Articles de M. Jean-Claude Tricoche, responsable du dossier de la formation professionnelle au secrétariat national de la FEN, dans "FEN hebdo" du 13 décembre 1996, intitulés "La Cour épingle des dispositifs d'insertion jeunes" et "Quatre rapports du HCEE" (Haut Comité Education Economie).

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Média : FEN Hebdo

Texte intégral

Dans son rapport 1996, la Cour des Comptes constate que le CFI-jeunes et le programme PAQUE n'ont pas satisfait les ambitions initiales, malgré les efforts financiers consentis.

Le fort taux de chômage des jeunes en France a conduit les pouvoirs publics à multiplier depuis près de 20 ans des mesures en leur direction, en particulier des dispositifs d'insertion par la formation.

La Cour des Comptes s'est plus particulièrement intéressées à deux d'entre eux : le crédit formation individualisé (CFI-jeunes) et le programme de préparation active à la qualification et à l'emploi (PAQUE). Au terme de l'enquête qu'elle leur a consacrée, la Cour constate dans son rapport 1996 (1) que « les résultats en termes d'accès à la qualification ou à l'emploi n'ont pas été à la hauteur des espoirs exprimés et des efforts financiers consentis ».

Le CFI-jeunes

Le CFI-jeunes, modifié en 1994 a concerné depuis 1989, cent mille bénéficiaires par an. Sa construction est fondée sur le choix de parcours individualisés de formation, variables dans leur durée et leur composition en fonction des besoins des bénéficiaires. Destiné aux jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, le CFI-jeunes s'est accompagné de la création de fonctions nouvelles. Le parcours des jeunes est élaboré au niveau de chaque zone de formation en liaison avec un correspondant. Dans chaque zone de formation, un coordonnateur est en charge de l'animation et de la programmation du dispositif.

Pour la Cour des Comptes, cette « deuxième chance » offerte aux jeunes n'a pas atteint ses objectifs. Elle constate notamment que l'adaptation du volume de formation aux besoins des stagiaires n'a pas été réalisée et que trop de jeunes se sont engagés dans des parcours sans perspectives de débouchés professionnels « faute d'une orientation pertinente ». Bien que la Cour constate un déficit sur le traitement statistique assuré par l'administration, elle note que les statistiques disponibles « font apparaître une élévation progressive du niveau relatif des jeunes entrant dans le programme, montrant ainsi un éloignement continu de l'objectif initial qui visait à toucher les publics des niveaux les plus faibles ».

La Cour des Comptes remarque que les procédures de programmation budgétaires sont inadaptées. Elles ont permis, dit la Cour, « d'afficher un nombre constant de bénéficiaires alors que la ressource budgétaire diminuait », réduisant ainsi le nombre d'heures de formation financées par le budget de la formation professionnelle (800 heures en 1989, 667 en 1993). Elle constate que la mobilisation des mesures emploi-formation au services des jeunes a été insuffisante.

La Cour regrette « l'imperfection, voire l'absence d'outils de pilotage du dispositif mise en place par l'administration » jusqu'en 1993, et note que « exécution du budget » apparaît très approximative, l'administration n'ayant pu fournir à la Cour un état des dépenses réelles du CFI-jeunes, par enveloppe et par année.

La Cour met le doigt sur certaines dérives telles des mises à disposition auprès des délégations régionales à la formation professionnelle, par des organismes qui recevaient des subventions, constituant « une véritable administration parallèle ».

Enfin, la Cour déplore l'insuffisance, voire l'inexistence des contrôles des organismes de formation.

Le programme PAQUE

Le lancement du programme PAQUE en 1992 est en partie une réponse aux dérives du CFI-jeunes, qui par des pratiques sélectives des organismes de formation, n'atteignait plus les jeunes les plus éloignés de la qualification. Prévu initialement pour offrir 100 000 places sur 2 ans, le programme PAQUE a été réduit à 67 500 places et interrompu en 1994.

