Déclaration de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation, sur l'enseignement agricole et notamment l'enseignement supérieur et la recherche, Rennes le 25 novembre 1996.

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Intervenant(s) : 
  • Philippe Vasseur - ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation

Circonstance : Déplacement à Nantes et Rennes le 25 novembre 1996. Centenaire de l'installation à Rennes de l'ENSA (Ecole nationale supérieure agronomique)

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de me trouver parmi vous cet après-midi. D'abord parce que la célébration de ce centenaire est un événement très important, pour la Bretagne et pour le ministère de l'Agriculture ; ensuite parce que le président de la République, que vous aviez également sollicité, m'a demandé de le représenter et je peux vous témoigner, en son nom, de tout l'attachement qu'il porte à cette région et à l'agriculture de notre pays, vous le savez. Je suis persuadé qu'il aurait été également très heureux de pouvoir être présent avec nous aujourd'hui, si son emploi du temps, malheureusement très chargé, lui en avait donné la possibilité.

Ainsi, cela fait un siècle que s'est installée, à Rennes, une école d'agriculture qui allait devenir un véritable pôle d'enseignement supérieur agronomique.

Cet anniversaire est d'abord l'occasion de mesurer le chemin parcouru depuis 100 ans. En 1896, l'école d'agriculture de Grand-Jouan, créée 70 ans plus tôt, s'installe à Rennes. Elle va connaître alors un développement continu.

Devenue École nationale supérieure agronomique de Rennes, elle deviendra progressivement le coeur de ce pôle d'enseignement que nous connaissons aujourd'hui, avec l'INSFA, l'ISPA et l'IESIEL.

Au total, c'est aujourd'hui 800 étudiants qui sont présents ainsi que 80 enseignants-chercheurs et ingénieurs.

Le pôle d'enseignement supérieur agronomique de Rennes, c'est aussi une longue histoire commune avec l'INRA, dont nous avons également célébré, cette année, le cinquantenaire.

L'INRA et l'ENSA de Rennes mènent une coopération exemplaire, au plus grand bénéfice de la région et des élèves de l'école.

L'ENSA de Rennes, c'est enfin des activités de formation continue, avec une antenne du Conservatoire national des arts et métiers et aussi, car c'est essentiel à mes yeux, une formation doctorale, signe de l'excellence de cette école et de la reconnaissance du monde universitaire et scientifique.

Cette formidable histoire, depuis un siècle, est d'abord celle des femmes et des hommes qui ont animé cette école, qui l'ont dirigée, qui l'ont bâtie, qui y ont enseigné ou apporté leur compétence.

Je pense naturellement à tous les agents techniques et administratifs, aux enseignants, aux chercheurs, aux ingénieurs, aux directeurs éminents qui se sont succédé, jusqu'à Pierre Thivend, et qui se sont transmis l'enthousiasme qui a permis de faire de Rennes ce qu'elle est aujourd'hui.

Je voudrais rendre hommage à tous ceux qui se sont dévoués et se dévouent encore au service de l'ENSA, en entretenant l'école, en formant des élèves qui porteront loin les couleurs et la réputation de l'école, en mobilisant les élus et tous les partenaires autour d'une ambition commune : faire de Rennes un grand pôle d'enseignement et de recherche agronomiques en France et en Europe.

Je voudrais aussi, justement, remercier les élus et les collectivités qui se sont engagées avec constance et détermination, aux côtés du ministère de l'Agriculture, pour concrétiser cette ambition. Je pense à la Région et à son président, Yvon Bourges, au Département et à Pierre Méhaignerie, ancien élève de l'ENSA, en tant que ministre de l'Agriculture et en tant que président du conseil général d'Ille-et-Vilaine, à la ville et au maire de Rennes, Edmond Hervé.

Merci à tous d'avoir cru en cette école, mais je crois sincèrement qu'elle le mérite. L'enjeu était considérable : faire une école d'agriculture un véritable pôle de formation et de recherche. Le pari est largement tenu.

Le pôle d'enseignement supérieur agronomique de Rennes est aujourd'hui un des phares de notre enseignement agricole.

Avec 170 000 élèves dans l'enseignement technique, 130 000 stagiaires en formation continue, 20 000 apprentis, 10 000 étudiants en formation supérieure, le ministère de l'Agriculture possède un ensemble de formation complet et original et auquel vous êtes, dans cette région de Bretagne, particulièrement attachés.

L'enseignement agricole est une de mes priorités absolues. D'abord parce qu'il est utile : utile à notre filière agricole et agroalimentaire, utile à nos régions, utile à nos jeunes ; ensuite parce qu'il marche et même bien. J'en veux pour preuve nos résultats en termes d'insertion professionnelle et l'attraction, parfois difficile à contenir, que nous suscitons auprès des jeunes.

