer par régulariser les dettes dues au décalage croissant de 1988 à 1993, entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. C’est ce que vous faites en abondant les crédits du FRT – fonds de recherche et de la technologie – de 400 millions comme en 1996, pour combler une impasse financière qui s’élevait à 2,2 milliards en 1993 !
C’est ce que vous faites également pour le CNRS, mais qu’en est-il pour le CEA, dont les investissements n’avaient été que partiellement rebudgétisés en 1996 ?
Les engagements financiers pris dans les grands programmes stratégiques en cours semblent respectés. D’autre part, le soutien aux équipes de recherche dans les domaines allant de la recherche médicale à l’environnement, de l’agroalimentaire à la technologie de l’information, progressera.
Je me félicite des créations de postes prévues, notamment au CNRS – 285 chercheurs, 298 ITA mais j’insiste sur la nécessité absolue de rajeunir la pyramide des âges.
En dehors du CNRS, pourrez-vous garantir un recrutement suffisant de chercheurs et d’enseignants-chercheurs. Êtes-vous en mesure de développer les allocations de recherche et les bourses postdoctorales, qui font l’objet d’expériences dans certaines régions ?
La création d’un fonds commun de placement à l’innovation -FCPI – a été très bien accueillie par le groupe RPR.
Enfin, je me réjouis que le comité interministériel de la recherche scientifique et technique ait lancé, le mois dernier, quatre programmes prioritaires pour un total de 9 milliards : application de la chimie aux techniques industrielles futures, biotechnologies appliquées à la santé, aux agro-industries et à l‘environnement, microbiologie orientée sur les maladies infectieuses et le sida et création d’un centre de séquençage du génome.
En conclusion, les réponses aux questions que j’ai posées dans mon introduction ne peuvent être que positives. Les objectifs prioritaires seront atteints, les engagements pris seront respectés. Le groupe RPR votera donc votre budget, en vous apportant tout le soutien que vous pouvez espérer dans un domaine essentiel pour l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
M. Glavany : Comment lire votre budget, Monsieur le ministre ? En égrenant la litanie des chiffres ? En dénonçant ses évolutions négatives ? En relayant dans cet hémicycle les revendications du système éducatif ? En dévoilant les manipulations budgétaires ?
Je me suis posé cette question en toute bonne foi et j’aurais beaucoup hésité si vous n’aviez eu l’obligeance d’y répondre. En effet, au moment où vous nous présentez ce budget, sort en librairie votre livre Le droit au sens, monument littéraire tant attendu : désormais, outre votre politique et vos budgets, nous avons droit au sens, indiqué, octroyé par vous. Soyez-en remercié.
Paraphrasant Camus, je dirai « qu’il s’agit de savoir si la vie – politique en l’occurrence – doit avoir un sens pour être vécue ». Ce sens, le sens de votre politique, quel est-il ?
Serait-ce le sens de l’Histoire ?
Le 21 décembre 1994, lors de la discussion sur la loi de programmation budgétaire, vous disiez : « C’est une première historique que nous sommes en train de vivre puisque, après deux années et des années d’appels sans réponse et de vœux pieux, nous nous trouvons, pour la première fois, devant un texte qui programme l’effort budgétaire de la nation dans le domaine de l’Éducation nationale… Cela, j’en prends le pari, sera pris par mes successeurs… »
Historique, en effet, ce pari, au point que vous vous gardez bien de tenir l’engagement que vous aviez pris d’une loi de programmation pour l’enseignement supérieur.
Historique, une loi qui ne prévoyait que de programmer 5 milliards sur cinq ans, soit à peine 1 % de la dépense éducative du pays…
Historique, une loi qui, dès la première année, prévoyait 685 millions de francs de mesures nouvelles alors que le budget de la même année n’en accordait que 262 millions !
Historique, une loi dont le bilan dressé en cette troisième année montre qu’elle a été appliquée à 2 % pour le public et à 92 % pour le privé, ce qui vous permet de conserver votre titre de ministre de l’enseignement privé ! (Rire sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
Si vous contestez ces chiffres, reprenez le nouveau contrat pour l’école : 92 postes créés dans l’enseignement public secondaire sur 4 449 programmés, c’est bien 2 %, 420 postes créés dans l’enseignement privé secondaire sur 456 programmés, c’est 92,5 %.
Historique aussi votre revirement d’aujourd’hui : vous n’avez jamais dit qu’il s’agissait de créations de postes mais de « programmer l’effort ». On avait programmé les redéploiements !
Historique une loi qui, cette année, est purement et simplement abandonnée. Mais il y a quelque chose d’historique, c’est qu’un tel fiasco sonnait le glas des lois de programmation.
Au fond, je vous remercie d’en avoir montré les limites – à vos dépenses certes. Mieux vaut ceux qui font, concrètement année après année, que ceux qui disent qu’ils feront un jour, et qui ne font jamais !
Première conclusion : votre sens n’est pas le sens de l’Histoire. Au sens de l’effort qui masque les lois de programmation, vous substituez celui du renoncement. Les mesures prises au titre du nouveau contrat pour l’école ont presque toutes été enterrées. L’aide personnelle aux élèves et la sixième de consolidation ont été abandonnées. L’option latin en cinquième et le soutien aux élèves dans les matières où ils ont des difficultés sont irrégulièrement assurés.
Dans le secteur médico-social, la situation est catastrophique…
M. Boulaud : Hélas oui !
M. Glavany : Dans l’enseignement secondaire, il y a un médecin de prévention pour 8 000 élèves.
M. Claude Birraux : C’est faux !
M. Glavany : Ce sont les chiffres du budget : 300 postes d’infirmiers devaient être créés. 30 le sont. De plus, 750 postes destinés aux infirmières ont été transformés en postes de CPE. Comment faire face, avec si peu de moyens, aux besoins croissants ?
Il faut donner du sens à la politique, dites-vous. Et quand on regarde le sens de votre action, on y découvre plutôt l’illusion des sens : « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais ».
Si ce n’est pas le sens de l’Histoire, serait-ce donc le sens de l’avenir qui vous mobilise ?
Depuis quatre ans que vous êtes ministre l’on vous entend, vous et vos collègues, chanter la rengaine de l’héritage des socialistes…
M. Claude Birraux : Il est lourd !
M. Glavany : L’héritage des socialistes, c’était une dette de 2 000 milliards de francs en 1993. Avec Balladur – vous étiez déjà ministre -, elle est passée à 3 000 milliards, avec Juppé elle sera de 4 000 milliards en 1998 ! L’héritage, c’est celui que vous laisserez !
M. Boulaud : Enfin la vérité.
M. Dubernard, rapporteur pour avis : C’est de la provocation !
M. Glavany : De même pour l’éducation, « l’héritage socialiste », c’est une hausse de 40 % entre 1988 du budget, et de 7 % pour la seule année 1993 ; c’est plus de 11 000 emplois créés par an de 1981 à 1993.
D’abord faut-il comprendre qu’il y aurait des postes « derrière » les élèves ? De quoi s’agit-il en fait ? Les remplacements d’enseignants en congé seront plus difficiles, et la formation continue sera drastiquement réduite, c’est d’ailleurs déjà le cas depuis un ou deux ans.
Ensuite, dans le premier degré, il y aura 500 diminutions à la rentrée 1997 après 450 à la rentrée 1996 en raison d’une réduction drastique du recrutement des stagiaires.
Surtout, supprimer des prérecrutements aujourd’hui, c’est supprimer des postes en 1998 et 1999. Mais alors qui sera là, à votre place ? « Après moi le déluge » !
Vous justifiez ces suppressions par la baisse des effectifs. Mais en 1993, dans le dernier budget de l’éducation de la gauche, les effectifs baissaient et postes étaient créés. Volonté politique…
M. Le Ministre : On verra ça tout à l’heure !
M. Glavany : D’ailleurs, M. Balladur et vous-même avez pris l’engagement de mettre à profit la baisse des effectifs pour améliorer l’encadrement. Encore une promesse oubliée… à moins que le Premier ministre ayant changé, vous jugiez que le ministre d’aujourd’hui n’est pas obligé de respecter les paroles du ministre d’hier ?
Enfin, la baisse de effectifs représente en moyenne un enfant par école, un par collège, 0,15 enfant par classe. Cela justifie-t-il 5 000 suppressions de postes ?
M. Boulaud : Absolument pas !
M. Glavany : Enseignement supérieur, vous nous dites : « Les CP augmentent de plus de 6 % ! » Mais vous vous gardez de dire que les AP garantes de l’avenir diminuent de 700 Millions ! Là aussi, c’est « après moi le déluge ».
A preuve l’inquiétante inflexion des crédits à la recherche. La Cour des comptes a dénoncé la gestion de ce dossier depuis 1993. De même, l’évolution non moins inquiétante de la pyramide des âges enseignants-chercheurs obligera dans quelques années à un recrutement considérable. Sur ce point, je rejoins M. Poignant. Voyez que je ne suis pas sectaire ! (Rires sur divers bancs)
Ni sens de l’Histoire, ni sens de l’avenir. Serait-ce alors le sens des réalités qui vous guide, en particulier des réalités sociales ? Mais de plus en plus d’enfants souffrent de malnutrition. Selon une étude du conseil régional d’Ile-de-France, pour 16 000 élèves l’accès à la demi-pension est limité pour des raisons financières. Et c’est le moment que vous choisissez pour réduire l’allocation de rentrée scolaire et supprimer la réduction d’impôt pour frais de scolarité. Quant aux bourses et secours d’études, ils subissent une régulation budgétaire de 117 millions. Vous prenez ainsi le risque d’aggraver la baisse de fréquentation des cantines scolaires déjà amplifiée par le versement en une seule fois de l’aide à la scolarité et vous obligez les collectivités locales à se substituer aux défaillances de l’État.
M. Boulaud : Absolument !
M. Glavany : « Donner un sens » à mon engagement politique, se fixer des objectifs clairs, redonner confiance aux Français, quel beau projet ! Vous l’auriez mis en œuvre avec un sens simple, reconnu par tous, ce « sixième sens » qui vous est si personnel, le sens de votre carrière, celui de votre ambition personnelle et de la règle de base avec laquelle vous conduisez l’une et l’autre : pas de vague, pas de « passage en force » comme vous dites, le consensus à tout prix. Nous sommes un certain nombre, à droite comme à gauche, à penser que ce gente de méthode aboutit à un « sens interdit », c’est-à-dire à l’immobilisme.
Prenons quelques exemples concrets.
Cette année encore, 800 000 heures supplémentaires seront payées par l’Éducation nationale. Même si un certain volant est nécessaire, on pourrait à la place créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois. En commission des affaires culturelles, vous nous dites qu’un tel mouvement se poursuivra. Mais à TF1, vous dites que « le problème central de la société française, c’est que la dépense publique est trop importante ».
La réforme des BTS réunit une large majorité au conseil supérieur de l’éducation. Mais il suffit qu’un syndicat montre son irritation et c’est un retour à la case départ.
De même sur le projet de réforme pédagogique des IUT, un syndicat étudiant grogne et vous lui donnez raison. La coordination des directeurs et présidents d’IUT grogne dans l’autre sens… vous lui donnez raison ! Rassurez-vous, ils ont discuté ensemble et se sont mis d’accord. Mais quel sens pour votre action ?
A propos du scandale des admis sur liste complémentaire, vous parlez d’erreur de communication : c’est le moins que l’on puisse dire quand le message concernant les listes supplémentaires a été complètement inversé sur le minitel à la date du 25 août ! Les listes complémentaires pour le privé, elles, ont été intégrées en priorité. Mais pour les concours du public, il a fallu que les admis fassent la grève de la faim pour obtenir qu’une partie d’entre eux soient intégrés, au moins à hauteur des désistements.
M. Boulaud : Scandaleux !
M. Glanany : Est aussi inscrite au budget la transformation de 2 830 postes de PLP en certifiés, qui entraîne de fait l’asphyxie des enseignants généraux qui faisaient la supériorité de l’enseignement technique sur l’apprentissage. Mais le syndicat principalement concerné grogne, à juste titre, et vous reculez !
Enfin sur les rythmes scolaires, vous laissez avec indifférence ou passivité votre collègue de la jeunesse et des sports gérer ce dossier à l’emporte-pièce, avec pour seul souci de créer des dizaines de milliers d’emplois très précaires. En même temps, il se produit un formidable afflux dans la filière sciences et techniques de l’EPS. Quelle occasion gâchée et quel manque d’ambition.
Ces valses hésitations illustrent le propos d’Ernest Renan sur l’opinion qui « force le Gouvernement à agir dans le sens qu’elle désire » - j’ajoute : dossier par dossier.
Si je reviens à l’enseignement supérieur, je découvre un véritable sens giratoire. Comme le demande un rapporteur, où va-t-on, avec quel calendrier ?
L’héritage socialiste, c’est, de 1990 à 1993, une augmentation des budgets de l’enseignement supérieur de 13,2 % en moyenne.
Les 1 448 emplois d’enseignants créés ne suffiront pas à rattraper les retards accumulés depuis trois ans.
Le taux d’encadrement de étudiants reste insuffisant. Les crédits destinés au monitorat chutent de 20 millions. Les autorisations de programme concernant les crédits d’équipement diminuent de 98 millions.
Tout le monde s’agite, se déplace ; on se réunit, on met en place des commissions qui accouchent de groupes de travail qui font éventuellement des rapports… Cela rappelle le fameux sketch de Raymond Devos où tout le monde tourne derrière une ambulance !
Les bourses augmentent selon le ministère de 225 millions de francs, mais il s’agit comme l’an dernier d’une présentation tronquée puisqu’elle englobe 196 millions au titre de la consolidation de crédits prévus pour 1996. Les œuvres universitaires ne bénéficient quant à elles que d’une augmentation de 15 millions – contre 119 en 1996. Est-ce cela, Monsieur le ministre, votre plan social étudiant ? Est-ce cela que vous proposez aux jeunes ? Je me permets de vous rappeler l’urgence qu’il y a, aujourd’hui, à promouvoir un véritable statut social des jeunes de 16 à 15 ans - et donc un statut de l’étudiant.
Derrière les mots, il y a les faits, Monsieur le ministre. Et ils sont accablants. Voilà la conclusion de ma recherche du sens de votre budget.
Sartre avait dit : « Nous prenons le mot de responsabilité en son sens très banal ». Nous, nous traduisons le mot « sens » en termes, très banals, de responsabilité politique : nous jugeons ce que nous voyons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Ministre : Je ne commenterai pas l’exercice auquel M. Glavany vient de se livrer, alliant comme chaque année la suffisance à l’insuffisance. Je m’en tiendrai à une question : combien le Gouvernement auquel M. Glavany appartenait a-t-il transformé d’heures supplémentaires en emplois ? La réponse est : zéro. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
M. Glavany : Nous avons créé 11 000 : faites le compte !
M. le Ministre : C’est dire le poids qu’il faut accorder à ses propos ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)
M. Rossinot : Le budget de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur doit être examiné avec sérénité. Il peut légitimement susciter des regards envieux de certains ministres…
M. Le Déaut : Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
M. Rossinot : … car il augmente de 2 % alors même que celui de l’État se stabilise en francs constants. C’est dire, en ces temps de rigueur budgétaire, le caractère prioritaire qui lui est reconnu. Le troupe UDF s’en félicite car, l’école et l’Université étant la matrice de la république, il est normal que, comme il serait dit dans d’autres assemblées, les dépenses de ce ministère ne soient « pas négociables ».
Représentant plus de 20 % du budget total de l’État, le budget de l’éducation reste donc la priorité des priorités. (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste)
Mais, Monsieur le ministre, il reste quelques parents pauvres. L’an dernier, nous avions évoqué le triste état des bibliothèques universitaires. Le budget pour 1997 leur affecte 35 millions de plus et surtout 200 emplois supplémentaires, signe d’une volonté de redonner à l’Université française des bibliothèques à la fois modernes et dignes de notre tradition intellectuelle. Cette année, j’attire votre attention sur l’enseignement des langues vivantes à l’école, domaine où la France est le mauvais élève de l’Europe. Il est pourtant clair que l’utilisation d’une autre langue ne saurait être l’apanage de quelques cadres commerciaux spécialisés dans l’exportation et que de la réussite ou de l’échec de l’enseignement des langues vivantes dépend la place que tiendront en Europe les citoyens français de demain. L’école doit permettre aux jeunes Français de parler au moins une seconde langue afin qu’ils soient, au quotidien, des citoyens européens et non des ressortissants nationaux cloîtrés derrière leurs frontières. Aussi, Monsieur le ministre, je m’étonne que les postes d’assistants en collèges et lycées soient en nette diminution et que le budget oblige encore à envisager les langues par classes trop nombreuses ou disparates – c’est-à-dire composées à la fois d’élèves préparant l’écrit et d’élèves préparant l’oral. Et je regrette que le retard de niveau des élèves soit, en langues vivantes, accepté comme une fatalité. Il faudra bien un jour mettre en œuvre une vraie politique en ce domaine.
J’en viens à une question plus fondamentale : celle de l’égalité des chances. L’Éducation nationale ne doit pas être une machine à produire des diplômés d’un côté, des exclus de la connaissance de l’autre. Aussi, je me réjouis de l’effort budgétaire en faveur de l’égalité des élèves et des étudiants, ainsi que de la poursuite du moratoire sur les fermetures de classes en zone rurale.
On retrouve ce souci d’égalité quand vous accentuez les mesures en faveur des 563 zones d’éducation prioritaire, avec notamment 32 900 postes supplémentaires, quand vous dotez le fonds social collégien de 30 Millions supplémentaires, quand vous améliorez le régime des bourses aux élèves des lycées, quand le montant des exonérations de frais de pension est accru et enfin quand les crédits destinés à l’orientation sont revalorisés.
Je voudrais à présent considérer ce budget à la lumière d’un autre principe républicain : la fraternité, étant entendu que l’Éducation nationale ne peut se contenter d’être une simple prestatrice d’un service d’enseignement, mais doit apprendre à chacun à vivre en société. La violence à l’école – qui n’est pas de celle de l’école mais bien celle de notre monde – s’oppose à cet idéal de fraternité. Aussi doit-on se féliciter que les 250 emplois prévus par le plan de lutte contre la violence soient consolidés et que de nombreux appelés du contingent soient mis à la disposition des établissements sensibles – il faudra voir comment les remplacer après la réforme du service national.
La création de 300 emplois destinés à renforcer l’encadrement sanitaire et social est une décision heureuse, compte tenu des besoins actuels de certains enfants. L’école doit mener une politique sanitaire courageuse en liaison avec les professionnels de santé.
M. Le Ministre : Tout à fait !
M. Rossinot : La fraternité se retrouve aussi dans le dispositif « écoles ouvertes », consistant à ce que l’école garde ses portes ouvertes durant les vacances.
Vous savez tous combien le groupe UDF est attaché à cette conception ouverte de l’Éducation nationale : l’école de la République est un lieu commun, où se développe l’individu et se forme le citoyen, où s’échangent les savoirs grâce à une neutralité bienveillante. Cette neutralité ne consiste pas en une juxtaposition de convictions parfois contradictoires, voire prosélytes, mais implique l’effacement des engagements partisans et religieux.
Cette neutralité bienveillante est une obligation pour l’État et un droit pour le citoyen, elle n’est autre que la laïcité et vous savez tout comme moi, Monsieur le ministre, que la faire respecter est plus que jamais nécessaire.
C’est fort de tous ces principes que le groupe UDF votera le budget de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)
M. Urbaniak : Après une période de bouillonnement qui a vu se multiplier les débats, les rapports, les prises de position plus ou moins à l’école. Et d’ailleurs, dans cet hémicycle, vous êtes, Monsieur le ministre, moins prié que d’autres de justifier votre action.
Sans doute est-ce lié à la place essentielle que prend le chômage dans les préoccupations des Français, des jeunes en particulier. Sans doute s’interroge-t-on aussi sur l’efficacité des nouvelles mesures, inégalitaires à juste titre, pour réduire dès l’école la fracture sociale.
Si, à la suite de la réflexion nécessaire sur l’évolution des missions de l’école, programmes et instruction sont enfin conçus de manière cohérente, la question des finalités demeure posée : quel citoyen voulons-nous former pour la société de demain, grâce à quelle contribution du système éducatif ?
Vos 155 propositions du 9 mai 1994, devenues depuis les 158 décisions du nouveau contrat pour l’école, avaient fait l’objet d’un certain consensus de professionnels de l’éducation et vous avez essayé de toutes les mettre en œuvre, malgré les contraintes budgétaires, rompant ainsi avec nombre de vos prédécesseurs qui se contentaient souvent d’affirmer leur volonté de réforme. Néanmoins, faute de détermination et de moyens, certaines décisions ne sont pas appliquées de manière satisfaisante. Il convient donc, le rapport d’étape nous le montre, d’analyser comment elles sont vécues dans les classes, par les enseignants comme par les élèves.
Vous souhaitez ainsi, dans le cursus des élèves, améliorer la continuité verticale, pour éviter les ruptures entre les différents niveaux, comme la continuité horizontale qui favorise la coopération entre les enseignants des différentes disciplines et la prise en charge collective des compétences transversales. Mais on en reste trop souvent au stade des incantations et, si personne ne s’y oppose, il y a loin de l’intention à la pratique pédagogique. La mobilisation des enseignants n’est pas en cause mais le levier que constituent les chefs d’établissement et les directeurs d’école n’a pas été utilisé comme il le faudrait. Un vaste plan de formation de l’encadrement serait donc nécessaire.
Par ailleurs, vous avez lancé une réflexion sur la citoyenneté pour préciser sur ce sujet les attentes de la nation. Où en est le groupe de travail prévu par la décision 106 ? Des décisions doivent être prises pour endiguer le développement de la violence et de l’individualisme, et pour combattre l’érosion des valeurs fondamentales de notre démocratie. Mais, l’irresponsabilité et l’abstention n’étaient pas l’apanage des nouvelles générations, il convient selon moi de trouver d’autres moyens que quelques heures supplémentaires d’instruction civique.