Les missions des correspondants PAQUE ayant été conçues de manière plus limitée que celles des correspondants CFI-jeunes, la Cour des Comptes constate que les informations dont dispose l'administration sur le devenir des publics bénéficiaires, proviennent des organismes de formation. Parmi les situations avantageuses faites aux organismes de formation, la Cour note que la cotraitance (administration – organisme de formation) a permis « la thésaurisation de fonds publics par les organismes de formation cocontractants, notamment dans la mesure où ceux-ci étaient libres d'organiser les conditions de versement à leurs partenaires de l'avance perçue ». La Cour constate que « malgré l'ambition du programme et son coût élevé, aucun bilan qualificatif des actions menées n'a été élaboré au niveau national ».

Enfin la Cour regrette « l'imperfection des moyens » dont disposait la Délégation à la formation professionnelle (ministère du Travail) qui explique que le rôle croissant confié au CNASSEA (2) dans la gestion du CFI-jeunes et de PAQUE.

D'après le ministère du Travail et des Affaires sociales le coût moyen annuel du CFI-jeunes entre 1991 et 1994 s'est élevé à 2,7 milliards de francs et la dépense globale du programme PAQUE à 3,2 milliards de francs. Il faut ajouter de plus des sommes équivalentes pour la rémunération des stagiaires. Compte tenu du coût élevé de ces programmes et des résultats obtenus -42 % d'insertion professionnelle pour le CFI-jeunes et 75 % de sorties sans issues favorable pour PAQUE – la Cour des Comptes conclut à l'issue de son enquête que les ambitions initiales de ces 2 programmes n'ont pas été satisfaites.

Jugement sévère que nous souhaitons pondérer au regard de l'aggravation de la situation de certains jeunes en grande difficulté depuis l'abandon du dispositif PAQUE et des hésitations des régions au moment de mettre en oeuvre les compétences dévolues par la loi Quinquennale.

Jean-Claude Tricoche

(1) Rapport public de la Cour des Comptes – octobre 1996
(2) CNASEA : Centre National pour l'Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles


Quatre rapports du HCEE

Alors qu'il n'a plus d'existence légale depuis mars 1996, le Haut Comité Éducation Économie, publie quatre rapports élaborés entre 1991 et 1993. Nous réservons cette première livraison au rapport sur les niveaux IV professionnels.

Testament ou publication posthume, le HCEE, qui sera très prochainement remplacé par un Haut Comité de la Formation Professionnelle, publie à la documentation française (1) quatre rapports sous le titre « Professionnaliser les formations, choix ou nécessité ? »

Ces rapports ont été élaborés par des commissions réunies entre 1991 et 1993. La FEN, membre du HCEE depuis sa création, a participé aux travaux.

Nous entreprenons la publication d'une synthèse de chaque rapport, suivie de l'avis de la FEN et des autres partenaires sociaux. Cette première livraison concerne le rapport intitulé : « Les parcours menant au niveau IV d'enseignement professionnel ».

Rapport du HCEE

Souhaitée ou non, l'insertion professionnelle d'un certain nombre de jeunes s'effectue à ce niveau.

Qualitativement et quantitativement, cette insertion correspond-elle à la demande des entreprises ?

Si certaines données, contenues dans ce rapport, doivent être actualisées, la réflexion générale reste d'actualité, les propositions toujours valables.

I. – L'évolution du niveau IV de formation professionnelle

Le nombre de diplômés de niveau IV a explosé (5 % en 1950, 26 % en 1980, 63 % en 1995). Ce développement extrêmement rapide, impulsé par une politique ministérielle volontariste « 80 % au niveau du bac » a été rendu possible par la création de filières de formation orientées vers l'enseignement technique et professionnel.

Croissance des effectifs

La croissance des effectifs d'élèves atteignant le niveau IV, a pu s'opérer par le moyen d'une diversification des filières de formation en direction de l'enseignement technologique d'abord, puis de l'enseignement professionnel ensuite : création, dans les années 60, du baccalauréat de technicien dans les spécialités industrielles et tertiaires, développement des baccalauréats technologiques, de 1970 à 1990, avec un mouvement de tertiairisation et de féminisation.

