Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Sénateur et chers collègues,
Messieurs les Maires,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Avant tout, je voudrais remercier chaleureusement de son invitation l’équipe de Telecom Valley qui préfigure par son travail et son talent ce que sera le monde de demain, ce que sera la société de l’intelligence et de la communication. En tête, je veux saluer Christian Tordo, Président de cette République des micro-processeurs que je remercie de ses paroles aimables ; Jacques Gros qui a coordonné cette journée avec une précision millimétrique.
A vos côtés, pendant ces quelques heures numériques, j’ai beaucoup appris aujourd’hui sur les nouvelles technologies de la communication. Je vous suis donc particulièrement reconnaissant de cette journée de formation accélérée. A l’Assemblée, où j’emploie une certaine énergie à convaincre mes collègues de délaisser de temps à autre le microphone pour le micro-ordinateur et d’abandonner le stylo-bille pour la souris, je les inciterai désormais à vous rendre visite.
Vous m’avez demandé, Monsieur le Président, si je pensais que ce qui se passe ici, à Sophia-Antipolis, était une chance pour l’avenir. Je réponds oui. Vous m’avez demandé si je pensais que les NTIC étaient une chance pour l’emploi. Oui. Vous m’avez demandé enfin, si je pensais que les NTIC étaient une chance pour la France. Trois fois oui. Une triple chance donc qu’il faut savoir saisir alors qu’une révolution numérique, nous conduit d’une économie fondée sur la maîtrise et la transformation de la matière, à une économie organisée autour de signaux invisibles, capables de circuler à la vitesse de la lumière en ignorant les frontières, les monnaies et parfois les lois. Donc, je réponds à la fois trois fois oui et trois fois « dépêchons-nous ».
Se dépêcher en effet, car il y a sur ce front de la guerre économique et du pouvoir technologique beaucoup de raisons de se hâter. Je n’en citerai qu’une seule : les NTIC peuvent, je le crois, devenir un formidable gisement de travail pour nos sociétés qui en manquent.
Pour le moment, c’est souvent de l’autre côté de l’atlantique qu’il faut se tourner pour le vérifier. 1/3 de la croissance enregistrée l’an passée aux États-Unis leur est due, 10% des emplois créés à New-York l’ont été dans le secteur des communications ; 500 000 personnes ont trouvé un « job » aux États-Unis grâce au langage Java. Tout cela démontre que si nous savons l’encourager, si nous savons former nos enfants et reconvertir les adultes, si nous savons aussi maîtriser les conséquences humaines et sociales de ce nouveau bouleversement provoqué par la machine, la croissance économique liée aux NTIC sera riche en emplois, en emplois qualifiés et correctement rémunérés. On m’a raconté qu’à deux pas d’ici, à l’école Eurecom, il n’avait pas été possible d’organiser de cérémonie de remise de diplômes ; tous les étudiants de la promotion sortante avaient été embauchés dès leur dernier jour de scolarité. Tant mieux pour l’avenir !
Mais l’avenir de qui ? Ce qui est aujourd’hui l’apanage ou le privilège d’une partie de la jeunesse, méritante mais réduite, j’aimerai que ce soit demain la marque de toute une génération. L’égalité par le numérique, la liberté par l’informatique, la fraternité technologique, en quelque sorte. Je ne suis pas naïf devant le changement : je crois simplement à nos atouts si nous savons le maîtriser et l’orienter. C’est une question de comportement et autant que les avancées industrielles dont vous avez fait votre métier, ces avancées démocratiques et sociales, sont entre nos mains.
A ce propos, l’erreur la plus grave serait d’opposer l’éducation et l’emploi, les entreprises et l’activité, les entrepreneurs et les salariés ou les collectivités locales, l’économique et le social. Il faut l’éviter. J’appelle notre objectif « l’économie-partenaire ». Il me semble qu’à sa façon, la Telecom Valley où sont associés des étudiants, des chercheurs, des ingénieurs, des cadres, des entreprises, privées et publiques des collectivités, des entreprises d’aujourd’hui et d’autres de demain, en est une belle illustration !
Pour aller de façon solidaire vers cette société assez nouvelle, il y a notamment une question que vous posez et qui me concerne. Quel rôle pour le politique, quel rôle pour l’État et les pouvoirs publics ? Une chose est claire : le temps des grandes cathédrales technologiques est révolu. Devant la multitude des choix possibles, face à la rapidité des évolutions, il n’est pas possible, il n’est pas souhaitable que l’État décide seul et de tout. Stimuler, réguler, protéger, éduquer : c’est l’essentiel de sa mission.
Stimuler la croissance, en aidant notamment à la création d’entreprises innovantes. C’est le rôle du capital risque que nous devons développer en France. Il faut que l’on puisse créer de l’innovation en créant de l’activité, en créant une société.
Réguler, mais sans contraindre. L’extension incontrôlée des moyens de collecte et de traitement des données informatisées sur les individus pose un problème moral évident. L’une des missions essentielles du politique consiste à protéger le droit des personnes, l’intégrité de leur vie privée et l’ensemble de leurs libertés. Respect des individus, sécurité des transactions, responsabilité des acteurs ; je suis pour l’Internet, espace de liberté. Je serais contre un terrain vague de non-droit.
Éduquer, c’est à mon sens la mission la plus décisive que nous devons accomplir. Notre société souffre déjà de fortes inégalités. Les nouvelles technologies peuvent encore les creuser comme elles peuvent contribuer à les combattre. A nous de faire en sorte qu’une nouvelle forme d’exclusion ne s’ajoute pas, cette fois-ci entre « info-riches et info-pauvres ». Pour cela, il faut, je crois, rompre avec une conception trop académique de l’éducation. Faire entrer, bien sûr, les micros et les modems à l’école, mais surtout faire agir ensemble les universités et les entreprises, parier sur la recherche, source première de créativité, et assurer à tous, tout au long de leur vie, ce que j’appelle une « éducation continuelle ». Au prix de cet effort, nous pourrons à nouveau avoir le sentiment que c’est en France, aussi, que l’essentiel se joue en Europe aussi, car ce sera désormais l’horizon commun du progrès des nations du vieux continent.
Mesdames, Messieurs, le XXIème siècle, les nouvelles technologies, l’emploi, l’éducation : tout cela ne fait qu’un pour moi, tout cela se rassemble dans la vision d’une modernité progressiste et solidaire. C’est le message que je voulais partager avec vous. Merci.