Interview de Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi, dans "La Tribune" le 18 novembre 1996, et déclarations à Paris les 28 et 30 novembre et à Le Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne) le 19 décembre, sur les grands axes de la politique de l'emploi et les mesures d'aide aux entreprises pour l'emploi des jeunes et la cohésion sociale.

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Média : La Tribune

Texte intégral

La Tribune : 18 novembre 1996

La Tribune : Pouvez-vous encore défendre votre politique alors que l'emploi se dégrade ?

Anne-Marie Couderc : Il est évident que les résultats ne sont pas satisfaisants. Mais nous avons tout de même réussi à stabiliser l'emploi, au cours des douze derniers mois, avec une croissance en baisse et des entrées sur le marché du travail en grand nombre. Nos experts estiment que les mesures prises par le gouvernement ont permis d'éviter la destruction de 100 000 emplois. La baisse des charges sur les bas salaires commence à produire ses effets. Dans les secteurs les plus exposés à la concurrence, qui bénéficient de mesures spécifiques, l'allégement des charges a contribué à réduire de moitié les suppressions d'effectifs.

La Tribune : Les entreprises pourraient-elles embaucher plus ?

Anne-Marie Couderc : Nous avons essayé de mobiliser les chefs d'entreprise sur l'embauche des jeunes. Des résultats ont été enregistrés. En octobre, les contrats d'apprentissage et les contrats de qualification sont en hausse de 15 %. Mais, au bout d'un an, nous constatons que l'engagement des entreprises est insuffisant. Didier Pineau-Valencienne, PDG de Schneider, s'apprête à lancer une initiative, en liaison avec le CNPF, pour que les grandes entreprises s'impliquent davantage dans l'apprentissage. C'est une bonne démarche. La responsabilisation est préférable à la contrainte. C'est pourquoi le gouvernement et le Premier ministre, tout en rappelant le devoir d'insertion des jeunes, ont opposés à un quota d'embauches de jeunes que certains ont évoqué.

La Tribune : Le gouvernement réfléchit-il à un allégement des procédures de licenciement ?

Anne-Marie Couderc : Le débat sur la réglementation du licenciement n'est pas ouvert au gouvernement. En revanche, on peut s'interroger sur la nécessité de mettre plus de souplesse dans les relations du travail, dans la tradition du dialogue social.

Certaines questions méritent une expérimentation avant d'aller plus loin.

La Tribune : Jacques Barrot a demandé à ses services de réfléchir à une actualisation du code du travail…

Anne-Marie Couderc : C'est un exercice très lourd qui doit nous permettre d'identifier les réglementations éventuellement dépassées ou inadaptées à l'évolution de la société. Mais cet exercice se fera en concertation avec les partenaires sociaux et ne devra pas remettre en cause les droits des salariés.

La Tribune : Les reproches faits à la loi de Robien vous ébranlent-ils ?

Anne-Marie Couderc : La loi de Robien a permis de faire progresser l'aménagement du temps de travail. C'est un vrai changement culturel. Comme tous les dispositifs publics, elle fera l'objet d'une évaluation. S'il apparaissait que son coût est trop élevé, par rapport à son efficacité en termes de créations d'emplois, il serait nécessaire d'y apporter certains aménagements.


Intervention de Madame Anne-Marie Couderc à l'occasion de la rencontre nationale : « Le parrainage pour l'emploi des jeunes et la cohésion sociale », le 28 novembre 1996, à 17 heures

Je suis très heureuse, aujourd'hui, d'être parmi vous à l'occasion de cette première rencontre nationale concernant le parrainage pour l'emploi des jeunes et la cohésion sociale.

Je voudrais profiter de votre présence à vous tous, acteurs de terrains, responsables économiques pour rappeler la politique de l'emploi du gouvernement, parce que l'emploi, c'est la priorité absolue du Gouvernement.

Le chômage, qui reste à un niveau inacceptable, est, vous le savez bien, la racine de toutes les exclusions, et le défi qu'il nous lance est un défi pour l'ensemble de la société.

L'action gouvernementale pour l'emploi s'articule autour de cinq axes :

1. Gérer efficacement la dépense publique pour permettre de relancer la consommation et l'emploi.
2. Libérer les forces vives de notre pays, en allégeant les contraintes et les charges qui pèsent sur les entrepreneurs.
3. Enrichir la croissance en emplois.
4. Réduire la fracture sociale, pour un développement harmonieux de notre société, au service de tous.
5. Préparer l'avenir du pays en intensifiant l'effort en faveur des jeunes.

