Interview de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, dans "L'Union de Reims" le 4 mars 1998, sur les élections régionales, notamment en Champagne-Ardennes, les activités culturelles de cette région, le TGV Est, et les projets de démocratisation de la culture.

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Circonstance : Soutien au maire de Sedan dans le cadre de la campagne des élections régionales 1998

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L’Union de Reims : Vous venez soutenir dans les Ardennes le maire de Sedan, Jean-Paul Bachy, tête de liste aux élections régionales. Pourquoi est-il le meilleur candidat pour votre parti ? Sa défaite aux dernières législatives n’est-elle pas un handicap ?

Catherine Trautmann : Je viens soutenir l’ensemble de la liste. Composée à parité d’hommes et de femmes, elle représente la majorité plurielle et forme une équipe homogène. Plusieurs arguments plaident en faveur de Jean-Paul Bachy. Il préside le groupe socialiste à la région et connaît très bien les enjeux régionaux, ce dont j’ai pu me rendre compte lorsque je travaillais avec lui et quelques autres élus sur le transport ferroviaire, et plus précisément sur le TGV. Son échec aux législatives n’est pas du tout un handicap. Ces scrutins sont de nature très différentes et l’expérience de Jean-Paul Bachy comme pivot de la réflexion régionale le place en très bonne position.
Maintenant que sont acquises les signatures de tous les partenaires, il est utile de prendre le temps qui nous reste avant le démarrage des travaux pour articuler le TGV avec les schémas ferroviaires régionaux et pour réfléchir à l’intérêt que peuvent en tirer les populations qui ne sont pas directement concernées par les gares. Le rayon d’impact du TGV est évidemment beaucoup plus large que l’agglomération immédiate. Le train à grande vitesse doit renforcer les liaisons entre les différentes régions de l’Est. Je suis personnellement très sensible au rapprochement avec l’Île-de-France, mais également aux nouvelles possibilités de connexion entre les Ardennes et l’Alsace, par exemple, ou entre la Lorraine et les régions allemandes. Il faut enfin veiller au développement des activités dans les zones traversées ou proches du tracé afin que le TGV, payé par tous, ne soit pas réservé à quelques-uns.

L’Union de Reims : Le Festival international des marionnettes est aujourd’hui très populaire à Charleville-Mézières. La participation de l’État reste faible, avez-vous l’intention de l’augmenter ?

Catherine Trautmann : Cette manifestation connaît en effet un très grand succès et l’aide de l’État a pu y contribuer. Aujourd’hui, il est trop tôt pour répondre sur des arbitrages budgétaires que je ne connais pas encore. Mais la situation peut changer en fonction de la répartition des soutiens de l’État aux festivals.

L’Union de Reims : N’avez-vous pas le sentiment qu’il est souvent difficile, en Champagne-Ardenne comme ailleurs, de mobiliser les élus régionaux sur des dossiers culturels ?

Catherine Trautmann : La dimension culturelle est de plus en plus importante dans une société où les repères éclatent. La culture est l’un des éléments qui permettent aux entreprises de perdurer et à l’activité touristique d’exister, voire de se développer. Je connais beaucoup plus d’élus qui poussent les projets que je n’en rencontre qui traînent les pieds. Mais je profiterai des prochaines négociations sur l’élaboration des contrats de plan État/région pour convaincre ceux qui seraient encore réticents.

L’Union de Reims : Comment comptez-vous promouvoir la connaissance et la pratique des disciplines artistiques ?

Catherine Trautmann : Dans les Ardennes, où je considère que le potentiel est très riche et l’effort bien réel, avec cinq écoles de danse, trois groupes de théâtre et un patrimoine architectural important, je constate que les associations et l’activité culturelle sont très mobilisatrices dans la vie locale. Je pense qu’il faut mener de front l’accès à la création et l’encouragement des pratiques amateurs, ce que souhaitent très largement nos concitoyens. Quant à la mission des fonds régionaux d’art contemporain, qui est d’aider la population à comprendre la création contemporaine, je souhaite vivement la renforcer.

L’Union de Reims : Quelles réformes préparez-vous qui pourraient faire taire les critiques parfois sévères formulées à l’égard de votre action au ministère ?

Catherine Trautmann : Je ne sais pas si cela fera taire les critiques, mais comme je le disais à l’instant, ma mission est à la fois de favoriser la création et de rendre les pratiques culturelles plus accessibles à chacun des Français. Je viens de présenter seize mesures que j’ai organisées autour de quelques priorités, à commencer par le renforcement de l’éducation artistique des jeunes. Les professionnels de la culture doivent apporter leur contribution à la formation des enseignants et l’école doit s’ouvrir et collaborer davantage avec les écoles de musique, théâtres, centres d’art et centres chorégraphiques. Inversement, ces institutions portées par le financement de l’État et des collectivités locales, doivent prendre en charge la mission éducative du public. Pour l’instant, nous dressons l’inventaire de ces lieux qui sont souvent satellisés et que je souhaite mettre en réseau pour en faire des centres de ressources.
Je veux aussi parler des emplois-jeunes. Mon objectif est d’atteindre dix mille postes, à la fois pour l’action multimédia et les médiations entre public et lieux de diffusion de l’art et du patrimoine.

L’Union de Reims : La démocratisation des pratiques culturelles passe-t-elle aussi par un effort sur les prix ?

Catherine Trautmann : Si nous voulons que les institutions culturelles soient accessibles, nous devons évidemment travailler sur ce point. Pour les jeunes, je veux étendre le système de la « carte culture ». Pour l’ensemble des publics, je demande à chaque institution de proposer un prix le plus bas possible une fois par semaine, comme on le fait dans le cinéma. Et je travaille à la mise en œuvre de la modulation des tarifs des écoles de musique en fonction des revenus des foyers.

L’Union de Reims : L’histoire de l’art à l’école, c’est pour bientôt ?

Catherine Trautmann : Ce sujet fait partie des discussions que nous avons avec Claude Allègre et Ségolène Royal. Je souhaite que l’école soit davantage ouverte qu’elle ne l’est actuellement à deux branches essentielles du bagage culturel des jeunes : l’architecture et l’histoire de l’art.