Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur la coopération industrielle et les échanges économiques avec l'Indonésie, Paris le 27 novembre 1996.

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Circonstance : Visite en France du ministre indonésien de l'industrie et de la recherche, docteur Bacharuddin Jusuf Habibic le 27 novembre 1996

Texte intégral

Monsieur le Ministre d’Etat,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Députés,
Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Présidents et Directeurs généraux,
Mesdames, Messieurs,

Monsieur le Ministre d’État, lorsque vous m’avez reçu à Jakarta en février dernier, vous vous êtes ému auprès de moi de ce que la France ne vous semblait pas prêter une attention suffisante à l’Indonésie.

Vous sembliez même douter quelque peu de mes propos et de l’assurance que je vous avais alors donnée qu’un réel changement allait intervenir dans la diplomatie française en Asie du Sud-Est, sous la direction résolue du nouveau président de la République.

Au moment où vous êtes reçu en visite officielle en France à mon invitation, et après avoir rencontré le chef de l’État et plusieurs ministres du gouvernement, et dans la perspective d’être bientôt reçu par le Premier ministre, j’espère que vous êtes désormais convaincu de la nouvelle impulsion – décisive – que la France entend donner à sa présence en Asie, et tout particulièrement en Indonésie.

Parmi de nombreuses hautes personnalités sont ici réunis, Monsieur le Ministre, plusieurs des dirigeants des plus grands groupes industriels français : notamment dans les domaines de l’aéronautique et du spatial, de l’industrie électrique et électronique, du matériel ferroviaire, de l’industrie d’armement, des télécommunications, de l’exploration pétrolière, de l’énergie, du bâtiment et des travaux publics, des services urbains, de l’industrie automobile ou des chantiers navals.

Quelle meilleure preuve de l’intérêt immense que la France et son industrie portent à votre pays que cette réunion de tant de compétences et de savoir-faire industriel, de tant de hauts dirigeants du monde des affaires qui sont venus aujourd’hui vous saluer et, si vous les y autorisez, vous poser dans quelques instants des questions sur les projets de développement de votre pays.

Avant d’ouvrir cet échange de vues, je souhaiterais faire néanmoins avec vous un rapide bilan des relations franco-indonésiennes.

Je partirai d’un constat : notre présence économique et commerciale en Indonésie est encore trop modeste.

Alors que nous sommes la 4e puissance exportatrice mondiale et que nous assurons environ 6 % du commerce international, nous ne sommes que le 9e fournisseur de l’Indonésie, et notre part de marché n’y est que de 2,5 %.

Alors que la France est l’un des trois premiers investisseurs mondiaux à l’étranger, elle ne représente en Indonésie que 1,15 % du stock des investissements étrangers, hors secteurs financier et pétrolier. C’est-à-dire au 11e rang, à égalité avec le Luxembourg…

Cette situation est évidemment anormale et préjudiciable. Il va donc falloir à nos chefs d’entreprise beaucoup d’ambition, de détermination et d’opiniâtreté pour rattraper ce retard et prendre des positions dans des domaines, parfois occupés de longue date par d’autres.

Or cette situation est à la fois explicable et un peu injuste. L’explication de notre retard, chacun le sait bien, tient à la fois à la géographie et à l’histoire.

Mais cette situation est aussi un peu injuste, car depuis une dizaine d’années, nous n’avons pas ménagé nos efforts : l’Indonésie est, après la Chine, le deuxième bénéficiaire en Asie de notre aide financière concessionnelle, avec près de 2 milliards de dollars alloués sur les 10 dernières années.

Situation un peu injuste aussi, car elle est le reflet d’une image obsolescente de la France, dans un pays où nos industriels ont pourtant réalisé quelques très grands projets – je songe par exemple à l’aéroport international de Jakarta conçu par Aéroports de Paris et réalisé par nos entreprises de BTP, je songe aussi aux ouvrages réalisés par le groupe ALCA TELALSTHOM ou à l’exploration pétrolière de TOTAL –.

En Indonésie, la France n’est encore que trop souvent perçue seulement comme une terre de luxe et de culture ce qu’elle est, certes mais pas pour ce qu’elle est également par ailleurs, à savoir la quatrième puissance industrielle et technologique de la planète.

Mais cette situation est en train de changer. Oui, comme je vous le disais en préambule, cette situation est en train de changer, grâce à l’évolution des rapports de force économiques naturellement, mais aussi grâce à une très forte volonté politique qui existe désormais, dans notre pays, au plus haut niveau de l’État.

Le président de la République aime l’Asie. Il la connaît bien.

Il a fixé comme orientation principale à notre diplomatie que la France y soit beaucoup plus présente. Il l’a dit au président Soeharto à Bangkok, en mars dernier. Il vous l’a redit, Monsieur le Ministre d’État, il y a quelques instants.

C’est ainsi que, depuis le début de cette année, deux de mes collègues du gouvernement (M. Arthuis, ministre de l’Économie et des Finances, M. Fillon, ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l’Espace) et moi-même, sommes allés dans votre pays.

Dans quelques jours, M. Durieux, que je suis heureux de saluer parmi nous, se rendra en Indonésie comme chargé de mission de M. Millon, ministre de la Défense. Il y sera suivi par M. Pons, ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme, puis par M. Galland, ministre délégué chargé du Commerce extérieur.

Comme vous pouvez donc le constater, et comme je vous l’avais promis lors de notre première rencontre, jamais autant de ministres français ne se seront donc rendus dans votre pays, et avec une telle fréquence.

Ce n’est pas tout : en 1998 – le principe vient d’en être arrêté –, une grande exposition technologique et industrielle française sera organisée à Jakarta par le Centre français des manifestations à l’étranger, conformément à la décision de mon collègue, M. Galland, ministre délégué au Commerce extérieur.

Et aujourd’hui, c’est vous que nous nous réjouissons d’accueillir, vous l’homme d’État imaginatif et visionnaire, le scientifique de talent, dont l’appui et impulsion peuvent être déterminants dans la nouvelle donne de nos relations qui s’annonce.

Monsieur le Ministre d’État, nous connaissons les règles de la concurrence internationale et nous n’avons certes pas à rougir de nos positions : la France est le 4e pays du monde pour son PNB, le 4e exportateur mondial, le 2e pour les services, le quart de son produit intérieur brut est exporté et quatre de ses salariés sur dix travaillent pour l’exportation. Sa monnaie d’aujourd’hui, le franc, est forte. Sa monnaie de demain, l’euro, sera l’une des plus solides du monde.

Voilà pourquoi la France constitue un excellent partenaire pour l’Indonésie et voilà pourquoi nous souhaitons que notre pays y soit désormais mieux perçu en raison de sa capacité et de celle de ses entreprises.

Je suis optimiste. Je suis en effet persuadé que nous entrons dans une nouvelle période de nos relations et que nos industriels, dont un grand nombre sont réunis ici autour de vous, vont faire un effort important pour accroître leur présence et leurs investissements dans votre pays.

Mais je vais laisser aux représentants des sociétés françaises le soin d’exposer eux-mêmes leurs expériences dans ce domaine…

Permettez-moi auparavant de lever mon verre à votre santé, à la santé de la nation et du peuple indonésiens, en formant le vœu que, de ce jour, date une ère nouvelle des relations entre la France et l’Indonésie.