Aujourd'hui pour cette rencontre, je voudrai particulièrement insister sur ce dernier aspect.

En effet, notre avenir passe par l'insertion des jeunes : cela représente un véritable devoir national.

I. – Les programmes régionaux pour l'emploi des jeunes s'inscrivent dans le cadre de cette mobilisation pour les jeunes ; ils associent l'État, les régions et les partenaires sociaux, et ils s'appuient sur des acteurs locaux, en vue d'une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail.

Cette collaboration entre l'État, les partenaires sociaux, les régions et l'ensemble des collectivités locales est efficace : toutes les mesures en faveur de l'emploi des jeunes sont en progression régulière depuis la signature des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes : ainsi près de 10 000 jeunes supplémentaires ont pu accéder à l'emploi en octobre 1996 par rapport à octobre 1995.

1. Le développement des formations en alternance s'accélère : les entreprises ont accueilli 13 % de jeunes de plus qu'en octobre 1995 dans ce cadre : 4 000 contrats d'apprentissage supplémentaires ont été signés (+ 13 %), et 1 500 contrats de qualification (+ 14 %). En octobre 1996, 48 000 jeunes ont ainsi signé avec une entreprise un contrat de travail qui leur offre à la fois une formation et une expérience professionnelle, leur ouvrant ainsi les perspectives d'une insertion durable.

2. Au cours de ce même mois, le contrat initiative-emploi a permis de faire accéder à l'emploi 1 300 jeunes sans qualification professionnelle. Il est donc possible d'ouvrir les portes des entreprises à des jeunes qui ont souvent connu l'échec scolaire.

3. Enfin, environ 1 000 jeunes ont pu être recrutés grâce au départ en préretraite dans le cadre du dispositif mis en place par les partenaires sociaux.

Dans les secteurs publics, 1 000 jeunes habitants dans les quartiers de la politique de la ville ont été embauchés sur des emplois durables dans le cadre des emplois de ville et 400 jeunes supplémentaires ont entamé un apprentissage dans ce secteur.

L'action entreprise par le Gouvernement en faveur de l'emploi des jeunes (réforme de l'apprentissage, CIE-jeunes, emplois ville) commence donc à porter ses fruits.

II. – Mais la bataille pour l'emploi des jeunes ne sera gagnée qui si un véritable rapprochement entre jeunes et entreprises s'effectue et que les jeunes les plus en difficulté soient accompagnés dans cette démarche vers l'entreprise.

Le cœur du dispositif est donc l'accueil, l'information et l'accompagnement des jeunes.

Pour ce faire, deux moyens :

1. Le partenaire tout d'abord :

Il s'agit :

– d'offrir le meilleur service possible ;
– d'offrir en tout endroit, une information de qualité et une réponse adaptée à la situation du jeune.

L'accord-cadre signé le 20 mars dernier a donné forme au réseau public pour l'insertion des jeunes, il s'agit de coordonner les 3 000 points d'accueil et d'information gérés par les ministères de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, de l'Agriculture, du Travail, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Cet accord a déjà permis, sur le terrain, d'accroître la complémentarité des acteurs publics et à rendu ainsi plus lisible l'action de l'État pour les jeunes.

Le développement des « Espaces-jeunes » confirme aussi notre objectif de resserrement des liens qui existent entre les missions locales et l'ANPE pour rendre les offres d'emplois plus accessibles.

L'impulsion que nous avons donnée et que vous avez relayé sur le terrain a permis d'accélérer très fortement la mise en place de ces espaces jeunes. 36 missions locales et PAIO étaient labellisées en mars dernier. À ce jour, plus de 200 le sont et le mouvement continu puisque nous atteindrons les 300 labellisations en fin d'année.

Dans le même esprit, il me semble très utile, qu'à l'image de ce qui est fait dans certaines régions, des liens plus étroits puissent être tissés avec les chambres consulaires et les OPCA afin que les offres d'apprentissage et d'alternance puissent être mises à disposition des structures d'accueil pour les jeunes que vous accueillez.

