Texte intégral
Stéphane Paoli : Le coup de force au sein du RPF n’est-il que l’expression des divergences de définition et d’ancrage des mouvements ou le premier épisode d’une bataille sans merci pour la prochaine présidentielle ? Ça ressemble un peu à un putsch qui s’est… Oh la, la ! Vous êtes de mauvaise humeur, M. Pasqua ?
Charles Pasqua : Non, je ne suis pas de mauvaise humeur mais j’ai la gorge qui est un peu irritée. Ma gorge est plus irritée que moi-même, voyez-vous, M. Paoli !
Stéphane Paoli : Oui, vous êtes souriant. C’est un putsch ou pas ce qui s’est passé dans l’Hérault ? Une tentative de putsch au sein d’un mouvement qui est…
Charles Pasqua : Une tentative de putsch : n’exagérons rien ! Il faut ramener ça à sa juste proportion. Il faut quand même que, quelle que soit l’origine des gens qui nous ont rejoints, qu’ils apprennent à vivre ensemble. Ce n’est pas toujours facile. Pour certains, parce qu’ils étaient habitués à être dans une petite structure et à être tous d’accord sur tout. A partir du moment où on est dans un rassemblement, il faut accepter des sensibilités diverses. Et puis, il y a une règle, elle est simple. Cette règle, c’est celle de l’élection. Alors on s’en remet aux adhérents, c’est à eux de choisir, et on n’a pas à tenter de leur imposer un autre point de vue.
Stéphane Paoli : Mais est-ce que ça veut dire que votre mouvement cherche encore son ancrage politique ? Y a-t-il une volonté qui serait la vôtre, au fond, d’avoir une approche un peu transverse de la droite à la gauche sur la question du souverainisme ? Et y a-t-il, dans votre mouvement, des gens comme de Villiers ou Marchiani qui considèrent que, non, il faut vraiment un ancrage à droite ?
Charles Pasqua : Non, les choses ont été définies par notre congrès constitutif. Nous nous sommes assignés un certain nombre d’objectifs. D’abord, notre mouvement s’est créé sur l’idée de la défense de la souveraineté nationale. Mais, en fonction de cette idée de souveraineté nationale, nous avons décliné un certain nombre de choses et la priorité des priorités, pour nous, c’est le rétablissement des institutions de la Ve République que la cohabitation a minées. C’est une nécessité. Deuxièmement, ce débat droite-gauche n’a pas de sens. A partir du moment où l’on constitue un rassemblement et non pas un parti politique, on ne va pas demander aux gens leur religion. On ne va leur demander s’ils sont baptisés ou s’ils ne le sont pas, ou quelle est leur origine. On accepte tout le monde à condition qu’il y ait un accord sur les objectifs.
Stéphane Paoli : Quand même cette ouverture en trouble plus d’un ! P. de Villiers dans la presse ce matin, parle d’élections truquées à propos de ce qui s’est passé dans l’Hérault - donc au sein de votre propre mouvement, et alors qu’il est avec vous aux commandes. Ce n’est pas rien quand même !
Charles Pasqua : Oui, enfin, moi, je ne veux pas polémiquer avec P. de Villiers auquel j’adresse un salut amical ce matin. Il a d’autres chats à fouetter. Il a la marée noire qui menace ses côtes et donc, j’espère pour lui qu’elle sera arrêtée avant d’atteindre les côtes de la Vendée. C’est plus important probablement pour les habitants de la Vendée que cela. Mais je ne peux pas laisser dire des choses qui ne correspondent en rien à la vérité. Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est simple. Dans tous les départements, nous avons mis en place des structures provisoires. Ces structures provisoires étaient dirigées par deux coordinateurs, un qui émanait du MPF désigné par de Villiers et un autre qui incarnait une autre sensibilité…
Stéphane Paoli : La vôtre !
Charles Pasqua : Oui, moi mais pas seulement ça ! Nous nous sommes mis d’accord partout, sauf dans quatre ou cinq départements, et notamment dans le département de l’Hérault. Dans le département de l’Hérault, il y a eu un coordinateur nommé par de Villiers qui venait du MPF et qui était contesté par les gens mêmes du MPF. Et, pour mettre un terme à cette situation, nous avions envoyé un de nos militants, un de nos adhérents. Le secrétaire général, dont c’est le rôle et le devoir, a organisé des élections et ce sont ces élections que Marchiani - pour des raisons qui m’échappent - a tenté de perturber. Il n’y est pas arrivé. Les élections se sont quand même déroulées.
Stéphane Paoli : Oui, mais le résultat de tout ça c’est que, en regardant ce qui s’est passé et en lisant la presse, on finit par se demander s’il y a un axe de Villiers-Marchiani contre vous ?
Charles Pasqua : Oh écoutez, je ne crois pas que les choses se présentent tout à fait comme ça. Mais, de toute façon…
Stéphane Paoli : Marchiani parle de « la petite camarilla parisienne ».
Charles Pasqua : Oui, enfin, il vaudrait mieux qu’il pèse ses mots et qu’il apprenne à se regarder dans la glace avant de parler. Je crois que ça sera préférable pour tout le monde.
Stéphane Paoli : Ça chauffe quand même parce que ça a été un de vos proches collaborateurs, Marchiani. Enfin, on n’a pas oublié l’affaire des otages du Liban.
