Texte intégral
RMC - lundi 4 octobre 1999
On vous a connue révolutionnaire sans concession, au langage inflexible. Vous êtes maintenant parlementaire européen, avec un changement de statut Bruxelles, Strasbourg, Paris : cela modifie-t-il quelque chose chez vous ?
— « Approcher de près le fonctionnement de l'Union européenne en étant au Parlement européen, cela me donne davantage envie encore de défendre mes idées communistes révolutionnaires. »
Pourquoi davantage envie ?
— « Finalement, on voit ici l'application d'un capitalisme financier qui écrase tout, les restructurations, les suppressions d'emplois, et cela dans tous les pays. Il y a donc beaucoup à faire pour faire entendre au Parlement européen la voix des travailleurs et la voix des chômeurs. »
Il y a 11 pays sur 15 qui sont à gauche pourtant ?
— « La gauche mène la même politique que la droite. Elle est tout autant partisane pour développer le capital à risque, l'actionnariat. On doit vraiment défendre contre cela les intérêts des travailleurs. »
Il y a eu des élections hier en Autriche. L'extrême droite à réalisé son meilleur score, un score historique. Elle est devenue le second parti du pays, devant le grand parti conservateur. Quel est votre sentiment ?
—« Un effet d'écoeurement et d'inquiétude, en voyant que la “bête immonde“ est toujours là et que toute cette démagogie nationaliste, populiste, xénophobe revient en force. Bien sûr, je n'ai pas de conseils à donner aux Autrichiens, mais j'ai quand même envie de dire que ceux qui dans les couches populaires votent pour un démagogue d'extrême droite ne se préparent pas de beaux lendemains. Cela se retournera forcément contre eux. Penser qu'on en peut espérer quelque chose, lorsqu'on est un travailleur, un chômeur, un pauvre, c'est vraiment se leurrer. »
Pourtant, c'est une vieille histoire.
— « Certes, mais le combat est toujours à recommencer. »
20 000 patrons se mobilisent aujourd'hui contre les 35 heures ; de son côté la CGT se mobilise pour modifier le texte. Comment vous situez-vous, entre ceux qui veulent que le texte ne soit pas appliqué et ceux qui veulent l'améliorer, comme la CGT ? Est-ce que, pour vous, les 35 heures sont une avancée sociale ?
— « Je pense qu'il faut manifester. La CGT et d'autres syndicats d'ailleurs y appellent. Cette loi n'est pas favorable aux travailleurs. La loi Aubry prévue y est encore plus défavorable. Le patronat, lui, crie avant d'avoir mal. D'une certaine façon, on le comprend. Il a tellement crié pour la première loi que la seconde lui est encore plus favorable. »
N'est-ce pas difficilement compréhensible de se mettre en travers d'un projet de loi que les patrons dénoncent au nom des intérêts des travailleurs ?
— « La loi des 35 heures, si elle était favorable aux travailleurs, serait très simple : ce serait 5 jours, 7 heures — ce qui fait 35 heures —, interdiction de flexibilité, interdiction de l'annualisation, obligation de créer des emplois et maintien du salaire et pas de blocage ni baisse. Rien de tout cela n'est prévu dans cette seconde loi. C'est pourquoi les travailleurs vont aujourd'hui manifester. »
Les patrons et les salariés manifestent aujourd'hui ensemble contre le même texte des 35 heures. N'est-ce pas étrange ?
— « Il ne manifestent pas ensemble, même si c'est le même jour. Alors qu'il y a une offensive du patronat qui risque d'entraîner une loi encore plus en sa faveur, il fallait qu'il y ait une riposte des organisations syndicales, et c'est bien que la CGT l'ait fait. »
Le Parti communiste français est pratiquement seul, donc sans les syndicalistes ni ses alliés politiques de la majorité plurielle, à vouloir organiser une grande manifestation pour l'emploi le 16 octobre. Est-ce qu'il faut maintenir cette manifestation ?
— « Bien sûr. D'ailleurs, Lutte ouvrière sera aux côtés du Parti communiste. »
Après tout ce que vous avez dit sur le Parti communiste ?