Le professionnalisme démonté, par les PAIO, m'incline à penser que nous pourrions passer à une étape supplémentaire où, conjointement avec les régions, l'ANPE et le réseau d'accueil, nous nous donnerions en matière d'insertion des jeunes en difficulté de véritables objectifs d'insertion professionnelle.

2. Au-delà du partenariat, il faut innover et rapprocher le jeune de l'entreprise

Le parrainage est en la matière un élément essentiel de l'accès des jeunes sans qualification à l'emploi.

Vos travaux d'aujourd'hui ont montré, si cela était nécessaire, que de nombreuses expériences ont déjà été conduites, il faut les systématiser et aller plus loin, ce qui est bien l'objet de la circulaire qui vient de vous être présentée portant sur la généralisation des réseaux de parrainage.

En effet, l'objectif qui vous est proposé est clair pour 1997 :
250 réseaux constitués ;
10 000 jeunes concernés sur l'ensemble des régions.

Les résultats constatés aujourd'hui sont significatifs car j'ai bien noté que 53 % des jeunes sont insérés après l'action d'accompagnement du parrain.

Je souhaite souligner que l'action conjuguée des structures, des parrains, des entreprises se situe bien dans le cadre d'une véritable action de cohésion sociale.

En effet, l'accompagnement d'un jeune dans sa démarche de recherche d'emploi et de travail, par un parrain bénévole, relève bien de cette action.

En effet, le jeune, en plus du fait qu'il retrouve confiance et motivations, porte automatiquement un regard autre sur l'adulte qui va l'accompagner dans sa recherche.

L'adulte n'est plus « l'extraterrestre », mais le pilote d'un parcours souvent couvert d'embûches.

De même le parrain, découvre aussi ces jeunes qui bien souvent ont été laissés pour compte, mais qui sont dans leur grande majorité porteur de projet.

Nous avons peut-être là un vrai dialogue entre générations.


Je voudrai, en conclusion, dire et répéter que tous ces efforts développés ne peuvent se concrétiser qu'avec l'engagement de tous les acteurs économiques concernés.

Je souhaite vous remercier pour votre travail, votre implication et vos résultats.


Intervention de Madame Anne-Marie Couderc à l'occasion de la rencontre organisée par la Lyonnaise des eaux (30 novembre 1996)

Créons de l'emploi pour les jeunes

Pour créer des emplois, il n'y a pas de recette miracle, comme certains voudraient le faire croire.

L'emploi se développera si chacun joue son rôle :

– l'État, en assainissant la situation économique et financière du pays, en modernisant l'administration en libérant les initiatives ;
– les partenaires sociaux, en négociant l'organisation du travail et les dispositifs d'accompagnement des mutations économiques (plans sociaux, indemnisation du chômage) dans le respect des intérêts des salariés et des entreprises, en s'impliquant pleinement dans le développement de l'alternance ;
– les collectivités locales, en jouant leur rôle d'acteur de proximité par le développement des services aux ménages et aux entreprises, par le plein exercice des compétences qui leur sont dévolues (en matière de formation des jeunes par exemple), par leur rôle essentiel dans le domaine de la cohésion sociale ;
– les entreprises enfin, en s'attachant à mieux gérer leur main-d'œuvre, à savoir anticiper les adaptations, en faisant toujours le choix des organisateurs les plus riches en emploi, en n'oubliant enfin jamais la responsabilité majeure qu'elles ont au regard de l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle.

Je ne nie pas les divergences de vue, les conflits, les antagonismes. Ils font avancer notre société, mais je dis que devant la complexité socio-économique de nos pays développés, dans un contexte de compétition économique internationale, il faut savoir arrêter les conflits et les querelles et s'unir autour d'un objectif commun ; l'emploi. Les pays qui réunissent aujourd'hui en la matière y sont parvenus grâce à la mobilisation de toutes les initiatives.

À chacun sa responsabilité, entreprises et salariés !

Ensemble construisons l'homme dans la société de demain.

I. – Qu'a fait le gouvernement ?

L'action gouvernementale pour l'emploi s'organise selon quatre axes :

1. Gérer efficacement la dépense publique pour permettre de relancer la consommation et l'emploi.
2. Libérer les forces vives de notre pays, en allégeant les contraintes et les charges qui pèsent sur les entrepreneurs.
3. Enrichir la croissance en emplois.
4. Réduire la fracture sociale, pour un développement harmonieux de notre société, au service de tous.

