Texte intégral
Olivier Mazerolle : La gauche parle de la victoire de M. Charzat comme la chronique d’une prise annoncée de la mairie de Paris en 2001. Ce n’est pas aller un peu vite en besogne ?
Daniel Vaillant : L’élection partielle d’hier, l’élection d’un député, donc une élection nationale même si elle est partielle, c’est d’abord la confirmation que la confiance dans le Gouvernement est là, elle n’est pas remise en cause. Je me réjouis que M. Charzat ait gardé à la gauche cette circonscription dans le contexte parisien que l’on connaît.
Olivier Mazerolle : Dans le contexte parisien, le PS justement doit se réorganiser après l’affaire de la MNEF !
Daniel Vaillant : Le Parti socialiste va prendre des décisions, ses militants ! Parce que je souhaite que ce soient les militants qui tranchent les questions, mais le faire en connaissance de cause avec esprit de rassemblement, éthique, collégialité, soutien au Gouvernement et à l’action du premier secrétaire, F. Hollande. Nous ne sommes pas en train de préparer un congrès. Il faut désigner une équipe, démocratiquement, avec le souci du rassemblement et c’est, modestement, ce à quoi je vais personnellement appeler.
Olivier Mazerolle : Cela fait : affaire contre affaire, MNEF contre mairie de Paris…
Daniel Vaillant : Ne mélangeons pas tout ! Il s’agit de (inaudible) du Parti socialiste à Paris, à son rythme. Il se trouve qu’il y a le changement du premier secrétaire qui va intervenir, sans drame. Mais tout cela doit être sous-tendu par une stratégie : le rassemblement des socialistes, des forces de gauche dans la capitale. Moi, je ne suis pas de ceux qui pensent que le combat commence aujourd’hui. Paris est une ville sociologiquement dominée par la droite. Je pense que - depuis 1995, avec L. Jospin à la présidentielle, la conquête de six arrondissements avec B. Delanoë et six maires de gauche - nous avons commencé un combat. Il faut le poursuivre avec, encore une fois, de la modestie, de l’écoute vis-à-vis des Parisiens. Faire des propositions, c’est ce à quoi j’appelle les socialistes. Et pas de « Paris gagné » avant de l’avoir gagné.
Olivier Mazerolle : Avec qui comme candidat ? On a beaucoup vu J. Lang hier soir qui était très présent dans le 20e arrondissement.
Daniel Vaillant : C’est très bien que J. Lang vienne féliciter M. Charzat. Moi-même, j’y étais !…
Olivier Mazerolle : Il a peut-être envie de se présenter à Paris !
Daniel Vaillant : C’est vrai que je suis venu en tant que voisin, en tant que Parisien. Mais, écoutez, c’est très bien que J. Lang soit là et j’espère bien qu’il nous aidera, comme personnalité nationale, à conquérir Paris.
Olivier Mazerolle : Il faut le retour d’un grand nom du PS pour diriger la liste à Paris, ou bien un élu parisien ?
Daniel Vaillant : Je me prononcerai le moment venu sur ces sujets. Paris ne manque pas de talents, notamment à gauche, pour faire bouger les choses, pour faire en sorte que…
Olivier Mazerolle : Donc, plutôt un élu parisien, pour vous ?
Daniel Vaillant : Un élu ! Plutôt des élus, des candidats, des femmes et des hommes. Vous savez, nous avons connu à Paris des combats que nous n’avons pas réussi à gagner. Nous en avons, depuis, gagnés. C’est bien ! Mais il faut progresser. Paris n’est pas gagné.
Olivier Mazerolle : Le RPF n’a pas donné de consignes à ses électeurs. Est-ce que vous espérez que le RPF va jouer dans l’avenir à droite le rôle, que jouait le FN, de diviseur ?
Daniel Vaillant : J’ai bien vu cette absence de prise de décision de M. Pasqua, M. de Villiers était lui dans l’autre sens. Je crois que cela n’a pas joué. Les électeurs ne sont pas captifs. Et finalement hier, c’est droite-gauche : 54,29 % d’un côté et 45 et quelques de l’autre. La droite est donc encore là. Il ne faut pas l’oublier. Moi, je ne l’oublie pas. Et par ailleurs, les électeurs de droite ont voté à droite, les électeurs de gauche ont voté à gauche. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
Olivier Mazerolle : À la tête du RPR, il y a une femme, Mme Alliot-Marie. Une femme pour un redémarrage. Cela va chauffer ?