Le collège demeure le maillon faible du système. Certes, l’organisation des trois cycles et la 6e de consolidation se mettent certes en place, mais avec quelques difficultés. Les habitudes héritées de l’enseignement trop classique sont tenaces et bien des stratagèmes sont recherchés pour maintenir les filières au détriment de l’application de vos options, les campagnes d’audits de collèges, le confirment. De fortes mesures d’accompagnement s’imposent donc, notamment une contractualisation renforcée des moyens supplémentaires, un effort considérable de formation continue, une meilleure intégration des nouveaux enseignants issus des IUFM.
J’avais été séduit par l’annonce d’une ouverture des lycées aux adultes dans le cadre des actions de formation continue, car elle peut favoriser le brassage des générations. Elle ne pourra toutefois se réaliser avec les moyens constants que prévoit ce budget, car elle suppose une augmentation du nombre de formateurs et le lancement d’expérimentations qui devraient d’ailleurs être mises à profit pour progresser dans le domaine de la validation des autodidactes ou des personnes ayant bénéficié de formations en entreprise.
En ce qui concerne le métier d’enseignant, la formation des personnels et l’évaluation du système éducatif, vous avez raison affiché votre volonté de dépasser les aspects strictement quantitatifs. Pourtant, certains progrès se font encore attendre. Ainsi, les décisions relatives à l’adaptation des enseignants à leur premier poste ne sont guère appliquées. Les enseignants sortant de l’IUFM sont toujours majoritairement nommés sur de postes difficiles qui nécessitent des formations complémentaires. L’attention que vous portez aux premières affectations se heurte aux règles du mouvement des personnels et aux barèmes en vigueur, qu’il conviendrait sans doute de revoir, en accord avec les organisations représentatives, afin que les maîtres expérimentés ne fuient plus les postes difficiles.
En ce qui concerne la formation, si la pérennité des IUFM est acquise, il conviendrait d’en revoir certains modes de fonctionnement qui ne sont guère adaptés aux réalités pédagogiques. J’insiste particulièrement, à ce propos, sur l’importance de l’articulation entre la théorie et la pratique. Si le cahier des charges et le référentiel de compétences évoqués dans le rapport d’étape sont des instruments indispensables pour fixer les orientations de la formation, il conviendrait aussi de dégager plus de crédits pour la recherche et la formation des formateurs.
L’évaluation du système fait actuellement l’objet de toute votre attention. Le travail réalisé par la direction de l’évaluation et la prospective est remarquable, même si l’on peut regretter que son action ne soit pas mieux coordonnée avec celle de l’inspection générale afin d’optimiser les moyens et de mieux mobiliser tous les acteurs pour l’amélioration de la réussite scolaire. Je n’ai hélas pas pu obtenir d’informations sur les deux groupes de travail prévus pour l’évaluation des personnels et des établissements.
Un mot sur la participation des acteurs locaux aux décisions de gestion qui est loin d’être entrée dans les mœurs. Quelle sera l’évolution du fonds de concours ?
La notion « d’enseignement devant élèves » me paraît présenter quelques risques car certains administratifs qui ne connaissent rien à la pédagogie pourraient y voir un prétexte à des redéploiements. Elle peut en outre laisser penser que les enseignants qui n’exercent pas dans une classe attitrée ne sont pas réellement utiles au fonctionnement de l’école et laisse croire à l’opinion publique que les effectifs des classes sont déterminants pour la réussite scolaire.
Il existe toute une série de personnels, comme les directeurs d’école ou les enseignants des réseaux d’aide qui ont une importance pédagogique et qui ne sont pas « devant » les élèves…
M. le Ministre : Je les compte comme tels !
M. Urbaniak : Je ne parlais bien sûr pas de vous.
Dans un contexte difficile, vous faites ce que vous pouvez, Monsieur le ministre, pour que le Gouvernement n’oublie pas le rôle fondamental de l’école. Tenir tous vos engagements est un pari difficile, qui impose une réflexion sur l’optimisation des moyens disponibles.
Certes votre budget sauvegarde l’essentiel, mais ne sombrons pas dans la complaisance et l’autosatisfaction. Relancer la réflexion collective est un devoir et je ne doute pas que vous vous efforcerez de le remplir.
M. Hermier : À la fin de ce siècle, marqué par un progrès fantastique de la connaissance, mais aussi par une crise profonde des rapports économiques et humains, l’école devrait être considérée comme un des enjeux prioritaires du Gouvernement.
Pourtant, Monsieur le ministre, avec ce projet « nous entrons dans l’avenir à reculons », pour reprendre l’expression de Paul Valéry.
Vous prétendez avoir préservé l’essentiel dans un contexte d’austérité budgétaire, imposée par la volonté de faire entrer la France, à marche forcée, dans les critères de convergence du traité de Maastricht. Il n’en est rien : les familles modestes en savent quelque chose, qui ont vu l’allocation de rentrée scolaire amputée de 500 F.
Avec 324 milliards de francs, les crédits de l’Éducation nationale progressent de 2 %, autant dire stagnent en francs constants.
L’enseignement scolaire apparaît particulièrement sacrifié, avec 277 milliards de francs cette année, soit moins de 1,5 % de hausse par rapport à 1996. Rapporté au PIB, le budget de l’enseignement scolaire passe d’ailleurs de 3,4 à 3,3 %.
Ce renoncement à préparer l’avenir se lit dans le gel quasi-total des mesures nouvelles, qui ne représentent plus que 0,6 % du projet de budget.
Mais ce sont les 5 000 suppressions de postes envisagées, fait sans précédent depuis Vichy, qui font naître les plus graves inquiétudes, comme en témoignent les 10 000 pétitions recueillies en Ile-de-France et remises ce matin à notre groupe.
Vous prétendez que ces suppressions de postes n’affecteront pas l’encadrement des élèves.
Mais il est bien évident que la disparition de 1 700 emplois de professeurs stagiaires et de 975 emplois d’enseignants stagiaires affectera à terme l’encadrement des enfants…
M. Le Ministre : Non !
M. Hermier : …de même que la suppression de la moitié des postes d’assistants étrangers en langue vivante.
Vous tentez de justifier ces suppressions par une baisse démographique. Mais celle-ci ne représente que 0,15 élève par clase dans le premier degré. C’est donc bien un renoncement aux objectifs de scolarisation que vous programmez.
Il serait pourtant urgent d’accélérer la transformation de 800 000 heures supplémentaires représentant l’équivalent de 45 000 emplois dans le second degré, de permettre la titularisation des maîtres auxiliaires, dont plus de 10 000 viennent d’être mis au chômage, d’abaisser partout jusqu’à 25 les effectifs par classe dans le primaire et d’assurer l’accueil de tous les enfants de deux ans, ce qui exigerait la création de 14 000 emplois de professeurs des écoles.
Les trop rares créations de postes que vous mettez en avant ne font pas le compte. Ainsi les 100 emplois de conseillers principaux d’éducation et les 150 emplois de maîtres d’internat et surveillants d’externat ne sont que la traduction du plan antiviolence adopté à la rentrée.
Pour la médecine scolaire et l’accompagnement social, la création de 50 postes d’infirmières et d’assistantes sociales représente une goutte d’eau par rapport aux retards accumulés. Il faudrait créer 230 postes de médecins scolaires pour assurer la totalité des bilans de santé obligatoires et multiplier les actions d’éducation à la santé. Vous n’avez pas tenu vos engagements sur ce point.
Le budget 1997 consacre en fait l’abandon de la loi de programmation pour l’école dont les objectifs étaient pourtant limités. Au total, 4 337 emplois manquent pour respecter les décisions votées par les deux assemblées. Hors personnels sociaux et ce santé, 2,5 % des postes prévus ont été créés dans le public, pour 92 % dans l’enseignement privé.
Sur le statut des personnels, la parole de l’État n’est pas non plus honorée.
Les professeurs des écoles hors classe qui devaient représenter 15 % de l’ensemble, n’en constituent que 1,8 %. Le rythme de la transformation des postes d’instituteurs en postes de professeurs des écoles reste au-dessous de 15 000 par an. Il faudra donc attendre 2017, si rien ne change, pour aboutir à un corps unique.
Pour améliore les conditions de l’enseignement professionnel, les redéploiements d’emplois sont insuffisants, il faut des créations de postes. Or vous vous proposez de supprimer 60 postes de PLP2 stagiaires.
C’est encore l’avenir que vous compromettez, Monsieur le ministre, quand vous projetez la diminution de postes mis aux concours, supprimez l’indemnité de première affectation et programmez cette année la disparition totale des allocations de première année en IUFM.
Autre source d’inquiétude, les crédits d’action pédagogiques et les crédits ZEP, désormais regroupés, sont en chute de 11,5 %, après une baisse du même ordre l’an passé. Les collectivités territoriales ont ainsi de légitimes inquiétudes quant au maintien des ZEP. Gravement touchées par la baisse des dotations de l’État, ces collectivités ont à faire face aux transferts de compétences sans transfert de moyens adéquats. La gestion des équipements sportifs, souvent vétustes, pose ainsi de plus en plus de problèmes. Quant à l’aménagement des rythmes scolaires, si l’État ne remplissait pas ses missions concernant l’organisation des activités périscolaires et tentait d’en faire supporter la charge aux collectivités locales ou aux familles, il dévoierait cette réforme.
Enfin, en ce qui concerne le désamiantage des lycées, collèges et écoles, c’est à l’État d’assumer les erreurs commises dans les années 60 en prenant en charge l’ensemble des travaux.
Monsieur le ministre, le groupe communiste est avec ceux qui, le 30 septembre dernier, manifestaient par milliers pour la création d’emplois et la revalorisation de la profession.
Soucieux de la cohésion de la société attentifs à permettre à tous d’accéder à la réussite scolaire, personnelle et professionnelle, nous ne pouvons que nous prononcer contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)
M. Baratte : En préliminaire, je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous me répondiez au sujet de trois demandes dont j’ai saisi vos services : l’augmentation des effectifs d’enseignants du primaire dans les Pyrénées-Orientales, où le nombre des élèves a augmenté ; la revalorisation des ingénieurs d’études de deuxième classe du CNRS et de l’Université ; enfin, des crédits de fonctionnement supplémentaires pour l’université de Perpignan.
Au chapitre des motifs de satisfaction, je citerai la mise en place du tutorat à la rentrée 1996 ? Elle favorisera la réforme en profondeur du premier cycle universitaire.
Je voudrais approfondir la réflexion sur deux sujets, le statut de l’étudiant et la filière technologique.
Sur le premier point, j’approuve votre discours à la Sorbonne. Votre constat est juste : le système actuel privilégie les plus riches, aide peu les plus pauvres et ignore les situations moyennes. Il faut le remplacer par une allocation sociale d’études unifiant les diverses prestations. Nous avons apprécié également votre volonté d’améliorer l’environnement de l’étudiant et d’accroître sa participation à la vie universitaire. Il faut maintenant avancer sur ces sujets. Votre ministère va-t-il recevoir la gestion des crédits ALS-APL ?
Quand connaîtrons-nous les conclusions du groupe de travail ? Le nouveau statut devrait en tout cas être opérationnel à la prochaine rentrée.
En second lieu, aurons-nous une seule filière technologique indifférenciée ? Je pense que nous avons besoin d’une grande filière technologique articulée sur des instituts universitaires polytechniques, regroupant IUT, IUP et troisièmes cycles spécialisés, liant étroitement l’enseignement et la recherche. Veillons à ne pas perturber un secteur universitaire qui fonctionne bien.
Mais à côté de cette grande filière technologique, on peut imaginer des filières professionnalisées non sélectives, permettant de répondre aux besoins de 73 % de titulaires de baccalauréats technologiques et des 86 % de titulaires de baccalauréats professionnels qui sont en échec scolaire total après un ou deux ans dans l’université.
Quel est votre sentiment sur ce sujet ? Où en est de sa réflexion le groupe de travail ? Comment rendre espoir à ces milliers de jeunes qui ne trouvent pas de débouchés ? Il faut leur permettre d’accéder à l’ascenseur social, élément essentiel de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
M. Le Déaut : 1997 marquera, budgétairement, un triste anniversaire : pour la première fois depuis dix ans, le budget de la recherche est en récession. Quand on opère des coupes budgétaires, dont certains collègues se sont félicités, on sacrifie l’avenir. (Interruptions sur les bancs du groupe RPR et du groupe UDF)
M. Grosdidier, rapporteur pour avis : C’est vous qui l’avez sacrifié avec vos déficits accumulés !
M. Le Déaut : Lorsque vous avez réuni le 30 octobre dernier un comité interministériel de la recherche scientifique et technique, nous nous sommes pris à espérer un nouveau souffle pour la recherche. Mais il n’en est rien, car l’oxygène fait défaut, et l’asphyxie menace.
En effet, le budget de la recherche diminue de 3,4 % en francs constants, à quoi s’ajoutent des tours de passe-passe consistant à intégrer des lignes provenant d’autres budgets, ou à reporter sur 1997, 2 milliards gelés en 1996. La baisse dépasse en réalité 3,4 %, car, pour maintenir le statu quo, il aurait fallu augmenter les moyens des établissements publics de 5 % en raison de l’âge moyen des chercheurs, qui atteint 55 ans en région parisienne. Dans le même temps, les États-Unis Et le japon mobilisent des crédits en forte hausse.
L’emploi, chez nous, est particulièrement touché, 635 postes seront supprimés l’an prochain dans les établissements publics, et, dans la réalité, vraisemblablement un millier, car vous encouragez par ailleurs les départs en retraite et la mobilité externe. Mais le parlement n’est pas en mesure de vérifier la stricte exécution des décisions budgétaires. Ainsi, ces quatre dernières années, le CNRS a perdu mille emplois. C’est une politique à courte vue. En effet, dans nos organismes de recherche, la pyramide des âges est inquiétante. Dans cinq ou six ans, de nombreux chercheurs vont partir à la retraite. Une gestion intelligente ne commanderait-elle pas d’anticiper le mouvement, et recruter de jeunes chercheurs au chômage en gageant les embauches d’aujourd’hui sur les départs de demain ? Ne reproduisons pas les erreurs des années 1960-70.
Je m’inquiète aussi de l’émergence des emplois précaires, qui se multiplient. Comment leur situation se règlera y-elle ?
La pénurie sévira de plus en plus dans les établissements et les laboratoires. Vous dénoncez le décalage, ces dernières années, entre les autorisations de programme et les crédits de paiement. Ce décalage est acceptable quand l’ensemble des dotations est en hausse : quand vient la baisse, la situation devient intenable. Pour résorber le décalage, vous réduisez les autorisations de programme et donc vous programmez la récession.
M. Glavany : Excellente démonstration !
M. Le Déaut : La Cour des comptes a épinglé le secrétariat s’État à la recherche. En effet, vous ne gérez que 60 % du BCRD, et, compte tenu des 30 milliards du secteur militaire, seulement 30 % de l’ensemble des crédits de recherche. Comment, dans ces conditions, pourriez-vous coordonner la recherche en France ? D’autant que la recherche militaire est particulièrement opaque, et certaines réussites civiles, comme le satellite Hélios, sont d’origine militaire. Cette séparation entre recherche civile et recherche militaire n’est pas acceptable en démocratie.
Vous gérez, ou plutôt vous ne gérez pas, 4 milliards au titre du crédit d’impôt recherche dont 2 milliards bénéficient aux grandes entreprises, ce qui est particulièrement injuste quand 30 000 jeunes diplômés demeurent sans postes. Pourquoi ne pas lier l’octroi du crédit d’impôt-recherche à l’embauche de ces jeunes dans ces grandes entreprises ? Je déposerai une proposition de loi dans ce sens, car un jeune chercheur coûtant 200 000 F par an, ces 2 milliards permettraient d’embaucher 10 000 d’entre eux.
Je regrette que le Parlement ne contrôle pas vraiment l’exécution des dépenses, alors que votre secrétariat d’État est celui de la lyophilisation : vos crédits gelés passent directement à l’état volatil, et on ne les revoit plus.
Vous avez parlé des programmes incitatifs pluriannuels en termes que nous ne récusons pas, car il importe de bien identifier les grands chantiers de l’avenir : télécommunications, biotechnologies, transports terrestres…Mais nous divergeons sur la conception. A nos yeux, on ne peut pas orienter la recherche seulement en fonction de la demande sociale. La poêle Téfal a été inventée à l’occasion d’une recherche fondamentale sur les quasi-cristaux. L’importance est de valoriser l’innovation. Vos idées ne sont pas toutes mauvaises, mais il leur manque de s’ordonner selon un plan d’ensemble.
Votre budget ne relèvera pas la place de la France dans le concert des nations. Nous sommes au sixième rang pour la dépense de la recherche par rapport au PIB, et nous sommes sur la mauvaise pente. Pourtant la recherche fondamentale devrait rester le socle de notre politique de recherche.
Envisagez-vous d’établir un statut de jeune chercheur au sein des écoles doctorales ? Que comptez-vous faire en ce qui concerne les allocations de recherche ?
Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, évitons le dithyrambe, car certains problèmes subsistent dans l’Université où l’ambiance est morose. L’an dernier, les étudiants réclamaient des locaux décents, des postes supplémentaires d’enseignants et d’IATOS, leur indépendance matérielle et des débouchés. Certes, un effort est fait pour le rattrapage des postes avec 750 postes mais, au royaume des aveugles, les borgnes sont rois car il faudrait 10 000 postes !
M. Grosdidier, rapporteur pour avis : Et comment les finance-t-on ?
M. le Président : Laissez M. Le Déaut s’exprimer !
M. Le Déaut : L’augmentation de deux points de la TVA a coûté 60 milliards aux Français. Pourquoi ne pas les consacrer, ainsi que les 80 milliards donnés aux entreprises sans contreparties pour l’emploi, à l’avenir de notre nation, c’est-à-dire à sa jeunesse ? Mais vos choix politiques sont différents des nôtres !
On pourrait aussi financer en cinq ans grâce à ces sommes et à l’allocation logement social – ALS – qui coûte 4,5 milliards, un véritable statut de l’étudiant. Savez-vous que, parmi les bénéficiaires du RMI, le taux des jeunes de 25 ans à 29 ans est passé de 5 % à 25 % ? Ne pourrait-on adopter une attitude intelligente à l’égard de ces jeunes qui ont bénéficié d’une formation ? Certes, M. Bayrou fait des propositions, mais elles ne sont jamais traduites dans la réalité. Au contraire, on a vu la réalité de l’action de M. Jospin, qu’il s’agisse du salaire des enseignants ou du plan Université 2 000.
En conclusion, que restera-t-il des années Bayrou ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Claude Birraux : En temps budgétaires normaux, il est déjà difficile de convaincre d’investir dans la recherche, dont les résultats ne sont attendus qu’au-delà de la prochaine élection. Lorsque les temps budgétaires sont difficiles, la force de conviction devient infinie !
Dans ce contexte budgétaire 1997, Monsieur le secrétaire d’État, vous avez réussi à maintenir le volume du budget dépendant directement de vous, le BCRD étant en légère diminution.
Je relèverai d’abord les éléments de satisfaction que nous procure ce budget.
En premier lieu, la sincérité et la continuité dans l’effort en faveur de la recherche. Dans le passé, trop de budgets initiaux flatteurs ont été ultérieurement réduits en pièces par la régulation budgétaire. En deuxième lieu, la résorption continue de l’écart entre autorisations de programme et crédits de paiement, en particulier pour le CNRS et pour le fonds de la recherche et de la technologie – FRT – réglant progressivement les chèques en bois tirés par les gouvernements socialistes. En troisième lieu, les dotations aux établissements publics sont maintenues ou en légère augmentation.
Mais ces satisfecit appellent quelques bémols. Hors reports de crédits, les AP et CP du CNRS baissent respectivement de 58 millions et de 120 millions. Les effectifs du personnel, ingénieurs, techniciens et administratifs diminuent, malgré une augmentation du recrutement. Les CP du FRT diminuent de 100 millions. Or ce fonds est le nerf de la guerre du ministère et son seul outil d’intervention directe. Comment interpréter cette baisse ?
En revanche, la réactivation du comité interministériel de la recherche, qui ne s’était pas réuni depuis quinze ans, a une signification politique profonde, car la recherche et l’innovation concernent tous les départements ministériels. De plus, l’innovation se propage par l’hybridation – au sens botanique ou physique du terme – de matériaux ou de technologies ayant une vie autonome propre.
Ce comité interministériel a permis d’autre avancées, en particulier la modernisation du financement de la recherche, avec la création de fonds commun de placements innovation, répondant à la demande que j’avais formulée en 1994 sur l’introduction du capital risque. Quant au système d’incitation fiscale, qui avait déjà fait ses preuves avec le crédit d’impôt-recherche, il a le mérite de la simplicité.
Cela dit, la structure du financement de la recherche-développement reste déséquilibrée, la part des entreprises demeurant trop faible par rapport à celle des entreprises de nos principaux partenaires. Inscrire les taux de financement dans la loi recherche de 1982 n’a rien changé au-delà de l’affichage d’un volontarisme qui n’a pas résisté aux faits.
Soulignons aussi l’aide à la valorisation de la recherche, par l’adaptation de procédures fiscales facilitant la mobilité des chercheurs tout en leur accordant une récompense financière pour leurs brevets. Certains commentateurs ont conclu un peu vite que la recherche devait être rentable. Il ne saurait être question de sacrifier la recherche fondamentale. Valoriser les résultats de la recherche, y compris fondamentale, est une autre affaire et vous avez raison de vous y attaquer, car nous sommes en retard. Prenons exemple sur l’université catholique de Louvain, qui crée des filiales pour commercialiser les résultats de sa recherche.