Je considère que notre enseignement agricole est un modèle et je sais que vous êtes nombreux, dans cette salle, à le penser aussi ; un modèle dans sa relation avec le monde professionnel, Jean-Michel Lemétayer peut en témoigner ; un modèle dans sa relation avec les collectivités locales et les élus ; un modèle d'intégration dans son environnement local ; un modèle social, par l'accueil de jeunes de tous horizons et, pour l'enseignement technique, de jeunes qui connaissent parfois des difficultés scolaires ; un modèle de tolérance, enfin, par la coexistence ancienne entre enseignement public et enseignement privé.

Ce modèle qu'est l'enseignement agricole, c'est près de 1 000 lycées agricoles, plus de 100 centres de formation d'apprentis et 25 grandes écoles. C'est peu et c'est beaucoup : peu, par rapport à l'ensemble du système éducatif français ; mais c'est beaucoup et même essentiel pour nos régions, nos campagnes et surtout pour notre filière agroalimentaire.

Lorsque je vois l'intérêt que portent à un lycée agricole tous ses partenaires, qu'il s'agisse des élus, des familles, des professionnels, je suis heureux de constater que l'enseignement agricole a encore pour de nombreuses années, si nous savons en préserver les atouts, de belles pages d'histoire à écrire, aussi belles que l'ENSA de Rennes.

Nous devons, justement, penser à l'avenir, car c'est notre enseignement qui prépare aujourd'hui ceux qui le feront demain.

Nul ne peut dire de quoi demain sera fait. Mais c'est le rôle du politique d'anticiper et de donner les moyens aux forces vives de ce pays de préparer et de prendre en main cet avenir.

J'ai souhaité mener cet exercice de prospective dans le cadre de la préparation de la loi d'orientation, que je présenterai au début de l'année prochaine au Parlement.

Il n'est pas possible de fixer le cadre législatif de notre filière agricole et agroalimentaire des 20 prochaines années si nous ne réfléchissons pas aux enjeux du prochain siècle.

Demain, notre filière agroalimentaire devra faire face à une concurrence de plus en plus vive mais pourra aussi trouver de nouveaux débouchés dans le monde.

Elle devra prendre en compte l'ensemble des besoins et des attentes des consommateurs, qui concernent les produits, mais aussi la manière de les fabriquer, de les transformer. Elle devra aussi s'appuyer sur une agriculture présente sur l'ensemble du territoire, une agriculture diversifiée mais capable de répondre aux besoins de la filière et des consommateurs.

C'est à ces enjeux que nous devons préparer nos jeunes et c'est pourquoi l'enseignement agricole a un rôle capital à jouer.

C'est pour cela que j'ai souhaité lui consacrer un volet important dans la future loi d'orientation.

Pour l'enseignement technique, cela passe par une meilleure maîtrise de son évolution, autour des métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire, sans pour autant, bien entendu, renoncer aux formations qui concourent au développement de cette filière, je pense en particulier aux services en milieu rural ou aux formations d'aménagement ; mais il faut bien avoir à l'esprit que notre priorité doit être la formation aux métiers de la filière.

Pour l'enseignement supérieur, cela passe par le renforcement de notre excellence. C'est grâce à nos ingénieurs que la France pourra tenir sa place sur la scène internationale.

Si notre pays est, aujourd'hui, un très grand pays agricole, si la France est le premier exportateur mondial de produits alimentaires transformés, si l'agroalimentaire est la première activité industrielle et économique de notre pays, si la France est championne du monde de la qualité alimentaire, c'est en grande partie aux anciens élèves de nos grandes écoles, de Rennes et d'ailleurs, que nous le devons.

J'en ai la certitude. Et nous devons tout mettre en oeuvre pour que cela continue.

Vous avez, à Rennes, fait le pari de l'excellence :

– en assurant aux élèves la meilleure formation possible ;
– en leur donnant le goût de la connaissance, mais aussi celui d'entreprendre ;
– en les confrontant aux réalités de l'agriculture comme aux réalités de la recherche ;
– en les incitant à découvrir le monde de l'entreprise ;
– et surtout en les ouvrant aux réalités internationales, car cela doit être, désormais, une composante obligatoire de la formation.

Il me semble que nous ne devrions pas former un futur ingénieur sans qu'il n'ait suivi au moins u stage dans une entreprise à l'étranger. C'est en tout cas un objectif que nous devons afficher pour nos écoles.

Ce pari de l'excellence, c'est aussi celui du lien avec l'INRA et la recherche, mais aussi avec l'enseignement technique, car il ne saurait y avoir de rupture entre enseignement technique et enseignement supérieur : nous devons jouer la synergie et aussi faire en sorte que nos élèves de l'enseignement technique agricole puissent espérer intégrer l'enseignement supérieur, car cela fait aussi partie de la vocation de promotion sociale de notre enseignement agricole.