1. Mieux gérer la dépense publique

Il faut que l'État soit mieux géré :

– nous avons su stabiliser les dépenses de l'État ;
– nous avons stoppé la progression des dépenses d'assurance maladie qui, jusqu'à la récente réforme, progressaient de 6 % par an.

Cela s'est-il fait au détriment du service public ou de la santé publique ? Je ne le crois pas.

Cette rigueur de gestion modifie des situations établies. Mais nous en voyons les premiers effets : la baisse des taux d'intérêt limite les frais financiers et permet à nouveau d'investir.

2. Libérer les forces vives du pays

Réduire les charges des entreprises, c'est indispensable. Mais il faut aussi encourager ceux qui entreprennent :

– en simplifiant les tâches administratives pour que l'entreprise se consacre à sa vraie mission : développer ses marchés et créer de la richesse ;
– en allégeant l'impôt, pour libérer l'initiative et l'esprit d'entreprendre.

3. Favoriser une croissance plus créatrice d'emplois

Mais il faut que la croissance soit plus favorable à l'emploi :

– baisse des charges sur les bas salaires ;
– aménagement et réduction du temps de travail ;
– emplois de service : un nouveau champ d'activités pour les entreprises.

Grâce à cette politique, la croissance est devenue plus riche en emploi. Il y a quelques années, il fallait 2,5 % de croissance pour que l'emploi soit stable.

Il suffit aujourd'hui de 1,5 %. Ainsi, au cours des 12 derniers mois, 100 000 emplois ont pu être sauvés.

4. Réduire la fracture sociale

Sous l'impulsion du président de la République, le Gouvernement s'est engagé dans un effort continu de résorption de la fracture sociale :

1. Le CIE a été mis en place dès 1995. Il a fait la preuve de son efficacité en permettant la réduction du chômage de longue durée. Il a été recentré pour bénéficier en priorité aux chômeurs de très longue durée et aux jeunes sans qualification.

2. Le pacte pour la ville a été présenté par le Premier ministre, le 18 janvier dernier. La loi relative à sa mise en œuvre a été définitivement adoptée le 31 octobre dernier.

3. Le projet de loi de cohésion sociale sera prochainement présenté au Parlement.

II. – Cette action gouvernementale est nécessaire, elle n'est pas suffisante

C'est pourquoi le Premier ministre et Jacques BARROT m'ont demandé d'être le ministre de la « mobilisation pour l'emploi ».

Nous pensons qu'en matière économique et d'emploi, il faut faire « confiance au terrain », au partenariat et aux hommes qui souhaitent bâtir.

Nous avons appliqué cette méthode à l'emploi des jeunes, car leur insertion représente un véritable devoir national.

1. Les programmes régionaux pour l'emploi des jeunes s'inscrivent dans le cadre de cette mobilisation pour les jeunes ; ils associent l'État, les régions et les partenaires sociaux en vue d'une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail.

Ils ont été complétés par les campagnes du CNPF, « Cap sur l'avenir », et de la CGPME « Forums pour l'emploi ».

Cette collaboration entre l'État, les partenaires sociaux, les régions et l'ensemble des collectivités locales est efficace : toutes les mesures en faveur de l'emploi des jeunes sont en progression régulière depuis la signature des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes : ainsi près de 10 000 jeunes supplémentaires ont pu accéder à l'emploi en octobre 1996 par rapport à octobre 1995.

1.1. Le développement des formations en alternance s'accélère : les entreprises ont accueilli 13 % de jeunes de plus qu'en octobre 1995 dans ce cadre : 4 000 contrats d'apprentissage supplémentaires ont été signés (+ 13 %) et 1 500 contrats de qualification (+ 14 %). En octobre 1996, 48 000 jeunes ont ainsi signé avec une entreprise un contrat de travail qui leur offre à la fois une formation et une expérience professionnelle, leur ouvrant ainsi les perspectives d'une insertion durable.

1.2. Au cours de ce même mois, le contrat initiative-emploi a permis de faire accéder à l'emploi 1 300 jeunes sans qualification professionnelle. Il est donc possible d'ouvrir les portes des entreprises à des jeunes qui ont souvent connu l'échec scolaire.

1.3. Enfin, environ 1 000 jeunes ont pu être recrutés grâce au départ en préretraite dans le cadre du dispositif mis en place par les partenaires sociaux.