Enfin, en dépit d’une augmentation du nombre d’entreprises qui font de la recherche-développement, trop de PME restent à l’écart. Ne faudrait-il pas créer des réseaux d’entreprises et de laboratoires par type d’activités ou de branches, capables de faire de la recherche collective ? Des conventions CIFRE, dont le nombre augmente, se feraient alors en temps partagé.
En ce qui concerne les technologies clés et les produits nouveaux, nous sommes en retard à la RFA ou aux États-Unis, en dépit du système de valorisation que constitue l’ANVAR. C’est à une révolution culturelle que nous devons procéder en ce domaine.
C’est la demande du public qui doit piloter alors que notre démarche habituelle consiste à chercher le client après avoir fabriqué le produit. La capacité d’adaptation est ici décisive. Des métiers nouveaux vont naître, auxquels il faudra former des hommes. Le système de formation est-il en mesure de relever ce défi en temps réel ?
Enfin, j’appelle votre attention sur la recherche européenne, en particulier sur le CERN et sur la construction de LHC dont le principe est acquis. Pour accélérer cette construction, une participation américaine est recherchée mais l’Allemagne semble réticente. Pouvez-vous confirmer l’engagement ferme de notre pays pour la construction du LHC ?
Parce que votre budget est sincère, Monsieur le ministre, parce qu’il préserve nos capacités de recherche et parce que vous avez choisi des priorités et modernisé les financements, le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
M. Carpentier : A l’aube du troisième millénaire, à un moment où le progrès technique frappe plus que jamais à la porte du monde moderne, l’une des grandes questions de notre temps est celle du savoir, de la connaissance, de la formation des chercheurs de l’an 2 000.
Quelle université ? Pour qui ? Pour quoi faire ? Comment articuler formation et emploi, formation et citoyenneté ? Le budget de l’enseignement supérieur ne semble pas être à la mesure de ces enjeux.
Une réforme de l’Université suppose des réformes préalables dans la société, tant les questions extra-universitaires comme l’emploi pèsent sur le système universitaire.
Mais vouloir ajuster l’Université au marché de l’emploi, synonyme de précarisation, de déréglementation et de décomposition du rapport social, serait un non-sens. Il faut, au contraire, former des individus et des tâches complexes dans une optique ouverte, sans subordonner la définition des compétences à la prétendue loi du marché.
L’Université doit s’ouvrir à des professions utiles à la société, mais jugées non rentables, comme les secteurs socio-culturel, socio-éducatif, scientifique et technique, car elle a pour mission de former le citoyen.
Certes, une telle réforme coûte cher mais le coût annuel d’un étudiant français est l’un des plus bas parmi les pays industrialisés. 32 000 F au lieu de 35 000 F en Allemagne et au Danemark et deux fois plus aux États-Unis et au Japon.
En outre si, désormais, 63 % d’une classe d’âge fréquente l’Université, la démocratisation reste imparfaite. Trop de jeunes n’y ont pas encore accès et, pour les autres, la question du contenu et de la finalité de leur formation reste entière.
Les catégories du haut de l’échelle sociale, qualifiées par Pierre Bourdieu de « noblesses d’État », restent privilégiées. Les mêmes couches sociales tendent à reproduire les mêmes élites. Pratiquement aucun ouvrier, très peu de femmes, parviennent à des fonctions de direction. Pour lutter contre ce gâchis humain, il faut accueillir des étudiants supplémentaires, améliorer leurs conditions d’études, lutter contre l’échec et créer de nouveaux cursus.
Le budget de l’enseignement supérieur s’élève à 47 milliards, soit une augmentation de 5,4 % par rapport à 1996. Cet acquis est le résultat de la lutte des étudiants et des universitaires de l’automne dernier. Mais les mesures nouvelles ne s’élèvent qu’à 3,8 milliards au lieu de 4,3 milliards en 1996.
En outre, prélever des moyens sur l’enseignement primaire et secondaire où 5 000 postes sont supprimés pour les affecter à l’enseignement supérieur nuira à la scolarisation des jeunes, sans, pour autant, résoudre les problèmes de l’Université.
Les enseignants des IUT, notamment ceux de Valenciennes, lancent un cri d’alarme et réclament un « plan d’urgence » pour développer les actions de formation universitaire et définir les axes de la filière technologique.
Le budget ne peut masquer le non-remplacement d’une partie des départs à la retraite parmi les enseignants-chercheurs, les personnels IATOS, et les bibliothécaires non plus que la présence de nombreux personnels à contrat précaire, les retards accumulés dans l’équipement des bâtiments, le non-respect des normes de sécurité, le manque de coordination entre enseignement et recherche, un taux d’encadrement insuffisant.
Il faudrait non seulement pourvoir les emplois vacants, mais encore créer 5 000 postes d’enseignants-chercheurs et autant de personnels IATOS.
Nous sommes loin du compte avec la création de 860 postes d’enseignants-chercheurs dont 654 maîtres de conférence. En outre, le recours à 588 enseignants du secondaire entérine le processus de secondarisation de l’enseignement supérieur et met en cause le lien entre l’enseignement et la recherche.
Il faut transformer une partie des heures supplémentaires en emplois. Ainsi, elles représentent 395 postes d’enseignants-chercheurs à Lille, 416 à Valenciennes. Dans cette dernière université, la moitié des postes créés n’a pas été pourvue, et à Lille III, 7 postes de professeurs sur 18 et 5 de maîtres de conférence sur 35.
Au niveau national, ces heures représentent 1,6 milliards en 1996-1997, soit l’équivalent de 36 000 emplois d’enseignants-chercheurs, et 43,9 % des sommes consacrées aux subventions de fonctionnement des établissements.
Une autre politique s’impose pour la recherche universitaire : les dépenses ordinaires augmentent à peine, les crédits d’investissement pour les réalisations d’études techniques en vue de constructions futures diminuent de 16,7 %, les crédits de soutien des activités de recherche n’augmentent que de 3,7 %. CE budget pénalise l’emploi scientifique.
Il faut améliorer les bibliothèques et les installations sportives, mettre en conformité les locaux, mettre en place 100 universités de plein exercice multidisciplinaire, doubler le nombre de places des logements universitaires. Or les crédits de paiement pour les constructions et l’équipement diminuent.
En revanche, un traitement de faveur est accordé au pôle universitaire privé Léonard-de-Vinci, dit fac Pasqua. Selon la chambre régionale des comptes, ce pôle universitaire, payé grâce à l’aide publique du département, cherche encore « une unité à la mesure de son coût » ! Le contribuable paie une fac privée dont les locaux gigantesque – 5 000m2 – en luxueux accueillent, au bout d’un an, à peine 2 000 étudiants, alors qu’à Nanterre ou à Valenciennes, les amphithéâtres sont surchargés.
Les crédits de bourses augmentent de 222,5 millions, mais déduction faite des 195 millions pour l’extension en année pleine de mesures intervenues à cette rentrée, il ne reste que 30,5 millions.
Enfin, la diminution de l’ensemble des autorisations de programme est très inquiétante.
Il paraît indispensable que, d’ici 4 ans, le budget de l’enseignement supérieur représente moins 1 % du PIB au lieu de 0,56 % actuellement.
L’université, n’est pas un commerce. Comme l’a dit Jacqueline de Romilly, « enseigner, c’est apprendre à penser ». Encore faut-il s’en donner les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)
Mme Rignault : Ces crédits pour 1997 répondent-ils aux objectifs de la nation pour l’éducation ? Augmentation des crédits, amélioration des conditions d’accueil des élèves, revalorisation de la condition des personnels, poursuite des nouveaux contrats, concertation des moyens sur les questions les plus urgentes sont les grands traits de ce projet.
J’attacherai une attention particulière à trois dossiers.
Il s’agit d’abord de la poursuite de la rénovation des programmes et de l’enseignement. Dans le primaire, les programmes mis en place en 1995 se recentrent sur les apprentissages fondamentaux que sont la maîtrise de la langue française et l’acquisition d’une méthode de travail. La mise en place des études dirigées sur le temps scolaire produit des résultats convaincants.
En second lieu, l’application du plan de prévention de la violence à l’école concerne le corps social tout entier. Le renforcement de l’encadrement, la protection des établissements et de leur environnement doivent, ave les initiatives de rénovation des collectivités locales, permettre de « sanctuariser l’école ». Nous soutenons tout à fait l’action que vous avez entreprise rapidement dans ce domaine.
Enfin, le recadrage des spécialités. L’effort de formation continue et les décharges accordées mettent un terme à la délicate question des directeurs d’école primaire.
La direction prise est donc la bonne. Je me contenterai d’évoquer quelques pistes à poursuivre.
La lute contre les formes précoces d’échec scolaire est une priorité absolue. Les mauvais élèves sont souvent issus de familles défavorisées et les handicaps qui se manifestent dès le cours préparatoire deviennent irrémédiables, conclut la commission Fauroux. Pour faire reculer l’échec scolaire, il faut donc faire porter l’effort sur les petites classes. La réduction des effectifs à 25 élèves par classe en maternelle devant être effective à la rentrée prochaine, envisagez-vous de faire maintenant le même effort pour les cours préparatoires et élémentaires ? Il faut aussi renforcer la formation des enseignants dans les disciplines comme la psychologie et l’appréhension des handicaps, et améliorer le fonctionnement des services de psychologie scolaire, qui sont indispensables.
Ensuite, il faut mieux préparer les élèves à effectuer un parcours scolaire complet, cohérent et efficace. Il n’est pas admissible qu’un élève traverse les cycles successifs sans maîtriser réellement les acquis fondamentaux de celui qu’il quitte. Il faut continuer à alléger les programmes en privilégiant les enseignements centraux de chaque cycle. La réformes des rythmes scolaires – qui ne peut être identiques en milieu urbain et en milieu rural – y concourra également. Enfin, la lutte contre le chômage est un devoir national et l’école doit améliorer l’action pour l’insertion professionnelle de ceux qui la quittent. Conformément à la décision 72 du nouveau contrat pour l’école, il faut développer l’information continue et le contact avec les entreprises et les métiers. La polyvalence des diplômes doit éviter une segmentation pénalisante.
La direction prise est la bonne. La réforme de l’école est bien un grand chantier du septennat. Il faut la réussir ensemble. Dans cette tâche qui nécessite énergie et imagination, vous avez notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
M. Grandpierre : Dans un souci de rentabilité à court terme, la recherche devient une marchandise et non plus un investissement. C’est ce qui explique les lignes directives de votre politique.
Pour la première fois depuis 1987, le budget civil de recherche et le développement baisse de 1,3 % soit environ 3,5 % en francs constants ; avec les reports indus et l’augmentation des taxes, cette baisse est même de 7 %. Le Gouvernement tente de la masquer par des transferts discrets d’autres ministères et par le dégel de 2 milliards de crédits gelés en 1996.
Le budget recherche représente 2,4 % du PIB, ce qui est très insuffisant, d’autant qu’il concerne à 30 % la recherche militaire. Pour 1997, les crédits diminuent pour tous les établissements publics à caractère scientifique et technique, à l’exception du centre national du machinisme agricole, du génie rural et des forêts.
C’est que, aux termes du traité de Maastricht, toute action de recherche financée par la Communauté devra désormais rentrer dans le programme cadre qui privilégie les technologies industrielles et les recherches finalisées menées par la grande industrie. Or les outils nationaux devraient être développés tout en participant à des programmes internationaux et non démantelés par une politique communautaire qui est sous l’emprise des lobbies.
La contribution des entreprises à l’effort de recherche ne représente en France que 1,5 % du PIB et a baissé entre 1994 et 1995 de 1,2 %, malgré les cadeaux fiscaux de 3,9 milliards aux entreprises sous forme de crédits d’impôt-recherche. En outre n’y participent que de grandes entreprises dans six secteurs industriels dont quatre sont liés au militaire, et cette recherche ne vise que des produits rentables à très court terme.
Des centres techniques sont réduits au rôle de prestataires de services en technologie et formation. Des centres ministériels de recherche, tel que le CERC, sont supprimés. Les affaires de sang contaminé et de la vache folle montrent que le primat du marché met en danger la santé et dévoie la recherche fondamentale.
La priorité accordée à la rentabilité immédiate et aux recherches rapidement brevetables par les entreprises est responsable de l’abandon des recherches de l’INRA sur les prions.
En imposant aux organismes publics des programmes prioritaires axés sur la recherche appliquée, le Gouvernement brise l’équilibre subtil qui existait entre celle-ci et la recherche fondamentale. Dans ces conditions, que deviendra cette dernière ? Et que deviendront toutes les branches du savoir qu’elle irrigue ? La France va se trouver confinée pour plusieurs années à une place médiocre, loin derrière l’Allemagne, le Japon ou la Suède, pour ce qui est de l’effort de recherche civile.
Celle-ci a besoin d’une programmation sur le long terme, assurée par des dotations à hauteur de 3 % du PIB. Nous en sommes loin, comme nous sommes loin des recrutements nécessaires au renouvellement des générations. Ce sont en effet près de 1 000 emplois qui risquent de disparaître avec un taux de recrutement limité à 2,5 % des effectifs par an. Et que dire du recours systématique à la sous-traitance, aux contrats à durée déterminée, aux CES, aux stagiaires, aux doctorats en formation, sinon que, là encore, le Gouvernement fait le choix de la précarisation ?
A l’explosion des effectifs étudiants, vous répondez par des économies budgétaires sur les équipements et les emplois. Il en résulte une aggravation des conditions de travail de la communauté scientifique. Votre politique met la recherche-formation à la merci des politiques et des patrons. Elle risque de stériliser des pans entiers du savoir. Le financement sur contrat passé avec des institutions caritatives ou des entreprises ne doit pas se substituer au financement public. Et il faut en finir avec le pillage des crédits des EPST au profit du secteur marchand privé.
Le « trou » financier du CNRS de 1,5 million – que vous avez artificiellement créé en ne versant par les CP correspondant aux AP affichées – doit être comblé rapidement, de même que les 457 postes budgétaires d’ITA dont vous avez privé le CNRS et l’INSERM doivent être restitués.
Ce budget étant ce qu’il est, vous comprendrez que nous ne le votions pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)
M. Pihouée : La croissance des effectifs étudiants est beaucoup plus importante outre-mer qu’en métropole. A la Réunion, par exemple, ils sont passés entre 1990 et aujourd’hui de 5 000 à 8 500., soit une augmentation de 70 %. Et l’on peut raisonnablement tabler sur 12 000 étudiants en l’an 2 000. A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Aussi nous réjouissons-nous des moyens supplémentaires octroyés à notre université dans le cadre du plan d’urgence adopté en décembre de l’an dernier. Mais il faut aller plus loin si l’on veut vraiment accompagner cette croissance démocratique ainsi que l’opération de délocalisation dans le sud de l’île. Nous avons aussi besoin dans les trois ans qui viennent de 45 emplois d’enseignants-chercheurs et de 30 emplois d’IATOS. Les problèmes rencontrés par notre IUFM sont de même ordre. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le ministre, si les programmations de postes sont à la hauteur des besoins ?
Nos étudiants se heurtent également au problème de la distance qui les sépare des autres pôles universitaires de France ; ils n’ont pas les mêmes possibilités de choix que les étudiants métropolitains. Il faut donc à la fois diversifier les filières de formation offertes sur place et renforcer l’aide à la mobilité des étudiants du deuxième cycle. Vous m’avez dit à ce sujet que le facteur distance serait pris en compte dans le calcul de l’allocation unique qui sera versée à la rentrée 1997. Pouvez-vous me dire dans quelle mesure ?
Chaque université d’outre-mer est appelée à devenir un centre dynamique de diffusion de la culture française dans la région du monde où elle se situe. Il s’agit là d’une vraie ambition pour l’outre-mer. Elle implique que nos universités s’ouvrent plus aux étudiants des pays voisins. Mais cette ouverture ne pourra se faire dans de bonnes conditions que si nos étudiants ont eux-mêmes la possibilité de choisir leur filière de formation et le lieu de leurs études. Il y va de l’égalité des chances pour les jeunes d’outre-mer. Leur offrir la chance de décrocher des diplômes de qualité, dans des conditions d’études satisfaisantes, et renforcer la dimension internationale de l’Université française, telle doit être la double ambition de l’enseignement supérieur de l’outre-mer. Cette politique trouvera dans nos régions des acteurs enthousiastes pour peu que nous ayons les moyens de la mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)
M. Montoussamy : Ce budget est discuté à un moment où se produisent outre-mer des poussées de fièvre prouvant que l’école est bien malade.
« Nous sommes l’avenir du pays, nous voulons être capables d’assumer nos responsabilités futures dans de bonnes conditions », pouvait-on entendre lors de la récente mobilisation lycéenne en Guyane. Mais comment rassurer ces jeunes des départements français d’Amérique quand dans une académie éclatée sur plus de 1 000 km, les spécificités géographiques, culturelles et administratives sont ignorées ? Quand deux mois après la rentrée, certaines classes n’ont pas encore vu tous leurs enseignants ? Quant face à l’exclusion, l’échec scolaire, la montée de l’insécurité et la dégradation des conditions d’étude, mes moyens ne suivent pas ? Quand l’État refuse aux collectivités locales d’outre-mer une dotation spéciale de rattrapage ? Comment dans ces conditions les convaincre que l’école de la République assure l’égalité des chances ?
Dans le département de la Guadeloupe, plus d’un siècle après Jules Ferry, la gratuité de l’école n’st pas assurée alors que la scolarisation revient 30 % plus cher qu’en métropole. Les parents y ont donc très douloureusement ressenti la réduction de l’allocation de rentrée scolaire.
Mais le mal est encore plus profond. L’échec scolaire, la vétusté des locaux, les classes surchargées, le manque de postes d’enseignants et de personnels non enseignants, les difficultés d’inscription que rencontrent les bacheliers d’outre-mer obligés de quitter leur département, les carences de l’enseignement de l’anglais et de l’espagnol, la non-conformité des machines-outils dans les établissements techniques, l’absence à ce jour d’un lycée de formation aux métiers de l’hôtellerie et du tourisme…tout cela et d’autres choses montrent cruellement la nécessité d’une autre approche de l’enseignement dans les départements français d’Amérique. Il faudrait notamment un contrat spécifique afin de mieux adapter l’école à la réalité.
Là où se construit l’avenir, là où devrait régner la sérénité, l’inquiétude gagne du terrain. Et je crains que les restrictions de ce budget ne ferment encore davantage les portes de la vie à la jeunesse d’outre-mer. Puissiez-vous me convaincre du contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)
M. Étienne : Nul ne peut contester qu’avec un total de 47 milliards, le budget de l’enseignement supérieur connaît la plus forte progression de l’ensemble des budgets. Cela on vous le doit, Monsieur le ministre.
Ma première question a trait à l’insertion professionnelle des étudiants. Aujourd’hui, un diplôme de l’enseignement supérieur n’est plus un sésame pour l’accès rapide à l’emploi. C’est pourquoi je me félicite que vous ayez fait des modules de professionnalisation une priorité. Je souhaite toutefois savoir si leur continu a déjà été défini.
Ma deuxième question porte sur les crédits pour les bâtiments destinés à l’accueil des étudiants. Malgré les efforts de ce budget, nombre de projets apparaissent comme un imbroglio de problèmes de financement et des contraintes techniques. Ainsi, alors que l’État s’est engagé il y a cinq ans à financer la construction des bâtiments du campus lettres-droits-sciences économiques, l’université de Reims n’en a encore vu aucune concrétisation sur le terrain. A force de vouloir cerner la demande, il n’y a plus aucune offre…
M. Carpentier : Vous voyez bien !
M. Étienne : De façon générale, les dotations semblent insuffisantes pour mener les travaux d’hygiène et de sécurité qui s’imposent. Comment entendez-vous intervenir, Monsieur le ministre ?
Le tutorat est une heureuse innovation de ce budget. Il est une chance pour les étudiants comme pour les tuteurs…
M. Le Ministre : Très juste !
M. Étienne : …car enseigner permet d’apprendre. La vérité du père est une sentence qu’on reçoit. Celle que délivre le frère est un accompagnement et une aide à vivre que l’on saisit.
Que 100 millions soient affectés à cette action révèle un réalisme pédagogique fort bienvenu. Encore faudra-t-il que les résultats soient correctement évalués.
Par analogie avec le tutorat, pour remédier aux insuffisances de la médecine préventive – un enseignant ne bénéficie que d’un contrôle tous les cinq ans, un étudiant n’en bénéficie qu’à l’entrée à l’Université, je suggère que l’on développe des conventions entre les CHU et les universités. Ainsi des étudiants en cinquième ou en sixième année de médecine auraient la charge de quelques dizaines d’étudiants d’autres disciplines dont ils seraient les correspondants fraternels en matière de santé.
M. le Ministre : Très bien !
M. Étienne : Pour le budget de la recherche, je me réjouis que l’on poursuive la réduction du décalage, relevé par la Cour des comptes, entre AP et CP, héritage peu glorieux d’un certain passé.
Vous avez eu raison par ailleurs de souligner, Monsieur le ministre, que l’on oublie trop souvent l’importance de la recherche universitaire dans l’effort global de recherche. Ainsi, pour les sciences de la vie, presque tous les CHU ont désormais une ligne recherche qui s’ajoute à la recherche clinique.
Certains collègues de l’opposition se demandaient l’année dernière si l’éducation nationale et l’enseignement supérieur étaient des priorités pour la majorité. Aujourd’hui, dans la limite du possible, vous répondez oui, Monsieur le ministre, et nous vous en sommes reconnaissants. (Applaudissements sur les bancs du groupe RPR et du groupe UDF)
M. Le Président : Je remercie l’ensemble des orateurs pour leur concision. Cette discipline librement consentie nous permettra d’entendre les ministres dès le début de la séance de cet après-midi.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures. La séance est levée à 13 heures 20.
