Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur le projet de loi sur le statut des réservistes et l'importance de l'intelligence économique pour la défense et la défense économique, Paris le 14 novembre 1996.

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Circonstance : Signature des conventions armées-entreprises le 14 novembre 1996

Texte intégral

Monsieur le ministre et cher collègue,
Monsieur le président de la confédération générale des petites et moyennes entreprises,
Monsieur le vice-président de l’assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, président de la chambre de commerce et d’industrie de l’Essonne,
Mesdames et Messieurs les présidents de chambres de commerce et d’industrie, de Fédérations de petites et moyennes entreprises, d’Unions patronales,
Mesdames et Messieurs les présidents de sociétés,
Messieurs les présidents des Associations nationales de cadres de réserve,
Mesdames et Messieurs,

Il y a quatre mois, lors de la troisième signature des conventions de partenariat « Armées-Entreprises », j’avais dit ma volonté de poursuivre, parallèlement à la préparation du projet de loi sur les réserves, notre démarche de contractualisation avec les structures civiles d’emploi.

Nous avons ensemble voulu maintenir ce cap et ce n’est pas – alors que les conclusions de son rapport viennent d’être rendues publiques – M. le député Guy Teissier, parlementaire en mission, qui me démentira. Il n’a pu être présent aujourd’hui, mais je tiens à saluer le travail qu’il a accompli.

En effet, plusieurs de ses propositions relatives au futur statut social du réserviste – propositions que nous allons étudier avec soin, expriment une double détermination :
      - une volonté d’anticipation, afin de ménager la transition entre les modalités actuelles d’utilisation des réserves et le futur concept d’emploi, conforme à une armée entièrement professionnalisée ;
      - une volonté de concertation, avec l’ensemble des structures civiles d’emploi privées et publiques.

Ne serait-ce que pour mieux faire apparaître au regard de leur double compétence, civile et militaire, ce que les personnels de la réserve peuvent apporter à leurs employeurs civils, en termes de « retour sur investissements », grâce à leurs efforts au profit de la défense.

Chacun sait que près des deux tiers des emplois existants, les trois quarts des flux annuels des emplois créés, le sont dans les services et les PME et que dans ces secteurs, la « production » des acteurs économiques est évaluée au résultat plutôt qu’en heures de présence.

Au moment où beaucoup expriment la volonté de travailler différemment plutôt que la volonté de travailler moins, les dirigeants d’entreprise, parce qu’ils seront sans doute mieux informés sur le rôle des réserves, devraient se révéler plus ouverts à la notion de pluriactivité de leurs collaborateurs.

Une telle démarche ne peut que renforcer le nouveau consensus sur la défense en affirmant que, défense et défense économique forment désormais un tout indissociable.

À ce titre, parallèlement au projet de loi qui sera présenté au Parlement au tout début de l’année prochaine, la clé de voûte du dispositif, comme le souligne le président Lucien Rebuffel, peut se résumer dans la phrase suivante :

« Si la loi est nécessaire, le partenariat avec les structures civiles d’emploi est indispensable. »

Je voudrais vous dire, M. le Président, alors que nous allons signer huit nouvelles conventions avec vos collègues régionaux et départementaux, combien je suis sensible à l’engagement de votre confédération et je suis heureux que cet engagement soit rappelé devant mon collègue, M. Jean-Pierre Raffarin.

De même, je juge très positive la décision du président Gérard Trémège de signer avec le ministre de la défense une « convention-cadre » qui, non seulement légitime l’impulsion donnée depuis huit mois par plusieurs chambres de commerce et d’industrie, mais invite également, ces organismes dans leur rôle essentiel d’établissements publics – à mieux répondre dans les temps qui viennent, au titre de la défense, à l’orientation que mon collègue, M. Jean Arthuis, les a invité à prendre en juin dernier, pour en faire des outils de compétitivité, non seulement au titre des affaires civiles, mais aussi plus généralement au titre de « l’intelligence économique », dont le président Henri Martre vient de rappeler que : « les chefs d’entreprises en ressentaient parfois sans le savoir, l’urgente nécessité ». Nul n’ignore que, plutôt que de se trouver dans une situation de réactivité face aux événements, « l’intelligence économique » a pour but de permettre aux structures industrielles – quelle qu’en soit la taille – d’adopter une stratégie offensive.

C’est-à-dire, de mener au quotidien, une guerre de conquête de parts de marché, de créations de richesses et donc d’emplois durables.

C’est cet engagement que j’ai déjà eu l’occasion, lors des signatures des conventions avec les régions, de rappeler à nos partenaires, industriels ou élus, au moment où nous cherchons à adapter notre appareil de défense.

