Texte intégral
Monsieur le président,
Messieurs les vice-présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Chers amis,
M. Bernard Pons, retenu au Sénat par le débat sur la réforme de la SNCF, m’a demandé de l’excuser auprès de vous.
Son regret est d’autant plus vif qu’il attache, vous le savez, beaucoup d’importance au développement du transport fluvial, et, par conséquent, d’intérêt à votre association et à ses objectifs.
Ce mode de transport ne jouit pas, dans notre pays, de toute la considération qu’il mérite. La géographie y a sa part de responsabilité ; la France est vaste, son relief varié, et les voies navigables ne desservent que partiellement le pays. Leurs connexions anciennes ne sont plus adaptées.
Le président de la République a démontré, par son soutien au canal Rhin-Rhône, qu’il ne partageait pas ce préjugé.
Vous avez donc, à vos côtés, des pouvoirs publics décidés à faire, beaucoup plus que par le passé, porter leurs efforts sur les voies navigables.
D’une part, sur la priorité immédiate, c’est-à-dire la restauration, l’entretien et la modernisation du réseau existant.
Et, d’autre part, sur les grands projets, au nombre desquels figurent ceux qui vous intéressent directement : Seine-Nord et Seine-Est.
En ce qui concerne le réseau actuel, nous avons, en 1997, malgré le contexte budgétaire rigoureux, renforcé la dotation réservée aux voies navigables dans le fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables : cette dotation qui était de 300 MF en 1996 passera à 350 MF cette année.
Au-delà de 1997, compte tenu de l’ampleur des besoins et des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, il est essentiel de définir des priorités à moyen terme, en combinant deux approches :
- d’une part, une réflexion sur la vocation des 8 000 km du réseau des voies navigables, en distinguant clairement les voies adaptées aux exigences du transport fluvial moderne et les voies davantage réservées à d’autres usages, comme le tourisme ou la gestion des équilibres hydrographiques ;
- d’autre part, une approche visant à déterminer un optimum entre le niveau de service à la clientèle et les moyens affectés à l’investissement et à l’entretien.
Nous avons demandé à nos services d’engager une réflexion globale sur ces thèmes. Notre souhait est qu’elle permette de mieux définir dans les mois à venir les enjeux de la modernisation du réseau.
Il n’est pas de modernisation sans développement ; c’est là l’autre priorité que j’évoquais il y a un instant.
Les projets de liaisons fluviales à grand gabarit Seine-Nord et Seine-Est, qui figurent au schéma directeur des voies navigables d’avril 1995 et au schéma directeur « transeuropéen » des voies navigables à grand gabarit d’octobre 1993, s’inscrivent dans cette ambition.
Le projet de liaison fluviale Seine-Nord a pour but de permettre, en toute sécurité, l’acheminement régulier, sur le trajet Lille-Paris ou Dunkerque-Paris, de chargement pouvant atteindre 4 400 tonnes, soit l’équivalent de 220 camions de 20 tonnes ou de 110 wagons de marchandises.
Une telle liaison rétablira une continuité entre deux grands réseaux navigables français et rapprochera efficacement les espaces économiques du bassin de la Seine et du nord de la France.
Le débat sur l’opportunité de la liaison, conduit en 1994, ayant amplement confirmé celle-ci, le prédécesseur de Bernard Pons, M. Bernard Bosson, a décidé, en 1995, de confier la maîtrise d’ouvrage des études préliminaires de tracé à l’établissement public Voies navigables de France.
Ces études ont fait l’objet de trois rapports d’étape.
Le premier rapport, présenté en janvier 1996, a dressé un état initial recensant tous les éléments susceptibles de peser dans la comparaison des fuseaux de tracés.
Le deuxième rapport, remis en mars 1996, est un passage en revue exhaustif de toutes les possibilités permises par la topographie, l’environnement et les techniques existantes.
Le troisième rapport, présenté par VNF en juin 1996, a permis à l’établissement public d’analyser 25 fuseaux de tracés possibles, et de soumettre 9 d’entre eux à une « analyse multicritères », aboutissant à la sélection d’un nombre plus limité de fuseaux. Les conclusions de ce document privilégient, pour la section Noyon-Canal Dunkerque-Escaut, trois hypothèses : un fuseau proche du canal du Nord, un fuseau intermédiaire et un fuseau proche du canal de Saint-Quentin.