Mais, à partir de 1970, l'enseignement technique et professionnel est, de fait, tronçonné en sous-filières quasiment indépendantes les unes des autres, peu de continuité entre CAP et BEP, entre BEP et bac technologique. Emprunter la voie CAP, BEP c'est se priver d'accéder au niveau bac. Créé en 1985, le baccalauréat professionnel est un diplôme nouveau, qui se prépare en deux ans après le BEP. Il entend ouvrir une voie nouvelle répondant aux attentes des familles et des entreprises.

En effet, d'une part, en ces années de crise, la demande sociale, pour une prolongation d'études, s'est accrue, d'autre part, l'évolution du système productif français implique une transformation des compétences et des qualifications.

La méthode de construction du baccalauréat professionnel associe référentiel d'emploi et référentiel de diplôme, avec une forte proportion de formation en entreprise. Sa progression a été très rapide, en raison notamment de la forte diversification des spécialités permettant à tous les titulaires du BEP de poursuivre leurs études. En l'an 2000, il devrait représenter 20 % des bacheliers.

Diversité de l'offre

L'apprentissage et la formation continue jouent un rôle important dans le développement du niveau IV. Depuis 1987, l'apprentissage a été ouvert aux niveaux supérieurs. Au niveau IV, brevet professionnel, brevet de maîtrise, bac professionnel sont ainsi préparés par cette voie. L'offre de formation, au niveau IV, est donc très diversifiée. Les modes d'accès aux diplômes qui sanctionnent ces formations ne le sont pas moins.

Mais des évolutions sont en cours, le brevet de technicien est en voie de disparition, les baccalauréats professionnels continuent leur croissance, les potentialités de l'apprentissage ne sont pas encore totalement révélées, l'avenir du brevet professionnel reste incertain.
La nécessaire élévation des qualifications

La nouvelle formation que représente le baccalauréat professionnel vise donc en priorité la satisfaction des besoins (supposés) nouveaux du marché du travail, à la fois dans leurs aspects technologiques spécifiques et dans des aspects plus diffus d'une hausse du niveau de culture professionnelle, requis dans tous les secteurs de la production de biens et de services.

Une étude du BIPE de 1987, indique que le nombre des actifs ayant un niveau égal ou supérieur au niveau IV, devrait passer de 22 % en 1982 à 38 % en l'an 2000.

Mais il apparaît aujourd'hui que le niveau IV a été surestimé dans les études relatives aux besoins de l'économie. La transformation des qualifications dans les entreprises ne paraît pas s'être opérée avec la vitesse prévue. Des analyses remettent en cause partiellement le développement du niveau IV d'enseignement professionnel comme niveau de sortie vers l'emploi.

Insertion ou poursuite d'étude ?

Il en ressort une incertitude sur la finalité des filières d'enseignement technologique et professionnel de niveau IV, doivent-elles conduire à une insertion professionnelle ou à une poursuite d'études ? Les brevets professionnels et de maîtrise ont une finalité professionnelle incontestable, par contre les autres diplômes de ce niveau ont encore des finalités incertaines.

Les baccalauréats technologiques sont, eux, de moins en moins des bacs pour l'emploi. Si la finalité des baccalauréats professionnels est clairement l'insertion directe dans l'emploi, on constatait néanmoins, en 1988, que 32 % de ces bacheliers poursuivaient leurs études. Quant aux sortants de niveau IV, les diplômes résistent mieux aux difficultés d'insertion que ceux de niveau V, surtout s'ils ont tenté des études supérieures. Ils s'insèrent mieux dans des secteurs d'activité tertiaire. Une enquête du CEREQ, sur les premiers bacheliers professionnels, permet de constater que leur insertion est bonne et qu'elle s'effectue majoritairement dans des emplois d'ouvriers, pour les spécialités industrielles et d'employés, pour les spécialités tertiaires.