Jacques Bouffier, directeur du service des comptes rendus analytiques.
Assemblée Nationale
Compte-rendu Analytique Officiel
Session ordinaire de 1996-1997 – 27ème jour de séance, 50èmee séance.
1ère séance du jeudi 14 novembre 1996.
Présidence de M. Daniel Colliard, vice-président
Sommaire :
- Nomination de députés en mission temporaire
- Loi de Finances pour 1997 - deuxième partie – (suite)
- Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche (suite)
- Questions
- Rappel au règlement
- Loi de Finances pour 1997 – deuxième partie – (suite
- Éducation Nationale, enseignement supérieur et recherche (suite)
- Enseignement scolaire
- État B titre III
- II Enseignement supérieur
- III Recherche
- Constitution d’une commission mixte paritaire
La séance est ouverte à quinze heures.
NOMINATION DE DÉPUTÉS EN MISSION TEMPORAIRE.
M. le Président – M. le Premier ministre m’informe qu’il a chargé MM. Daniel Garrigue et Patrice Martin-Lalande de missions temporaires, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 144 du code électorat. Les décrets correspondants ont été publiés au Journal Officiel du 14 novembre 1996.
LOI DE FINANCES POUR 1997 – deuxième partie – (suite)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1997.
ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE
M. Bayrou, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche : Je remercie tout d’abord MM. Les rapporteurs de leurs appréciations, et d’avoir noté la progression, très significative, dans un contexte de rigueur, de nos budgets. L’ensemble des crédits progresse en effet de plus de 2 % ; et, au sein de cette progression générale, le budget de l’enseignement supérieur affiche, avec 5,5 %, la plus forte progression de tous les budgets de notre pays, s’établissant à 47 milliards.
Cette progression budgétaire traduit une volonté politique : l’intégralité des engagements pris dans le cadre de la réforme en cours sont respectés. 7 000 emplois sont créés sur deux ans dans l’enseignement supérieur. La loi de programmation est respectée dans toutes ses dispositions. C’est dire ce que représente pour la nation l’effort entrepris.
Un mot sur les objectifs du nouveau contrat pour l’école. J’ai adressé il y a quelques jours au Parlement le rapport d’étape établi conformément à l’article 6 de la loi de programmation du 13 juillet 1995. Les parlementaires ont pu ainsi constater que 94 % des crédits, soit 2,36 milliards sur 2,52 prévus, et 85 % des emplois, soit 4 803 sur 5 643 prévus, avaient déjà été mis en place ? Je rappelle qu’à l’époque de la loi de programmation je m’étais toujours refusé à dire qu’il s’agissait d’emplois nouveaux créés. Le titre de la loi de programmation évoque d’ailleurs clairement une programmation des moyens destinés à répondre aux objectifs du nouveau contrat pour l’école.
M. Glavany : Par des suppressions d’emplois…
M. le Ministre : Vous êtes le plus mal placé pour aborder ce thème, étant le seul responsable de l’enseignement professionnel à avoir supprimé des emplois par centaines. Si vous aviez un minimum de respect humain, vous devriez vous faire oublier sur un dossier où vous avez été particulièrement déplorable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
M. Glavany : Cinq mille suppressions ! Du jamais vu depuis Vichy…
M. le Ministre : Revenons aux objectifs du contrat pour l’école, concernant d’abord le premier degré. Je m’étais engagé à ce que chaque année le nombre d’élèves par classe de maternelle diminue jusqu’à atteindre 25 en ZEP à la rentrée 1997. Nous sommes à 26 pour cette rentrée et les 25 seront atteints à la rentrée prochaine. Les décharges aux directeurs d’école ont été mises en place conformément à l’engagement pris : le mouvement des directeurs a pris fin en octobre, car nous avons pu prouver que cet engagement serait respecté ; à quoi s’ajoute une revalorisation des conditions de travail. L’enseignement des langues vivantes est assuré dans l’immense majorité des cours élémentaires, sous forme d’une initiation quotidienne ; la France est le premier pays au monde à faire cet effort, qui certes n’est pas à son terme, mais qui est déjà important.
Toujours dans le premier degré : mes prédécesseurs avaient fermé par centaine des écoles rurales. J’ai annoncé dès mon arrivée qu’aucune école ne serait fermée contre l’avis des élus, quel que soit le nombre des élèves. A ce titre, ce sont plusieurs centaines d’écoles qui ont pu être maintenues. Je me réjouis particulièrement de constater que, malgré des prédictions alarmistes, un rapport d’évaluation montre que les élèves de classe unique ont des résultats comparables aux autres, si ce n’est supérieurs ; j’y ai vu la justification de nos réflexions à ce sujet. Enfin, la réécriture et la diffusion de l’ensemble des programmes du premier degré et du début du collège a été menée à bien, grâce à des échanges nourris entre le ministère et les enseignants ; on a pu y voir la preuve de leur engagement dans la réflexion sur leur métier et sur les programmes.
Au collège, la nouvelle organisation de la sixième a été mise en place dans tous les établissements lors de la précédente rentrée, ainsi que les études dirigées, qui permettent de donner quotidiennement aux élèves une initiation aux méthodes de travail. Cette année, c’est la nouvelle cinquième ; l’option latin a été choisie par presque un élève sur trois. Dans deux ans sera introduite l’option grec en troisième, en même temps que langue vivante et technologie. L’encadrement des élèves a été améliorée grâce à 2 200 appelés supplémentaires, ce qui porte leur nombre total à près de 5 000 ; je remercie M. le rapporteur d’avoir souligné l’excellence de leur travail.
Au lycée, la réforme du baccalauréat et le rééquilibrage des séries ont été menées à terme. Nous avons essayé de construire une meilleure liaison avec l’enseignement supérieur en mettant à la disposition de chaque élève un dossier d’orientation sur la section qu’a choisie et les espérances qu’il peut nourrir selon sa décision d’orientation. J’annoncerai à partir de la semaine prochaine les options du nouveau programme d’orientation au lycée ; il répond à cette idée simple que, plus la réflexion sur l’orientation à lieu en amont, plus elle a des chances d’être bonne. C’est le choix que je proposerai à mes interlocuteurs enseignants et lycéens.
Concernant la sécurité des établissements scolaires, 500 millions ont été affectés au traitement de l’amiante. Dans le cadre du « plan violence », 150 emplois de maître d’internat et surveillant d’externat, 80 emplois de conseiller principal d’éducation, 20 emplois d’assistance sociale sont mis en place dans ce budget. Nous avons intéressé la communauté scolaire il y a quelques semaines par la suspension des cours consacrée à une réflexion sur la violence. Et je suis heureux de voir – je leur exprime ici ma gratitude – l’ensemble des élus lycéens du conseil supérieur de l’éducation reprendre à leur compte la campagne sur la violence : premières victimes de celle-ci, ils ont décidé d’être en première ligne pour la combattre, et c’est très encourageant.
Je reviens un instant sur les régulations de postes et d’emplois prévues au budget. Comme l’ont souligné beaucoup de vos rapporteurs, ces régulations n’atteindront pas les moyens devant les classes. J’entends par là non seulement les maîtres en charge des classes, mais tous ceux qui sont en contact des élèves, qu’il s’agisse des directeurs d’école ou des maîtres de l’enseignement spécialisé. Pour que ces moyens ne diminuent pas, il suffit que les recrutements demeurent supérieurs au nombre de départs à la retraite : tel sera bien le cas l’an prochain. De la même façon, la réorganisation des remplacements que nous allons proposer sera sans conséquence sur le nombre des remplaçants. Bien plus, je prends l’engagement qu’on ouvrira l’année prochaine plus de classes que cette année, malgré la baisse du nombre des élèves. Partout en France, dans le premier comme dans le second degré, l’encadrement continuera à s’améliorer, le nombre d’élèves par classe continuera à baisser ; c’est une garantie d’efficacité.
Dans l’enseignement supérieur la création de 7 000 emplois sur les rentrées 1996 et 1997, alors que le nombre d’étudiants est stable, constitue un effort sans précédent, d’autant plus remarquable dans le contexte budgétaire actuel. En 1997, 2 700 emplois seront créés, dont 1 500 emplois d’enseignants ; je me suis efforcé de répondre aux inquiétudes qui s’étaient exprimées l’an dernier en corrigeant le rapport entre le nombre d’enseignants-chercheurs et le nombre d’enseignants sous statut du second degré affectés dans l’enseignement supérieur : il sera de 2 à 1. Par ailleurs, 1 200 emplois d’IATOS seront créés. Enfin, je proposerai 300 mises à disposition des personnels de l’administration centrale. En 1996, nous avons créé 2 000 emplois d’enseignants et 2 000 emplois d’IATOS. Cette égalité est le signe de la reconnaissance du travail accompli par le personnel IATOS. La combinaison des emplois vacants et des emplois créés autorisera le recrutement de 2 286 maîtres de conférence et 1 246 professeurs.
250 millions seront affectés au fonctionnement des établissements. Ainsi, la dotation des universités représentera, en 1997, 90 % de leur dotation théorique. Quand je suis entré en fonctions, nombre d’universités en particulier les universités nouvelles, se trouvaient en dessous de 50 % : c’est pour moi une satisfaction qu’en une seule année, nous ayons pu, pour toutes les universités, passer la barre des 80 %. C’est sans doute l’une des explications du caractère particulièrement serein de la rentrée. Ce n’était que justice : il n’était pas normal que certaines universités soient avantagées par rapport à d’autres.
Nous devons mener à son terme la réforme de l’enseignement supérieur, dont les principes ont été acceptés par tous les acteurs. Je ne parlerai qu’avec une réserve de concertation : notre objectif est plutôt de construire une démocratie de participation. Chacun des acteurs ne doit pas seulement être écouté, mais participer à la décision – sans qu’il s’agisse d’imposer une cogestion ou une coresponsabilité.
M. Dubernard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l’enseignement supérieur : C’est du gaullisme…
M. Le Ministre : Oui, c’est en effet le général de Gaulle qui a eu l’intuition des exigences d’une démocratie nouvelle, à haut niveau d’information et de formation. Il s’agit d’une révolution ; nous n’en sommes qu’au début. Cette manière de faire nous a permis, pour la première fois depuis le début de la Vème République, d’obtenir l’adhésion de tous aux principes d’une réforme en profondeur ; je continuerai à la défendre car je la crois juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur le calendrier de cette réforme : je considère que dans leur majorité, les mesures doivent intervenir à la rentrée 1997 : c’est qu’elles doivent être prêtes en février-mars, afin que les universités puissent se préparer.
Il y aura cinq groupes de mise en œuvre réunissant les différents acteurs de l’Université. Bien sûr, et je réponds ainsi au président Bourg-Broc, je tiendrai informé le Parlement, de même que je suis venu devant lui quand il s’agissait de mettre au point les principes de la réforme.
Le premier groupe doit traiter ce qui touche à la pédagogie. Il conviendra d’examiner les changements que suppose la nouvelle organisation du temps universitaire. La semestrialisation permettra des réorientations à l’issue du semestre initial ; pour cela, il faut que les études puissent être commencées indifféremment en septembre ou en mars. Il s’agit donc d’un changement important dans l’organisation du temps ; il nous faudra aussi mieux préciser les correspondances entre les différentes disciplines. Certains ont exprimé la crainte – ou le souhait – d’un retour à l’ancienne propédeutique : tel n’est pas mon objectif. Les étudiants doivent pouvoir découvrir réellement une discipline, mais en même temps avoir une idée des disciplines proches vers lesquelles ils pourraient se réorienter : il faudra trouver le juste équilibre.
La nouvelle organisation du temps universitaire implique une nouvelle organisation des examens, une nouvelle conception des diplômes du premier cycle. Nous devons aussi préciser la philosophie de la nouvelle voire technologique universitaire.
Le deuxième groupe de mise en œuvre concerne les étudiants. Un grand nombre d’orateurs ont parlé de statut de l’étudiant et des aides sociales. J’espère qu’un terrain d’entente pourra être trouvé et qu’ainsi le nouveau système pourra être mis en place à la rentrée prochaine.
C’est le point le plus délicat de la réforme, car si chacun s’accorde à trouver injuste le système actuel, les modifications à y apporter ne font pas l’unanimité. Nous avons posé un socle de principes solides, et invitons chacun à prendre part à la définition du nouveau système, car nous n’avons pas l’intention de passer en force ; il s’agit de rende service aux étudiants, non de les déstabiliser.
Autres innovations : l’évaluation des enseignants pour les étudiants, l’association plus étroite des étudiants à la gestion des universités et des œuvres universitaires, l’instauration du tutorat universel, qui a rencontré un accueil favorable, et qui enrichit l’étudiant comme le tuteur – « cum docent, dicunt », dit l’adage latin…
Une plus grande transparence est nécessaire dans la gestion des universités, et j’ai bien entendu les observations de M. Jacquemin sur l’utilisation de certains crédits. L’IGEN m’a remis plusieurs rapports, dont je n’entends laisser aucun élément dans l’ombre. Seule la confiance permettra de construire une véritable autonomie des universités.
Une plus grande fluidité doit être encouragée entre la recherche fondamentale, l’enseignement et la recherche appliquée. En décernant, récemment, le titre de docteur honoris causa à un grand physicien américain, j’ai pu constater que son éminente carrière s’était équitablement partagée entre ces trois activités.
S’agissant de la gestion des personnels, la progression des carrières ne devra plus être exclusivement fonction de la recherche et les travaux publiés, même si cet aspect revêt, naturellement, une importance centrale. La commission des personnels aura à se pencher sur ce sujet, ainsi que sur la réforme des procédures de recrutement, sur la place des agrégés du secondaire dans l’Universitaire et sur les post-doctorants, à qui la pyramide des âges ouvrira, dans quelques années, des perspectives intéressantes.
Ces « groupes de mise en œuvre » ne seront pas des groupes de concertation : les objectifs sont déjà définis, et si tous les sujets peuvent être abordés à la demande des participants, nous n’entendons pas perdre de temps. Au passage, je rends hommage à l’Université française, qui a su rompre avec ses vieilles habitudes, pour nous permettre de mener à bien, en l’espace de deux ans, la conception et la réalisation de la réforme.
J’ai apprécié la plupart des observations que j’ai entendues. Quant à M. Glavany, je lui ai déjà dit ce que je pensais de son intervention, mais voudrais ajouter à son intention un élément qui devrait l’inciter à plus de modestie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Drapé dans sa toge, M. Glavany nous a expliqué en effet que les heures supplémentaires étaient une abomination. Je lui ai répondu, de ma place, que j’étais le seul ministre à avoir transformé des heures supplémentaires en emplois : 1 500 emplois !
M. Glavany : Ceux que nous avons créés, nous, se chiffrent en dizaines de milliers !
M. le Ministre : L’effort que j’ai entrepris doit se poursuivre, car le volume d’heures supplémentaires, qui était de moins de 600 000 en 1990, est passé à près de 700 000 l’année suivante, pour culminer à 805 000 en 1993 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
M. Glavany : Et les créations de postes ?
M. le Ministre : Je comprends que ces chiffres vous gênent, mais quand on vient dire des mensonges à la tribune, il faut s’attendre à être démenti ! J’ai ramené le nombre des heures supplémentaires à 800 000, et c’est encore trop, mais n’oubliez pas que c’est vous, et non pas moi, qui les ai mises en place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)
On peut d’ailleurs juger du caractère candide du lin sur la toge dans laquelle M. Glavany se drape, quand on sait que les créations de postes d’infirmière, dont il nous a également entretenus ce matin, n’ont été que de 167 entre 1988 et 1992, contre 379 depuis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)
Encore n’ai-je pas la cruauté e m’étendre sur les 186 suppressions de postes dans l’enseignement technique et professionnel, qui auront été la seule contribution de M. Glavany à la cause de l’Éducation nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
Pour respecter mon temps de parole…
M. Glavany : Aucun temps de parole n’est imposé au Gouvernement.
M. le Président : Il a été convenu entre l’Assemblée nationale, sa présidence et le Gouvernement que les ministres disposaient aujourd’hui d’un temps de parole d’une heure vingt, répondes aux questions non comprises. Je souhaite que ce temps de parole soit utilisé sereinement. En ce moment, seul le ministre a la parole.
M. le Ministre : Le rappel de la réalité n’est pas toujours agréable à entendre !
M. Le Déaut : Vous avez la mémoire sélective !
M. le Ministre : M. Glavany marquait son accord enthousiaste avec les demandes de M. Bourg-Broc relatives au calendrier d’application du contrat pour l’école. J’en ai été heureux, car ses exigences quant au calendrier prouvent qu’il est d’accord sur le fond. La parité a été intégralement respectée entre le public et le privé.
M. Glavany : J’ai prouvé ce matin que c’était absolument faux !
M. le Ministre – Je tiens les chiffres à votre disposition.
S’agissant des effectifs d’instituteurs dans les Pyrénées-Orientales, Monsieur Barate, ce département a bénéficié de 42 postes pour 80 élèves supplémentaires depuis la rentrée 1994.
Pour ce qui est dit moratoire, le mot me paraît inapproprié car il laisse entendre qu’il s’agirait d’une parenthèse. Or, depuis ma prise de fonction, j’ai maintenu ouvertes les écoles en milieu rural et je continuerai de le faire dans les mêmes conditions à la prochaine rentrée scolaire.
M. Poignant m’a interrogé sur les rythmes scolaires. Je m’étais engagée à choisir deux départements dont tout le territoire serait concerné par l’expérimentation. Après appel à candidatures, j’ai retenu le département de la Marne et celui des Hautes-Alpes, y ajoutant la ville de Marseille, afin de mener l’expérience dans des zones diverses, à la fois rurales et urbaines. Je crois ainsi répondre au souci de Mme Rignault.
M. Perrut a appelé mon attention sur l’accueil des autistes. C’est un problème très douloureux que l’école peut, dans certains cas, contribuer à résoudre mais pas seule et elle doit le faire selon une approche nouvelle que je favoriserai. Je suis prêt à en parler plus longuement hors de cette enceinte.
En ce qui concerne l’évaluation des établissements, Monsieur Urbaniak, nous publions désormais un annuaire sur tous les établissements de France, qui tient compte des données socio-culturelles pour apprécier les résultats. Pour ce qui est de l’évaluation des enseignants, il reste beaucoup à faire et nous y réfléchirons en cours des mois qui viennent. Ce problème est indissociable de celui du mouvement qui a donné lieu cette année à des dysfonctionnements inacceptables. Des organisations syndicales sont d’accord pour que nous examinions ensemble comment réorganiser le mouvement, afin d’aboutir à des décisions plus justes et plus précoces.
M. Poignant et M. Hermier m’ont interrogé sur l’intégration des instituteurs dans le corps de professeurs des écoles. C’est un sujet sur lequel nous avons été exemplaires, allant au-delà des quotas prévus dans les accords signés par M. Jospin.
Pour ce qui est des listes supplémentaires, la règle de remplacement des désistements a été parfaitement respectée : un pour un. N’oubliez pas que l’inscription sur ces listes ne signifie pas que l’on est reçu.
J’en viens aux maîtres auxiliaires. J’ai récemment été interrogé à la radio par une jeune femme qui s’est présentée comme maître auxiliaire mise au chômage alors que son expérience d’enseignante se limitait à deux missions d’une semaine chacune ! L’intérim est accepté partout, y compris dans l’Éducation nationale. On ne peut pas parler de chômage dans un tel cas. En revanche, des procédures d’intégration ont été mises en place pour les maîtres auxiliaires ayant plus de quatre ans d’ancienneté. Des accords ont été signés et la loi sera appliquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR) Nous n’aurions pas eu besoin de le faire, Messieurs les socialistes, si vous l’aviez fait !
M. Le Déaut : Vous êtes là depuis quatre ans !
M. le Ministre : En ce qui concerne les dispositifs d’aide aux familles, ce n’est pas la première fois que j’entends émettre des réserves sur l’allocation qui remplace la bourse de collège. Je suis prêt à expérimenter dans certains départements, en liaison avec les caisses d’allocations familiales, une nouvelle procédure qui ferait intervenir les établissements dans la gestion de ces bourses.
Je remercie M. Étienne d’avoir évoqué l’idée d’un partenariat entre les étudiants en médecine et la médecine préventive. En effet, des étudiants pourraient peut-être prendre une part plus grande qu’aujourd’hui à la médecine scolaire. Il y a là une voie très intéressante et peu onéreuse pour améliorer le système de prévention.
Vous avez raison de noter, Monsieur Urbaniak, que l’évaluation doit être l’affaire commune de l’inspection générale et de la direction de l’évaluation.
En conclusion, il est heureux que l’Éducation nationale se montre capable de rénover, de faire évoluer ses structures, prouve qu’elle n’est pas ce grand corps immobile, ce diplodocus incapable de se réformer et qui semblait voué à la disparition. Elle montre au contraire sa volonté de s’adapter aux nécessités de l’heure, à condition que chacun comprenne qu’il s’agit d’un service public organisé autour d’idéaux communs à l’ensemble de la nation. La part de l’Éducation nationale a prise dans le sentiment national et républicain, dans l’égalité des chances n’est pas discutable. Nous avons là un peu du plus précieux de ce qui nous fait vivre ensemble. Cette adaptation, c’est la traduction du dévouement de l’Éducation nationale à ces idéaux qui nous rassemblent tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)
M. d’Aubert, secrétaire d’État à la recherche : Je remercie les rapporteurs du travail qu’ils ont accompli et les commissions du soutien qu’elles ont apporté au budget de la recherche.
Ce budget traduit notre ambition de maintenir la recherche française au plus haut niveau, car il n’est pas de grand pays sans un secteur de la recherche important. Nous sommes au troisième rang mondial pour les dépenses de recherche par rapport au PIB, devant l’Allemagne qui vient de décider de diminuer son budget de recherche publique de 2,5 %. Nous sommes même au premier rang pour le rapport entre recherche publique et PIB.