1.4. Dans le secteur public, 1 000 jeunes habitants dans les quartiers de la politique de la ville ont été embauchés sur des emplois durables dans le cadre des emplois de ville.

L'action entreprise par le Gouvernement en faveur de l'emploi des jeunes (réforme de l'apprentissage, CIE-jeunes, emplois ville) commence donc à porter ses fruits.

Mais la bataille pour l'emploi des jeunes ne sera gagnée que si les entreprises y contribuent et au premier rang desquelles, celles dont la dimension les conduit à un devoir d'exemplarité.

Jean Gaudin et Didier Pinault Valenciennes veulent mobiliser les plus grandes entreprises françaises pour l'emploi des jeunes. Vous pouvez aujourd'hui, Monsieur le président, qu'ils ont raison de le faire, car c'est possible.

La Lyonnaise des Eaux, je suis heureuse de le dire devant vous, contribue au développement de l'emploi et à l'insertion des jeunes.

Vous avez su développer l'activité économique de votre groupe, non content de ce résultat, déjà impressionnant, vous avez su rendre votre entreprise accessible aux jeunes, y compris aux jeunes en difficulté.

Ma participation aux deux tables rondes sur la qualification des jeunes et sur l'emploi de demain m'a montré combien le professionnalisme et l'imagination étaient des valeurs importantes à la Lyonnaise.

En effet, vous participez à la fois :

– à la création de diplômes ;
– à la professionnalisation des tuteurs d'entreprises ;
– le développement d'action de parrainage ;
– aux développements d'activités nouvelles.

Comme vous me le précisez, M. le président, l'engagement de votre groupe pour l'emploi des jeunes est, à la fois significatif dans son volume car 6 000 jeunes sont concernés en 1996, aussi bien les jeunes en difficultés que les jeunes participent au développement international du groupe, mais aussi significatif dans le partenariat développé.

En effet, la convention d'insertion que vous signerez cet après-midi, avec la ville de Mulhouse, en est l'exemple puisqu'elle repose sur une collaboration forte entre la ville, le conseil régional et l'État.

Je sais, par ailleurs, que cette démarche partenariale est une réalité dans l'ensemble de vos sites d'implantation.

L'État n'est pas en reste et je vous garantis l'implication du service public de l'emploi à vos côtés, notamment au travers du réseau d'accueil et des missions locales.

Enfin, M. le président, vous avez souligné que, ce que vous faites, d'autres doivent le faire.

Je ne peux que souscrire à de tels propos comme je l'ai déjà évoqué, la bataille de l'emploi ne peut se gagner qu'avec les entreprises.

Les plus grandes bien sûr, en raison de leur poids économique et social, de leurs moyens, notamment en matière de formation, et le gouvernement ne comprendrait pas que certaines d'entre elles restent en retrait dans la bataille qui est lancée pour la formation et l'emploi.

Mais aussi les petites entreprises, qui sont aujourd'hui les premières créatrices d'emploi et qui, par leur souplesse, et leur capacité d'innovation jouent un rôle essentiel dans notre économie.

Partenariat, convergence des efforts, placer l'Homme au cœur de nos préoccupations, tels sont les maîtres mots. Le redressement de notre pays est entamé, les premiers résultats sont là, si je n'avais qu'un ménage ce serait : « il nous faut continuer ensemble ».


Intervention de Madame Anne-Marie Couderc – Dîner-débat, au Mée-sur-Seine (Seine-et-Marne), le Jeudi 19 décembre 1996, à 20 h 30

Monsieur le député,
Mesdames, Messieurs,

Je tiens tout d'abord à vous remercier chaleureusement de m'avoir convié à votre réunion, ici dans la commune de Le Mée-sur-Seine. Je suis convaincue, pour ma part, que c'est de cette façon que le dialogue doit se poursuivre entre les Français et le Gouvernement : sous la forme d'échanges directs, qui vous permettent de formuler les questions qui vous préoccupent, et d'obtenir les réponses auxquelles vous avez droit.

C'est pourquoi, avant de vous donner la parole, je me contenterai de vous rappeler quelle est la politique du Gouvernement en faveur de l'emploi et du développement économique.

Tout d'abord, je rappellerai que la politique de l'emploi n'est pas, pour le Gouvernement, une politique comme les autres.

