Article de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, dans "Le Figaro" du 4 février 1997 sur l'abandon de la souveraineté nationale en matière monétaire, budgétaire et de défense, intitulé "D'abandon en abandon".

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Présentation du concept franco-allemand de sécurité et de défense (signé à Nuremberg le 9 décembre 1996) à l'Assemblée nationale le 29 janvier 1997.

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Tout se tient. De la monnaie à la défense ; de la dissuasion concertée au « rendez-vous citoyen » ; de l’intégration européenne à la réintégration dans l’Otan.

Tout se tient. Depuis la conférence intergouvernementale de Maastricht jusqu’au « pacte de stabilité » imposé par l’Allemagne ; entre tout cela il y a un lien logique.

Quel est ce lien ? L’abandon, par pans successifs, de l’indépendance nationale et de la souveraineté du peuple français. Ce lien est invisible pour le grand public. On le lui cache soigneusement, puisque l’intégration européenne se fait à l’abri des peuples. Oui, ce qui se passe en ce moment est d’une logique implacable : à la CIG, nous sommes en train d’abandonner ce qui reste de notre souveraineté législative et de notre souveraineté judiciaire, avec la multiplication des votes à la majorité qualifiée, le droit de saisine directe de la cour de justice, la communautarisation des questions de police et d’immigration, ainsi confiées à la très puissante commission.

Pendant ce temps-là, et dans d’autres enceintes, on prépare, avec l’euro et le « pacte de stabilité », le transfert de notre souveraineté monétaire et budgétaire. Ailleurs encore, une autre officine prépare la « fusion fiscale ».

Une Europe allemande

Il nous restait encore notre souveraineté nucléaire et de défense. Depuis l’accord secret de Nuremberg, les choses sont claires, faite d’être dites ; le syllogisme est parfait : la France entre dans une Europe intégrée sous influence de l’Allemagne. Or l’Allemagne est dans l’Otan. Donc la France réintègre l’Otan. L’Europe allemande sera une Europe liée aux États-Unis : même vision du libre-échange, même vision de la défense.

Notre force de dissuasion nucléaire devient donc européenne, avec deux doigts sur le bouton, un doigt allemand, un doigt français, et une main américaine.

Nos forces classiques font l’objet d’un partage des rôles. À nous les forces projetables, pour les interventions extérieures, avec l’autorisation préalable de l’Allemagne. À l’armée allemande les forces territoriales pour la défense du sol européen.

On ne parle plus de notre « défense opérationnelle du territoire » ou de « sécurité du territoire national », au moment où le plan « Vigipirate » fait appel à trente mille appelés. On ne parle plus de la défense de « nos intérêts vitaux », on ne parle plus de « sanctuaire » où de dissuasion gagée sur la conscription.

Le très rousseauiste « rendez-vous citoyen » achève le nouvel édifice, proposant un super-conseil de révision à l’abri du super-État fédéral auquel nos gouvernants ont choisi d’abandonner notre sort, nos intérêts, notre destin.

L’Histoire jugera. En paraphrasant une phrase célèbre, on serait tenté de s’exclamer « De Gaulle, réveille-toi, ils sont devenus fous ! »