Il faut aussi remarquer une mobilité professionnelle ascendante tout à fait significative, surtout au bénéfice des bacheliers professionnels industriels.

II. – Les stratégies des branches professionnelles face à l'évolution de l'offre de formation de niveau IV

L'appréciation quantitative et prospective des besoins est difficile mais cela ne doit pas empêcher le développement d'une offre de formation à ce niveau, tournée vers l'emploi et l'insertion directe, correspondant à la demande qualitative des entreprises.

En termes qualitatifs, la stratégie des entreprises, vis-à-vis du niveau IV de formation professionnelle, est brouillée. Selon les secteurs, le bac professionnel mène à des emplois auxquels destinent également des formations de niveau V et à d'autres pour lesquels il est en concurrence avec un BTS. Le baccalauréat professionnel, conçu d'une façon large, visant à l'acquisition d'une forte capacité d'adaptation aux changements et à l'autonomie dans le travail, n'a pas toujours pour objectif de former à des types d'emploi précisément identifiés, ce qui explique les difficultés de nombreuses branches professionnelles à situer ce niveau bac dans les conventions collectives.

Le statut de chaque diplôme d'enseignement professionnel va dépendre de compromis spécifiques à chaque branche, en fonction de ses besoins propres.

Stratégies de formation et de recrutement

Les stratégies de formation et de recrutement des branches professionnelles témoignent d'une grande diversité d'approche et d'une recherche du ou des diplômes de niveau IV garantissant tout à la fois une réponse adaptée aux besoins de qualification et une identité professionnelle marquée. Certains secteurs illustrent une volonté de développer, dans la pluralité, l'offre de formation au niveau IV. Par exemple, la branche professionnelle du bâtiment fait coexister bac professionnel et brevet professionnel, voie scolaire et apprentissage.

Le bac professionnel domine au niveau IV dans la grande distribution, l'hôtellerie, la métallurgie, la chimie, le papier-carton.

Par contre le secteur de la banque privilégie la promotion interne, par le recours exclusif au brevet professionnel en formation continue.

Selon les secteurs, on voit parfois se dessiner au niveau IV d'enseignement professionnel qui tend à remplacer le niveau V, sans que l'évolution des emplois suffise à l'expliquer. Inversement, se créent parfois des emplois nouveaux, permettant d'affirmer qu'un niveau IV de qualification est en train de naître.
En conclusion, on peut dire que le mouvement de hausse de qualification ainsi que les changements opérés dans les contenus d'emplois justifient le maintien d'un effort prioritaire du système de formation au niveau IV d'enseignement professionnel, effort qualitatif et quantitatif.

III. – L'avenir de l'offre de formation au niveau IV d'enseignement professionnel : propositions

Les propositions de la commission visent à améliorer et à conforter l'offre de formation au niveau IV d'enseignement professionnel. Elles s'insèrent dans un contexte général de poursuite d'études jusqu'au niveau du bac : la demande des entreprises étant liée à la nécessaire hausse des qualifications, la demande sociale, elle, étant liée au souci d'obtenir une meilleure insertion.

Il faut assurer ; au niveau IV, les sorties vers l'emploi répondant aux besoins de l'économie. Il faut éviter que, concrètement, sur le terrain, une dérive ne se produise, éloignant le baccalauréat professionnel de sa finalité pour l'emploi.

Place du baccalauréat professionnel

Les milieux professionnels doivent reconnaître clairement la place du baccalauréat professionnel. Cette clarification doit s'accompagner d'une reconnaissance de perspectives d'évolution spécifique des bacheliers professionnels afin de les distinguer nettement des diplômés de niveau V et d'inciter les diplômés de niveau IV à entrer dans la vie active.