D'une part, l'emploi, c'est la priorité absolue du Gouvernement.

Car le chômage qui reste à un niveau inacceptable, est, vous le savez bien, la racine de toutes les exclusions, et le défi qu'il nous lance est un défi pour l'ensemble de la société.

D'autre part, l'emploi ne se décrète pas, car la décision d'embaucher vous revient, à vous, chefs d'entreprises.

L'action gouvernementale pour l'emploi s'effectue selon cinq axes :

1. Gérer efficacement la dépense publique pour permettre de relancer la consommation de l'emploi.
2. Libérer les forces vives de notre pays, en allégeant les contraintes et les charges qui pèsent sur les entrepreneurs.
3. Favoriser une croissance plus créatrice d'emplois.
4. Préparer l'avenir du pays en intensifiant l'effort en faveur des jeunes.
5. Réduire la fracture sociale, pour un développement harmonieux de notre société, au service de tous.

1. Mieux gérer la dépense publique

On entend souvent dire : ce gouvernement ou autre, c'est la même chose.

Mais, quel gouvernement a su stabiliser les dépenses de l'État ? Quel gouvernement a su stopper la progression des dépenses d'assurance maladie qui, jusqu'à la réforme, progressaient de 6 % par an ?

Après une stabilisation enregistrée de novembre 1995 à juin, les dépenses continuent de baisser chaque mois.

Cela s'est-il fait au détriment du service public ou de la santé publique ? Je ne le crois pas.

Il faut que l'État soit géré aussi bien que les entreprises.

Cette rigueur de gestion modifie des situations établies. Vous en touchez pourtant les premiers dividendes :

– les charges sur les bas salaires ont été réduites ;
– la baisse des taux d'intérêt limite vos frais financiers.

2. Libérer les forces vives du pays

Réduire les charges des entreprises, c'est indispensable. Mais il faut aussi encourager ceux qui entreprennent :

– en simplifiant les tâches administratives pour que l'entreprise se consacre à sa vraie mission : développer ses marchés et créer de la richesse ;
– en favorisant l'investissement.

I. – Simplifier :

Six mesures concrètes, 3 aujourd'hui en vigueur, et 3 qui seront en vigueur dès 1997, illustrent la volonté du gouvernement de faciliter la tâche à ceux qui créent des emplois :

1) Les guichets initiatives-emploi

Opérationnels depuis octobre 1995, ils regroupent en un lieu unique l'ensemble des servies à même d'apporter aux entreprises informations, aide et conseil en matière de création d'emplois.

2) La déclaration unique d'embauche

En vigueur depuis le 1er janvier 1996, elle substitue un seul document à la douzaine de formulaires qu'il fallait auparavant remplir pour recruter un salarié.

« En interministérielle, le cabinet du Premier ministre a annoncé qu'elle pourrait d'ailleurs être rendue obligatoire au 1er juillet 1997. »

3) Le contrat unique d'apprentissage

Les modifications, introduites le 26 juillet 1996, sont destinées à :

– simplifier les formalités en remplaçant trois liasses de onze feuillets par une seule de trois feuillets ;
– faciliter les démarches par la mise en place d'un interlocuteur unique ;
– raccourcir les délais de procédure.

4. La déclaration unique de cotisations sociales

Elle se substitue aux déclarations de cotisations à destination des URSSAF, ASSEDIC, Caisse de retraite complémentaire et congés payés. Des expérimentations locales ont eu lieu en 1995, soit sur support papier, en sortie des logiciels de paie, soit sur support télématique.

À la suite des travaux qui sont en cours et qui mobilisent notamment les partenaires sociaux, une expérimentation plus massive devrait être lancée dès juin 1997 avec une généralisation qui montera en charge progressivement dès septembre 1997.

5. Le dispositif de simplification pour le premier salarié encore appelé « chèque premier salarié »

Il a pour objectif de simplifier au maximum les tâches administratives des entreprises qui désirent embaucher leur premier salarié, et ainsi d'inciter les 400 000 artisans exerçant seul à embaucher un salarié.

Trois expériences sont en cours, et cette mesure doit être généralisée courant 1997.

6. Simplification du bulletin de salaire

Cette mesure, annoncée lors du séminaire gouvernemental du 28 août 1996, a pour objectifs :

– d'améliorer la lisibilité du bulletin de salaire ;
– d'harmoniser les assiettes des différents régimes de protection sociale, de simplifier le calcul des cotisations.

