Interview de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, dans "La Dépéche du midi" du 1er décembre 1999, sur la surexposition médiatique de José Bové au cours des négociations de l'OMC, la position européenne de régulation pour l'agriculture et les OGM.

Prononcé le 1er décembre 1999

Intervenant(s) : 

Média : La Dépêche du Midi

Texte intégral

José Bové est la vedette de revendications face à l’OMC. Comment réagissez-vous ?

Luc Guyau : Il n’y en a que pour lui. Il fait du spectacle, du médiatique, tire la couverture à lui et c’est  agaçant pour nous car il ne représente pas les agriculteurs français. En outre, quand il défend l’autonomie, la fin des aides aux exportations, il fait le jeu de nos adversaires du groupe de Cairns. Qu’il arrête ce carnaval. A son retour il devra rendre des comptes.

Quelles conclusions tirez-vous de ces quatre jours à Seattle ?

Luc Guyau : L’esprit est différent car ce n’est plus une négociation entre spécialistes. Elle intéresse les opinions publiques et les organisations professionnelles que nous sommes. Mais ne nous trompons pas de combat : notre rôle, c’est d’être en contact avec les personnalités qui nous représentent et négocient en notre nom pour leur rappeler ce que nous voulons. C’est un débat économique et aussi de société. L’intérêt qu’il suscite auprès des citoyens nous aide à expliquer les dangers qu’une dérégulation totale du marché entraînerait.

Vous défendez la position européenne, celle de la régulation ?

Luc Guyau : Nous ne croyons pas à une agriculture outrancièrement débridée. Nous souhaitons dès règles produits par produits, souples concertées et sans distorsion, car l’agriculture n’est pas une activité comme les autres. D’une part, elle nourrit les hommes ce qui est une responsabilité vitale et elle obéit à des cycles biologiques. D’autre part, elle a plusieurs fonctions sociales, d’aménagement du territoire, de préservation de l’environnement ce qui en fait un élément phare de la société. Or quand un exploitant disparaît, il n’est jamais remplacé avec les conséquences que l’on imagine. Nous avons confiance en nos négociateurs. Mais s’ils nous lâchent, nous sauront passez à l’action.

Vos détracteurs des deux côtés, les Américains comme la Confédération paysanne, remettent en cause les aides à l’exportation ?

Luc Guyau : On ne va pas renoncer à l’exportation qui représente un tiers de notre agriculture. Sans les aides, elle est impossible car nous aurons face à nous des pays, pourquoi pas demain la Chine, qui casseront les prix avec des méthodes condamnables sur les conditions de travail.

Vos adversaires sont pourtant les Etats-Unis ?

Luc Guyau : Quand j’ai rencontré l’ambassadeur des Etats-Unis, il m’a carrément dit : on ne renoncera pas aux aides. Simplement, les Américains savent les déguiser et en donnent plus.
Cela permet de soutenir les pays du groupe de Cairns (Australie, Argentine, Nouvelle-Zélande) qui avec leurs rendements et le vide qu’ils ont fait dans leurs campagnes veulent un marché qui ne prenne pas en compte la spécificité agricole.

Vous défendez le principe de précaution ?

Luc Guyau : Le principe de précaution n’est surtout pas une barrière protectionniste. Nous demandons des règles précises, dans un cadre précis et transparent. Le doute est terrible car nous sommes dans une époque de communication extrême qui provoque des réactions psychologiques insoupçonnées.
Quand on annonce dans les journaux télévisés de 20 heures que tel lot de poulet, bien identifié, présente une éventuelle contamination, on met en péril une filière. Or ce poulet n’aurait jamais dû arriver dans les barquettes.

Sur les OGM, quelle est votre position ?

Luc Guyau : Les entreprises ont fait de grosses erreurs. Elles n’ont rendu service ni aux agriculteurs, ni à la recherche sur les OGM, ni à elles-mêmes. Nous sommes pour la recherche, mais nous disons doucement sur l’application. Ce serait une erreur de refuser la recherche quand une grande partie de la population mondiale ne mange pas à sa faim.