Texte intégral
RTL - mardi 15 octobre 1996
R. Hue : Les finances du Parti communiste, on sait comment elles fonctionnent. Elles fonctionnent avec les cotisations des militants, les élus. Moi-même qui suis élu, je reverse mes indemnités au Parti pour qu'il vive. Vous savez qu'on fait des souscriptions, bientôt les vendeurs de muguet du Parti communiste que l'on voit sur les places publiques le 1er mai pour faire de l'argent pour le Parti communiste, on va les mettre en examen ! C'est tout à fait inadmissible. Si on croit nous intimider ! On ne faiblira pas en la matière.
RTL : Un dirigeant de la CGE, J.-D. Deschamps, a dit à la barre, à La Réunion la semaine dernière, qu’il participait au financement de partis politiques, vous n’en faites pas partie ?
R. Hue : Que la justice fasse son travail. Mais il est bien clair que le Parti communiste n'a pas les ressources financières que l'on indique, venant de ces sociétés.
RTL : Vous n'êtes pas concerné par ces 13 millions de francs ?
R. Hue : Absolument pas. Et je ne peux pas ne pas faire le rapprochement avec, effectivement, la façon dont le Parti communiste aujourd'hui, je répète, mène son combat dans la société française et notamment les bons résultats qu'il vient d'obtenir. Toul cela est lié, ce n'est pas le hasard, je n'y crois pas.
France 2 - mardi 15 octobre 1996
D. Bilalian : Que répondez-vous à ceux qui accusent le parti de bénéficier de fonds illégaux tirés de sociétés satellites du Parti communiste français ?
R. Hue : Je veux dire très franchement, très directement : j'affirme qu'il n'y a pas un centime, je dis bien un centime ! qui est venu des sociétés en question, Socopap ou Gifco dans la trésorerie du Parti communiste. Cette trésorerie est totalement transparente. D'ailleurs, elle fait l'objet de présentation publique chaque année puisque le Parti communiste – comme les autres formations politiques – bénéficie de fonds d'État. Mais je veux dire qu'il s'agit là d'une attaque délibérée contre le Parti communiste. Pourquoi cette attaque délibérée ? Parce qu'on ne supporte pas, dans les milieux d'affaires, que ce parti s'en prenne à l'argent-roi dans la société française. Qui ne m'a pas entendu, sur cette antenne ou ailleurs, dire combien je considérais que l'argent-roi, l'argent corrompu était quelque chose qu'il fallait absolument mettre en cause dans cette société ?! Alors, vous voyez, je ne crois pas au hasard. Le hasard, cela fonctionne peut-être au Loto mais pas en l'occurrence. On voit bien que ce qui est en train de se passer là, en essayant de mettre le Parti communiste dans le même sac que d'autres partis, avec un amalgame que l'on sait, cela vise en fait à permettre la démagogie de Le Pen. Quand je dis que ce n'est pas le hasard ; quand même ! Cela fait des années...
D. Bilalian : Précisez : c'est une attaque du pouvoir politique actuel ? C'est les juges qui abusent de leur pouvoir ?
R. Hue : Cela fait des années que l'on essaye de mettre en cause le Parti communiste pour les raisons que j'indiquais à l'instant. Écoutez, le lendemain d'une élection à Gardanne où l'image du Parti communiste est en train de se redresser dans la société française, où l'on est en mesure au deuxième tour de faire plier Le Pen...
D. Bilalian : C’est une attaque politique dirigée : du gouvernement ? De la justice ?
R. Hue : Je ne peux pas dire les choses aujourd’hui…
D. Bilalian : Cela ne veut pas dire que le Parti communiste, parce qu'il lutte comme d'autres partis contre le Front national, est au-dessus des lois ?
R. Hue : Absolument pas, le parti communiste n'est pas au-dessus des lois ! Il y a une action en justice et la justice doit faire son travail. Quand le juge est venu au Parti communiste, dans mon bureau, il a eu les dossiers ouverts, dans la transparence. Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus. Mais je veux que les Français voient bien qu'il y a là une opération politique visant à mettre en cause ce parti qui, aujourd'hui, est en mesure de faire plier Le Pen dans cette société.
D. Bilalian : Comment fonctionne le Parti communiste ? Vous ne faites pas comme ont fait les autres partis ? Vous n'avez pas de société Urba, de fausses sociétés qui vous renvoient de l'argent directement ou indirectement. Comment vivez-vous ? Quel est le budget du Parti communiste ?