Le rapport demandé à M. Turbot vient de nous être remis.

Les premières mesures de simplification seront arrêtées dans les semaines qui viennent et elles doivent être opérationnelles dès le printemps 1997.

Une réflexion est également menée actuellement en vue de simplifier les déclarations fiscales des entreprises. Elle devrait trouver sa traduction dans les faits en 1997.

Enfin, concernant la délicate question des seuils, une première étape a déjà été franchie. Les seuils fiscaux ont été plus largement lissés pour les entreprises de plus de 10 salariés. (FNAL : logement, transport et formation professionnelle).

Après franchissement du seul, il y a 3 ans de moratoire puis le montant de ces taxes passe à 25 % la 1re année ; 50 % la seconde et 75 % la troisième. Ça n'est donc que la 7e année que le montant atteindra 100 % des taxes.

II. – Encourager l'investissement

Il s'agit, aussi, de réformer en profondeur la fiscalité des PME, afin d'encourager le renforcement des fonds propres des entreprises.

Je citerai notamment la réduction de 33 % à 19 % du taux de l'impôt sur les sociétés, applicable à la partie du bénéfice effectivement incorporée au capital, dans la limite de 200 000 F.

Destinée aux entreprises réalisant moins de 50 MF de chiffre d'affaires, cette importante réduction de la pression fiscale sur les bénéfices réinvestis doit s'appliquer en 1997.

Il s'agit aussi de se doter de règles fiscales encourageant, l'épargne de proximité et les placements dans les PME. Des dispositions sont également à l'étude dans ce domaine, de façon à dynamiser l'ensemble des moyens que vous mobilisez en faveur de l'emploi.

3. Favoriser une croissance plus créatrice d'emplois

Ainsi, le gouvernement permet aux entreprises de jouer pleinement leur rôle pour que notre pays connaisse une nouvelle période de croissance forte et durable.

Mais il faut que cette croissance soit plus favorable à l'emploi :

– baisse des charges sur les bas salaires ;
– aménagement et réduction du temps de travail ;
– emplois de service : un nouveau champ d'activité pour les entreprises.

Baisse des charges

L'allégement général des charges patronales sur les bas salaires, en vigueur depuis le 1er septembre 1995, fusionné depuis le 1er octobre avec l'exonération de cotisations familiales, se traduit par une ristourne d'environ 11 % des charges sociales acquittées par les entreprises sur les salaires du niveau au SMIC.

Aménagement et réduction du temps de travail :

La réorganisation du travail institue un levier de croissance et présente un gain :

– pour les entreprises qui gagnent en performance et en souplesse ;
– pour les salariés qui gagnent en temps libéré ;
– pour les chômeurs qui gagnent un emploi.

La loi du 11 juin 1996 permet aux entreprises qui aménagent et réduisent le temps de travail, de bénéficier d'un allégement de cotisations sociales, à condition de procéder, en contrepartie, à de nouvelles embauches ou d'éviter des licenciements.

Une centaine d'accords, recouvrant plus de 13 000 salariés, sont en cours de finalisations.

Emplois de service :

Le développement des emplois de service aux personnes est un troisième axe d'enrichissement de la croissance en emplois.

Pour favoriser ce développement, il est nécessaire de solvabiliser ces services (aide-ménagère, garde d'enfants, soutien scolaire, aide aux personnes âgées, petits travaux de jardinage…) :

– réduction d'impôt de 50 % des dépenses engagées par les particuliers, dans la limite de 90 000 frs par an ;
– abondement par les comités d'entreprises ou par les entreprises, exonéré de cotisations de sécurité sociale et de taxe sur les salaires dans la limite de 12 000 frs par an.

Depuis la loi du 29 janvier 1996, le bénéfice de la réduction d'impôts est étendu aux particuliers ayant recours à de entreprises agréées.

Grâce à cette politique, la croissance est devenue plus riche en emploi. Ainsi, au cours des 12 derniers mois, 100 000 emplois ont pu être sauvés.

4. Préparer l'avenir du pays

Notre avenir passe par l'insertion des jeunes : cela représente un véritable devoir national.

Lors du sommet social, le gouvernement et les partenaires sociaux se sont engagés en faveur de l'emploi des jeunes.

Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures : le CIE jeunes, les emplois-villes.

