Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Il m’est particulièrement agréable de vous recevoir ce soir, au Quai d’Orsay, comme le veut l’usage. C’est un lieu qui a la particularité d’avoir été construit pour être le Palais des Affaires étrangères et recevoir nos hôtes étrangers.
Nous sommes heureux d’accueillir les représentants de l’Assemblée parlementaire de l’UEO.
Monsieur le président, je vous félicite pour votre élection. Je suis content de voir que les Espagnols sont assez présents dans la vie de nos institutions.
J’ai des liens personnels très vifs avec M. Javier Solana, qui a été brillamment désigné comme secrétaire général du Conseil atlantique, comme je suis d’ailleurs ami avec le gouvernement espagnol actuel, avec lequel nous travaillons dans une intimité durable, au-delà des échéances politiques.
Je suis très heureux de vous accueillir tous, vous-même Monsieur le président de la délégation française, la France doit être présente dans nos institutions européennes et internationales. C’est le gage que nos idées, nos convictions pèsent.
Même s’il y a des courants communs au sein de l’Union européenne, il est bien aussi que la dimension nationale s’exprime et je sais que les Français y sont attentifs et ils ne sont pas les seuls.
Le Traité de Bruxelles de 1948 n’avait pas prévu la création d’une Assemblée de l’union de l’Europe occidentale parce que cette Union était plus conçue comme un pacte de défense que comme une organisation internationale classique.
En se fixant pour objectif de « promouvoir l’unité et d’encourager l’intégration progressive de l’Europe », le Traité de Bruxelles modifié en 1954 marquait son souci que la construction européenne progresse à l’initiative aussi bien des représentants des peuples que de l’action des gouvernements.
Cet objectif du Traité de Bruxelles est plus que jamais d’actualité. Le rôle de votre assemblée se justifie d’autant plus que la création d’une véritable Europe de la sécurité et de la défense passe par une compréhension claire des enjeux qu’elle recouvre par l’opinion publique. C’est la tâche à la fois lourde et stimulante qui vous revient depuis 1954, et que vous assumez avec l’indépendance, qui sied à des parlementaires qui ont des convictions européennes chevillées au corps, et avec détermination.
Nous vivons une période charnière pour l’identité européenne de sécurité et de défense. C’est ce dont témoignent le Sommet de l’OSCE qui vient de se dérouler à Lisbonne, hier, la réunion des ministres de l’Alliance que nous attendons incessamment, la semaine prochaine et le Sommet de Dublin qui sera dominé par les questions à l’ordre du jour de la Conférence intergouvernementale, dont la prise en compte des aspects de défense.
Ces échéances sont toutes importantes pour l’UEO. En apparence, elles sont distinctes. En réalité, elles constituent les volets successifs du grand enjeu de l’Europe et de sa sécurité. Et, vous pouvez avoir à l’esprit que 1997 sera l’année charnière. Nous quittons un monde qui était celui de la confrontation et nous commençons d’organiser ce que sera la sécurité des Européens pour la génération qui vient. 1997 a la même importance que 1947. Il ne faut pas faire d’erreurs.
À cette question, la France entend répondre de façon globale et avec une perspective claire et précise :
- il ne faut pas créer de nouvelles lignes de divisions et de confrontations en Europe ;
- il faut associer tous les pays européens, y compris la Russie et l’Ukraine, à la nouvelle architecture de sécurité européenne ; chaque pays doit obtenir la réponse aux questions de sécurité qu’il se pose légitimement ;
- il nous faut poursuivre avec détermination le développement de l’identité européenne de sécurité et de défense, la personnalité de l’Europe doit s’exprimer ;
- il nous faut développer le nouveau partenariat transatlantique sur la base de la solidarité et de l’équilibre entre alliés européens et nord-américains.
Ces principes posent la problématique.
Dans un tel contexte, et face à de tels défis, il importe de développer au sein de l’OSCE de nouveaux principes de sécurité et de coopération. C’est ce qui a commencé à être fait à Lisbonne. La déclaration sur la sécurité qui y a été adoptée par les 54 pays membres de l’OSCE fait clairement apparaître que l’acte final d’Helsinki et les principes et engagements qui en découlent, constituent le socle de l’architecture européenne de sécurité. L’OSCE n’est pas une organisation qui doit coiffer les autres. Nul ne doit avoir de droit de veto. Mais elle est le lieu où tout État, qu’il appartienne ou non à une alliance, peut exprimer ses préoccupations en matière de sécurité, être écouté et recherché avec les autres des réponses appropriées.
Nous voulons donner à l’OSCE une capacité, une force. Nous voulons réussir la réforme interne de l’Alliance atlantique pour qu’elle s’adapte véritablement au nouveau contexte stratégique qui prévaut en Europe. Nous sommes convenus que l’Alliance était encore utile et que, du même coup, tout en maintenant les garanties que fournissent mutuellement l’article 5 nous pouvions ajouter de nouvelles missions, dites de Petersberg, et en son sein faire en sorte que la structure de l’OTAN permette à l’identité de l’Europe de s’exprimer.