R. Hue : Le budget du Parti communiste est autour de 100 millions. Je vais vous dire comment il fonctionne, et je vais vous le dire dans le détail, dans toute la transparence des choses. D'abord, il y a des moyens financiers d'État, comme toutes les formations politiques ; mais l'originalité du Parti communiste, c’est : 1. Tous ses élus reversent systématiquement leurs indemnités. Je suis maire, voyez-vous, et conseiller général, et je reverse mes indemnités au parti, et j’ai un salaire de 13 000 francs. Ensuite, il y a les souscriptions. Les Français qui m’écoutent aujourd’hui savent qu’ils n’ont pas pu, à un moment ou un autre, ne pas rencontrer sur une place publique, dans un lieu public, des militants communistes qui font la souscription, qui vendent le muguet le 1er Mai – va-t-on mettre les vendeurs de muguet du Parti communiste en examen ? –, et il y a les cotisations du Parti communiste.
D. Bilalian : Lorsque vous parlez du muguet, c’est un peu court, non ?
R. Hue : Non, ce n’est pas court.
D. Bilalian : Cela fait cher le brin !
R. Hue : Ce n'est pas court ! Il y a des centaines de milliers de communistes qui contribuent à cette souscription. Mais je voudrais ajouter ceci : quand on parle du Parti communiste en essayant de ternir un peu les choses, moi je ne me fais pas construire de villa sur la Côte d'Azur avec enrichissement personnel ! Je vis depuis vingt ans dans une cité au milieu des HLM, dans ma commune. Je n'ai jamais déménagé, moi ! Et ce que je veux dire également, c'est que je vis comme un citoyen moyen. Ma femme est infirmière...
D. Bilalian : Ce n’est pas vous qui êtes attaqué personnellement ! Vous niez complètement tout financement occulte ?
R. Hue : Je nie tout financement occulte ! Il n'y a pas un centime, un centime je dis bien !, de ce qui a été évoqué tout à l'heure du point de vue de ces sociétés que vous trouverez dans la comptabilité du Parti communiste. Cette comptabilité a fait l'objet d'ailleurs d'une vérification, elle est transparente et, de ce point de vue, je fais complètement confiance à l'instruction.
France 2 - lundi 21 octobre 1996
G. Leclerc : Nette victoire du communiste Roger Meï à la législative partielle de Gardanne, 60 % des suffrages. Comment l’interpréter : est-ce que c’est la victoire locale d’un bon candidat dans une circonscription traditionnellement de gauche ou est-ce qu’il faut y voir un vote anti-Maastricht, une sanction du gouvernement ?
R. Hue : Je crois d’abord que c’est un très grand succès pour la gauche, pour les démocrates dans l’ensemble des forces progressistes de ce pays. Ça tient beaucoup à la personnalité du candidat, cet homme de terrain. Quand je dis la personnalité, c'est aussi une façon de faire la politique au plus près des gens. Naturellement, il faut voir dans cette élection d'autres enseignements, enseignements majeurs pour le pays. Je crois que ça traduit bien le renouveau, l'image du Parti communiste dans le pays. Il faut dire que cette victoire d'un député communiste à Gardanne vient au terme d'une semaine où l'on a essayé de mettre en cause le Parti communiste. Là, le désaveu est cinglant pour ceux qui voulaient effectivement flatter la démagogie de Le Pen. C'est, je crois aussi, un échec important pour, je dis l’extrême droite, mais la droite : Alain Juppé, là aussi, à travers cette élection, subit un camouflet par rapport à sa politique sociale, il y a un désaveu important. Et il y a la démonstration de la capacité de rassemblement du Parti communiste au premier tour autour de forces de gauche, dans une dynamique d'alternative à gauche et, au deuxième tour, de large rassemblement, au-delà même des forces de gauche, des forces démocratiques de la République.
G. Leclerc : Cette élection ouvre de nouvelles perspectives, justement pour l'union des forces de gauche ?
R. Hue : Oui, je crois que ça crée des conditions très positives, assez nouvelles du point de vue des possibilités d'une union nouvelle. Il est important pour la gauche française que le Parti communiste ait cette place dans la société, que son apport soit plus grand et donc son influence plus grande également dans les élections. Tout cela est très positif et ça participe aussi d'une grande volonté d'aller à une construction politique nouvelle, une alternative qui n'existe pas encore.
