Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame et Messieurs,
Vous voici réunis pour votre premier conseil d’administration ordinaire et je me réjouis vivement avec Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État aux Transports, de pouvoir procéder à son installation. Ce moment met un point final à la première étape de quelque dix-sept mois, qui a permis de parvenir à un changement de l’organisation institutionnelle du transport ferroviaire de notre pays. Dix-sept mois qui ont permis à cette réforme nécessaire de se faire en pleine concertation avec tous les intéressés et de mieux faire comprendre à l’intérieur de l’entreprise, comme à l’extérieur, ses objectifs et ses ambitions. Sans être la plus difficile, cette étape était sans doute celle qui semblait la moins probable, tant il était malaisé d’entrevoir d’autres façons d’être et d’agir après tant de décennies de stabilité, depuis 1937 exactement. Ce moment ouvre aussi, et c’est le plus important, des perspectives entièrement nouvelles.
Aussi, me permettrais-je, en cette occasion unique, de rendre, une fois de plus, hommage à votre président. Les questions pertinentes, qu’il a su poser au lendemain du conflit de 1995, ont ouvert la voie au riche débat du printemps dernier ainsi qu’aux idées essentielles soumises au Parlement. Elles ont permis de créer Réseau ferré de France avec l’objectif de promouvoir le renouveau du transport ferroviaire ; cette idée devra guider vos pensées et vos actions.
Je sais que vous appréciez, à leur juste ampleur, la tâche et les responsabilités qui vous sont confiées. Je n’en rappellerai pas les détails.
Les missions du nouvel établissement public, dont vous prenez les commandes, sont complexes et délicates. Je voudrais en évoquer devant vous, dans cette réunion exceptionnelle, quelques-uns des traits qui me paraissent essentiels.
Réseau ferré de France occupe une place centrale au sein d’un dispositif composé de l’État, des régions et de la SNCF. Il est, vis-à-vis de chacun de ces imposants acteurs, un passage obligé ou un lieu nécessaire où se concevront les orientations de la politique des chemins de fer de demain et du XXIe siècle.
Cette configuration originale tient autant à notre organisation institutionnelle et territoriale qu’à la volonté politique de conserver la SNCF son unité et sa double mission de transporteur et de gestionnaire délégué du réseau ferré, mode de gestion sans secret pour votre président. Cette configuration enjoint RFF de fonder son action sur sa compétence, sa capacité d’expertise, sa rigueur de pensée, sa gestion vigilante et son ardeur à expliquer les décisions stratégiques qu’il aura à préparer. Son autorité viendra bien entendu des moyens qu’il puise dans la loi, mais elle sera tout autant morale. Elle reposera sur la confiance et le respect qu’il saura inspirer aux trois grands interlocuteurs que j’ai cités. Les membres du Conseil d’administration, ici présents, que vous êtes, en sont bien conscients et connaissent les devoirs qui les attendent.
Avec M. François Gerbaud, qui a été rapporteur de la loi devant le Sénat, M. Dominique Bussereau, qui préside le comité d’orientation du PREDIT, M. Alain Bonnafous, éminent universitaire, ou M. Jacques Mallet et M. Jean-Claude Berthod, avec leur expérience professionnelle, les personnalités qualifiées de votre conseil sont toutes de grands connaisseurs des questions ferroviaires. Les représentants de l’État – et ultérieurement du personnel – auront profit à les écouter.
Qu’elles soient techniques, administratives, économiques ou financières, aucune des décisions que votre conseil sera conduit à prendre ou à proposer, aucune de ses appréciations sur les problèmes dont ils connaîtra, ne seront sans répercussion directe pour l’un des trois acteurs ou les trois à la fois, l’État, les régions et la SNCF.
Pour l’État, Réseau ferré de France est d’abord l’organe d’examen et de validation de toutes les grandes décisions relatives à l’infrastructure, à sa consistance et aux grand projets. Cette tâche prioritaire exigera, de sa part, beaucoup de lucidité et de fermeté notamment, je n’hésite pas à le dire, à l’égard de l’État lui-même, qu’il faudra, le cas échéant, mettre devant ses responsabilités.
De RFF, qui est avant tout maître d’ouvrage, l’État attend une rigueur et une vigilance sans faille dans l’estimation des investissements, de leur coût et de leur rentabilité financière, commerciale aussi bien que socio-économique. Des progrès dans les méthodes doivent être accomplis pour améliorer la fiabilité des prévisions, essentielles à toutes ses décisions. Une rigueur irréprochable s’impose tout autant dans la passation et l’exécution des marchés pour que les décisions du nouveau maître d’ouvrage ne soient plus jamais l’objet de contestations devant la Cour des Comptes ou le Conseil de la Concurrence.