— « Nous sommes très contents lorsque le Parti communiste tient un langage radical et qu'il arrête de se faire le chantre du Gouvernement, lequel va contre les intérêts des travailleurs. Dans la mesure où le Parti communiste tient ce langage et appelle les travailleurs à manifester, nous y serons également, en particulier pour défendre la revendication de l'interdiction de licencier par les entreprises qui font du profit, ce qui est le cas aujourd'hui pour bien des plans de licenciements et de suppressions d'emplois dans de nombreuses entreprises du pays. »
Lorsque L. Jospin a annoncé qu'il allait mieux encadrer les plans de licenciement dans les entreprises à gros profits et qu'il allait limiter le recours abusif aux contrats précaires, n'était-ce pas de bonnes directions ?
— « Il ne s'agit pas d'encadrer les licenciements. Il s'agit de les interdire. Un gouvernement qui serait réellement au service des travailleurs prendrait naturellement cette décision. On ne peut pas laisser continuer ces grandes entreprises, qui investissent à l'étranger et qui prétendent être obligées de se séparer de leur personnel, alors qu'elles augmentent le profit de leurs actionnaires et font en sorte que le rendement des capitaux soit de 12 ou 15 % l'an. Les travailleurs n'ont pas à payer pour que les dividendes des actionnaires soient toujours en augmentation. Il ne s'agit donc pas d'encadrer, mais de prendre des mesures radicales pour empêcher ces grandes entreprises de nuire. »
Mais est-ce que c'est seulement possible ?
— « Bien sûr que ça l'est ! »
Mais la loi ? Il n'y a pas de loi qui le permette.
— « C'est la lutte des travailleurs qui l'imposera. J'espère que la manifestation du 16 octobre sera réussie et qu'elle sera le début d'une lutte plus importante pour faire aboutir une telle revendication. »
Allez-vous vous réconcilier avec les communistes que vous avez tant attaqués pendant la campagne électorale ?
— « J'ai répondu aux attaques contre moi et j'ai défendu mon programme. J'ai critiqué le PC et je continuerai à le faire parce qu'entre la participation au Gouvernement et la défense des intérêts des travailleurs, il y a un hiatus. Cela dit, cela ne m'empêche pas, quand le Parti communiste tient un langage combatif, d'être à ses côtés, ou plutôt au côté des militants du Parti communiste qui seront dans la rue avec nous. »
France 2 - mercredi 13 octobre 1999
La grande manifestation de samedi qui doit réunir outre Lutte ouvrière, la LCR et le Parti communiste français, à l'origine devait être une manifestation assez large. Beaucoup de monde était prévu. Ne va-t-elle pas se résumer à un tète à tête entre l'extrême gauche et le PC ?
— « Si on appelle “tête à tête“ les dizaines de milliers de personnes qui vont être là, samedi, mois je veux bien ! Mais je crois que non. Il y aura du monde à cette manifestation parce que c'est l'urgence sociale qui réclame cette manifestation. C'est le fait que, quoi qu'on en dise, le chômage est bien là dans ce pays, avec ses millions de chômeurs. Et il faudrait rajouter les millions de personnes qui ont un travail mais qui ne gagnent pas leur vie parce qu'elles sont à temps partiel, parce qu'elles sont en contrat à durée déterminée. Il y a un effet de vases communicants : les quelques emplois créés le sont dans cette catégorie. Je crois aussi qu'il y a un mécontentement vis-à-vis, bien sûr, de l'application de la loi sur les 35 heures dans les entreprises aujourd'hui. »
Est-ce une manifestation contre le Gouvernement, contre les patrons, pour l'emploi ?
— « C'est d'abord une manifestation contre le chômage, pour l'emploi et bien sûr contre le patronat, contre les plans de suppression d'emplois, de licenciements, que ce soit chez Michelin, chez Epéda ou ailleurs. C'est aussi pour imposer au Gouvernement des mesures contre le chômage. La première des mesures que nous défendrons c'est l'interdiction des licenciements et des plans de suppression d'emplois dans toutes ces grandes entreprises qui font du profit et qui, pour en faire encore plus, pour augmenter les dividendes des actionnaires, continuent à supprimer des milliers d'emplois. »
Vous n'êtes pas exactement sur la même ligne que R. Hue, car il y a une partie des membre communistes qui siège au Gouvernement. Vous avez le sentiment qu'aujourd'hui les communistes sont des partenaires qui font un peu le grand écart ?