G. Leclerc : Vous avez rappelé que, la semaine dernière, vous aviez été mis en examen avec Georges Marchais. Vous avez parlé à l'époque d'opération de déstabilisation du Parti communiste dans la perspective de ces élections. À première vue, ça n'a pas fonctionné ?
R. Hue : C'est vrai qu'il y a eu une attaque contre le Parti communiste visant à le déstabiliser dans le cadre de cette élection. Ça n'a pas fonctionné, même le résultat est probant. Mais il y a la volonté de porter atteinte au Parti communiste parce que, vous le savez, à notre façon, nous les communistes mettons en cause l'argent dans cette société, l’affairisme, et donc on ne supporte pas cela dans les milieux d'affaires, dans les milieux corrompus, et on essaie d’entacher notre image.
G. Leclerc : Vous maintenez que vous n'êtes en aucun cas impliqué dans ce cas ?
R. Hue : Absolument, je le maintiens totalement. Je crois que la justice en fera la démonstration.
G. Leclerc : Les sondages sont très mauvais pour le gouvernement, Alain Juppé ce matin, dans une interview au « Progrès », dit que la situation s'améliore quand même sur tous les fronts sauf, reconnaît -il, sur celui du chômage ?
R. Hue : Je me demande sur quelle planète il vit Alain Juppé. Où est-il ? La vie des gens est terrible. On voit une accélération au contraire des difficultés en matière d'emploi – il le dit certes – mais dans tous les domaines. Parce que cette question de l'emploi est structurante à l'ensemble des questions de société. Les problèmes de la société : c'est la société elle-même qui va mal. Et je crois que toute la politique actuelle de ce pouvoir va dans le sens d'une aggravation. Et on voit bien la façon dont Alain Juppé, son gouvernement mais aussi Jacques Chirac en subissent terriblement les conséquences dans les enquêtes d’opinion.
G. Leclerc : Oui, mais pourtant la grève de jeudi dernier n’a été, semble-t-il, qu'un semi-succès, un peu entaché, en plus, par l'affaire Notat ?
R. Hue : Je ne crois pas que ça soit un semi-succès. C'est le prolongement du mouvement de novembre-décembre 1995. Le gouvernement n'a pas répondu, n'a pas entendu.
G. Leclerc : Il pourrait y avoir des suites ?
R. Hue : Oui, je pense qu'il y a là une certaine situation d'attente pour le monde du travail. Il y a de l’exaspération, de la révolte, ça ne peut pas continuer comme ça. C’est clair, les gens vous le disent, ça ne va pas, il faut que ça change. Aujourd’hui naturellement, il y a ce mouvement social qui se développe, qui va se développer. Mais la gauche, cela lui donne des responsabilités importantes. Il faut qu’aussi, dans une situation comme ça, elle apporte une réponse alternative, ce qui n'est pas encore le cas.
G. Leclerc : Dans la préparation du 29e congrès du Parti communiste, il n'y a pas d'unanimité cette fois-ci. On a vu aussi bien les orthodoxes que les refondateurs ont marqué leur différence. Est-ce qu'il faut se féliciter de cette démocratie ou s’inquiéter de cette division du Parti communiste ?
R. Hue : Il y a un très large accord sur le texte qui est proposé, où d'ailleurs figurent, dans une partie du texte, des points de vue différents. C'est un choix délibéré. Ce congrès du Parti communiste se prépare dans des conditions inédites, c'est une étape nouvelle où les communistes prennent la parole, où il y a plus que jamais un rapport à la société qui est nouveau et il y a cette diversité qui s'exprime. Qu'il n'y ait pas d’unanimisme, c'est bien.
G. Leclerc : C'est nouveau, au Parti communiste ?
R. Hue : Oui, mais quand même, ça fait déjà un moment. Il reste que la diversité, qui auparavant était considérée comme un inconvénient, aujourd'hui devient une richesse. C'est formidable, il faut que les points de vue soient entendus, que tout cela s'exprime. Il faut qu’il y ait un Parti communiste qui, dans la richesse de sa diversité, soit plus fort pour apporter des réponses que le pays attend et Gardanne est une belle traduction de tout ça.
G. Leclerc : Pour jeudi dernier, l'image de Nicole Notat bousculée, chahutée, ça vous a choqué vous ?
R. Hue : Je pense que Nicole Notat a pris des positions favorables au gouvernement Juppé, aux réformes Juppé, qui ont choqué beaucoup les salariés. Mais je ne suis pas pour que l'on bouscule les gens, ce n'est pas ma façon de faire.