Mais, parce que RFF est aussi un établissement financier, l’État attend naturellement que la dette de 134 milliards, mise à sa charge, soit très bien gérée. Au-delà, il attend surtout une gestion des équilibres financiers entre l’État, dont les contributions seront longtemps nécessaires, la SNCF, qui doit accroître ses ressources non publiques et réduire ses coûts d’exploitation et, enfin, RFF lui-même, responsable de la dette transférée et des investissements. L’objectif est l’amélioration sensible et progressive du bilan économique de l’ensemble SNCF-RFF ; c’est dans cet esprit que devront être déterminés les péages d’infrastructures, instruments clefs de la régulation du transport ferroviaire.
Il en sera de même des outils complémentaires de gestion des sillons et des circulations.
Pour les régions –et le ministre chargé des transports qui n’est pas ici leur interprète ne prétend pas parler en leur nom – RFF sera, d’abord, en raison de ses missions, un observateur actif de l’expérience de décentralisation engagée par les six régions volontaires. Il aura très vite à en apprécier les incidences et les développements, tant pour l’investissement auquel les régions contribuent que sur les progrès des services rendus, déterminants pour le transport ferroviaire régional et l’aménagement du territoire. Réseau Ferré de France peut sans doute faire confiance aux régions en tant qu’interlocuteurs très concrets dans leurs exigences.
Pour la SNCF, avec laquelle votre établissement entretiendra des relations étroites et fréquentes, l’enjeu est dans la nouveauté de la situation qui doit permettre, c’est l’esprit même de la réforme, la clarification des responsabilités.
Les deux établissements doivent s’entendre, parler le même langage comptable, s’informer mutuellement sans réticence, organiser méthodiquement leur travail commun, fixer clairement leurs engagements mutuels et les tenir.
La réforme introduit ainsi des exigences de transparence des décisions et des responsabilités des décideurs qui ne pouvaient pas s’exprimer auparavant. Son objectif premier et majeur est une grande efficacité du service du public, qu’il s’agisse du transport des voyageurs ou du fret.
L’avenir du transport ferroviaire, durement concurrencé par tous les autres modes de transport, sur toutes les distances, dépendra tout autant du projet industriel auquel la SNCF peut désormais pleinement consacrer ses ressources et ses moyens sans être écrasée par une dette d’investissement accablante, que des choix judicieux de RFF en matière d’investissement, afin qu’ils contribuent au progrès du chemin de fer au lieu d’en alourdir les charges d’exploitation.
Le dialogue confiant des deux établissements devra mettre en lumière de nouveaux critères d’efficacité qui n’apparaissaient pas nécessaires dans une organisation complètement intégrée. Vous les découvrirez ensemble progressivement. J’ai toute confiance dans la capacité de tous les acteurs à réussir l’ambitieuse entreprise que le pays, par la loi, vient de leur confier.
Et vous réussirez. Le Parlement y veillera également, tant au moment de l’examen du projet de loi de finances, que lorsqu’il recevra du Gouvernement le rapport qu’il a demandé pour le début de l’an 2000, de sa propre initiative, en introduisant l’article 17 de la loi du 13 février 1997. Trente mois seulement nous séparent de cette échéance qu’il convient de mettre à profit sans perdre un instant. L’effort substantiel demandé au contribuable nous impose à tous, Gouvernement, RFF et SNCF réunis, une rigueur exemplaire dans nos petites et grandes décisions. Il faut s’en souvenir, mais aussi le rappeler souvent.
Il faut enfin que vous ayez un regard curieux et attentif sur l’évolution des autres réseaux européens, engagés eux aussi, dans des changements profonds. Nous avons certainement beaucoup à apprendre de ce que font nos voisins. Leur réussite, comme leurs difficultés, seront instructives si nous savons bien regarder, de même qu’ils observeront notre réforme avec une égale attention.
La France gagnera la bataille du rail qu’elle doit livrer pour le sauver et elle fait confiance à Réseau Ferré de France, à la SNCF et à ses cheminots pour la gagner.
Vous devez avoir cette pensée chaque fois que vous aurez un moment délicat à traverser.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite bon voyage.