Même si des progrès sont réels, les problèmes subsistent et sont encore à résoudre.
Nous voulons que la CIG débouche sur des progrès dans le domaine de la sécurité et de la défense. Le Conseil européen de Dublin doit fournir des premières indications sur ce que veulent les chefs d’État et de gouvernement.
Enfin, nous sommes engagés dans une démarche d’ouverture de l’Union européenne et de l’alliance atlantique, en accueillant dans la famille européenne des pays qui en font légitimement partie. Aujourd’hui, l’Europe tout entière est en état de se rassembler. L’unité est possible pour la première fois.
Dans cette architecture nouvelle de sécurité, quelle est la place de l’UEO ? La question soulève parfois des interrogations. Les uns ne voudraient considérer l’UEO que comme un sous-ensemble de l’OTAN ; d’autres se demandent même si l’UEO a encore un rôle à jouer et voudraient la fusionner avec l’Union européenne. Dans l’un et l’autre cas, on se trompe de perspective.
Si la rénovation de l’Alliance atlantique implique le développement en son sein de l’identité européenne de sécurité et de défense, c’est l’UEO qui sera l’instrument de cette identité. Notre organisation s’est vue reconnaître, par les décisions de Berlin, un rôle majeur dans la sécurité européenne.
Dans le même temps, l’UEO doit devenir l’instrument militaire de l’Union européenne. Elle doit donner à sa politique étrangère et de sécurité commune le prolongement militaire dont elle a besoin pour assurer sa crédibilité.
Notre perspective est donc claire : l’UEO est indispensable pour faire de l’Europe une puissance capable de jouer pleinement son rôle dans le nouveau contexte stratégique. L’UEO doit réellement devenir le pilier européen de l’Alliance et la composante de défense de l’Union. Ce rôle fait de l’UEO la charnière entre l’Alliance et l’Union ; de la première, elle devra tirer sa pleine dimension opérationnelle ; de la seconde, sa légitimité politique qui est d’être le bras armé de l’Union européenne. Il faut en tirer les conséquences sur le plan institutionnel en rapprochant les deux organisations dans la perspective de l’insertion, à terme, de l’UEO dans l’Union européenne.
La place de l’UEO est toujours indispensable. Le contexte stratégique nouveau qui existe en Europe la renforce encore. Plus encore qu’il y a dix ans, je pense que l’UEO a un rôle fondamental à jouer dans la sécurité de l’Europe. Le Traité de Bruxelles a permis naguère d’établir entre nous des liens de confiance. La renaissance de l’organisation en 1986 a placé l’UEO au cœur des transformations de l’identité européenne de sécurité et de défense. Depuis cette date, des progrès ont été réalisés. L’UEO s’est adaptée. Elle est aujourd’hui plus forte. Il nous appartient de lui faire jouer pleinement son rôle dans l’architecture européenne de défense et de sécurité qui, je l’espère, verra le jour en 1997.
C’est dans cet esprit que la France, pendant sa présidence de l’UEO, proposera des orientations à la fois ambitieuses et cohérentes.
Nous voulons développer les capacités opérationnelles de l’UEO.
Nous comptons aussi tirer parti de la chance que nous offre la rénovation des structures de l’OTAN.
Une politique d’exercices doit également donner plus de cohérence aux capacités dont l’UEO dispose en propre.
Enfin, nous souhaitons préparer l’insertion à terme de l’UEO dans l’Union européenne et la faire travailler davantage avec ses partenaires d’Europe centrale, orientale et baltique, tous ceux qui frappent à la porte et qui attendent de nous une réponse positive.
Voilà. Mesdames, Messieurs, quelques mots de bienvenue que je voulais prononcer devant vous. Je vous remercie d’avoir accepté cette invitation.
Le ministère des Affaires étrangères, la France attache à votre organisation une très grande importance. Nous souhaitons que votre assemblée contribue à faire connaître l’UEO à nos opinions publiques, que vous nous aidiez à tracer ce chemin qui n’est pas si simple et à établir un consensus entre Européens. Nous sommes dans un moment de grandes échéances, parfois de confrontations d’idées. Mais je souhaite qu’avec votre concours, avec toutes les forces politiques que vous représentez, nous soyons capables de faire progresser ce consensus européen qui est en réalité la seule base possible de cette identité de l’Europe à laquelle j’aspire comme vous.
Nous ferons cette Europe parce que les peuples le voudront, parce que leurs élus travailleront et le voudront. Mais ça ne sortira pas du cerveau des gouvernants. Ils peuvent apporter leur rôle, exercer leurs responsabilités, ils ont pour cela besoin du soutien des peuples et du concours des élus que vous êtes.
Bonne chance, donc, pour vous-mêmes. Bonne fin d’année. Je me réjouis de travailler avec vous pendant la présidence française de l’UEO. Merci.