Texte intégral
Le débat politique en France semble actuellement dominé par la question de la mondialisation des échanges.
Vu de Bangkok ou de Mexico, un tel débat franco-français paraît singulièrement irréel parce que la mondialisation des échanges y apparaît comme un phénomène à la fois irrésistible et créateur de richesses à long terme.
Une croissance exponentielle des échanges. Phénomène irrésistible parce qu’il découle d’abord de l’extraordinaire développement des moyens de transports et de communications. En 1947, les flux commerciaux couverts par les négociations du premier cycle du GATT s’élevaient à 10 milliards de dollars ; en 1994, à l’issue du cycle de l’Uruguay, les flux commerciaux couverts étaient de près de 1.200 milliards de dollars. Cette croissance exponentielle des échanges internationaux de biens et services s’est accompagnée d’une croissance, presque aussi exponentielle, des échanges de personnes : selon l’Organisation mondiale du tourisme, 25 millions de personnes avaient passé au moins une nuit en dehors de leur pays de résidence en 1950 ; en 1995, ce nombre s’est élevé à environ 550 millions : 22 fois plus en quarante-cinq ans ! Et vers 2010, ce nombre atteindra 1 milliard de Terrien…
Ces évolutions sont, bien sûr, sans précédent dans l’Histoire de l’humanité. Elles découlent de l’effondrement continu du coût des transports et des communications.
Cette mondialisation des échanges n’est pas due uniquement aux percées technologiques vertigineuses qui se sont accélérées au cours des vingt dernières années. Elle résulte aussi, et peut-être avant tout, de la pensée économique libérale, qui a prouvé les bienfaits incontestables du désarmement tarifaire et réglementaire et de la promotion des échanges internationaux.
Entre 1959 et 1974, notre politique douanière a abouti à une diminution moyenne de nos droits de douanes de près de 8 % par an, s’accompagnant d’un taux moyen de croissance de notre économie de + 5,4 % par an. Ce qui est vrai de la France l’est aussi dans le monde entier. Tel est le fondement même du GATT.
Un effet cliquet qui s’impose au monde entier. Un élément essentiel de cette mécanique est souvent perdu de vue par nos compatriotes : c’est la « consolidation » des tarifs douaniers. En souscrivant aux accords du GATT, chaque pays s’engage à ne pas appliquer pour un bien donné, un droit de douane plus élevé que le niveau « consolidé » qu’il a annoncé et inscrit dans son tarif douanier. Si d’aventure ce pays décidait de revenir sur ses engagements, il devrait consentir des « compensations équivalentes », par exemple en diminuant ses tarifs douaniers sur d’autres produits. Et s’il s’y refusait ou si les compensations n’étaient pas jugées suffisantes par ses partenaires commerciaux, il s’exposerait à des mesures de rétorsion, par des retraits de concessions de la part de ces derniers.
Cet effet cliquet est capital. Il explique pourquoi le tarif douanier moyen entre les États membres du GATT est passé de 40 % avant le premier cycle de négociations, en 1947, à 4 %après le dernier cycle, en 1994. Cette mécanique explique aussi pourquoi nos débats franco-français sont à ce point oiseux. Vouloir lutter contre la mondialisation, ce n’est pas seulement vouloir dresser un barrage contre l’océan ou prétendre que la terre est plate ; c’est aussi et surtout ne pas avoir compris que nous serions les premiers punis par toute tentative de nous échapper d’une organisation qui regroupe désormais plus de 120 États membres.
La France n’a donc pas d’autre solution que de retrousser ses manches et se battre. C’est en nous-mêmes, dans le ressort de nos énergies, que réside le développement de nos industries et de nos services de pointe. C’est là que se joue pour une bonne part la bataille de l’emploi, puisque 1 milliard de francs d’exportations supplémentaires c’est environ 2.000 emplois directs et indirects créés.
Telle est d’ailleurs l’action que ne cesse de mener le président de la République lorsqu’il se rend avec des industriels au Japon ou aux États-Unis, à Singapour ou à Sao Paulo. Telle est aussi l’orientation fondamentale qu’il a fixée au gouvernement : tout faire pour développer une diplomatie économique. Avec courage et opiniâtreté, Alain Juppé y convie ses ministres.
J’ai pris l’initiative d’une mobilisation, que je crois sans précédent, de l’État, des régions et des entreprises pour appeler nos entreprises, et plus particulièrement nos PME-PMI, à se battre sur les marchés extérieurs. Le tissu exportateur français reste en effet trop concentré sectoriellement et géographiquement : 5.000 entreprises seulement réalisent 90 % de nos exportations. Sait-on par exemple que les pays d’Asie-Océanie ne comptent encore que pour environ 9 % à 10 % de nos exportations, alors que 55 % des habitants de la planète y demeurent ?
Une action coordonnée. La démarche de mobilisation que j’ai entreprise avec mes collègues Yves Galland et Jean-Pierre Raffarin est simple dans son principe : créer l’environnement le plus favorable possible pour inciter nos petites et moyennes entreprises à être davantage présentes sur les marchés internationaux, développer l’information des entreprises, et au premier chef des PME-PMI, grâce à un effort conjoint de tous les acteurs publics.
Plusieurs actions seront ainsi entreprises de façon systématique : recenser l’offre des PME-PMI, trop souvent latente ou ignorée, parvenir à une meilleure définition des pays cibles en adéquation avec cette offre, donner un nouvel élan aux actions de partenariat en invitant de nouveaux grands groupes industriels à se joindre aux actions de portage déjà entreprises par certains d’entre eux, élargir la perspective de notre action au développement des investissements français à l’étranger, très souvent porteurs d’exportations induites, notamment pour les PME sous-traitantes, mais aussi à la recherche d’investissements étrangers en France, qui contribuent à la création d’emplois.
Je donne le coup d’envoi de cette nouvelle ambition aujourd’hui pour la première « Rencontre régionale ambassade-région-PME ». Dans la région Pays de la Loire comme bientôt dans toutes nos régions, je considère comme impératif, que les ambassadeurs de France, en compagnie des conseillers commerciaux, se situent à la pointe de la bataille en faveur de la présence de nos PME sur les marchés internationaux.