Les classes de bac professionnel doivent être alimentées par des flux suffisants d'élèves issus du BEP. La cohérence doit être clairement établie entre les classes de BEP et celles de bac professionnel. L'articulation doit être constamment assurée. Il est aussi nécessaire d'activer un dispositif d'accès au bac professionnel par la formation continue, pour les jeunes ayant un BEP et ayant choisi plus tôt l'insertion dans l'emploi.

L'Éducation nationale doit lever l'ambiguïté que les structures actuelles font peser, à l'issue d'un BEP, entre classe de première professionnelle et classe de première d'adaptation. En effet, il apparaît que les lycées professionnels ont tendance à retenir leurs meilleurs élèves et à accroître ainsi le développement de premières professionnelles au détriment des premières technologiques.

Une possibilité de solution : fusionner lycée technologique et lycée professionnel pour abolir toute idée de hiérarchie…

Néanmoins il ne saurait être question d'interdire aux titulaires du bac professionnel de s'engager dans une poursuite d'études, immédiate ou différée. Toutefois, il convient de donner de réelles chances de réussite à ceux qui s'y engageraient. Une offre de poursuite d'étude doit être offerte aux meilleurs bacheliers professionnels en organisant des formations spécifiquement à leur intention.

Implantation des baccalauréats professionnels

Les schémas d'implantation des baccalauréats professionnels doivent être conçus en partenariat avec les organisations de branche. Un cahier des charges, négocié au niveau national entre l'Éducation nationale et les branches, devrait définir les conditions à remplir pour qu'une ouverture soit envisageable et comporter un engagement des professions à accueillir les jeunes, dans les entreprises, dans le cadre de leurs périodes de formation ;

Au niveau local, les ouvertures de sections pourraient être décidées, en nature et en nombre, par un accord, après concertation entre la région, le rectorat et les organisations régionales de branches. Une harmonisation est aussi nécessaire entre statut scolaire, public et privé, apprentissage et formation continue.

Une large information doit être développée sur l'existence de baccalauréats professionnels avec des actions spécifiques en direction des élèves de collèges, assurées par les professeurs, mais aussi par des bacheliers professionnels insérés dans l'entreprise.

Un Observatoire rattaché aux Commissions Professionnelles Consultatives, devrait être créé, afin d'observer, d'un point de vue qualitatif, l'évolution concrète du baccalauréat professionnel. Pour les jeunes sortant du système éducatif au niveau IV, avec un autre baccalauréat que le bac professionnel, il convient de donner le professionnalisme caractéristique de ce niveau (à noter que la loi Quinquennale votée depuis, prévoit, dans son article 54, l'obligation, pour l'Éducation nationale, de donner une formation professionnelle aux sortants des formations générales).

Un projet promotionnel évolutif

Afin de limiter les poursuites d'études des diplômés de niveau IV, mais aussi d'ouvrir des possibilités de mobilité promotionnelle pour les diplômes de niveau V, il faut renforcer l'efficacité de la formation continue. Il convient de réviser, de manière systématique, les modes de validation des acquis, les modes de délivrance des diplômes, ainsi que la conception de ceux-ci.

Le parcours BEP/Bac Professionnel doit être facilité, dans le cadre de la formation continue, ainsi qu'un parcours CAP/BP, dans les secteurs où le BP a une importance reconnue. Les bacheliers professionnels doivent être incités à choisir une sortie vers l'emploi, tout en sachant qu'il existe une voie de promotion en direction du niveau supérieur : le niveau de technicien. Des formations professionnelles, en partenariat avec les branches professionnelles, doivent être construites, permettant aux bacheliers professionnels ayant une expérience professionnelle significative, d'obtenir un brevet de technicien supérieur.

Les bacheliers professionnels devraient aussi se voir reconnaître la possibilité d'évolution de carrière dans l'entreprisse : BTS, fonctions d'encadrement et d'animation d'équipes par exemple.

Pour terminer, la mise en cohérence des différents modes de formation des baccalauréats professionnels est souhaitée. Dans cette perspective, il convient de repenser la mise en place des baccalauréats professionnels, de mieux exploiter la confrontation des logiques de formation et de production, dans le cadre de l'alternance hors statut scolaire et de définir les conditions de la réussite de l'apprentissage.