— « Quand, à la Fête du Parti communiste, R. Hue annonce qu'il va lutter contre la politique du patronat et qu'il va exiger un certain nombre de choses de ce Gouvernement, c'est à lui de résoudre la contradiction qui existe entre sa participation gouvernementale et cette décision. Pour nous, cette décision — qu'il faut que les travailleurs, que les chômeurs se manifestent pour faire bouger les choses — nous la partageons et nous serons sans aucune réserve dans cette manifestation. »
Avez-vous compris les hésitations de la CGT ? A l'origine, la CGT devait s'associer à la manifestation, et puis elle décide que non. Et hier on apprenait que B. Thibault irait, mais de façon individuelle, et sans que la CGT, en tant qu'organisation n'y soit. N'est-ce pas, là encore, un peu d'hésitation ?
— « Il y a deux réponses à cela. D'abord, c'est que B. Thibault ne sera pas tout seul de la CGT. Car, peut-être y a t-il une majorité à la direction de la CGT qui ne veut pas être co-organisatrice de la manifestation, mais il y aura des centaines de sections d'entreprises CGT, d'unions locales, d'unions départementales qui, d'ores et déjà, appellent dans tout le pays et qui seront là. B. Thibault, à mon avis, aurait dû dire avant qu'il allait participer. Je connais bien ce problème : on veut essayer d'enfermer les syndicalistes dans une case. Vous êtes dans une entreprise, vous faites du syndicalismes et donc vous n'avez pas le droit de faire de politique. Mais qu'est-ce que c'est que ça ! Cette manifestation est tout autant syndicale que politique. Quand on réclame l'interdiction des licenciements, est-ce que c'est syndical ou politique ? Quand on dit qu'il faut cesser cette flexibilité avec la loi sur les 35 heures, c'est syndical ou c'est politique ? C'est les deux ! Et arrêtons de séparer comme ça ! »
Mais ce n'est pas la seule grande manifestation avec la CGT, les syndicats, et tous les partis politiques, le même jour !
— « Ce que je voulais dire, c'est que c'est interdire finalement aux travailleurs d'être à la fois syndicalistes et des militants politiques. Et d'ailleurs on le retrouve, car dans toutes les assemblées — que ce soit au Parlement européen ou au Parlement français — il n'y a pas beaucoup de gens qui sortent de la classe ouvrière. C'est cela qui manque peut-être en politique. Je ne vais donc pas reprocher à B. Thibault d'être, à la fois, militant syndical et aussi militant politique. »
On parle aujourd'hui d'un amendement Jaffré après l'amendement Michelin — l'amendement Michelin, c'est parce qu'on licenciait trop facilement et l'amendement Jaffré c'est parce qu'on considère que certains patrons touchent des stock-options, des parts d'entreprises, qui atteignent parfois des sommes considérables. L'actionnariat salarié vous dites : « Non », vous dites que c'est totalement injuste, ou bien est-ce que vous dites : « Si c'est pour tout le monde, c'est acceptable » ?
— « Je dirais d'abord que l'amendement Michelin ne change rien pour le sort des travailleurs de chez Michelin et ceux de Volbert à Soissons qui savent qu'ils vont perdre leur emploi. Ce n'est pas cela qui va le leur donner. Il faut donc interdire ces suppressions d'emplois. Sur les stock-options, bon, le Gouvernement se croit un peu obligé de dire des choses et de réagir. Parce que c'est vrai que c'est choquant que ce M. Jaffré parte avec autant d'argent quand on voit le sort qui est fait aux travailleurs licenciés dans les entreprises. Ce n'est évidemment pas de cela dont rêvent les salariés. Les salariés et les chômeurs veulent un emploi correct avec un salaire décent. On va essayer de les lier aux intérêts des actionnaires majoritaires, c'est-à-dire des grands capitalistes dans les entreprises. Je crois que de toutes les façons il y a beaucoup d'entreprises où les salariés, comme une prime, reçoivent des actions. Ce n'est pas cela qui change leur conscience de classe, et ils savent bien que les intérêts des actionnaires ne sont pas ceux des salariés. »
Vous êtes maintenant députée européenne, cela vous donne-t-il envie d'organiser des manifestations au niveau européen, de faire vivre différemment l'Europe sociale ?
