Texte intégral
Le Journal du dimanche : La France s’intéresse-t-elle toujours à l’Afrique ou est-elle en train de se dégager de ce continent ?
Jacques Godfrain : Elle s’intéresse à l’Afrique pour l’Afrique elle-même. C’est notre tradition en faveur du développement et des droits de l’homme. Mais elle doit s’y intéresser plus qu’avant pour des raisons intérieures. L’Afrique, c’est en effet aussi, un marché pour les entreprises françaises car ce continent, on ne le dit pas assez, s’enrichit. D’autre part, nous savons bien qu’une Afrique déstabilisée, ce serait une Afrique qui exporterait ses violences, notamment par le biais d’une immigration incontrôlée. Il y va de l’équilibre et de la stabilité de l’Europe.
Le Journal du dimanche : Expliquez-nous : la France se plaint-elle de voir les États-Unis s’intéresser trop à l’Afrique ou pas assez ?
Jacques Godfrain : Aujourd’hui, il est dans le vent de dire que les États-Unis s’implantent en Afrique et que la France a perdu la main. Mais comme toute idée dans le vent, elle aura le destin d’une feuille morte.
La France souhaite que les États-Unis répondent à la demande d’aide publique au développement de l’Afrique. La France est le premier bailleur de fond par habitant. Les États-Unis n’arrivent qu’en quatrième position. Et ils ont diminué leur participation de 20 % cette année. Nous ne craignons pas les États-Unis, nous craignons que le États-Unis diminuent encore plus leur aide publique au développement.
La France a ceci de particulier dans la coopération qu’elle est l’amie des bons et des mauvais jours. Nous ne sommes pas là que pour des coups commerciaux.
Le Journal du dimanche : Depuis de longues semaines, la communauté internationale se demande si elle doit intervenir dans la région des Grands Lacs. Les Canadiens, désignés par l’ONU pour conduire l’opération, estiment que ce n’est plus nécessaire. Et vous ?
Jacques Godfrain : Il n’est plus question d’y aller. La question aujourd’hui est : oui ou non à une conférence sur les Grands Lacs ? Ouagadougou a eu ce mérite que des gens qui ne se parlaient plus se parlent à nouveau. Le dialogue entre le Rwanda, le Burundi, le Zaïre et la Tanzanie s’est noué dans un vrai respect, dans une vraie écoute. D’ores et déjà, cela a permis de mieux faire comprendre la détresse du Burundi qui souffre d’un embargo décrété par les pays de la zone. J’espère qu’un desserrement humanitaire à son égard pourra être « acté ».
Le Journal du dimanche : L’ambassadeur du Zaïre en France a renversé et tué deux jeunes, à Menton. Son statut le met à l’abri de poursuites judiciaires. Que comptez-vous faire ?
Jacques Godfrain : J’étais en rapport avec l’ambassadeur du Zaïre sur le sujet du développement et j’appréciais sa compétence. Le président Mobutu et lui-même souhaitent la levée de son immunité diplomatique. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que la justice puisse [Illisible] dans cette affaire.
Centrafrique : à Bangui, on négocie. Les quatre chefs d’État africains, mandatés par leurs pairs pour contribuer à la solution de la crise ont débuté hier leurs entretiens avec les militaires rebelles, à la résidence de l’ambassadeur de France. D’un côté les leaders de la rébellion qui dure depuis 23 jours, dont le capitaine Anicet Saulet. De l’autre, les présidents Bongo (Gabon), Deby (Tchad), Konaré (Mali) et Compaoré (Burkina(Faso). Ils sont assistés de l’ambassadeur de France, Jean-Marc Simon, et selon un témoin, l’ambiance semblait détendue.
Ministère des affaires étrangères-Ministère de la coopération - 9 décembre 1996
Communiqué de presse
Mise au point de Monsieur Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération
La position du ministre de la coopération sur les Grands Lacs n’a jamais été et ne peut être contraire à celle du président de la République.
En raccourcissant les propos de Monsieur Jacques Godfrain, l’interview du Journal du dimanche en a déformé le sens réel, générant ainsi la confusion entre, d’une part, l’appréciation politique française des initiatives souhaitables dans cette région et, d’autre part, le constat de la position internationale.
La position française a été rappelée le dimanche le dimanche 8 décembre par un communiqué du ministère des affaires étrangères qui réaffirmait clairement « la nécessité de l’envoi d’une force d’intervention et de la tenue d’une conférence internationale des Grands Lacs ».
Il est donc regrettable que malgré une mise au point gouvernementale et sans avoir joint Monsieur Jacques Godfrain, Libération, sous la plume de Stephen Smith, ait souhaité mettre en exergue une contradiction qui n’existe pas.