Les programmes régionaux pour l'emploi des jeunes s'inscrivent dans le cadre de cette mobilisation pour les jeunes ; ils associent l'État, les régions et les partenaires sociaux en vue d'une meilleure insertion des jeunes dans le monde du travail ; ils sont adaptés à la situation de chaque région, mais tous ont comme objectif de :

– améliorer l'accueil ;
– mieux coordonner les dispositifs gérés par l'État, les régions et les partenaires sociaux ;
– promouvoir l'alternance et l'apprentissage.

La priorité donnée à l'emploi des jeunes passes aussi par la réforme de l'apprentissage.

Cette réforme réorganise en profondeur le système de financement pour assurer à l'apprentissage un développement durable en apportant deux innovations majeures :

– elle remplace les diverses aides sous forme de primes et d'exonérations par une prime unique forfaitaire moyenne de 13 000 F par an et par apprenti ;
– elle remet de l'ordre dans le système de financement de l'apprentissage en clarifiant les rôles des différents intervenants : l'État finance les mesures pour encourager le développement de l'apprentissage ; les collectivités et les entreprises financent les CFA.

Au total, l'effort financier supplémentaire de l'État s'élève à 1 milliard de francs.

Les partenaires sociaux se sont associés à cet effort en se mobilisant pour relancer les formations en alternance.

Cette mobilisation porte ses fruits puisque le bilan est très encourageant. Au cours de chacun des derniers mois, les différentes aides publiques ont permis à 10 000 jeunes de plus qu'en 1995 d'accéder à un emploi.

Il faut poursuivre dans cette voie. Nous nous en donnons les moyens au travers du budget.

En 1996, 650 000 jeunes ont pu accéder à l'emploi grâce aux dispositifs d'aides publiques, le budget 1997 permet de porter ce flux au-dessus de 700 000.

De nouvelles pistes sont approfondies :

– le contrat formation expatriation ;
– les stages diplômant de fin d'étude.

Mais la bataille pour l'emploi des jeunes ne sera gagnée que si les entreprises y contribuent davantage.

Combien d'entreprises pourraient accueillir un jeune en contrat d'apprentissage ou de qualification ? C'est à chacun d'entre-vous de répondre à cette question.

5. Réduire la fracture sociale

Sous l'impulsion du président de la République, le Gouvernement s'est engagé dans un effort continu de résorption de la fracture sociale :
1. Le CIE a été mis en place dès 1995. Il a fait la preuve de son efficacité en permettant la réduction du chômage de longue durée. Il a été recentré pour bénéficier en priorité aux chômeurs de très longue durée et aux jeunes sans qualification.

2. Le pacte pour la ville a été présenté par le Premier ministre, le 18 janvier dernier.

3. Le projet de loi de cohésion sociale sera prochainement présenté au Parlement.

Dans le cadre du pacte pour la ville, 100 000 emplois ville destinés aux jeunes résidents des zones urbaines sensibles seront mis en place pour répondre à des besoins collectifs non satisfaits.

Mais j'insisterai sur la disposition qui intéresse directement les chefs d'entreprises que vous êtes, c'est-à-dire la création de 44 zones franches urbaines, dont une à Meaux (Beauval, la Pierre Collinet), dans votre département, votée par le Parlement en octobre 96.

Dans ces zones, l'État met notamment en place un dispositif d'exonérations sur cinq ans, à partir du 1er janvier 1997, pour les implantations d'activités, mais aussi pour les entreprises existantes de moins de 50 salariés :

– exonération de la taxe professionnelle dans la limite d'une base de 3 millions de francs par an ;
– exonération d'impôt sur les sociétés dans la limite d'un plafond 400 000 francs par an ;
– exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties affectées à un usage économique ;
– exonération de charges sociales patronales, (assurances sociales, allocation familiales, accidents du travail) pour la part de rémunération n'excédant pas 1,5 SMIC, subordonnée à une clause d'embauche des habitants de la zone franche ;
– exonération des droits de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce ;
– exonération partielle de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants.


Je ne doute pas, croyez-le bien, de votre détermination à combattre, avec nous, ce fléau qu'est le chômage, et particulièrement le chômage des jeunes.

Je sais que vous avez à cœur de participer à la bataille de l'emploi pour nous aider à la gagner, c'est-à-dire à faire gagner la France.