L’enjeu est considérable. Les évolutions scientifiques et les mutations technologiques exigent de nous un grand effort d’adaptation et d’anticipation. A l’approche de l’an 2 000 est engagée une course à la connaissance, à la production de cette connaissance et à son application. Il faut donc, comme l’a fait le comité interministériel de la recherche du 3 octobre dernier, identifier les secteurs sur lesquels l’effort doit porter en particulier. Il faut aussi soutenir les moyens des laboratoires et veiller au renouvellement des équipes. Les financements prévus ouvrent en 1997 des perspectives de recrutement pour 8 000 jeunes. Il faut enfin créer un environnement favorable à l’innovation. Or, actuellement, dans les entreprises de moins de 50 salariés, le pourcentage de sociétés innovantes est inférieur de moitié en France à ce qu’il est en Allemagne, ce qui est d’autant plus regrettable que de telles entreprises sont plus durables et créatrices d’emplois.
Qu’il soit bien clair que notre objectif est de privilégier recherche fondamentale ou recherche appliquée. Un pays qui lâcherait d’un pouce sur la recherche fondamentale ne serait plus un grand pays scientifique. Une nation puissante se doit d’avoir une recherche à un niveau d’excellence qui couvre l’ensemble des disciplines.
A cette occasion, je rends hommage à tous nos chercheurs : qu’il s’agisse, cette année, de l’identification par le CNRS d’une enzyme physiologique qui ouvre une voie de recherche prometteuse contre la maladie d’Alzheimer ou de la découverte, par une équipe du CEA et de l’institut Pasteur, d’un nouveau micro-organisme permettant la dénitrification biologique des effluents industriels, notre recherche publique fait la réputation, la force et la richesse de la France.
Il y a deux semaines, la revue Science a publié une carte positionnant près de 16 000 gènes sur les 80 000 que comporte le génome humain. Le grand découvreur est, avec son équipe, Jean Weissenbach, directeur de recherche au CNRS, et responsable du centre de grand séquençage dont le Gouvernement vient d’annoncer la création à Évry. Notre recherche fondamentale est donc bien au premier rang.
Pour renforcer ce continuum entre production de connaissance et innovation. L’État doit promouvoir l’interdisciplinarité et le travail en réseau, et développer des actions plus incitatives, plus fédératrices et davantage tournées vers l’entreprises.
Le budget traduit pleinement cette orientation nouvelle. Il s’élève à 52,3 milliards dont deux milliards de crédits de report qui seront disponibles dès la fin 1996 puisqu’ils sont inscrits dans le projet de collectif budgétaire qui vient d’être adopté. C’est là une meilleure garantie pour le budget de la recherche que les transferts en gestion des années passées.
Ce budget s’appuie également sur une série de réformes pour rendre notre dispositif de recherche plus performant et encourager la recherche privée trop timide.
Les soutiens de programme progresseront en moyenne de 2,1 % par rapport à 1996 et de 3,1 % pour les seuls EPST. En contrepartie, des efforts importants seront demandés aux organismes de recherche pour maîtriser leur frais de structures et leurs dépenses administratives. Les grands équipements internationaux contribueront à cet effort, sans pour autant que des projets majeurs comme la construction du LHC en soit affectée. A ce propos, Monsieur Birraux, je souhaite simplement une participation plus forte des États-Unis.
Quant aux moyens es laboratoires universitaires, ils progresseront de 3,2 % hors crédits d’équipement, et de 3,7 % au total. Ils permettront de poursuivre, dans de bonnes conditions, la politique contractuelle entre l’État et les universités mais aussi de favoriser une politique volontariste de mobilité.
Par ailleurs, le recrutement dans les organismes publics de recherche est relancé.
M. Le Déaut : Cette année ? Vous plaisantez !
M. le Secrétaire d’État : Certains craignaient une année blanche pour les recrutements.
Un député socialiste : C’est une année noire !
M. le Secrétaire d’État : Mais le nombre de recrutements des chercheurs et des personnels techniques dans les EPST augmentera de 7,5 %, la progression est de 2,5 % pour les chercheurs et de 12,2 % pour les personnels techniques.
M. Le Déaut : Il fait encore mieux que le ministre. C’est David Copperfield !
M. le Secrétaire d’État : Pour le seul CNRS, 285 chercheurs et 298 ITA seront recrutés en 1997, contre, respectivement, 261 et 231 en 1996.
Non seulement les suppressions d’emplois compensées, mais le rajeunissement de la communauté scientifique est en bonne voie.
Pour certains, ce n’est pas suffisant. Mieux vaut de tels recrutements correctement financés plutôt que des annonces irréalistes.
Pour ce qui est du passif du BCRD, le retard des CP sur les AP s’est creusé en 1988 et 1993, et nous avons dû rattraper plus de 600 millions de dépenses de personnel non financées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
M. Le Déaut : Mais cela fait 4 ans que vous êtes là !
M. le Secrétaire d’État : En réalité, ce nouveau flux de recrutement s’inscrit dans le cadre d’une politique globale qui s’appuie sur plus de mobilité et de souplesse dans la gestion des carrières.
De nouvelles mesures de mobilité ont ainsi été prises, comme le souhaitait M. Foucher.
L’objectif est de doubler le flux « naturels » entre les universités et les organismes de recherche, pour atteindre environ 150 cas de mobilité dès 1997, dans chaque sens.
Cette mesure préparée en concertation avec la conférence des présidents d’université, s’inscrira dans une relation contractuelle, au cas par cas, et sur la base du volontariat. Des incitations financières seront données aux laboratoires universitaires qui accepteront d’envoyer leurs maîtres de conférence ou professeurs en délégation faire de la recherche pendant deux ans en organismes, pour qui accepteront de recevoir des chercheurs en détachement.
M. Le Déaut : Les chercheurs, c’est dehors qu’ils sont.
M. le Secrétaire d’État : Il s’agit aussi d’attirer les chercheurs vers les entreprises, en assouplissant les conditions de détachement, et en portant leur plafond de rémunération à 150 % du salaire. En outre, l’attribution aux entreprises des crédits incitatifs du fonds de la recherche et de la technologie sera conditionnée à l’accueil de chercheurs. Plusieurs dizaines de chercheurs pourraient ainsi rejoindre des entreprises en 1997, en détachement – donc payés par ces entreprises – et non plus par mise à disposition, c’est-à-dire payés par l’État.
Nous favorisons aussi la mobilité entre les générations. Pour inciter au départ en retraite de chercheurs confirmés, ils bénéficieront entre 60 et 65 ans de prime, dégressive avec l’âge. Cette mesure s’appliquera d’abord au CNRS, à l’INSERM et à l’INRA et devrait concerner environ 150 chercheurs en 1997. Mais Monsieur Le Déaut, il ne s’agit pas de supprimer des emplois. Ceux qui partent seront remplacés par des jeunes.
Dans le même esprit, il sera mis fin par une mesure législative, déjà votée par le Sénat, au maintien des chercheurs en surnombre jusqu’à 68 ans. Plus de 100 chercheurs seront concernés en 1997. Ceux qui le souhaitent pourront continuer leurs travaux dans le cadre existant de l’éméritat.
M. Le Déaut : Il est vraiment plus fort que Bayrou !
M. le Secrétaire d’État : Ce renouvellement des « forces vives » a été l’un des thèmes forts du comité interministériel de la recherche scientifique et technique, qui s’est tenu le 3 octobre dernier.
Mais ce ne fut pas le seul. Les chercheurs attendaient du Gouvernement qu’il fixe des caps clairs et argumentés. Il était important aussi de promouvoir, au côté des grands programmes de souveraineté que sont le nucléaire, l’aéronautique et l’espace, des programmes de compétitivité soutenus par la recherche scientifique.
En croisant trois critères : demande sociale , soutien aux secteurs à fort potentiel de croissance économique ainsi qu’à ceux où l’excellence de notre recherche permet de valoriser un avantage comparatif, nous avons ainsi retenu sept priorités ; les industries agroalimentaires, les transports terrestres et aéronautique, les industries électroniques et les technologies de l’information, la chimie de formulation, la recherche médicale – le Président de la République a particulièrement insisté sur les maladies infectieuses, dont le sida - , les technologies de l’environnement, les recherches technologiques de bases dans le domaine des sciences de l’innovation. Les organismes et les universités sont invitées, non à s’y plier, mais à s’y intéresser et l’État demandera aux organismes de réserver, dès 1997, 10 % de leur budget, hors dépenses salariales, aux projets de recherches déclarés prioritaires. Cette politique qui a pour objet de fédérer les efforts autour de choix clairs suscitera, j’en suis sûr, une forte adhésion de notre communauté scientifique.
M. Le Déaut : C’est mal parti !
M. le Secrétaire d’État : Pas du tout ! D’ailleurs vous-même avez rendu hommage aux sept priorités. En parallèle, le Gouvernement mène un effort inédit en faveur de l’innovation. C’est ainsi que pour drainer davantage l’épargne privée vers le financement de celle-ci, nous avons décidé de créer une nouvelle catégorie de fonds de placement à risques : le FCP innovation et aboutir à la création de 3 000 emplois. Si nous voulions égaler la vigueur du capital risque aux États-Unis, il nous faudrait 8 milliards de francs par an.
Nous allons aussi, après plus de 12 ans de valse hésitation, intéresser financièrement l’inventeur à l’exploitation de son invention.
Le fonds de la recherche et de la technologie s’affirmera, d’autre part, comme l’outil privilégié de l’innovation. Sa capacité d’intervention sera en 1997 supérieure, du fait des reports, à celle de 1996. Et désormais, ses crédits seront entièrement consacrés à des actions de recherche mixtes associant les entreprises et les organismes publics.
Le recrutement par les entreprises de jeunes chercheurs sera favorisé par le développement des conventions CIFRE qui permettent de préparer un doctorat dans le cadre d’un doctorat d’une activité en entreprise. Nous avons porté leur nombre de 600 à 700 dès cette année universitaire.
M. Le Déaut : Il y en avait 1 000 il y a cinq ans.
M. le Secrétaire d’État : Précisément, le rapport de la Cour des comptes dénonce votre gestion, Messieurs, et tous les retards accumulés depuis 1988. Il est trop facile d’inscrire des AP si ensuite les CP ne suivent pas ! Nous, nous réglons les chèques en bois que vous avez signés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR) et nous remettons sur les rails de la bonne gestion les grands organismes publics, qui méritent mieux que vos approximations comptables.
Les engagements financiers de l’État dans les grands programmes stratégiques en cours sont respectés. Je pense en particulier au nucléaire et à l’espace. En aéronautique, de nouveaux programmes viennent prendre le relais des programmes en fin de réalisation. Ainsi, l’hélicoptère EC 165 est destiné à remplacer l’actuel Dauphin, cependant que les recherches sur le moteur CFMXX, l’avion de 100 places et l’A330-200 se poursuivent.
M. Le Déaut : Pour les hélicoptères, tout va bien.
M. le Secrétaire d’État : Comme vous le constatez, ce budget permet d’envisager sereinement l’avenir de la recherche française. Permettez-moi pour conclure de vous livrer le résultat d’un sondage tout récent : 70 % des Français souhaitent que les chercheurs jouent un rôle plus important au cours du siècle prochain. Les intellectuels et les hommes politiques n’obtenant respectivement que 46 % et 24 % des suffrages. Ce plébiscite justifie à lui seul l’effort que la nation consent pour offrir à nos chercheurs tous les moyens nécessaires à leur travail.
Questions
M. Bignon : Nous nous sommes tous réjouis en 1993 lorsque le gouvernement de M. Balladur a institué un moratoire sur les fermetures de classes car cela nous permettait de souffler et de prendre le recul nécessaire. Mais je crains que ce moratoire ne soit comme la morphine : quand ça s’arrête, ça fait très mal. Ne faudrait-il pas l’utiliser à des fins plus curatives, de façon à ce que les maires qui font de efforts pour, par exemple, organiser les regroupements pédagogiques ne soient pas pénalisés par rapport à ceux qui se contentent de camper sur leurs positions. Qu’envisagez-vous pour l’avenir, Monsieur le ministre ?
Monsieur le Ministre : Le mot « moratoire » me paraît mal choisi mais quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’intention d’en sortir car l’État doit aider les zones les plus défavorisées à maintenir les services publics sur leur territoire, à commencer par le plus précieux d’entre eux : le service public de l’éducation. Cela ne nous empêchera pas d’aider les élus qui font des efforts pour mettre en place une nouvelle organisation scolaire. J’en profite pour dire à M. Urbaniak qui m’a interrogé sur la participation des élus à l’établissement de la carte scolaire que ce ne sont pas dix observatoires des flux qui ont été mis en place – comme je m’y était engagé – mais dix-huit.
Monsieur Rosselot : Est-il juste que toutes les universités fonctionnent selon des critères uniformes et nationaux, définies selon les fameuses normes « San Remo » ? Je pense au contraire qu’il faudrait distinguer entre les universités mono-disciplinaires et pluridisciplinaires et tenir compte également de leur caractère unique ou non dans une telle ville ou région.
Les universités multidisciplinaires des régions et villes moyennes – comme celle de Franche-Comté me paraissent, en effet, défavorisées par rapport aux mono-disciplinaires des grandes villes. Comment comprendre qu’une université qui compte 1 00 étudiants répartis par exemple en sciences, droits et lettres – soit plusieurs fois 500 heures – ne soit pas mieux dotée qu’une université comptant elle aussi 1 000 étudiants mais vouée à une seule discipline nécessitant seulement une seule fois ces 500 heures ? Qui plus est, les étudiants non sélectionnés ne coûtent-ils pas aussi cher que ceux qui le sont ?
Enfin Monsieur le ministre, comment tenir le discours légitime sur l’équilibre de l’aménagement du territoire, sur la nécessité de donner, à chaque lieu et à chaque citoyen, sa chance d’épanouissement, sans prendre en compte le coût spécial des délocalisations de premier cycle, répondant justement à ces besoins si fortement exprimés par les élus territoriaux ? Le ministre, mais aussi le président de conseil général est-il prêt à enclencher les modifications de coefficients après à rétablir plus d’équité entre les universités ?
M. le Ministre : Je m’en suis longuement expliqué : l’équité de traitement entre universités est ma préoccupation principale, non seulement en paroles, mais dans les faits : en un an nous avons fait en sorte que toutes les universités françaises se rapprochent des moyens humains et financiers qui devraient leur revenir en vertu de la norme de répartition. C’est ici que se posent les deux problèmes auxquels renvoie votre question. Tout d’abord, nous avons une norme de répartition des moyens, mais elle est souvent discutable. Elle l’était particulièrement sur un point, que je n’ai pas accepté : elle pénalisait en effet les universités recevant des boursiers, ce qui proprement matcher sur la tête. C’est inacceptable et j’ai mis fin à cette situation ; la norme est donc beaucoup moins injuste qu’elle ne l’était auparavant.
D’autre part, la conférence des présidents d’universités nous a proposé un certain nombre d’adaptations destinées à tenir compte des particularités locales. La pluralité des disciplines, celles de cycles aussi, sont naturellement prises en compte dans l’attribution des moyens. La nouvelle norme a d’ailleurs favorisé l’université de Besançon, qui vous est chère, et qui a reçu dix-neuf emplois à ce titre, si ma mémoire est bonne.
Enfin, même si la norme est imparfaite, elle est indispensable au moins pour s’assurer que tout le monde revient à l’équilibre. Si je change l’indicateur maintenant, personne ne saura plus où nous en sommes. Or il est légitime que chacun reçoive son dû avant de faire évoluer la norme.
Mme Aurillac : Les suppressions d’emplois au ministère de l’éducation nationale ont suscité de grandes interrogations, relayées par certains syndicats. Ils affirment que le moment n’est pas venu de réduire les effectifs des professeurs des écoles, alors que l’enseignement primaire serait en crise. Vous avez souligné, Monsieur le ministre, qu’aucun poste devant les élèves ne serait supprimé. Pour l’ensemble de la France, et pour Paris en particulier, pouvez-vous nous indiquer l’évolution des effectifs scolarisés entre 1970 et 1994, d’une part, en 1995 et 1996 ? d’autre part, en maternelle et en primaire ? Quelle a été parallèlement l’évolution des postes d’enseignants titulaires, et des non-titulaires, avec le nombre de titularisations ? Alors que vous souhaitez présenter avec sincérité votre budget, il est essentiel que les familles connaissent les conditions de travail réelles de leurs enfants dans l’enseignement primaire, et quels efforts sont faits pour en accroître la qualité.
M. le Ministre : Un mot tout d’abord pour souligner que jamais, dans mon souvenir, la rentrée à Paris n’a présenté une qualité comme celle de cette année : « zéro défaut », comme on dit dans l’industrie. Cette académie qui a souvent rencontré des difficultés n’en a connu aucune de cette année, parce que nous avions adopté une nouvelle organisation ; je remercie tous les élus et les administrateurs qui s’y sont impliqués. C’est dire que sans dépenser plus on peut avoir un meilleur service, ce dont nous sommes l’un et l’autre convaincus.
Pour ce qui est de votre question, je n’ai pas les éléments nécessaires pour remonter jusqu’en 1970. En 1974, nous avions 6 670 000 élèves et 278 000 postes. En 1996, pour 5 800 000 élèves, nous avions 310 880 postes. Ainsi, pour 800 000 élèves de moins, nous 32 000 postes de plus. A Paris, l’effectif scolarisé est descendu de 151 478 en 1978 à 137 500 en 1996, soit 15 000 élèves de moins. Parallèlement le nombre de postes sont désormais pourvus par des titulaires, que le taux d’encadrement en maternelle est passé de 38 à 27, et de 25 à 23 dans le primaire.
M. Carayon : La recherche publique est coûteuse, son rendement scandaleusement insuffisant, la mobilité de ses chercheurs vers l’entreprise privée proche de zéro. Il n’y a pas de véritable transfert de connaissances entre public et privé : quand les universités américaines couvrent 20 % de leur budget par les royalties issues de leurs brevets, le montant des redevances perçu par le CNRS n’atteint que 0,3 %. Et sur ses 17 000 chercheurs, une vingtaine seulement chaque année partent vers l’entreprise ! Un chercheur public est encore évalué sur sa capacité à publier dans les grandes revues scientifiques. Ne faut-il pas faire de la possession de brevets un élément d’évaluation de sa carrière ? Le statut des chercheurs les condamne à l’immobilité professionnelle : en cas de départ, l’évolution hiérarchique est freinée, la rémunération plafonnée, le retour aléatoire. Ne faut-il pas inventer un nouveau statut, à la fois incitatif et protecteur ? Et quelle meilleure incitation que la perspective d’une fortune rapide en cas de succès d’un produit ? Jusqu’à une date récente, et depuis la loi Foyer de 1974, les redevances issues de brevets étaient non seulement versées en toute illégalité mais strictement plafonnées. Un décret vient d’y remédier. Ne faut-il pas aller plus loin, par exemple en autorisant les chercheurs à participer au capital des entreprises avec lesquelles ils collaborent ? Ne pourrait-on également, sur le modèle du centre commun de recherche de la Commission européenne, limiter le nombre de chercheurs fonctionnaires et ouvrir les instituts publics à de jeunes titulaires de contrats publics ou privés de courte durée ? Dans le même esprit, ne devrait-on pas ramener l’âge de la retraite au droit commun de la fonction publique ?
M. le Secrétaire d’État : Je partage votre préoccupation de rapprocher le monde de l’entreprise et la recherche publique. Mais je ne voudrais pas qu’on fasse de fausses distinctions. La recherche fondamentale est indispensable dans le continuum qui peut mener à l’innovation ; elle a une temporalité propre, différente de celle de l’innovation et de l’application. J’ai lu avec un grand intérêt votre rapport sur les aides à l’industrie. Certaines décisions prises au comité interministériel vont dans le sens que vous souhaitez. Ainsi nous avons décidé l’intéressement financier des chercheurs publics aux fruits de leurs inventions : 25 % déplafonnés. Nous avons mis en place un consortium de la recherche et de l’innovation pour l’entreprise, au sein duquel le CNRS, le CEA, l’INRA et d’autres organismes de recherche coordonnant leur action en direction des entreprises, en vue de faciliter pour celles-ci l’accès aux technologies innovantes. Nous avons inscrit dans la loi de finances la création de FCP innovation, pour faciliter la création ou le développement d’entreprises innovantes ; celles-ci sont souvent adossées à l’exploitation de brevets ou à une convention avec un laboratoire public. Par ailleurs, nous avons décidé d’améliorer le régime fiscal des apports de biens aux entreprises innovantes.
Il reste des choses à faire, et je retiens certaines des pistes que vous suggérez. La première est l’idée de mieux prendre en compte dans l’évaluation d’un chercheur son aptitude à la valorisation et au dépôt de brevets. La seconde concerne le problème de l’essaimage : il faut permettre au chercheur de participer personnellement – comme associé, administrateur, voire gérant – à la création d’entreprises, dans respect bien sûr – là est le problème – des dispositions générales du code pénal relatives aux prises d’intérêts, ainsi que du statut de la fonction publique. Nous réfléchissons avec la Chancellerie sur cette question. Elle est essentielle, car il y a sans doute dans la communauté scientifique un vivier potentiel de créateurs d’entreprises ou d’investisseurs. Enfin, nous souhaitons une orientation de financement privilégiée en faveur des écoles d’ingénieurs et de leurs laboratoires ; ce sujet devrait trouver place dans le chantier plus vaste des fondations.
M. Gata : Certains problèmes relatifs à l’enseignement à Wallis-et-Futuna n’ont pas encore reçu de solutions à ce jour. En premier lieu, je voudrais savoir si le budget 1997 porte l’inscription de crédits pour la mise en œuvre de l’alinéa 2 de l’article 23 de la convention de l’enseignement primaire. Il serait regrettable que les nouveaux titulaires du CAP en l’an 2 000 se retrouvent dans une situation similaire à celle de leurs collègues en 1994.