Charles Pasqua : Ne mélangez pas tout, M. Paoli !
Stéphane Paoli : Je veux dire que c’était quelqu’un qui était proche de vous.
Charles Pasqua : M. Paoli, ne mélangez pas tout. Le service de l’État est une chose. Et quand j’étais ministre de l’Intérieur, il a, effectivement, joué un rôle important que je ne méconnais pas et pour lequel d’ailleurs il a été, non pas récompensé, mais pour lequel la République lui a porté témoignage. Sur ma proposition, on en a fait un préfet, on lui a remis la Légion d’honneur, et j’en ai fait également un député. Donc, je n’ai rien contre Marchiani, bien au contraire. J’ai de l’amitié pour lui. Mais je n’accepte pas que l’autorité du secrétaire général soit bafouée et que l’on essaye d’imposer son point de vue. Voilà, ça, je ne l’accepte pas ! Je l’ai déjà dit et je le maintiens.
Stéphane Paoli : Qu’est-ce qui va se passer lors de la réunion du bureau national du RPF, le 6 janvier prochain ?
Charles Pasqua : Eh bien, nous verrons bien ! Chacun exposera son point de vue. Il y a ceux qui disent : « Ces élections ne se sont pas déroulées dans de bonnes conditions. » Ça, c’est l’avis général. Il y a ceux qui disent : « Malgré tout, l’issue des élections a été conforme au statut », et ceux qui disent le contraire. Eh bien, on comparera les témoignages et puis, ensuite, on tranchera. C’est un peu une tempête dans un verre d’eau. Vous savez, je ne suis pas sûr que ça passionne les masses.
Stéphane Paoli : Deuxième aspect de la question. C’était au début septembre. Vous étiez dans ce studio. Je vous avais posé la question de la présidentielle en vous demandant si vous envisagiez ou non d’être candidat. Vous n’aviez pas dit « non ». Vous n’aviez pas dit « oui », mais vous n’aviez pas dit « non ». La candidature d’un Pasqua contre un J. Chirac ce n’est pas rien ! Est-ce que cette affaire-là ne pouvait pas faire un peu les affaires de l’Élysée ? Est-ce qu’on n’a pas intérêt, ici ou là, à attiser un peu la camarilla au sein du RPF ?
Charles Pasqua : Oui, eh bien ça, c’est possible. Je suis persuadé qu’il y a, effectivement, des gens que ça arrange et que peut-être certains soufflent sur les braises. C’est possible mais c’est relativement secondaire. Les choses ne se présentent pas du tout comme ça.
Stéphane Paoli : Il paraît que certains se serviraient de l’affaire Elf et de ses collaborateurs - les vôtres - qui auraient été payés par Elf pour dire « Pasqua est là-dedans, il ne peut pas être candidat. »
Charles Pasqua : Pasqua n’est pas là-dedans. Deuxièmement, Pasqua porte plainte, ce matin pour diffamation. Eh bien moi, il ne faut pas se laisser faire dans la vie ! Moi, je suis plutôt un animal que les difficultés excitent et non pas l’inverse. Je n’ai pas tendance à m’effondrer. Ça, c’est un premier point. Idem pour la Chambre régionale des comptes. Je saisis ce matin également une juridiction. Donc, je ne me laisserai pas faire, je ne me laisserai pas diffamer sans réagir. Ça, c’est un premier point. Alors, ça intéresserait sûrement beaucoup de gens de pouvoir me coincer dans une affaire. Il y a trente ans que l’on essaye.
Stéphane Paoli : Mais vous êtes un trop fin politique, Charles Pasqua ! On essaye de vous coincer ?
Charles Pasqua : Je ne sais pas si on essaye de me coincer. En tous les cas, on essaye de porter atteinte à mon image.
Stéphane Paoli : En passant par l’Élysée ?
Charles Pasqua : Je ne dis pas en passant par l’Élysée.
Stéphane Paoli : J’essaye de comprendre. Vous savez, ce n’est pas simple !
Charles Pasqua : Oui mais, je ne suis plus au ministère de l’Intérieur. Comment pourrais-je vous répondre ? Je ne sais pas qui tire les ficelles. Je n’en sais rien. Je ne sais même pas si quelqu’un tire les ficelles. Je ne peux que regarder le résultat. Et comme j’ai une analyse marxiste des choses - ce qui va vous étonner - quand je ne comprends pas très bien, je positionne les choses et je dis : « A qui le crime profite ?. » Voilà.
Stéphane Paoli : Ça vous donne de plus en plus envie d’être candidat à la présidentielle ?
Charles Pasqua : J’ai déjà dit que, de toute façon, le courant que j’incarne devra être présent. Mais nous avons le temps. Il ne faut pas oublier que, l’année prochaine, le Président de la République va avoir des responsabilités particulières et, en fonction des décisions qu’il prendra à ce moment-là, non seulement en sa qualité de Président de la République mais en sa qualité de président de l’Union européenne, pour la modification des structures de l’Union et éventuellement pour de nouveaux abandons de souveraineté, eh bien ça sera la minute de vérité pour tout le monde. Et, en fonction de cela, le moment venu, je prendrai ma décision. Mais, je l’ai déjà dit, je n’exclus pas du tout l’hypothèse ou l’idée de porter moi-même ces couleurs.