L'avis de la FEN

La commission a entrepris ses auditions dans un contexte de recherche de la place que devrait occuper la qualification au niveau IV par rapport aux niveaux V et III, après constat de la tendance antérieure de diminution de l'importance des niveaux IV.

Très rapidement, le dilemme niveau de formation ou niveau de qualification a été posé à la demande des représentants du patronat, en parallèle du fait de la surqualification des emplois due aux politiques de recrutement des entreprises.

Dans une première phase, le groupe a examiné sur un ensemble statistique le flux des jeunes, avant et après le niveau IV, et la répartition des niveaux de qualification selon les catégories socioprofessionnelles de la population active, ce qui a permis d'éclairer la situation quantitativement. Il est dommage que le temps s'écoulant traditionnellement entre la rédaction définitive du rapport et sa publication fasse perdre à ces chiffres, sinon de leur pertinence, au moins de leur actualité.

Ces informations sont données en annexe, mais nous regrettons que n'ait pas été ajoutée la perspective du flux d'élèves engagés au niveau IV en comparaison avec les effectifs engagés aux niveaux V et III, ainsi que la distribution des flux du niveau IV par spécialités dans les secteurs professionnels et technologiques, comme nous l'avions demandé.

Dans une deuxième phase, le groupe a auditionné les représentants de branches professionnelles. Le rapport présenté traduit fidèlement les nuances dans les préférences de chacune pour tel ou tel diplôme et les choix qui sont faits, sur les niveaux de recrutement, selon les exigences de leur politique de ressources humaines.

Sur l'état des lieux des différents parcours, le constat est exact, argumenté par les résultats aux examens :

– l'évolution des flux d'accès au niveau IV est reconnu conforme à la fois à la demande sociale existante et aux besoins des évolutions technologiques des ntreprises ;
    – cette évolution est équilibrée dans toutes les branches menant aux différents baccalauréats généraux, technologiques et professionnels ;
– mais par contre le succès des bacs professionnels est indéniable depuis leur création.

Notre fédération estime que l'analyse faite des situations existantes au niveau IV de formation est juste, autant en ce qui concerne les flux qu'en ce qui concerne l'utilisation par les branches professionnelles de l'éventail des diplômes offerts par les formations initiales et continue. Les milieux professionnels publics et privés jouent de toute la panoplie depuis les formations très professionnalisées, comme le Brevet Professionnel jusqu'au bacs généraux.

Les deux premières parties de ce rapport nous semblent traduire assez fidèlement la réalité. Nous sommes un peu plus réticents à voir dans la troisième partie, intitulée propositions, des contraintes et de limitations qui ne concernent à peu près que le baccalauréat professionnel. Ce diplôme, construit en partenariat avec les milieux professionnels, dont la réussite est constatée par le CEREQ et qui est attractif pour les jeunes, se trouve ainsi mis sous surveillance et montré du doigt, alors que le rôle des entreprises dans la surenchère au diplôme au moment de l'embauche n'est traité que de manière allusive.

Nous pensons que la distinction faite entre un niveau IV professionnel et un niveau IV de qualification introduit une confusion regrettable. Cela semble signifier que l'enseignement professionnel n'est pas qualifiant. Effet d'autant plus néfaste qu'un accord unanime existe pour attirer davantage de jeunes vers la voie professionnelle.

En fait, la véritable question sous-jacente est la fonction reconnue au titulaire du baccalauréat professionnel au sein de l'entreprise. Si brevet professionnel et brevet de maîtrise sont des diplômes « de la profession » acquis en formation continue ou par extension de l'apprentissage, ces diplômes plus anciens déjà sont reconnues dans les conventions collectives et correspondent à des « cibles » d'emplois précis. Les détenteurs du bac professionnel, pour une grande majorité dans le tertiaire, ne correspondent pas à des emplois précis, répertoriés… même si la profession en reconnaît implicitement le besoin. Dès lors les employeurs ont une responsabilité dans cette situation et la conjoncture leur permet de faire durer celle-ci afin de pouvoir faire jouer la loi de l'offre et de la demande en leur faveur.