— « Des manifestations, il y en a déjà eues au niveau européen et je pense qu'il y en aura d'autres. Ce qu'on voit dans ce Parlement européen, c'est d'abord la confirmation qu'il a vraiment peu de pouvoir par rapport au pouvoir des ministres des Etats-membres. Et ce que l'on voit peut-être aussi et qui est le plus important, c'est que les intérêts des travailleurs à travers l'Europe sont les mêmes et qu'il faut qu'ils en prennent conscience pour, effectivement, pouvoir lutter tous ensemble contre le capital financier européen. »
France Inter - vendredi 15 octobre 1999
La manifestation contre le chômage organisée par le Parti communiste, récemment qualifiée par l'Humanité « d'initiative contre le Medef » — ce qui permet au PC désormais d'épargner le Gouvernement — va-t-elle accentuer la division à gauche entre les mouvements politiques, les syndicats et les associations ? Les militants de Sud, de Droits devant, du Dal, ou d'Assez !, pour ne citer que ceux-là, en tout une centaine de personnes, dont le sociologue P. Bourdieu, ont signé un appel pour l'autonomie du mouvement social et dénoncent les tentatives de récupération de toutes sortes.
A. Laguiller, vous participerez à la manifestation demain. Vous voilà implicitement avec le Parti communiste accusée de récupération politique ?
— « Lutte ouvrière et moi-même, nous ne sommes pas sectaires, et lorsque le Parti communiste organise une manifestation pour la défense des intérêts des travailleurs, nous trouvons normal d'être dans la rue à ses côtés. Ceux qui n'y seront pas auront tort car on ne peut pas rester aujourd'hui indifférent à la situation de la classe ouvrière, aux plans sociaux, aux plans de suppression d'emplois, aux plans de licenciements, que ce soit chez Michelin, chez Pirelli ou ailleurs, chez Epeda, et on pourrait en citer des dizaines. Il y a aujourd'hui dans ce pays 5 millions de chômeurs, soit de longue durée, soit avec ceux qui ne travaillent qu'à temps partiel. Il faut donc changer cette situation. Cette manifestation doit être massive pour qu'elle soit l'élan de la contre-offensive ouvrière. »
Mais comment expliquez-vous qu'il y ait tellement d'approches différentes s'agissant de cette manifestation ? Le Parti communiste ménage finalement un peu le Gouvernement. L'Humanité tirait le 11 octobre dernier : « Initiative contre le Medef ». On vient d'entendre J.-M. Aphatie à l'instant, dire que ce matin, l'Humanité est très sévère s'agissant de la fusion Dasa-Matra-Aerospatial. On a l'impression d'un parcours un peu ondulant.
— « Je n'ai pas à répondre de la politique du Parti communiste. Simplement, à la Fête de l'Humanité, R. Hue a fait un discours dans lequel il reconnaissait finalement implicitement que la politique du Gouvernement n'est pas satisfaisante. C'est vrai qu'elle ne l'est pas. Quand L. Jospin ose dire aux salariés à propos de l'affaire Michelin : “Débrouillez-vous, nous ne pouvons rien faire“, il est bon qu'un certain nombre de partis, d'organisations de gauche, d'associations, de militants syndicaux, bref que l'ensemble de la classe ouvrière réagisse au travers de ses organisations. Nous partageons tous la critique implicite de R. Hue. »
Vous serez demain ou un point d'équilibre ou un point de déséquilibre ? En effet, et le Parti communiste le disait encore ces dernières heures, il ne voulait pas que cette organisation soit perçue comme antigouvernementale. Vous, si !
— « Dans une manifestation, il est vrai que la première cible visée, c'est le patronat, car pour l'instant, c'est bien lui qui annonce tous ces plans de licenciements. Mais c'est vrai que c'est aussi le Gouvernement, dans la mesure où il ne mène pas la politique qu'il faut. Comprenez-vous, ce Gouvernement, comme les autres, continue à subventionner par dizaines de milliards, par centaines de milliards, le grand patronat, lequel ne crée pas d'emplois pour autant. Finalement, cet argent ne fait qu'augmenter la spéculation, les profits, les dividendes des actionnaires, tout cela sur les dos des salariés et des chômeurs. C'est cela qu'il faut changer, et j'espère que cette manifestation sera suffisamment massive pour exercer une pression importante sur le Gouvernement, et surtout donner un élan pour qu'on n'en reste pas là ; qu'elle redonne le moral à tous ceux qui luttent dans les entreprises, à tous les chômeurs qui voudraient bien avoir un emploi, et que la lutte continue au-delà du 16. »
Vous sentez-vous une responsabilité particulière — peut-être même la revendiquez-vous —, en ce sens que demain, c'est peut-être justement par vos mots d'ordre que la manifestation pourra basculer d'un côté ou de l'autre, qu'elle sera perçue ou non comme une défiance vis-à-vis du Gouvernement, ce qui changerait beaucoup la donne à gauche ?