Daniel Vaillant : Je lui souhaite bon courage. Elle est élue. Je crois que le RPR a pris la mesure des choses et a fait un peu comme le Parti socialiste en son temps : il a fait voter ses militants. Je vois que tout le monde se réjouit au RPR de l’élection de Mme Alliot-Marie. Tant mieux s’ils sont contents tous de l’élection de celle qu’ils n’ont pas soutenue.
Olivier Mazerolle : Elle ne cache pas qu’elle aime la castagne et elle a dit : « L’homme que je déteste le plus c’est L. Jospin. » Ça promet !
Daniel Vaillant : Elle eût été mieux inspirée en disant par exemple, Mégret ou Le Pen, mais ça lui avait échappé. C’est une petite faiblesse. Ce que je souhaite c’est que Mme Alliot-Marie puisse faire des propositions le cas échéant. Ça serait nouveau. Je pense que c’est une femme très classique de droite. Je n’ai pas à commenter une décision interne au RPR. Mais, puisqu’elle le prend sur ce ton, elle nous trouvera aussi à gauche pour combattre les idées à partir du moment où le RPR en exprimera lui aussi. Combattre sur le terrain des idées, pas sur celui des attaques personnelles.
Olivier Mazerolle : Cela ne va pas relancer la bataille entre le Président de la République et le Premier ministre ?
Daniel Vaillant : Pourquoi voulez-vous que cela relance quoi que ce soit ? C’est l’élection du président du RPR… (inaudible)… le Président de la République ne souhaitait pas son élection avant le premier tour.
Olivier Mazerolle : On parle beaucoup en ce moment d’un possible vote des étrangers aux élections municipales. Il y a une proposition de loi du Parti communiste et du Parti socialiste. Hier, un membre du Gouvernement, M. Bartolone, s’est déclaré pour. Cela va venir ?
Daniel Vaillant : Je trouve que c’est une bonne proposition dans la mesure où on l’a faite depuis très longtemps. Mais c’est peut-être là où est le problème : je pense qu’il faut lancer cette discussion. L’opinion bouge, tant mieux, la raison va peut-être finir par l’emporter : faire voter des femmes et des hommes qui payent des impôts dans des municipalités ; qu’ils aient le droit de voter dans ces municipalités après cinq ans de résidence, cela serait normal. Ceci étant, il ne faut pas faire des promesses que nous ne pourrions pas tenir. Je suis convaincu qu’avant 2001 cela sera extrêmement difficile. Le Président de la République ne veut pas. Il faudrait une révision constitutionnelle qu’il ne voudra manifestement pas. Donc, je crois qu’il ne faut pas lancer des choses qui n’arriveraient pas. Pour plus tard sans doute ! Il faut convaincre, essayer d’expliquer. Ça progresse dans l’opinion. Ce sera juste. Je me réjouis qu’une idée juste progresse, mais je ne crois pas que nous soyons en état de pouvoir faire cela dès les prochaines municipales.
Olivier Mazerolle : Quand on dit à droite : « L. Jospin c’est comme Mitterrand, il agite le chiffon rouge pour faire renaître l’extrême droite et diviser la droite » ?
Daniel Vaillant : En tout cas, ce n’est pas L. Jospin qui agite quoi que ce soit. Ce sont des propositions d’origine parlementaire. Comme quoi, il y a bien aujourd’hui le respect du Parlement qui a sa capacité d’initiative ou de contrôle. Le Premier ministre ne s’est jamais prononcé contre le vote des immigrés, simplement il a toujours dit : « Moi, je ne veux pas faire des propositions qui n’ont pas la capacité d’aboutir. » Donc, ce n’est pas la peine de prendre les Français sur un terrain où ils ne pourront pas aller avant 2001 et se prononcer en ce sens.
Olivier Mazerolle : Lundi prochain, le Premier ministre va recevoir les élus corses. Parmi eux, les nationalistes qui n’ont pourtant pas condamné le recours à la violence. N’est-ce pas les légitimer que de les recevoir ?
Daniel Vaillant : Ils ont été légitimés par le suffrage universel. Et nous avons toujours dit : « Le dialogue est possible avec les élus du suffrage universel pour peu qu’ils acceptent les règles du jeu. » Je constate que les élus nationalistes, qui n’ont peut-être pas suffisamment et nettement condamné notamment les derniers attentats, même s’ils les ont réprouvés, je pense que le fait qu’ils viennent à Paris à l’invitation du Premier ministre est peut-être le signal qu’ils acceptent le dialogue avec les autorités françaises, la République française, l’État français. Je pense que c’est de bon augure pour ce dialogue dans le cadre du respect des règles de droit, des valeurs de la République et du respect des Corses eux-mêmes, parce que la majorité des Corses n’est pas sur la longueur d’onde de ceux qui posent des bombes et tuent.