Deuxièmement, est-ce l’avenant relatif à la grille indiciaire des titulaires du CEAP sera signé avant le 1er janvier 1997 et des crédits sont-ils prévus pour son application dans le présent budget ?
Troisièmement, j’aimerais savoir pourquoi on a supprimé les crédits destinés aux constructions nouvelles de l’enseignement primaire, alors que vous étiez d’accord, Monsieur le ministre, pour les maintenir en janvier 1994, et que les crédits prévus sur la convention de développement du territoire depuis 1995 sont destinés à la mise en conformité des locaux existants.
Quatrièmement, dans le cadre de la formation continue, ne peut-on mettre en place ; à l’antenne de l’IUFM à Wallis-et-Futuna, un enseignement permettant aux instituteurs de primaire d’obtenir la licence de sciences de l’éducation ? Ils pourraient ainsi postuler à la formation des professeurs des écoles dispensés par les IUFM.
Cinquièmement, pouvez-vous augmenter les crédits de fonctionnement de établissements secondaires du territoire pour qu’ils puissent fonctionner correctement. Je pense notamment au lycée pour qu’il tire parti de ses nouvelles sections techniques. En outre, ce seul lycée, prévu pour accueillir 600 élèves, est aujourd’hui saturé. Peut-on prévoir rapidement la construction d’un deuxième lycée polyvalent ?
Enfin, l’université du pacifique peut-elle dispenser sur le territoire des enseignements ciblés pour répondre à nos besoins, comme c’est le cas pour la formation continue des enseignants du primaire ?
M. le Ministre : Nous avons signé un accord important avec les autorités concernées. Je suis en discussion avec les services du budget pour son application intégrale. En effet, si nombre de dispositions sont déjà en vigueur, pour d’autres il reste à décider si on va les appliquer tout de suite ou non ; c’est notamment le cas pour le contingent de promotion dans la sixième catégorie. Bien sûr, je vous tiendrai informé.
Le projet d’avenant est prêt. Il pourra être présenté à la délégation wallisienne lorsqu’elle viendra à Paris à la fin du mois.
Pour les constructions du premier degré, les crédits ouverts s’élèvent à 8 650 000 F au titre du contrat de plan et devraient permettre de satisfaire les besoins.
L’action menée en matière de formation continue se poursuivra en 1997. Vous avez parlé de sciences de l’éducation : l’introduction d’un tel enseignement est peut-être prématuré et son champ trop étroit ; mais je suis prêt à examiner ce problème avec vous.
S’agissant du second degré, j’ai proposé une augmentation des crédits de fonctionnement qui prolongera l’effort consenti les années précédentes. Au surplus, les établissements bénéficieront de crédits supplémentaires au titre des dépenses pédagogiques.
Au lycée polyvalent de Wallis, il y a selon mes informations 600 places et 501 élèves.
M. Gata : 630 !
M. le Ministre : Peut-être pourrez-vous me fournir des précisions : il arrive que l’administration n’ait pas les bons chiffres ? Il nous a semblé que la meilleure solution serait l’extension du lycée de Wallis ; Je suis prêt à examiner cette question avec vous.
M. Bateux : Avant d’aborder le cœur de mon propos, à savoir la violence à l’école, je voudrais souligner que trop d’adolescents souffrent de malnutrition, faute pour les familles d’avoir les moyens de payer la demi-pension ; la baisse de l’allocation de rentrée scolaire ne fait qu’aggraver les choses. Le Gouvernement répond par une régulation budgétaire à hauteur de 117 millions sur la ligne 43-71 : on diminue donc dans de plus grosses proportions que ce qui avait été annoncé les crédits consacrés aux bourses et au secours d’études ; et la dotation du fonds social collégien est inférieur de 20 millions au montant que vous aviez-vous-même considéré comme nécessaire, Monsieur le ministre.
Comment ne pas s’inquiéter, par ailleurs, de la suppression programmée des aides à la distribution de produits laitiers en maternelle ? La charge sera-t-elle reportée sur les communes ?
La violence à l’école trouve ses causes dans la situation précaire des familles, le mode de vie dans les villes et l’insuffisance des moyens conférés à l’enseignement public. Il y a, en effet, un lien entre manque d’encadrement, violence verbale et violence physique.
Pour y faire barrage ainsi qu’à l’exclusion, il faut des moyens budgétaires. Or vous vous bornez à des effets d’annonce. Es menaces pèsent sur les RASED. Dans les ZEP, selon le NCPE, on devait passer à 25 élèves en moyenne par classes de maternelle : il n’en est rien. On arrive ainsi à un déficit cumulé de 1 600 emplois sur trois ans, tandis que vous supprimez des postes d’instituteurs sous prétexte de baisse d’effectifs. Les crédits des ZEP diminuent de 1,8 millions. Où sont les 490 postes de documentalistes figurant dans le NCPE ? Il manque aussi, sur trois ans, 230 emplois de conseillers principaux d’éducation, 290 postes de personnels médicaux…Comment aurons-nous en 1998 les 750 postes d’infirmiers sur lesquels vous vous êtes engagés au printemps 1994 ? Au rythme actuel, il faudra attendre soixante-quinze ans pour répondre aux besoins. Est-ce cela, le plan d’urgence contre la violence et l’exclusion ?
M. Fanton : Ce n’est pas une question, c’est un discours !
M. le Président – Je suis conscient que notre collègue dépasse son temps de parole, mais certaines questions et réponses ont été fort brèves, et M. Bateux est le dernier intervenant du groupe socialiste… Je lui demande cependant de conclure.
M. Bateux : Monsieur le ministre, il faut absolument inverser la tendance. Pour faire disparaître la violence à l’école, il faut étoffer le personnel éducatif et améliorer l’action sociale. Le minimum que nous puissions vous demander ; c’est de respecter vos engagements !
M. le Ministre : Votre intervention aurait eu sa place dans la discussion générale… J’ai déjà répondu aux orateurs. Je vous préciserai cependant, à propos du fonds social collégien, que c’est nous qui l’avons créé, avec l’objectif de parvenir à 150 millions. Nous sommes à 180, et vous me dites que c’est insuffisant… Votre parti pris est trop évident pour que j’aille plus loin dans une réponse. Ce qui est certain, c’est qu’au sein de la communauté scolaire, chacun donne le sentiment de vouloir prendre sa part de l’effort qui s’impose à tous. Bien sûr, on n’arrive jamais à ouvrir autant de crédits qu’il le faudrait, il y a toujours des difficultés à résoudre ; mais plutôt que de pinter des doigts accusateurs les uns sur les autres, mieux vaudrait que nous réfléchissions ensemble à la manière de progresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
M. Bastiani : L’un des grands enjeux de notre société est l’utilisation des énergies renouvelables, dont le développement aux États-Unis, surtout en Californie, n’a été rendu possible que par les efforts des laboratoires de recherche, travaillant en étroite collaboration avec les industries privées. Le problème se pose plus particulièrement pour notre parc automobile. La semaine prochaine, nous discuterons en seconde lecture du projet de loi sur la qualité de l’air, qui prévoit la distribution obligatoire de carburants oxygénés, à partir du 1er janvier 2 000. Pour que se mette en place une filière performante et compétitive des biocarburants, il est indispensable qu’un effort de recherche soit engagé dans deux directions : d’une part, l’amélioration des procédés, afin de mieux utiliser la biomasse ; d’autre part, l’amélioration technologique de la fabrication. Les coûts de revient ont diminué de moitié en une dizaine d’année aux États-Unis. Ne faudrait-il pas, dans la perspective de l’échéance du 1er janvier 2 000, coordonner toutes les connaissances scientifiques acquises dans ce domaine et intensifier l’effort de recherche, afin d’accompagner les investissements de la filière ?
M. le Secrétaire d’État : Les actions de recherche en faveur des carburants alternatifs, notamment des biocarburants, font déjà l’objet d’une attention particulière dans le cadre du programme AGRICES, lancé en 1994. Un accord-cadre lie les établissements publics de recherche, des industriels et des branches professionnelles. La gestion est déléguée à l’ADEME. L’intervention publique est de l’ordre de 30 millions par an ; en ajoutant l’apport des industriels, on arrive à 100 millions. Les recherches interdisciplinaires sont menées sur chaque filière, de la semence jusqu’à l’utilisation dans les moteurs, avec pour objectif la recherche de toutes les économies possibles, puisque le coût de production reste le principal obstacle à l’utilisation des carburants alternatifs.
Un nouvel hybride de colza, dont le rendement, amélioré de 20 %, permet de baisser de 20 centimes le prix du litre, et nous espérons doubler la consommation d’ester méthylique de colza. Quant à celle d’éthanol produit à partir de céréales, elle atteint 80 000 tonnes.
M. Préel : Comment améliorer l’adéquation entre l’aspiration des jeunes à se former et les besoins du pays ? Nous constatons aujourd’hui que la difficulté de trouver un emploi n’épargne plus les diplômés, et que le nombre de jeunes s’engouffrent, au gré d’engouements passagers, dans des formations sans débouchés, pour lesquelles l’État doit construire des locaux et trouver des enseignants, avec pour seul effet, au bout du compte, de faire les aigris. La filière STAPS est un exemple criant ce qu’il ne faut pas faire : alors que les débouchés sont connus et les aptitudes des candidats vérifiables, les tests de sélection ont été supprimés voici deux ans ! Que comptez-vous faire pour remédier à ces dysfonctionnements coûteux ?
M. le Ministre : La réaction première de chacun est semblable à la vôtre : nous ressentons incompréhension et agacement devant ce qui apparaît, de la part des jeunes, comme en entêtement déraisonnable. Pour m’être employé, en vain, à les dissuader de s’engager dans des formations sans débouchés en leur dispensant une meilleure information sur ceux-ci, j’ai fini par adopter, depuis un an, une attitude différente. Nous devons offrir leur chance aux jeunes, sans pour autant leur mentir sur cette chance. Le semestre initial d’orientation est, à cet égard, une innovation utile.
S’agissant de la filière STAPS, il faut se rendre compte que l’extrême valorisation du support par notre société ne peut rester sans conséquence sur les vocations des jeunes : les grands évènements sportifs retransmis à la télévision battent tous les records d’audience, et nos compatriotes champions olympiques ont reçu la Légion d’Honneur à titre exceptionnel, distinction à laquelle bien peu d’activités donnent droit aujourd’hui. Aussi les jeunes comprennent-ils mal que certains veuillent mettre, à l’entrée de la filière STAPS, des barrières qui n’existent pas pour la sociologie ou la psychologie. Par ailleurs, la demande sociale d’éducateurs ou animateurs de loisirs est appelée à aller croissant, sans pour autant que les diplômes correspondant à ces métiers existent vraiment. Il faut donc réformer la filière sportive, de façon qu’elle n’ait plus l’enseignement pour seul débouché.
M. Weber : La réalité de l’échec scolaire est affligeante : 9 % des élèves qui rentrent en sixième sont incapables de saisir le sens d’un texte, et 1 % ne savent même pas écrire. Devant l’aggravation de la situation, les chambres de commerce d’Alsace ont organisé des journées d’action sur l’illettrisme. Il n’est pas normal que des enfants qui ne savent ni lire ni écrire entrent quand même au collège, où ils ne feront que troubler le déroulement de la scolarité des autres élèves, et ce jusqu’à seize ans. Arrêtons le massacre, et trouvons un moyen de maintenir dans le primaire, ou dans un système intermédiaire, ceux qui n’ont pas acquis les bases minimales du savoir : l’ouverture de cycles de remise à niveau permettrait peut-être, qui plus est, de donner un emploi aux milliers de maîtres-assistants qui n’en ont pas…
M. le Ministre : Nous avons souvent parlé de cette question ensemble, et je comprends votre émotion. Je suis convaincu, pour ma part, que la relégation et l’exclusion ne sont pas des solutions. Je sais aussi que la pédagogie ne peut-être la même, vis-à-vis d’élèves en situation d’échec vis-à-vis d’élèves en situation de réussite, et c’est pourquoi nous avons changé l’organisation de la sixième. A ceux qui, à l’issue de cette classe, seront toujours en situation d’échec, nous devons proposer d’autres voies, comme le « collège hors les murs », formule expérimentale que j’entends mettre en place. Nous devons marier l’idéal généreux de l’école pour tous avec le réalisme qu’impose la diversité des situations.
M. Hoarau : Aux assisses de l’égalité et du développement des DOM, le 9 février dernier, trois priorités ont été affirmées : l’emploi, le logement et l’éducation. Elles supposent un effort budgétaire significatif.
Les évènements tragiques de Cayenne ont été déclenchés par le manque de postes d’enseignants : les collégiens et lycéens guyanais ont été conduits à descendre dans la rue pour faire prendre en compte leurs justes revendications. A la Réunion, le nombre de créations de postes nécessaire au rattrapage du retard accumulé de fait de la croissance démographique est évalué à 500 ou 600 par an. dans le primaire et le secondaire. Dans le supérieur, la situation est encore plus préoccupante : il faudrait doubler les effectifs d’ici à 2010.
Or le budget 1997 ne comporte, pour la Réunion, que 31 postes supplémentaires dans le primaire et le secondaire, et 24 dans le supérieur. Cela signifie que le retard va s’aggraver, au point de compromettre définitivement tout plan de rattrapage. Êtes-vous prêt à répondre à la demande unanime des organisations représentatives du monde scolaire réunionnais ? On ne vous demande pas de tout faire d’un seul coup ; mais commencez tout de suite sous peine que les choses dégénèrent comme à Cayenne !
M. le Ministre : Commencer tout de suite, c’est ce que nous avons fait puisque dès la dernière rentrée, 3500 postes ont été attribués à la Réunion et que le présent projet porte création de plusieurs dizaines d’autres. Nous sommes ainsi en train de combler le retard. Le taux de scolarisation à trois ans est passé de 69 % en 1981 à 99,4 % cette année, rattrapant ainsi le taux de la métropole, ce qui est légitime.
A la rentrée 1996, 790 emplois d’enseignants du premier degré ont été créés alors que les effectifs d’élèves n’ont augmenté que de 737, ce qui a permis d’améliorer le taux d’encadrement.
Cela dit, je suis prêt à examiner avec vous comment poursuivre cet effort considérable pour satisfaire les besoins.
M. Hoarau : Vous confondez les chiffres !
M. Gilbert Baumet : La médecine scolaire est un domaine primordial et pourtant rarement abordé de l’Éducation nationale. Elle ne se résume plus à un hâtif bilan de santé mais est devenue partie intégrante du suivi de l’enfant. Elle permet de discerner et d’empêcher les accidents de la vie, les problèmes psychologiques, éventuellement les maltraitances et les abus sexuels, mais aussi la toxicomanie et les suicides. Particulièrement importante pour les enfants défavorisés, elle contribue à réduire la fracture sociale et à assurer l’égalité des chances.
Mais pour accomplir leur tâche, les médecins scolaires ont besoin de temps. Nous devons bâtir pour l’école un service de santé à la hauteur des besoins. Et si je me félicite de la priorité accordée par le Gouvernement à l’Éducation nationale, ne conviendrait-il pas de renforcer l’encadrement médical dans les établissements ?
M. le Ministre – Je partage votre analyse sur l’importance de la médecine scolaire, notamment en matière de prévention et je regrette, comme vous, que le nombre de médecins soit trop réduit pour satisfaire les besoins. Mais vous et moi savons que les difficultés budgétaires, qui ne datent pas d’aujourd’hui, ne prendront pas fin cette année.
Certaines solutions ont été envisagées, telle que la reconversion volontaire de médecins de ville dans la médecine scolaire. A plus court terme, le professeur Étienne a évoqué de matin une idée à laquelle je crois beaucoup et dont j’ai déjà discuté avec M. Barrot. Il s’agirait de permettre aux étudiants de médecine de suivre les stages qui leur sont imposés au cours de leurs études auprès des médecins scolaires. C’est là une idée généreuse, qui sera utile à la formation des étudiants et qui améliorerait le service de prévention, sans coûter trop cher à la collectivité. Une telle solution pourrait répondre à votre préoccupation.
M. Chabot : En tant qu’ancien directeur d’école primaire, j’apprécie, Monsieur le ministre, la réforme de l’Éducation nationale que vous avez entreprise en commençant par l’école maternelle.
L’école primaire conditionne l’avenir de la jeunesse. Or on y a exagérément gonflé les programmes en oubliant parfois que la polyvalence des instituteurs n’est pas infinie. J’approuve donc totalement votre volonté de redonner la priorité aux missions essentielles de l’école.
Toujours à propos de l’école primaire, en préservant les effectifs directement en contact avec les classes et en ouvrant plus de celles-ci que l’an dernier, vous continuerez d’améliorer le taux d’encadrement l’an prochain.
Ce tableau laisse subsister un seul point noir : l’application de la cadre scolaire en zone rurale. Sans doute n’avez-vous pas entendu les gémissements, qu’on étouffe depuis des années, de ceux à qui l’on a demandé cette année encore de rendre quatorze postes ! L’an dernier, lorsque je vous avais interrogé sur le même sujet, vous m’aviez demandé d’assumer les conséquences d’un budget que j’avais voté. Aussi, au moment de voter celui-ci, je souhaite connaître le nombre des suppressions de postes qu’il provoquera dans le département de l’Indre.
En ce qui concerne le moratoire, aucun maire ne veut ni ne peut ordonner la fermeture d’une école, même lorsque les effectifs deviennent très bas. Dans ces conditions, ne pourrait-on aménager le moratoire en précisant qu’au-dessous du seuil de neuf élèves, aucune pédagogie valable n’est possible et que, dans ce seul cas, il appartiendrait à l’inspecteur d’académie de décider la fermeture de l’école ? Une telle décision, conforme à l’intérêt des enfants, aurait le mérite supplémentaire de ménager les susceptibilités.
M. le Ministre : Je vous remercie de vos considérations amicales sur la réforme.
Cela dit, je ne voudrais pas être plus royaliste que le roi ; mais demander à l’État de fermer des écoles rurales parce que les élus ruraux ne pourraient pas endosser la paternité d’une telle décision, cela me semble gênant. En outre, vous partez d’un postulat pédagogique que l’expérience infirme, l’école à classe unique ayant prouvé des capacités pédagogiques très supérieures à celles des autres types de scolarisation.
Cependant, je ne suis pas opposé à ce que des élus ruraux demandent à l’inspecteur d’académie de suggérer une autre organisation de la carte scolaire. Je croyais bien vos préoccupations dans un département dont la démographie est en baisse, étant entendu qu’il faut bien transférer les emplois dans ceux où elle est en hausse. Reste que, dans sa catégorie, le département de l’Indre est l’un des deux plus avantagés de France pour le taux d’encadrement.
Bref, je souhaite que l’inspecteur d’académie vous aide si vous le voulez, mais il est un peu injuste de demander à l’État de faire ce que les élus n’oseraient pas faire. Être élu impose de prendre ses responsabilités.
M. Delvaux : Ma question a trait à l’université du littoral du Pas-de-Calais, qui est organisée en réseau sur des sites multiples, dont celui de Saint-Omer, lequel abrite un département d’IUT de maintenance industrielle. Un projet de création d’un département de gestion administrative et commerciale sur ce même site, opération dont le coût a été évalué à 16 millions, figure dans le contrat de plan État-région. Le projet recueille une très large adhésion. En effet, la formation de collaborateurs de gestion polyvalents, capables de seconder les chefs de PME, satisferait une demande locale très forte.
Le réseau de PME est important pour le développement technologique et pour l’emploi. Encore faut-il qu’il dispose de personnels polyvalents adaptés. La création de ce département d’IUT favoriserait la croissance d’entreprises qui emploient 10 000 personnes dans le bassin de Saint-Omer. En outre, aucune filière de ce type existe au nord de la région parisienne. Avec quelques aménagements, les locaux actuels peuvent abriter ce département dès la rentrée 1997 en attendant un agrandissement ultérieur. L’université du littoral vous a transmis le dossier. Quelle suite comptez-vous lui donner ?
M. le Ministre : Un effort très important a déjà été fait pour l’université du littoral. J’ai étudié le dossier de ce second IUT à Saint-Omer. Le projet me paraît procéder d’une salutaire inspiration. 24 millions peuvent être inscrits au contrat de plan État-région pour l’ensemble du site, dont 15 Millions pour l’IUT. Les besoins existent, les locaux sont disponibles. La nouvelle filière pourrait ouvrir à la rentrée 1997.
M. Fanton : Certains étudiants travaillent pendant les vacances pour une rémunération modeste mais qui, ajoutée aux revenus des parents, suffit à leur faire dépasser le plafond de ressources ouvrant droit à une bourse. Les parents sont pénalisés, le jeunes qui veulent aider leur famille aussi, de sorte que l’année suivante ils s’abstiennent de travailler. Toutes les démarches n’y font rien puisque la référence est le revenu brut imposable sans distinction entre ses éléments. La solution est simple. J’aimerais, Monsieur le ministre, que vous puissiez la retenir.
M. le Ministre : Vous avez raison. C’est là une des absurdités administratives qui font du tort à des jeunes désireux de s’initier à la vie active ou d’acquérir une certaine autonomie. Dans le cadre de la réforme universitaire, nous allons définir de nouvelles conditions d’attribution de l’aide sociale aux étudiants et je tiendrai compte de votre remarque.
M. Préel : M. Lequiller et moi-même nous inquiétons de la violence à l’école et du rôle de la télévision. Même si cette violence ne concerne que quelques établissements, elle est le symptôme d’une crise de la société et de la famille.
On ne dira jamais assez les conséquences du chômage sur des enfants qui n’ont jamais vus leurs parents travailler. Ode même, on n’insistera jamais assez néfastes d’une télévision omniprésente qui consacre la violence comme un nouvel héroïsme.