— « Depuis 1995, Lutte ouvrière et moi-même, nous disons qu'il faut interdire les licenciements collectifs dans toutes les grandes entreprises qui font du profit. On était peu nombreux à le dire. Nous le sommes de plus en plus. Dans cette manifestation, on sera des milliers à le dire. Demain, je l'espère, on sera des millions à l'exiger. »
Quand des associations revendiquent cette manifestation comme un mouvement populaire, ajoutant qu'elles ont elles aussi un point de vue politique qui doit être pris en compte, on voit bien qu'il y a un morcellement, une sorte de fragmentation des discours et des positionnements à gauche, et ce sur des enjeux importants.
— « Mais qu'est-ce qui les empêche de venir à cette manifestation et de défendre leur mot d'ordre, leurs slogans, leurs revendications ? Absolument rien. Lutte ouvrière est co-organisateur de la manifestation avec la LCR, le Parti communiste, le MRAP, les Verts, le MDC, mais notre mot d'ordre à tous est : “Non aux licenciements ! Non au chômage !“ Mais c'est une manifestation démocratique, et chacun pourra exprimer ses revendications particulières. Ceux qui n'y seront pas auront vraiment tort. Aujourd'hui, il s'agit de choisir son camp. Alors ou l'on est du côté du patronat et du Gouvernement — lequel soutient les plans de suppression d'emplois — ou on est du côté des travailleurs. C'est là qu'il y a une démarcation véritable, et non entre ce qui est politique, syndical ou associatif. Quand le Medef a manifesté, était-ce de la politique ou bien l'expression syndicale des organisations patronales ? Ça n'a pas eu d'importance. Ce qui a alors compté, c'était le nombre de patrons dans la rue. Ce qui comptera demain, c'est le nombre de travailleurs, de chômeurs qui seront dans la rue pour exiger que cela change enfin, et que la pyramide bascule enfin. Une toute petite minorité décide de tout, de ce qui est bon ou pas, et ce pour la majorité de la population ! Je veux que cette manifestation soit un élan pour qu'un jour, le plus grand nombre ait enfin le contrôle sur l'économie, sur les finances des entreprises. »
Sur des enjeux que vous considérez si importants, et ils le sont, considérez-vous que la position de la CGT soit très lisible ?
— « Je regrette que la direction de la CGT n'ait pas décidé d'appeler à cette manifestation, ce que je regrette aussi pour toutes les autres organisations syndicales, mais je pense qu'il y aura nombre de militants syndicaux dans le cortège. »
« J'y vais à titre personnel, ça n'est pas ma centrale, mais j'y suis comme citoyen », est-ce pour vous un signal politique for ?
— « On essaie tellement de dissocier ce qui est syndical, ce qui est politique, que je comprend que B. Thibault ait pu être embarrassé. Il est à la fois dirigeant de la CGT, et ce qui est parfaitement son droit, militant d'un parti politique. Arrêtons de considérer que les militants syndicaux, c'est-à-dire souvent les plus conscients dans les entreprises, ne puissent pas être des militants politiques. Les patrons et les professions libérales seuls auraient le droit de faire de la politique et d'être militants politiques ! Quant à la classe ouvrière, on lui concéderait tout juste le droit de faire du syndicalisme ! Non ! Dans tous les syndicats, qu'on le veuille ou non, des militants font de la politique, et leurs idées politiques les motivent, naturellement. On fait donc un mauvais procès à cette manifestation, à mon goût. Tous les grands événements, 1936, 1968, 1995 où les travailleurs étaient dans la rue, toujours les premiers entraînent les autres. Si ça marche, vous verrez que les organisations syndicales, les associations seront dans le coup elles aussi. »
R. Hue, à propos de ce qui se passera demain, invoque mai 68 pour que ce soit un grand mouvement populaire. D'autre part, au journal d'A. Passerelle à 7 h 00, on entendait R. Bachelot dire : « M. Gremetz est mon stalinien préféré ». De plus, cette nuit, le Parti communiste a voté avec la droite. Décidément, vous ne trouvez pas que la pyramide est très inversée ?
— « Pour ce qui est des votes, c'est difficile. Hier au conseil régional, j'ai voté contre des crédits pour Eurodisney — l'agrandissement du parc — parce que la société Disney n'a pas besoin de l'argent de la région, qui sera bien plus utile pour les inégalités sociales. Ainsi l'on peut se retrouver dans des votes avec des gens qui ne pensent pas comme vous, sans compter que les votes peuvent être semblables et les raisons complètement différentes. »