Article de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, dans "La Volonté" de novembre 1997, sur la grève des routiers, intitulé "Une grève, çà ! non".

Prononcé le 1er novembre 1997

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Média : LA VOLONTE

Texte intégral

Pourrons-nous entrer dans l’Europe en commençant par en saper les bases ? Les personnes et les biens doivent y circuler librement. Le traité de Rome, dès 1957, l’avait spécifié. En tolérant que des grévistes barrent nos routes, nous avons contrevenu à une convention appelée à servir, demain, de charte à l’Europe. Nos partenaires, dont les camionneurs ont pâti de ce blocage, supporteront-ils plus longtemps, sans user de représailles, que nous leurs portions ce préjudice à répétition ?

Si le droit de grève figure dans notre Constitution, il y a été inscrit sous réserve d’en définir les limites. L’heure n’a-t-elle pas sonné de nous y astreindre ? Toute atteinte au droit du travail étant, en principe, punissable, des tribunaux sont en droit, s’ils jugent une grève abusive, de faire appel à la force publique. Un État qui se priverait d’être maître chez lui serait-il encore digne de porter ce nom ? Quand les grévistes bloquent les dépôts de carburants, les zones industrielles, les centres d’approvisionnement, condamnant des firmes à fermer, à débaucher, aggravant ainsi le chômage, il cesserait d’être logique que ce qui avait pris l’allure d’une insurrection se solde par un rafistolage, une cote mal taillée, un compromis plus ou moins bancal, au détriment, comme il se doit, du contribuable, jusqu’à la prochaine explosion. Le moment est venu de prendre les problèmes à bras le corps. Tout est à mettre au clair, à plat. D’urgence et impérativement, car, dès juillet prochain, n’importe lequel de nos voisins européens pourra transporter n’importe quoi, n’importe où, de ville à ville, chez nous, comme s’il était chez lui. Admettrons-nous qu’un outil de travail serve d’arme de combat, qu’un routier s’empare d’un camion qui ne lui appartient pas pour s’en prendre à son employeur, dont ce véhicule est la propriété, que des permanents syndicaux se mêlent d’occuper des péages ? Quand l’État proroge l’allègement de 800 francs par camion, de la taxe professionnelle, n’avoue-t-il pas, de même qu’avec ses taxes sur les carburants, qu’il est coresponsable de la mauvaise santé d’entreprises qui ne peuvent plus s’en sortir ?

Sociale, la grève ? Elle relève bien plutôt de l’économie car, seule, une société prospère pourra se permettre de relever le niveau de vie de ses salariés. Le social n’est rien en soi. Il n’est jamais acquis. Il relève de l’économie et tout ce qui peut nuire à celle-ci est, antisocial. Il n’est pas d’exception qui vaille : tout ce qui détraque son économie va contre une nation. Nous avons six mois pour le comprendre et tirer les conséquences. À défaut d’y parvenir dans les délais, nous ne pourrons que nous en mordre les doigts. Si la grève des routiers a pu être bénéfique, c’est dans la mesure où elle aura constitué pour nous un dernier avertissement. À bon entendeur.