Au mois de mars dernier, vous avez annoncé dix-neuf mesures pour prévenir et limiter ces accès e violence. Cependant, le phénomène sort des portes de l’école. Envisagez-vous de prendre des mesures interministérielles associant l’ensemble des ministères concernés : jeunesse et sports, intérieur, affaires sociales, justice, ville et culture ?
M. le ministre : Je partage votre inquiétude. En élaborant le plan contre la violence, en organisant une réflexion à ce sujet pendant les cours, j’avais bien conscience de l’effet du climat de violence créé par une partie des programmes de télévision. A la violence du monde, faut-il en ajouter une autre, gratuite, qui risque de déstabiliser les plus fragiles ? Si certains drames se sont produits dans des établissements, c’est que des enfants se promenaient avec des armes, car à la télévision tout le monde a une arme. J’avais écrit au CSA à ce sujet, comme l’a fait le Premier ministre. Une signalétique a été élaborée. On peut espérer que les responsables de programmes pratiqueront une certaine autodiscipline pour qu’il y ait moins de violences sur les écrans. C’est, j’en suis persuadé, la prochaine étape. ? Votre question témoigne d’une prise de conscience de plus en plus nette.
M. Weber : La circulaire du 9 mars 1992 affirme que l’EPS est une discipline d’enseignement à part entière et que les droits d’utilisation éventuels des équipements sportifs doivent respecter l’égalité de traitement entre usagers tout en étant proportionnels aux coûts de fonctionnement de ces équipements. Le Conseil d’État l’a confirmé en janvier 1994. En conséquence, les collectivités propriétaires demandent de plus en plus aux départements et aux régions de prendre en charges les dépenses réelles occasionnées par l’utilisation des gymnases et des terrains de sport. Les tarifs pratiqués sont sans commune mesure avec la compensation accordée par l’État. Par exemple, le Haut-Rhin a reçu en 1996 un DGD de 223 000 F, mais la seule ville de Mulhouse lui réclame 3,5 millions. Par extrapolation, pour 34 000 élèves le département devrait assumer une charge de 21 millions. En outre, s’appuyant aussi sur la circulaire de 1992, parents et principaux demandent maintenant la prise en charge des frais de piscine. Le problème devient sérieux et plutôt agaçant pour les départements et les régions. J’en ai saisi le Gouvernement et le président de la commission consultative d’évaluation des charges. Monsieur le ministre, vous ne pouvez nous laisser lus longtemps sans réponse. Proposez par exemple un moratoire, le temps de réévaluer le montant des charges transférées et de la DGD correspondante. Nous pourrons ensuite nous conformer aux circulaires sans aggraver la fiscalité locale.
M. le Ministre : Le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques a bien envie de s’associer à la question de son homologue du Haut-Rhin… La question est tendance depuis longtemps. Je me propose donc de consulter l’association des présidents de conseils généraux, l’association des élus régionaux et l’association des maires de France pour trouver une solution. On ne gagnera rien à laisser la situation pourrir.
M. Salles : Dans les académies de Grenoble et de Nice, les enseignants absents ne sont plus remplacés qu’au bout de cinq semaines, alors que les crédits du poste concerné sont restés identiques. Cela résulte-t-il de directives ministérielles ? Faut-il voir la préfiguration de ce qui se passera en 1997 avec la baisse des effectifs ? Si l’on veut un enseignement de qualité, il faut pourvoir aux remplacements au bout de quinze jours au plus tard. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?
M. le Ministre : Y a-t-il des directives ministérielles ? Non, absolument pas. Elles n’auraient aucune raison d’être. Le devoir du service public est de remplacer les agents absents dans les plus courts délais. Je vais rappeler cette obligation. Je peux comprendre qu’il y ait çà et là des problèmes de gestion, mais ce genre de situation ne peut durer.
M. Pierre-Favre : Je voudrais parler du cancer, maladie entraînant chaque année la mort de quelque 150 000 de nos concitoyens. Si les malades du sida ont su faire un lobbying efficace, les malades du cancer, eux, meurent en silence – ce qui explique sans doute la faiblesse relative des crédits de recherche consacrés au cancer par rapport à ceux qui vont au sida.
Quoique des progrès aient été faits, les soins restent à bases de mutilations, qu’elles soient le fait d’une opération, d’une radiothérapie ou d’une chimiothérapie. Et il arrive fréquemment que les effets secondaires de ces mutilations soient pires que la maladie elle-même.
Ayant l’occasion, de m’intéresser de très près, hélas, à cette maladie, j’ai pu constater que d’autres moyens, déjà explorés au début de ce siècle, sont prometteuses. Ils sont décrits notamment dans le Traité de l’immunité des maladies infectieuses, paru en 1920 et réédité en 1939, du docteur Jules Bordet, ainsi que dans l’ouvrage de Metchnikoff datant de 1901.
Déjà à cette époque, une corrélation était établie entre le déficit immunitaire et le cancer. L’idée était donc de chercher à lutter contre la maladie par le renforcement des défenses immunitaires du malade. De nombreux laboratoires et universités travaillent sur ce sujet dans les domaines différents. Ainsi, il y a plusieurs années, l’université de Bordeaux, en collaboration avec le CNRS, avait commencé des travaux sur un traitement par rayonnement électromagnétique. La machine utilisée alors, dites machine « Prioré », du nom de son créateur, est aujourd’hui obsolète et doit être reconduite. Des résultats encourageants avaient naguère été obtenus mais le décès d’Antoine Prioré a provoqué l’arrêt temporaire de recherches qui, il faut bien le dire, dérangeaient le conformisme intellectuel de certains. Aujourd’hui, les travaux de l’équipe du professeur Pantrizel et d’Antoine Prioré peuvent et doivent reprendre ; de sponsors sont prêtes à suivre à condition que le ministère de la recherche s’engage. Je vous demande donc, Monsieur le ministre, de faire reprendre l’exploration de cette piste prometteuse. Les quelques millions nécessaires pour ce faire ne sont rien à côté des sommes destinées à la recherche sur le cancer mais détournées par des voyous sans scrupules !
M. le Secrétaire d’État : La lutte contre le cancer constitue une priorité de la recherche médicale française, qui est d’ailleurs en ce domaine l’une des meilleures du monde. La lutte contre cette terrible maladie est, en effet l’un des cinq thèmes prioritaires autour desquels s’organise le programme confié à l’INSERM.
Deux cents équipes de recherche travaillent sur le cancer, à l’INSERM, au CNRS ou dans des hôpitaux. Un programme en thérapie génique et cellulaire a récemment été lancé à l’institut Curie. Quant à l’institut Gustave Roussy, il joue un rôle fédérateur pour les recherches dans le domaine de l’immunologie du cancer.
Tout doit être fait pour encourager et développer la recherche dans ce domaine. Nous ne devons pas être inhibés parce qu’il y a eu des problèmes, même très graves, avec certaine association.
Reprendre les travaux du professeur Antoine Prioré ? La question est délicate car le cadre dans lequel ils s’inscrivaient – la recherche sur les effets biologiques des champs électromagnétiques – est assez contesté pour une partie de la communauté scientifique. Mais les soutiens n’ont pas manqué. Ainsi, une aide importante est apportée depuis 1985 par le CNRS, la région Aquitaine et l’école nationale supérieure de chimie et de physique de Bordeaux à des recherches sur les interactions entre champs électromagnétiques et systèmes biologiques. Toutefois les expériences effectuées par Antoine Prioré n’ont pu être reproduites. Pour ma part, je souhaite que l’on ne laisse passer aucune chance, si minime soit-elle, de lutter efficacement contre le cancer. Je vais donc demander que le dossier d’Antoine Prioré soit réexaminé avec beaucoup d’attention et que le secrétaire d’État puisse y apporter son soutien.
Mme Alliot-Marie – La construction européenne exige des jeunes qu’ils soient de plus en plus bilingues, voire trilingues. Je me félicite que l’apprentissage d’une langue étrangère se développe dès le primaire mais quelques heures de pratique ne suffisent pas pour réellement parler une langue et penser à elle. Il faut une immersion dans ce que l’on appelle un « bain linguistique » et un enseignement réalisé en partie dans la deuxième ou troisième langue. Puisque nous avons la chance d’avoir des départements frontaliers avec l’Espagne, l’Italie ou l’Allemagne, ne pourrait-on y mener des expériences d’enseignement bilingue utilement étendre l’expérience et proposer ce type d’enseignement aux parents. Compte tenu de l’intérêt de nos partenaires européens pour notre langue, la chose pourrait se faire à coût constant par simple échange de professeurs.
M. le Ministre : Seul un enseignement bilingue peut en effet amener un élève à la maîtrise – et pas seulement à la connaissance – d’une deuxième langue vivante. Je m’en suis d’ailleurs récemment entretenu avec le coordonnateur des ministres de l’éducation des régions allemandes et avec le ministre de l’éducation espagnole. J’ai essayé de les convaincre de mettre en place un système d’échanges qui, comme vous le faites remarquer, ne serait guère onéreux.
J’ai découvert à l’occasion du sommet franco-espagnol que nos partenaires d’au-delà des Pyrénées ont lancé un programme d’enseignement télévisuel des langues, avec possibilité de certification et d’abonnement parallèle à des cours écrits. Cela me paraît une très nonne idée et j’ai donc demandé à mes services d’explorer cette piste intéressante.
J’ajoute, pour sourire, que le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques est d’accord pour créer un cours bilingue et que le vice-président dudit conseil l’est aussi.
M. Glavany : Si l’on vous dérange !
M. Schreiner : Les programmes d’enseignement préconisent pour tous les élèves de quatrième et de troisième des prises de contact avec le monde du travail. Des stages en entreprises de courte durée ont donc été effectuées par les élèves de certains établissements. Malheureusement, ces stages de sensibilisation à l’environnement économique, professionnel et social sont considérés comme non obligatoires et ne bénéficient donc pas de la protection contre les accidents du travail. Comme c’est la responsabilité du chef d’établissement qui peut être engagée en cas d’accident, de nombreux inspecteur d’académie ont pris la décision de ne plus autoriser ces stages qui présentent pourtant un intérêt évident pour tous les élèves, et pas seulement pour ceux des troisièmes d’insertion ou de classes technologiques. Ne pourrait-on donc pas leur étendre le bénéfice des conventions de stage et leur permettre de bénéficier de la protection contre les accidents du travail prévue aux articles L. 412-82 et D. 412-6 du code de sécurité sociale ?
M. le Ministre : Je partage votre opinion favorable à ces stages et, d’une manière générale, il me semble que la formation en alternance doit être repensée pour donner à la formation professionnelle son plein droit de cité. J’ai donc rencontré hier les cinquante responsables des ressources humaines des cinquante entreprises les plus importantes de France pour voir ensemble comment bâtir à court terme un programme original de formation en alternance. Une charte des stages est nécessaire afin que les stages « photocopie-café » soient remplacés par d’autres à vrai contenu. Non qu’il y ait des besognes a priori indignes des stagiaires, mais il faut aussi qu’il y ait un contenu suffisamment dense. Je suis donc décidé à écrire cette charte de stages, avec les entreprises et les représentants des élèves, et cela avant la fin de la présente année scolaire.
D’autre part, mon intuition est qu’on peut inventer quelque chose d’autre, un système plus souple, plus original, plus ouvert, permettant d’offrir une chance, sur une large échelle, à des élèves déscolarisés ou qui se sentent enfermés dans une formation trop générale. Nous pourrons utiliser pour cela, et ici je rends hommage à M. Glavany, cet excellent instrument qu’est la validation des acquis. Elle doit prendre une place que nos habitudes ne nous ont pas permis à ce jour de lui donner. J’en ferai la pierre d’angle de cette construction nouvelle que je souhaite mettre au point. Quand ce sera prêt, je serai heureux de pouvoir vous dire que nous avons avancé dans ce domaine.
Rappel au Règlement.
M. Leroy : Monsieur le Président, nos huissiers viennent de me faire savoir que notre Règlement interdisait l’usage d’un ordinateur portable, pourtant parfaitement silencieux. Il est piquant que cet incident se produise alors que nous débattons avec M. le ministre de l’éducation nationale et M. le secrétaire d’État à la recherche, qui ne cessent de promouvoir les nouvelles technologies de l’enseignement et la modernisation des méthodes…Ayant feuilleté en vain le Règlement, je souhaite savoir quel est l’article qui interdit l’usage d’un micro-ordinateur – parfaitement silencieux, je le répète – et combien de temps il a fallu à notre Règlement pour autoriser les députés à utiliser le stylo à bille au lieu de la plume d’oie ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF)
M. le Président : Je suis heureux que ce rappel au Règlement se fasse dans la bonne humeur. Comme Président, j’assume la remarque discrète qui vous a été faite. Bien sûr, vous ne trouverez pas dans notre Règlement d’interdiction explicite à ce sujet ! Ce qui est en jeu, je crois, ce sont les bons usages qui doivent exister entre nous. Permettez-moi de rappeler un fait que j’ai vécu dans cet hémicycle, avant qu’il soit climatisé. C’était un jour de très grande chaleur et nous étions plusieurs à avoir « tombé la veste ». Mme la vice-présidente qui conduisait nos débats nous a alors appelés à la bienséance : nous avons remis nos vestes, sans les retourner… Il s’agit en fait de la considération que chacun de nous porte à l’Assemblée et de l’intérêt que vous portez, je n’en doute pas, à nos travaux. Même si les questions posées au Gouvernement sont très précises, toutes ont un intérêt pour chacun d’entre nous. Je crois qu’il faut s’en tenir là et intégrer dans nos pratiques certains usages convenus qui, même les progrès de la science, ne seront probablement jamais traduits dans notre Règlement.
LOI DE FINANCES POUR 1997 – deuxième partie – (suite)
ÉDUCATION NATIONALE, ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET RECHERCHE
M. Lamontagne : Après tant de questions importantes sur le plan éducatif, Monsieur le ministre, je suis un peu confus de venir vous parler finances…Il y a deux ans, lors de l’examen du budget pour 1995, M. de Charrette, ministre du logement, avait envisagé un réexamen des conditions d’attribution de l’ALS étudiant. Comme rapporteur spécial du budget du logement, j’avais approuvé cette intention. Mais lors d’une question d’actualité du mercredi, M. le Ministre de l’enseignement supérieur avait affirmé qu’aucune modification ne serait apportée à ces conditions d’attribution ; le budget du logement avait donc été modifié en ce sens. L’an dernier, un amendement de notre rapporteur général avait pour objet de laisser le choix aux familles entre la demi-part supplémentaire à deux essais non transformés ! Aujourd’hui, les crédits destinés à l’ALS étudiant doivent être transférés à votre ministère et ses conditions d’attribution réexaminées dans le cadre de la définition du statut de possibilités financières des parents ni de la distance entre leur domicile et le l’université, je souhaite que comme une mauvaise utilisation des deniers publics – dont vous n’êtes pas responsable, car elle est fort ancienne. Vous-même avez souligné l’injustice des aides actuelles. Je ne veux pas plus que vous d’un passage en force. Mais pouvez-vous nous indiquer approximativement à quelle date vous pensez pouvoir nous présenter le projet de loi sur le statut de l’étudiant, que vous aviez envisagé de mettre en œuvre dès la prochaine rentrée universitaire ?
M. le Ministre : Vous avez fait vous-même la question et la réponse, ce qui est la plus sûre moyenne d’avoir satisfaction : c’est en effet à l’occasion de l’examen du statut de l’étudiant que cette question sera traitée. Elle est très importante et je dirais même philosophiquement difficile : faut-il aider l’étudiant en fonction du revenu de sa famille ? La question philosophique se pose. Mais, dans la réalité, la réponse s’impose : c’est la justice qu’il faut choisir, quand pour des raisons budgétaires l’égalité n’est pas possible. Mais c’est une question que je ne tiens pas pour secondaire.
Comme vous l’avez dit, c’est dans le cadre du statut de l’étudiant qu’elle sera traitée. J’ai exprimé mon espoir – Je dis bien mon espoir – qu’on se mette d’accord assez tôt pour que la mise en place de l ‘allocation sociale étudiant, dont j’ai défini les principes en conclusion des états généraux, puisse intervenir dès la prochaine rentrée. Il faudra donc avoir procédé d’ici là aux adaptations nécessaires. Seront-elles législatives ou règlementaires ? Je vous le dirai quand nous serons arrivés au terme de notre réflexion sur ce dossier.
M. Salles : M. Ehrmann s’associe à ma question. L’académie de Nice compte plus de 11 000 professeurs et 1 077 maîtres auxiliaires. Pour ceux-ci, la rentrée a été difficile. On compte parmi eux beaucoup d’étudiants et surtout d’étudiantes qui n’ont pas voulu passer le concours du CAPES ou de l’agrégation pour ne pas être envoyée loin de leurs familles et de leur pays. Vous avez décidé de titulariser ceux qui ont au moins quatre ans d’enseignement. Ne peut-on envisager de décider qu’un certain pourcentage, peut-être 25 % des reçus au CAPES et à l’agrégation seront nommés dans leur académie d’origine ? Cela les rapprocherait des professeurs des écoles, qui restent dans leur département.
M. le Ministre : Élu du Sud-Ouest, je comprends bien ce que vous dites de ces attaches affectives qui retiennent un certain nombre de jeunes professeurs dans leur région d’origine. Je ne peux vous donner aujourd’hui une réponse précise : j’ai l’intention d’ouvrir le dossier de mouvement national, et de traiter avec tous les partenaires du système éducatif, des conditions nouvelles qui pourraient le rendre plus satisfaisant. C’est dans ce cadre que je traiterai votre suggestion. J’en comprends l’inspiration, mais elle est de nature à heurter un certain nombre d’autres fonctionnaires, ayant plus d’ancienneté, et qui se verraient écartés de ces postes.
M. Pierre Favre : Les moteurs du budget de la recherche pour 1997 sont l’innovation, la maîtrise des technologies clés et la formation des jeunes chercheurs. A ces conditions, notre recherche pourra aborder l’avenir avec espoir et sérénité. Notre recherche aéronautique et spatiale, sur la base des résultats nationaux, participe à de grands projets internationaux. Dans ce domaine se rencontrent différents intervenants, dont le CNES et les industriels. La France y est fort bien placée. Après la filière des satellites d’observation, voici maintenant le développement de satellites infrarouge, radar de télécommunications. N’oublions pas notre savoir-faire en matière de propulsion, et notre participation, avec les Américains aussi bien que les Russes, à de nombreuses expériences dans le domaine du spatial habité.
Avec le nouveau plan stratégique du CNES, ne risque-t-on pas des changements de priorités et l’abandon de certains programmes ? Je pense notamment au satellite Stentor, aux petits lanceurs ou aux petits satellites de communication Constellation. D’autre part, ne faudrait-il pas clarifier certaines responsabilités entre le CNES et les industriels ?
M. le Secrétaire d’État : Le comité interministériel a confirmé la priorité stratégique accordée par le Gouvernement à l’espace. Il fait partie, avec le nucléaire et l’aéronautique, des trois priorités historiques, stratégiques de la France, en même temps que de ses priorités de compétitivité. Cette priorité a été réaffirmé lors de la journée consacrée au plan stratégique du CNES, qui venait couronner un important travail interne à l’établissement. Le CNES, qui a une tradition d’excellence, doit s’adapter aux nouvelles technologies et aux demandes de l’industrie. Il doit par ailleurs faire profiter la défense de ses capacités d’expertise et de son savoir-faire, ce qui illustre par exemple la réalisation de la famille Spot en synergie avec le satellite militaire Hélios 1 et 2. Spot 5 a décidé en octobre 1994, et son principe n’est nullement remis en cause ; ce qui n’interdit pas de rechercher une optimisation de la définition de sa charge utile répondant aux besoins.
Les compétences du CNES doivent concourir aux grands projets de stations spatiales habitées. Il est nécessaire pour cela de développer un partenariat renforcé avec les industriels. C’est ce qu’ont souligné les travaux préparatoires au plan stratégie, et ce qui illustrent les mesures portant sur l’achèvement d’Ariane 5 et la consolidation de la filière lanceurs. Le développement du satellite Stentor a été confirmé en 1994. L’objectif est de qualifier des techniques et d’aider nos industriels à rester compétitifs ; Les discussions se poursuivent avec eux et le programme n’est absolument pas remis en cause.
Je souligne enfin l’effort consenti en faveur de l’espace, avec le maintien de la dotation à 9,2 milliards, ce qui permettra la poursuite de nos grands programmes de recherche et celle du désendettement de la France envers l’agence spatiale européenne.
M. Paul Chollet : Je vous poserai deux questions. La première concerne le primaire. De considérations savantes sur la chronobiologie des enfants, on a tiré des conclusions sur les rythmes scolaires, présentées peut-être un peu naïvement comme l’alpha et l’oméga de la réussite. L’aménagement de ces rythmes a au moins le mérite de permettre une meilleure prise en charge des enfants dans le domaine culturel, sportif et artistique, cela à conditions qu’il n’y ait ni désengagement ni transfert de l’Éducation nationale aux collectivités locales : peut-être pourriez-vous nous rassurer sur ce point.
A Agen, les aménagements sont différents selon les établissements et d’aucun reprochent au maire de ne pas savoir imposer un seul et même modèle pour tous. S’il ne l’a pas fait, c’est afin de permettre aux parents de choisir, en fonction de leur propre rythme de vie. Entendez-vous, Monsieur le ministre, à l’issue des expérimentations, imposer un modèle unique ?
Ma deuxième question concerne l’Université. Je veux saluer l’effort financier qui vous permet de tenir vos promesses, d’autant que le reflux démographique commence à atteindre le premiers cycles universitaires. Si la décrue des effectifs se confirmait, les grandes universités ne seraient-elles pas tentées de tordre le coup à leurs antennes ?
