Texte intégral
Le Monde : Quelle analyse faites-vous de la remise en cause à laquelle on assiste aujourd’hui de la vaccination contre l’hépatite virale de type B ?
Bernard Kouchner : J’ai toujours pris très au sérieux ces interrogations et j’ai mobilisé les services du ministère et les experts sur cette question. Nous sommes à l’affût d’un éventuel danger de cette vaccination. Plusieurs études visent à savoir si celle-ci peut être à l’origine de graves effets secondaires. Aucune ne confirme les suspicions qui pèsent sur ce vaccin. À ce jour et sur la base des données disponibles de la pharmacovigilance française, il n’y a pas d’accroissement décelable de manifestations, en particulier neurologiques ou hématologiques, supérieur à la population générale non vaccinée. Il faut par ailleurs remarquer qu’aucun autre pays développé (États-Unis, Canada et certains pays de l’Union européenne) n’a signalé d’effets neurologiques imputables à cette vaccination. Je comprends cependant les inquiétudes qui se sont exprimé au cours des derniers mois et qui se sont d’ailleurs traduit par une demande des syndicats de médecins scolaires. C’est pourquoi j’ai provoqué une réunion extraordinaire du comité technique des vaccinations. Celui-ci a recommandé la poursuite du programme de trois injections chez les nourrissons et les adolescents et, en particulier, que soit effectuée la troisième injection chez les élèves de 6e. La sécurité sanitaire exige une vigilance permanente. Ainsi, j’ai demandé à l’Agence du médicament de poursuivre et de compléter les études de pharmacovigilance. C’est ce qui sera réalisé avant la fin de l’année, en liaison notamment avec des équipes britanniques. Nous exerçons en France une surveillance accrue qui est certainement plus poussée que celle des autres pays.
Le Monde : Quel message souhaitez-vous diffuser aux personnes persuadées d’être « victimes » du vaccin, aux parents et aux médecins inquiets de leur responsabilité potentielle qui, de ce fait, refusent de vacciner ?
Bernard Kouchner : Je ne peux que réaffirmer aujourd’hui que je n’ai aucune donnée indiquant un risque attribuable à cette vaccination. Nous ne cachons rien et nous nous donnons tous les moyens pour identifier un risque, s’il existe. Pour les parents et les médecins, je m’engage à ce que l’ensemble des données actuellement disponibles et les résultats des études à venir, nationales ou internationales, soient largement communiqués. Je voudrais rappeler aux parents et aux médecins que nos experts, à la différence des autorités européennes, recommandent d’élargir la précaution d’emploi aux personnes qui présentent un antécédent personnel de sclérose en plaques ou de maladie auto-immune. L’acte vaccinal est un acte médical qui nécessite que le médecin puisse parfaitement informer le patient ou les parents des enfants concernés.
Le Monde : La France partage-t-elle toujours l’objectif d’éradication de l’infection par le virus de l’hépatite B, qui passe par la vaccination généralisée des nouveau-nés ? Envisagez-vous de rendre cette vaccination obligatoire ?
Bernard Kouchner : En France cette vaccination n’est pas obligatoire, sauf pour les professionnels de soins, en raison de leur risque d’exposition et du risque éventuel qu’ils peuvent faire courir à leurs patients en cas de contamination. La vaccination des nourrissons et des adolescents est recommandée en France comme dans d’autres pays développés. Elle vise à les protéger contre un risque futur de contamination. Cette vaccination doit être proposée, mais elle n’a pas à être imposée. Je tiens à le souligner car l’ambiguïté est parfois entretenue. Nous nous inscrivons dans les objectifs définis par l’Organisation mondiale de la santé et repris par de nombreux pays industrialisés d’Europe et d’Amérique du Nord.
Il est également vrai que les données scientifiques récentes sur l’efficacité vaccinale indiquent que trois injections semblent suffisantes pour assurer la protection. Dans les prochaines semaines, le comité technique des vaccinations sera à même d’établir les recommandations précises sur la stratégie et le calendrier de vaccinations, comme je le lui ai demandé.