Après avoir recueilli les observations des services locaux de l’État, l’établissement a transmis au ministère un rapport de synthèse définitif en septembre 1996.
M. Bordry avait d’ailleurs rendu publics au mois de juillet certains éléments de ces études.
La période qui a suivi a été consacrée à l’analyse de ce rapport par les services du ministère et à sa validation.
Durant les derniers mois, donc, un travail considérable d’expertise a été accompli pour disposer de tous les éléments objectifs d’appréciation sur les tracés possibles, sans en privilégier aucun à ce stade.
Je puis vous indiquer que l’analyse de VNF nous paraît tout à fait pertinente.
La concertation interministérielle est imminente, et devrait s’achever dans le courant du mois de mars.
Il restera ensuite à porter ces éléments à la connaissance des responsables locaux et des partenaires concernés, de manière à permettre à tous les points de vue de s’exprimer.
Cette concertation associera tous les acteurs intéressés, aux niveaux régional, départemental et communal, sous l’autorité du préfet coordonnateur, le préfet de la région de Picardie.
Elle portera sur les tracés définis dans l’étude de VNF.
Après cet échange de vues, que le ministre souhaite le plus large possible, un tracé définitif pourra être retenu, sur la base duquel pourra être lancée le moment venu la procédure préalable à la déclaration d’utilité publique.
Il a également été demandé à VNF de procéder à des études particulières sur le tronçon Compiègne-Noyon de manière à examiner la possibilité, en termes juridiques et d’opportunité, de lancer une procédure de DUP spécifique à ce tronçon. Une analyse hydraulique et économique de l’aménagement du gabarit de l’Oise sur cette partie, ainsi que sur l’Oise à l’aval de Compiègne, est en cours. Les résultats en seront connus au second semestre de cette année et pourront clarifier cet aspect du projet.
Enfin, les études de cadrage socio-économiques de la liaison Seine-Nord sont en cours d’actualisation, de manière à les rendre cohérentes avec les travaux réalisés au sein du ministère, et en particulier à la circulaire de 1996 sur l’évaluation des grands projets d’infrastructures.
Je voudrais à présent évoquer la liaison à grand gabarit Seine-Est, reliant les bassins de la Seine et de la Moselle. Je rappellerai que les études dites « de cadrage » ont été confiées à Voies navigables de France. Ces études sont menées préalablement au lancement d’un grand débat public sur l’opportunité de l’opération.
Leur contenu comporte deux volets : une approche socio-économique du projet et une analyse des aspects techniques, d’aménagement et d’environnement, afin de préciser les grands couloirs de tracé dans lesquels seront menées les études préliminaires. Ces études devraient être terminées au milieu de l’année 1997.
Un comité de pilotage a été mis en place qui associe l’ensemble des partenaires administratifs et des représentants des collectivités territoriales intéressées.
VNF vient par ailleurs de signer avec le préfet de la région Haute-Normandie, dans le cadre du contrat de plan interrégional du Bassin parisien, une convention déléguant à l’établissement public le soin de réaliser une étude de l’impact de la liaison sur les entreprises des régions intéressées, et d’évaluer les conséquences de cette liaison sur les ports maritimes concernés. De même, VNF vient de signer une convention tripartite avec le préfet et le président de la région de Lorraine, qui charge l’établissement public d’apprécier l’impact de Seine-Est sur les entreprises et ports fluviaux lorrains.
Le débat d’opportunité, encore appelé « débat Bianco », aura lieu sur la base des études de cadrage. Par ailleurs, la loi Barnier est applicable au projet.
Vous voyez donc que la réflexion est bien engagée sur ces deux dossiers majeurs, et que progressivement la voie se dégage, qui doit conduire à les inscrire dans la réalité.
Vous me direz : « enfin ! ». Car c’est une longue entreprise que celle dont vous vous êtes fait les avocats aussi talentueux que patients et obstinés.
Mais Nietzsche a écrit : « la vérité avance à pas de colombe ».
La vérité pour laquelle vous luttez a épousé cette démarche. Mesurée, trop mesurée ; peu ostensible, trop peu sans doute ; mais ces pas-là tracent un chemin d’autant plus sûr, et d’autant plus irréversible.
Et demain, nous pouvons sérieusement l’espérer, la colombe survolera les grandes voies d’eau que l’action conjuguée de votre association et des pouvoirs publics aura enfin ouvertes !