Nous soutenons que la finalité professionnelle est l'objectif principal du bac professionnel. C'est pourquoi nous souhaitons que les jeunes titulaires d'un bac professionnel aillent en majorité vers l'emploi. Mais nous pensons cependant que toute mesure contraignante et discriminatoire prise à leur égard aura l'effet pervers de diminuer la dignité de ce bac par rapport aux autres, donc de dévaloriser par voie de conséquence la filière professionnelle. Cela entraînera l'abandon de cette filière par les jeunes et renforcera encore l'attrait des voies générales.

Nous estimons que le rapporteur a raison d'interpeller aussi les milieux professionnels afin qu'ils reconnaissent clairement la place du bac professionnel dans les classifications, avec des perspectives d'évolution spécifiques des titulaires de ce diplôme. Nous l'avions demandé et cela équilibre mieux les conclusions trop exclusivement tournées vers ce bac.

Le rapporteur propose une série de mesures qui vont de l'information du public sur la voie professionnelle de niveau IV à sa reconnaissance dans l'entreprise ou comme palier d'accès à un niveau III, au développement du partenariat par branches professionnelles à la création d'un observatoire spécifique au bac pro, ces propositions allant dans le sens de nos revendications.

Le lycée polyvalent groupant l'ensemble, avec une prédominance de la voie générale, des voies de formation présente l'effet pervers de marginaliser la voie professionnelle. Celle-ci ne reçoit alors que les élèves rejetés des autres voies. Pour assurer une véritable cohérence de la filière professionnelle, la FEN propose la création, sur la base des lycées professionnels et technologiques, de véritables centres de formation, sous la responsabilité de l'Éducation nationale et en partenariat avec les collectivités décentralisées, les professions, les partenaires sociaux.

Ces « lycées polytechniques » proposeraient aux jeunes l'ensemble des métiers d'une ou plusieurs branches professionnelles du niveau V au niveau III, et associeraient harmonieusement les divers statuts de la formation initiale ainsi que la continuité et l'interaction entre formation initiale et formation permanente. Cette demande a été remarquée et nous l'apprécions.

D'une manière générale ce rapport a retenu des remarques que nous avions faites précédemment. Avec les nuances indiquées ci-dessus, nous relevons son intérêt et le travail remarquable du rapporteur.

Positions des organisations socio-professionnelles

En dehors de la FEN, seuls la CGT-FO et CNPF ont émis un avis.

La CGT-FO regrette qu'il n'y ait guère d'emplois identifiables à ce niveau et que les bacheliers professionnels soient trop souvent recrutés comme employés ou ouvriers qualifiés.

Elle n'accepterait pas que les portes des STS et JIUT ne soient qu'entrouvertes à ces jeunes. Elle demande que les sections de bac pro soient aussi ouvertes dans les régions à faible économie et que les confédérations ouvrières participent à la relance de l'information sur le bac pro. Elle souscrit aux propositions relatives à la promotion par la formation continue.

Le CNPF constate que la transformation des qualifications s'opère, de façon variable, dans les branches professionnelles. Il convient donc d'analyser, branche par branche, les besoins des entreprises mais il saurait être question de prévoir exactement les flux des jeunes à former, métier par métier. Le baccalauréat professionnel doit garder sa finalité d'insertion dans la vie active. Pour éviter toute dérive, il faut développer sa préparation par la voie de l'apprentissage, ainsi que des filières de formation différée, permettant d'accéder, au cours de la carrière, à des niveaux supérieurs de qualification.

Jean-Claude Tricoche
Françoise Bottin

(1) Professionnalisation des formations, choix ou nécessité. Collection des rapports officiels - La Documentation Française – Octobre 1996 – 120 Frs.