Chacun sait ici, que les moyens qui ont été prévus, notamment dans la loi de programmation militaire en faveur du redéploiement et de la diversification des petites et moyennes entreprises de sous-traitance, en particulier grâce au plan de soutien PME-PMI et le Fond de restructuration de la défense, doivent converger dans ce sens.

Mais, plus généralement, chacun sait aussi que les cadres de réserve peuvent – par leur double engagement vis-à-vis de leur structure civile d’emploi et de la défense – y prendre, en tant qu’individus, une part déterminante.

Je voudrais saluer également la présence du groupe ACCOR en la présence des présidents Du Brulé et Pellisson, qui ont voulu, eux aussi, montrer la voie, en s’engageant avec la défense, dans un jeu « gagnant-gagnant », comme le font déjà depuis de longues années leurs homologues des pays anglo-saxons.

Je souhaite que cet exemple serve de référence et facilite la venue de nouveaux partenaires, comme le feront le 12 décembre prochain, ici même, les responsables de plusieurs grands groupes industriels.

Je voudrais également vous dire, M. Michel Anglade, président de l’Union patronale des Hautes-Pyrénées que votre volonté de signer aujourd’hui, succédant à celle de votre collègue de Seine-et-Marne et précédant celles d’autres de vos collègues, ne peuvent que nous inciter à poursuivre notre démarche.

Nous y sommes d’ailleurs conviés par les propos tenus, voici quelques semaines par M. le président de la République lors du cinquantième anniversaire du CNPF à Poitiers, sur l’esprit d’entreprise, les futures formes d’organisation du temps de travail et la souplesse qu’elles doivent revêtir au plus près du terrain.

À cet égard, je voudrais rappeler qu’aux diverses contreparties qui seront dues aux structures civiles d’emploi au titre de la disponibilité de leurs réservistes :
      - disponibilité programmée ;
      - contreparties financières ;
      - accès à de la formation ;
      - passerelles favorisant des transferts de technologie ;
      - partenariats en matière de recherche ;
      - utilisation de la veille technologique ;
      - développement d’un concept français d’affaires « civilo-militaires » orienté vers le monde de l’entreprise,

pourront, je dirai devront s’ajouter des formes appropriées d’organisations du travail.

Ces formes d’organisation du travail (2), capables de constituer une sorte de « capital temps annuel », contribueront à valoriser la démarche des salariés dans les entreprises lorsqu’elles ambitionnent de créer des emplois mais aussi de fournir à la défense la possibilité de disposer de cadres suffisants en nombre et en qualité, leur permettant d’être pleinement deux fois citoyens :
      - citoyen, vis à vis de leur entreprise, en marquant plus fermement encore leur volonté de solidarité pour créer des emplois durables ;
      - citoyen, une seconde fois, pour apporter à la défense leur temps et leurs compétences en bénéficiant d’une légitime reconnaissance de leurs efforts.

Parmi vous, je sais que plusieurs approuvent cette orientation.

Je sais aussi que les présidents des Associations nationales de cadres de réserve – dont j’ai toujours voulu qu’ils soient moins les témoins que les acteurs de cette politique – partagent ma détermination.

J’ai demandé au préfet, chef de la mission réserve de me faire, au titre des contreparties dues aux structures civiles d’emploi, des propositions en ce sens.

Cette recherche d’un partenariat équilibré, favorisé par des contreparties réellement appropriées, je souhaite le développer également avec les collectivités territoriales et, nous aurons le 12 décembre prochain, avec l’appui de mon ami, M. Jean-Pierre Soisson, président du Centre national de la fonction publique territoriale, plusieurs présidents de conseils régionaux, généraux et maire de grandes villes, l’occasion de concrétiser cette volonté.

C’est dire Mesdames et Messieurs, que j’entends vous convier, vous et ceux qui vous suivront tians cette démarche, à un grand mouvement novateur où les intérêts de la défense et les intérêts du pays sont intimement mêlés et qui doit constituer pour les partenaires sociaux, un signal fort.

J’ai eu l’occasion de dire que notre société était trop souvent marquée par l’individualisme et le repli égoïste sur soi.

La réalité est autre.

Le dossier ouvert par le futur statut de la réserve, qu’elle soit militaire ou civile, ne peut que nous inviter à marquer de manière exemplaire, au titre du lien rénové « Armées-Nation », notre détermination de créer un nouveau contrat de citoyenneté qui, en œuvrant pour une armée forte, des entreprises performantes, une société plus responsable, affirmera la volonté de s’engager sur la voie d’une solidarité authentique, où armée d’active, réserve et structures civiles d’emploi prendront véritablement leur part.

C’est à cette convergence des efforts, novateurs à bien des égards, que je souhaite aujourd’hui vous convier.

(2) Aménagement ou réduction.