Pourtant, celles-ci ouvrent les portes de l’Université à des jeunes de familles modestes, dont les résultats aux examens sont très probants. Pouvez-vous nous rassurer ?
M. le Ministre : En ce qui concerne les rythmes scolaires, bien entendu, je n’ai pas l’intention d’imposer un modèle unique car ce que nous voulons, c’est apporter une réponse adaptée aux besoins qui s’expriment. C’est vrai pour les départements expérimentaux, ce sera vrai au niveau national le moment venu – mais nous n’en sommes pas encore là, d’autant que d’autres considérations que la chronobiologie doivent être prises en compte.
S’agissant de l’Université, il serait absurde qu’ayant défendu devant vous le moratoire – la préservation des écoles dans le monde rural – j’aille compromettre les premiers cycles universitaires. Au demeurant si, en matière d’effectifs, nous sommes arrivés à un plateau, on ne saurait avant longtemps parler de décrue. Les implantations dans les villes moyennes ont leur utilité en termes d’aménagement du territoire et présentent un grand intérêt pour les étudiants. Les résultats y sont très bons. Il leur est certes difficile de développer un pôle de recherche très actif, mais elles peuvent dans ce domaine joindre leur effort à ceux des universités. Soyez donc, là encore, rassuré : je vous donne toutes les garanties que vous souhaitez.
M. Foucher : L’une des missions de l’Université est de se préoccuper de l’avenir des étudiants. Les cours dispensés, sanctionnés par un diplôme, ont vocation à les former intellectuellement, mais doivent également leur permettre de s’insérer dans la vie active. Il serait nécessaire de permettre à tous qu’ils suivent une filière générale ou spécialisée, de préparer leur insertion professionnelle. Quelles sont vos intentions en ce domaine ?
M. le Ministre : Le groupe de mise en œuvre pédagogique traitera de cette question. Lors des états généraux, j’avais posé deux principes : sensibilisation professionnelle dans tous les cycles, possibilité de trouver une formation universitaire professionnelle, quel que soit le niveau de sortie. Bien sûr, cela peut demander du temps, car c’est là une nouvelle culture.
Par ailleurs, comme je l’ai dit à M. Schreiner, je souhaite pouvoir mettre en place un système d’alternance universitaire, ouvert aux étudiants de la filière technologique comme à ceux de la filière générale qui, eux aussi, doivent être sensibilisés au monde du travail.
Mme Isaac-Sibille : Dans le département du Rhône, une convention passée il y a deux ans entre le ministère et le conseil général a permis de lancer une opération pilote dans le domaine de la santé scolaire. C’est un véritable succès dans chacun des bassins de santé choisis – l’un en zone rurale, l’autre en zone urbaine – et nous allons d’ailleurs passer à quatre bassins pilotes. Accepteriez-vous de tenter une nouvelle expérience en confiant au conseil général, en accord parfait avec le rectorat, la responsabilité de la santé scolaire depuis le primaire jusqu’à la fin du collège ? Les conseils généraux ont déjà en charge des actions de médecine préventive et seraient donc bien placés pour mener une action cohérente en ce domaine.
M. le Ministre : C’est à votre demande que j’ai signé la convention dont vous avez parlé. Vous pouvez m’en proposer une autre, mais je dois vous objecter qu’il existe une loi sur les compétences et que les conseils généraux qui souhaitent un tel transfert ne sont sans doute pas très nombreux… Faites-moi une proposition, je verrai si elle peut recueillir l’agrément de tous, dans le Rhône et ailleurs…
M. Couderc : Grâce à votre diligence, Monsieur le ministre, et aux efforts réalisés par la ville de Béziers avec l’aide du conseil général, le centre universitaire de Béziers a pu inaugurer ses deux premiers DEUG à la dernière rentrée. Tandis que vous acceptiez de créer deux postes de PRAG, la mairie faisait les travaux nécessaires pour accueillir les premiers enseignements.
Dès la rentrée prochaine, des moyens supplémentaires vont se révéler nécessaires pour assurer la deuxième année et pour envisager la création de nouveaux DEUG et de nouveaux diplômes dans les locaux que le conseil régional va construire dans le cadre du contrat de plan avec les participations du conseil général de l’Hérault et de la ville de Béziers, et qui seront achevés pour le début de 1998. Il convient donc que de nouveaux postes d’enseignants soient attribués à l’université Paul Valéry de Montpelier pour faire face aux nouveaux besoins de son antenne et des personnels ATOS lui soient affectés. Pouvez-vous me donner des assurances ?
M. le Ministre : J’ai bien pensé, en ouvrant une première année de DEUG, qu’il faudrait d’autres moyens pour ouvrir la deuxième ! Cela étant, il ne me paraîtrait pas sain que les négociations des contrats avec les universités se fassent dans cet hémicycle…Mais je vous promets de faire le nécessaire.
M. Jean-Yves Haby : Les études dirigées au collège sont la mesure numéro un du nouveau contrat pour l’école. Elles ont bénéficié de crédits budgétaires à hauteur de 118 millions en 1995, et de 240 millions en 1996. Quel bilan pédagogique peut-on dresser de cette innovation ?
M. le Ministre : Les études dirigées sont l’une des réussites les moins contestées de la nouvelle organisation des collèges. Les évaluations sont toutes extrêmement favorables, et il n’y a là rien d’étonnant, pour qui sait que les enfants qui entrent au collège ont besoin d’être guidés et de recevoir des conseils de méthode. Le fonctionnement de ces études varie d’un établissement à l’autre, mais le succès est toujours au rendez-vous lorsqu’elles sont considérées comme un instrument d’éducation à part entière.
M. Paix : Vous avez dit vouloir améliorer les procédures de mutation des enseignants, afin de mieux prendre en compte les vœux des intéressés. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour humaniser ces procédures, notamment dans les régions méridionales, fort demandées ?
M. le ministre : Depuis plusieurs dizaines d’années, ce problème de mouvement n’a jamais été traité que par glissements subreptices. J’entends m’y attaquer en concertation avec les organisations représentatives, et je suis persuadé qu’il peut perdre de son caractère conflictuel. Est-il acceptable que des enseignants doivent attendre la veille de la rentrée pour connaître leur affectation ? D’aucuns ne diront sans doute que c’est inévitable, mais il n’y a pas de raison pour que nous n’arrivions pas, progressivement, à tout régler en juin. Le ministère a édité un CD-ROM sur les procédures de mutation, qui exposent les règles de mouvement, le mode de calcul de barème, fournit des indications statistiques et propose une aide à la formulation des demandes. Le même service est également disponible sur Internet.
M. Jean-Yves Haby : Où en est, cinq ans après la création du statut de professeurs des écoles, l’intégration des instituteurs dans ce nouveau corps ? Quelles mesures entendez-vous prendre, par ailleurs, pour revaloriser la situation des directeurs d’école ?
M. le ministre : L’intégration des professeurs dans le corps des professeurs des écoles se poursuit au rythme fixé par les accords que M. Jospin avait conclus avec les organisations syndicales, et même au-delà, car le nombre d’intégrations initialement prévu pour 1996, que nous eussions été en droit de diminuer du fait de la révision à la baisse du nombre de postes créés, a été porté, au contraire, de 14 600 à 16 000.
M. Rochebloine : Le système actuel des bourses de l’enseignement supérieur comporte des injustices et des absurdités, liées notamment aux effets de seuil et à la non-prise en compte de la perte d’emploi ou du décès d’un parent en cours d’année. Conscient du problème, vous avez annoncé, au cours des états généraux de l’Université, le remplacement de toutes les prestations existantes par une allocation sociale unique, actuellement à l’étude. Il me semble que son montant devra être fonction du revenu des parents, de la distance entre le lieu d’études et le lieu de résidence et de critères pédagogiques, et qu’elle ne devrait pas être cumulable avec le bénéfice d’une demi-part fiscale supplémentaire. Êtes-vous d’accord avec ces critères ? Entendez-vous éliminer les effets de seuil et prendre en compte la perte d’emploi ou le décès d’un parent ? Veillerez-vous à ce que la réforme ne se traduise pas par une diminution de l’effort consacré par la nation à ses étudiants ?
M. le ministre : Je ne puis répondre que oui à votre toute dernière question : c’est même une condition sine qua non de la réforme. Je suis également favorable aux critères d’attribution que vous proposez. Pour répondre, enfin, aux évènements susceptibles de survenir en cours d’année, il existe déjà une allocation exceptionnelle, qui peut être demandée à tout moment.
M. Vuibert : La pratique de régulations budgétaires, qui a toujours existé, semble s’institutionnaliser. Qui plus est, les annulations de crédits sont notifiées tardivement aux services déconcentrés, et leur montant est parfois supérieur à celui annoncé : 20 % cette année, au lieu de 15 %. Cela crée des difficultés de gestion, perturbe le déroulement des actions mise en place, réduit l’intérêt des missions d’inspection et démotive les personnels. Que ferez-vous pour remédier à cette situation ?
M. le ministre : Je comprends et partage votre souci. La régulation budgétaire est une pratique bien ancienne, et si d’aventure un gouvernement annonçait qu’il y renonce à tout jamais, je serais bien aise d’en faire partie… (Sourires) Cela dit, l’amplitude effective de la régulation intervenue cette année s’est élevée, pour mon ministère, à 7,5 % seulement, au lieu de 15 % annoncés, ce qui veut dire que 90 % des crédits inscrits ont été versés dont 80 % dès le 1er février ! La sécurisation des relations financières est un enjeu essentiel de l’amélioration des relations entre administrations, et j’en suis fier, en particulier, d’avoir mis fin aux retards chroniques dans le remboursement des frais de déplacements : depuis qu’il fait l’objet d’une ligne budgétaire individualisée, les rectorats ne peuvent plus utiliser ces sommes pour d’autres objets.
M. Leroy : La réduction, nécessaire, de crédits d’équipements des armées va poser des problèmes accrus aux entreprises, aux PME notamment, qui travaillent à la fois pour le secteur civil et pour le secteur militaire, et auxquelles le ministère de la recherche répondait jusqu’à présent, lorsqu’elles sollicitaient de lui une aide pour un projet de recherche-développement ayant des applications duales, qu’elles bénéficiaient déjà de fonds d’État.
Or, le fonctionnement cloisonné des deux secteurs engendre des surcoûts, le coût élevé de la fabrication en petite série pour l’un n’est pas compensé par celui de la fabrication en grande série pour l’autre, ainsi que des effets dits « d’éviction ».
Le souci d’assainir les finances publiques et de réduire les dépenses impose de rechercher la plus grande efficacité possible pour chaque franc investi dans la recherche. Ne peut-on imaginer que pour certaines technologies clés – le ministère de l’industrie en a répertorié une centaine – des entreprises puissent solliciter un cofinancement de la DGA et de votre ministère ? Que comptez-vous faire pour favoriser, grâce à l’action conjointe des deux ministères, l’accroissement du nombre de PME de technologie ?
M. le Secrétaire d’État : Vous avez raison de vous préoccuper des relations ente la recherche civile et la recherche militaire dans le nouveau contexte de programmation des équipements militaires, qui préserve toutefois le pourcentage des dépenses militaires consacrées à la recherche. Cela permettra de continuer à alimenter un certain nombre d’entreprises en commandes et en études émanant du ministère de la défense.
Il faut aussi favoriser des actions à l’initiative des industriels et des laboratoires en prêtant une attention particulière au caractère innovant des entreprises. Je pense, par exemple, au groupe Richelieu qui le groupe les PME-PMI particulièrement actives.
Nous nous efforçons d’identifier les champs scientifiques prioritaires pour la défense, vers lesquels les organismes de recherches et les universités pourraient être orientés.
Un colloque a eu lieu récemment à la Villette sur Sciences et défense. Des contacts réguliers avec les services du ministère de la défense ont déjà permis d’identifier des actions de recherche d’intérêt commun qui donnent lieu, dès maintenant, à notification de contrats sur financement du FRT.
Le développement des synergies entre recherches civile et militaire est de nature à permettre la création d’emplois et d’entreprises dans des secteurs innovants.
M. Saint-Ellier : J’appelle votre attention qu’à la ville de Caen d’accueillir le projet SOLEIL, machine à rayonnement synchrotron mille fois plus performante que celle existant actuellement à Orsay. Ce projet sera financé par le CEA, par le CNRS, mais aussi par les collectivités locales. Caen bénéficie d’atouts considérables, liés notamment au GANIL, créé en 1975 par Michel d’Ornano. La ville a aussi une grande renommée nationale et internationale grâce à la présence des meilleurs spécialistes des accélérateurs. De plus, différentes collectivités sont prêtes à participer au financement de l’opération.
Au cours d’un comité interministériel d’aménagement du territoire en 1992, le Gouvernement s’était engagé à étudier notre candidature en priorité dans le cadre de la reconversion de l’économie locale consécutive à la fermeture d’une entreprise sidérurgique. A quelle date la décision sur l’opportunité de réaliser ce grand projet sera-t-elle prise ? Quels seront les critères retenus pour choisir le site d’accueil ? Il faut éviter une concentration supplémentaire des grands outils de la recherche dans la région parisienne et profiter de ce projet pour affirmer une véritable politique d’aménagement
M. le Secrétaire d’État : SOLEIL – Source optimisée de lumière d’énergie intermédiaire de Lure – est un projet destiné à prendre le relais des installations actuelles de rayonnement synchrotron du laboratoire LURE d’Orsay. CE rayonnement à très courte longueur d’onde permet d’étudier les structures des arrangements s’atomes et les molécules.
La France dispose aujourd’hui de deux installations majeures : le LURE, à Orsay, en fin de vie, et l’ESRF, machine internationale installée à Grenoble et produisant un rayonnement intense dans les rayons X durs.
Le projet SOLEIL consiste à construire une machine produisant un rayonnement intense dans une gamme d’énergie intermédiaire entre les installations actuelles. Le coût total de construction serait d’environ 1 600 millions sur 8 ans, financé sur les budgets propres du CNRS et du CEA, ainsi que sur des budgets régionaux ou même départementaux.
De nombreuses collectivités locales ont déjà manifesté leur intérêt pour le projet, en particulier les villes de Caen et de Cergy-Pontoise, ainsi que les régions Centre, Ile-de-France, Limousin, Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Pays-de-Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur, sans oublier la Corse.
L’instruction scientifique du dossier n’est pas achevée. Une étude détaillée a été demandée au CNRS et au CEA, pour la fin de l’année 1996, sur la faisabilité du projet et sur les critères qui permettront de décider de sa localisation et de son financement.
Parmi les critères retenus après un premier examen, figurent la demande réelle de la communauté scientifique, l’articulation avec l’ESRF et les équipements similaires à l’étranger, le montage financier, les possibilités de cofinancements internationaux et l’aménagement du territoire.
En visitant le GANIL à Caen, j’ai pu apprécier sa valeur, la qualité de la communauté scientifique qui y travaille mais aussi sa capacité à attirer certaines activités économiques, ce qui ne serait sans doute pas le cas de tous les sites.
Cela dit, la recherche des partenaires étrangers s’avèrera sans doute indispensable en raison des difficultés qu’auraient le CNRS et le CEA à supporter seuls ce projet.
Tout cela explique que la décision de réaliser ou non ce projet sera pris au plus tôt l’année prochaine. Ce n’est qu’en suite que le site d’implantation sera choisi.
M. le Président : Nous en avons terminé avec les questions. J’appelle les crédits inscrits à la ligne Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche.
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
État B – Titre III
M. le ministre : L’amendement 271, de caractère technique, tend à rectifier la répartition des 250 emplois créés en application du plan de lutte contre la violence à l’école, en substituant la création de 20 Emplois d’assistant de service social à celle de 20 Emplois de conseiller principal d’éducation.
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’éducation nationale : La commission n’a pas examiné cet amendement mais, étant donné son caractère purement technique, j’y suis favorable à titre personnel.
L’amendement 271, mis aux voix, est adopté.
M. le ministre : L’amendement 270 est également technique, mais de plus grande portée.
La mise en extinction du recrutement dans divers corps de personnels enseignants conduit à supprimer alternativement chaque année dans les différents corps les postes correspondants à cette mise en extinction pour financer des emplois dans ces corps de recrutement actif. Il s’agissait, cette année, de celui des professeurs de lycée professionnel du premier grade – PLPI. Or il est apparu que cela pourrait constituer un signe inquiétant pour les personnels des lycées professionnels, qui auraient pu y voir la volonté de remplacer ce corps par de professeurs certifiés.
Aussi ai-je décidé, pour rassurer les professeurs de lycée professionnel de substituer à l’extinction d’un certain nombre de postes de PLPI, celle d’un nombre correspondant de postes de PEGC.
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial : Là encore, il s’agit d’un amendement technique
M. Glavany : Je m’abstiendrai sur le vote de cet amendement, que je qualifierai de syndical plutôt que de technique, sans vouloir vous empêcher, par un vote contre, de réparer ce que je considérais comme une bêtise.
Si cette mesure est bonne, pourquoi revenir dessus ? Si elle était mauvaise, pourquoi l’avoir inscrite dans votre budget ? En réalité, le sens de cette mesure était syndical. Elle était plutôt approuvée par un syndicat de l’enseignement général, mais plutôt contestée, à juste titre, par un syndicat de l’enseignement technique. Vous revenez dessus. C’est un peu sens dessus dessous !
M. le ministre : Une fois de plus, M. Glavany se trompe. Il est vrai qu’il y a longtemps qu’il n’a pas exercé de responsabilités dans ce secteur. Il s’agissait bien d’un problème technique d’accord entre les services. Effectivement, les personnels s’en sont émus et, quand ils ont raison, je leur donne raison. (Applaudissement sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
L’amendement 2701, mis aux voix, est adopté.
M. Glavany : Notre amendement 239 réduit de 200 Millions les crédits pour heures supplémentaires dans les collèges et les lycées. Il s’agit de poser le problème, désormais crucial, de la conversion de ces heures supplémentaires en emplois. Cette question ne se posait pas il y a 10 ou 15 ans puisqu’alors on créait plus de 10 000 postes par an. Quand on en supprime 5 000, c’est tout différent. Ce qui n’était pas un enjeu majeur, il y a dix ans, l’est devenu. Je souhaite donc que ces 200 millions soient utilisés pour un plan, urgent, de résorption de l’auxiliariat. Des maîtres auxiliaires qui ont enseigné dix ans sont aujourd’hui au chômage, notamment des maîtres auxiliaires étrangers et qui sont, comme tels, surtout dans le contexte actuel, particulièrement précarisés.
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial : La commission n’a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je ne le trouve pas acceptable. En effet il n’y aura pas de diminution du nombre de postes de professeurs devant les élèves en 1997. On a donc toujours besoin des 800 000 heures supplémentaires. Cela étant, au budget 1996, on a supprimé 40 000 heures supplémentaires pour créer 200 postes de titulaires. C’était une rupture avec la période 1989-1993 pendant laquelle le nombre d’heures supplémentaires augmentait constamment.
M. Glavany : Mais on créait des milliers de postes !
M. Gilles Carrez, rapporteur spécial : Donc, lorsque l’on a pu créer des postes en supprimant des heures supplémentaires, on l’a fait. Pour 1997, on ne peut pas le faire ; on maintient donc les crédits pour les heures supplémentaires nécessaires.
M. le ministre : Je ne veux pas reprendre une polémique mais je le répète, ce sont les gouvernements socialistes qui ont institué ces heures supplémentaires. Ma conviction personnelle est qu’il faudra les transformer en emplois. Je l’ai déjà fait, et je suis le seul à l’avoir fait. C’est bien l’une des voies pour régler des problèmes humains et pédagogiques. Mais le contexte nous impose cette « vigilance budgétaire » dont a parlé M. Fabius. De toute façon, l’accord contractuel récent reconnaît le droit à la titularisation aux maîtres auxiliaires qui ont plus de quatre ans d’ancienneté. Nous mettrons ce droit en pratique dans les années à venir. Nous allons ainsi de l’avant pour régler progressivement les problèmes. Mais ce n’est pas le moment de faire ce que vous proposez et, de toute façon, pas sous cette forme. Je suis donc défavorable à l’amendement, même s’il s’agit bien d’une idée à creuser.
L’amendement 239, mis aux voix n’est pas adopté.
Les crédits du titre III de l’état B, modifiés, mis aux voix, sont adoptés.
Les crédits du titre IV de l’état B, puis des titres V et VI de l’état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.
II. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Les crédits des titre III et IV de l’état B, puis des titres V et VI de l’état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.
III. RECHERCHE
Les crédits des titre III et IV de l’état B, puis des titres V et VI de l’état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.
M. le Président : Nous avons terminé l’examen des crédits du ministère de l éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. le ministre : Je remercie tous ceux qui ont participé à ce débat, parfois passionné, toujours courtois, et en particulier les rapporteurs des différentes commissions qui nous ont aidé à le préparer. Je remercie également M. Le Président ainsi que tous les services de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe RPR)
La suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
CONSTITUTION D’UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le Président : M. le Premier ministre m’informe qu’il a décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 1997.
Prochaine séance, demain vendredi 15 novembre, à 9 heures.
La séance est levée à 19 heures 15.
Jacques Bouffier, directeur du service des comptes analytiques
ORDRE DU JOUR du VENDREDI 15 NOVEMBRE 1996
À neuf heures : 1ère Séance publique.
Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1997 (n° 2993).
M. Philippe Auberger, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
(Rapport n°3030)
Anciens combattants et victimes de guerre et articles 85 à 87
M. Claude Gatinol, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
(Annexe n°8 au rapport n°3030).
M. Bernard Schreiner, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
(Rapport n°3031, tome III)
Petites et moyennes entreprises, commerce et artisanat et articles 90 et 91
M. Jean Proriol, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.
(Annexe n°32 au rapport n°3030).
M. Jean-Paul Charié, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges.
(Avis n°3035, tome XV).
A quinze heures : 2ème séance publique.
Suite de l’ordre du jour de la première séance.