Mais le pari de l'excellence, pour l'enseignement supérieur, c'est aussi et surtout celui de notre compétitivité internationale. Je l'ai dit tout à l'heure, nous serons confrontés, dans les années qui viennent, à une compétition sévère en matière agroalimentaire.

Mais cette compétition sera aussi celle des enseignements supérieurs dans les différents pays. Être le meilleur, cela signifie avoir le meilleur système d'enseignement supérieur, le système qui permette de former les meilleurs ingénieurs et chercheurs, les plus compétents, les plus ouverts, les plus entreprenants, en s'appuyant sur la meilleure équipe d'enseignement et le meilleur environnement de recherche.

C'est un enjeu crucial pour l'avenir. Cela ne passe pas, selon moi, par le regroupement de tout notre dispositif d'enseignement supérieur au plan national mais plutôt par une mise en commun des moyens et des énergies au niveau régional, là où la cohérence est la plus forte et là où de réelles synergies peuvent voir le jour.

Mon ambition est de mettre en place des pôles régionaux forts d'enseignement supérieur dans notre pays.

Agréna est pour moi un modèle. J'avais salué, lors de ma visite à Rennes, il y a quelques mois, cette initiative consistant à regrouper nos grandes écoles au sein d'une association et j'avais indiqué mon souhait d'aller plus loin et de constituer une véritable fédération de ces écoles, tout en conservant l'identité de chacune.

Le rapport que j'avais alors demandé, dont les premières conclusions viennent d'être rendues, conclut dans ce sens. Il faut maintenant aller de l'avant et mettre en place cette fédération. Avec le pôle d'enseignement supérieur agronomique, avec le pôle horticole d'Angers, avec l'école vétérinaire de Nantes, avec l'école des techniques des industries agro-alimentaires de Nantes, le Grand Ouest a vocation à constituer un ensemble d'envergure nationale et même internationale.

Rennes a, dans cette affaire, un rôle capital à jouer, car elle est à l'origine d'Agréna et qu'il lui revient maintenant de fédérer les énergies de tous les partenaires.

C'est, pour moi, une priorité absolue. Il est indispensable de mettre en oeuvre un projet cohérent dès l'an prochain. Je l'ai dit, la démarche Agréna est pour moi un modèle et c'est de ce modèle que je souhaite m'inspirer pour fixer mes ambitions sur l'enseignement supérieur dans la loi d'orientation.

Mais cette volonté d'excellence pour l'enseignement supérieur, cette ambition à laquelle je sais que vous êtes prêts à participer, ne pourra se concrétiser sans moyens.

L'ENSA de Rennes est une école moderne, jeune, ouverte sur l'avenir, mais c'est aussi une centenaire.

Cela force l'admiration et le respect, mais cela impose aussi quelques moyens pour l'entretien et la rénovation.

Je sais qu'en la matière, les besoins sont immenses et je suis heureux de l'effort qui a été entrepris à partir de 1994 pour amorcer la rénovation du site. C'est un problème qui se pose ici mais, malheureusement, dans beaucoup d'autres grandes écoles du ministère et c'est pourquoi j'ai décidé de créer, pour la première fois, en 1997, une ligne « maintenance » dans le budget d'investissement en faveur de l'enseignement supérieur.

Elle sera dotée de 12 MF au plan national et, bien entendu, Rennes en bénéficiera. L'effort de rénovation sera donc poursuivi avec, je l'espère, l'appui des collectivités locales, mais je sais combien elles sont attachées à la valorisation et à l'entretien de ce patrimoine historique que constitue l'ENSA de Rennes.

Mais la rénovation n'est pas tout et il faut penser à l'avenir. Une école vit, se développe, ouvre de nouvelles formations et cela nécessite des moyens.

On n'a pas tous les jours 100 ans et cela mérite bien une attention particulière de la part du ministre de tutelle. C'est pourquoi je vous confirme que je mobiliserai, en 1997, 4 MF pour la construction d'un bâtiment pour le département économie-gestion.

J'ai également bien conscience de la situation de l'école quant à ses moyens humains. Nous aurons, malheureusement, très peu de créations de postes l'an prochain. Cependant, j'ai décidé d'affecter deux enseignants chercheurs à Rennes l'an prochain.

C'est, vous en êtes conscients, un effort exceptionnel, mais que j'estime parfaitement justifié. C'est plus que prévu, mais je crois cet effort nécessaire et mérité, compte tenu du travail réalisé par cette école.

Le pôle d'enseignement supérieur agronomique de Rennes est un modèle.

J'ai confiance dans les femmes et les hommes qui l'animent pour construire un nouveau siècle d'histoire, au service de notre filière agro-alimentaire, au service de la Bretagne, au service de la France.

C'est mon ambition et c'est aussi la vôtre. Ensemble, nous la réaliserons.