Interview de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, dans "La Tribune desfossés" le 23 septembre 1996, sur la proposition de création d'un "conseil de stabilité" à caractère informel entre ministres des finances des pays de l'euro et sur la mise en oeuvre de sanctions contre les dévaluations compétitives.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Tribune Desfossés

Texte intégral

La Tribune : Vous insistez pour que soit créée une nouvelle instance, le « conseil de stabilité ». Quelle en serait la justification, sachant que plusieurs des partenaires de la France n’en volant guère l’utilité ?

Jean Arthuis : À partir du 1er janvier 1999, il existera un pouvoir monétaire central fort à travers la Banque centrale européenne. Où sera son nécessaire contrepoids politique. Il faut un équilibre entre le pouvoir monétaire et le pouvoir politique. Ce sera le rôle du conseil de stabilité, qui réunira sur une base informelle, les ministres des finances des pays euro. On ne construit pas l’Europe sans légitimité politique. Et que je sache, l’Allemagne, le Luxembourg ou les Pays-Bas, parmi d’autres, l’accueillent favorablement.

La Tribune : Quel sera le rôle de ce conseil ?

Jean Arthuis : Il permettra une concertation renforcée entre les pays euro pour assurer le strict respect par chacun du pacte de stabilité. Il pourra également traiter, toujours sur une base informelle, de la politique de change de l’euro vis-à-vis des devises non européennes : dollar, yen… D’après la commission, au cours des dernières années, la parité dollar-Écu a coûté à l’Europe plus d’un point de croissance. Avec l’euro et le conseil de stabilité, notre souhait d’un dollar qui s’apprécie sera mieux entendu. C’est même l’une des raisons d’être de la monnaie unique.

La Tribune : La Commission européenne déclare ne pas être informée des défaits de votre proposition sur ce conseil. Y aura-t-elle une place ?

Jean Arthuis : On aurait très bien pu ne pas en parler avant 199. Mais c’eut été une forme d’hypocrisie. Je ne vois évidemment pour ma part pas d’inconvénient à ce que la Commission y soit présente, bien au contraire. Mais cela pourrait contredire le caractère informel de ce conseil.

La Tribune : Un autre sujet vous tient à cœur sans enthousiasmer tous vos partenaires ; la mise ne place de mécanismes de sanction contre les pays pratiquant des dévaluations compétitives ; Avez-vous eu le sentiment d’avancer ?

Jean Arthuis : Qui peut s’accommoder de fluctuations monétaires excessives ? Dans le cadre d’un marché unique, elles portent préjudice à l’ensemble de la Communauté. Il nous faut donc prévenir ces dérives en imaginant des disciplines pour ceux qui ne seraient liés par aucun mécanisme de change. C’est valable aussi bien aujourd’hui que pour les pays qui, après 1999, ne participeront ni à l’euro ni au SME bis.

La Tribune : La Commission avait pourtant rendu un avis négatif sur vos propositions. Parviendrez-vous à convaincre vos collègues ?

Jean Arthuis : Sur la nature exacte des dispositions techniques à prendre, nous n’avons pas de dogme particulier. Nous sommes suivis par un certain nombre de pays, même s’il n’y a pas unanimité des Quinze sur ce sujet. La Commission a de nouveau été chargée d’étudier le dossier et le sujet sera dans la perspective du Conseil européen de Dublin en décembre. Je souhaite que l’on aboutisse à des propositions concrètes en matière de fluctuations monétaires excessives avant le sommet d’Amsterdam en juin 1997. En tout état de cause, je ne baisserai pas la garde sur ce dossier fondamental. Souvenez-vous : il y a un an, la France était seule à demander un nouveau système de change pour régler les relations entre pays « in » et pays « out ». Tout est aujourd’hui en bon ordre de marche.