Texte intégral
Chers Amis, chers camarades,
Cette intervention que je fais ici au nom de l'UNSA et à l'invitation du secrétaire général de la FASP se situe (pour le moins) dans un contexte bien particulier.
Ce congrès de la FASP a lieu alors que de toutes parts l'ordre que vous, policiers, vous incarnez et représentez, alors que cet ordre est attaqué de toutes parts.
Ce n'est certes pas la première fois, mais ce qui change aujourd'hui c'est la nature et l'intensité de ces attaques. Et je voudrais prendre trois exemples que vous connaissez tous et que je tire de l'actualité la plus récente :
- c'est ainsi qu'on découvre avec horreur et dégoût que même l'enfance n'est plus un âge sacré et que dans une société où tout se vend, l'enfant est aussi objet de commerce sexuel. On découvre aussi qu'on peut mourir à 14 ans en sortant de l'école un couteau en plein coeur, et cela sans raison, pour rien, l'acte gratuit par excellence et donc foncièrement absurde ;
- cette violence qui traumatise toute une société on la retrouve aussi – et ce n'est pas un hasard – dans le discours d'un homme politique comme Le Pen qui volontairement s'affiche comme un raciste et veut faire de la politique comme on en faisait dans les années 1930 par la bastonnade et l'huile de ricin ;
- mais à ces violences spectaculaires et qui défrayent la chronique, il faut en ajouter une, plus sournoise et qui taraude les coeurs et les esprits et qui elle, désespère souvent en silence ceux qu'elle frappe : c'est la violence des fins de mois difficiles, des enfants que l'on ne peut pas envoyer en vacances faute de moyens, des RMI et des « restos du coeur » ? En un mot c'est la violence de la pauvreté que subissent des millions de nos concitoyens.
Et toutes ces violences, vous devez les combattre. Vous les combattez professionnellement en tant que policiers, vous les combattez aussi en tant que syndicalistes.
Voilà pourquoi, plus que d'autres, vous êtes à la fois en tant que policiers et en tant que syndicalistes en première ligne.
Voilà pourquoi le syndicalisme policier est un enjeu de pouvoir, voilà pourquoi s'il fallait que je vous délivre un seul message je vous dirais tenez bon.
Tenez bon autour de quelques principes, soyez fidèles aux grandes valeurs du syndicalisme policier républicain qu'a toujours incarné la FASP et sachez que vous n'êtes plus seuls. Je crois que l'on appréciera à sa juste valeur dans quelque temps la chance que représente pour nous tous – policiers, enseignants, ouvriers, cheminots – de parler, de travailler ensemble. Par votre adhésion à la FGAF et donc à l'UNSA les questions interprofessionnelles sont aussi les vôtres et les questions de la police sont aussi les nôtres.
Cela s'est bien sûr manifesté avec éclat le 29 mai dernier où c'est grâce à l'UNSA et malgré l'interdiction qui vous avez été opposée par le ministère de l'intérieur qu'a eu lieu cette magnifique manifestation, au cours de laquelle la police républicaine a pu faire cette démonstration de force. C'est aussi sous le signe de l'UNSA que dans les régions et les départements des policiers de la FASP siègent dans les comités économiques sociaux régionaux, dans les commissions de modernisation des services publics, demain dans les caisses primaires d'assurance-maladie ou les caisses d'allocations familiales. C'est dans ce travail en commun dans les départements et les régions que se forge notre syndicalisme.
Alors ce syndicalisme-là quel est-il ? Je dirais très simplement qu'il repose sur quelques principes solides et sur une bonne grosse dose de bon sens. Ce syndicalisme-là, il affiche des objectifs ambitieux mais il sait aussi que nos collègues sont intéressés par les « gamelles et les bidons et ce qu'on y met de dedans ».
Vous savez tous qu'on ne nourrit pas son homme seulement avec de beaux discours. Voilà pourquoi nos collègues attendent de nous des résultats. Et il n'y a pas pour nous de sujets syndicaux nobles et d'autres qui le seraient moins. Se battre pour améliorer les conditions de travail dans une école, un commissariat est aussi important que de débattre des critères de convergences de Maastricht. Reste qu'il faut toujours se rappeler que si le syndicalisme n'a aucune vocation à assumer les espérances politiques déçues, il faut qu'il soit par contre en capacité de demander à ceux qui gouvernement, rigueur et cohérence dans l'action qu'ils conduisent et cela eu égard aux engagements pris. Et cela quelque que soit le gouvernement en place.
Notre crédibilité se joue aussi là. Le syndicalisme a trop souffert de collusion avec le politique pour que l'indépendance syndicale ne soit pas recherchée à tout prix. Cela bien sûr ne doit signifier une quelconque indifférence bien au contraire.
Le syndicalisme que nous pratiquons doit nous permettre de lever la tête du guidon et de nous prononcer et d'agir sur les grands dossiers interprofessionnels qui ont pour nous de l'influence sur la vie de tous les jours et dans les jugements que nous portons, soyons sans concessions quelle que soit la « couleur de politique » des gouvernants en place.
Dire aujourd'hui que ce gouvernement a comme seul horizon la lutte contre l'inflation et la défense de la monnaie et cela au détriment de l'emploi, c'est faire du syndicalisme.
Dire que la réforme fiscale qui nous est proposée est socialement injuste et économiquement inefficace car incapable de relancer la consommation c'est faire du syndicalisme. Aujourd'hui il est clair que ceux qui peuvent consommer ne le veulent pas, et que ceux qui voudraient consommer ne le peuvent pas. Et c'est cela le vrai problème.
S'opposer à la façon dont on traite les services publics – qu'il s'agisse des administrations ou les grandes entreprises publiques que l'on démantèle, que l'on privatise, c'est faire du syndicalisme.
Dénoncer la méthode gouvernement qui consiste à afficher des intentions généreuses dans les discours et qui fait ensuite exactement l'inverse des intentions affichées, c'est aussi faire du syndicalisme.
Et tout cela, l'UNSA sait le faire. Avec vous le 29 mai, avec l'éducation nationale le 30 septembre prochain, avec tous les fonctionnaires le 17 octobre, nous serons dans la rue. Mais cette seule dénonciation ne suffit pas et notre syndicalisme ne doit pas s'en accommoder. Les coups de gueule et de menton ne suffisent pas. Il faut aussi faire le plus difficile, c'est-à-dire proposer, imaginer, se battre et réfléchir, faire avancer les dossiers, en un mot : remplir les gamelles et les bidons.
C'est ce syndicalisme là que nous pratiquons à l'UNSA et dans lequel vous devez vous retrouver. Un syndicalisme qui marche sur ses deux jambes, revendications et propositions. Et nous sommes certains que sur ces principes que je viens d'énoncer, sur cette pratique nous pouvons rassembler une grande partie des salariés de ce pays.
Je voudrais donc vous dire pour conclure qu'en tant que syndicaliste policiers, vous devez occuper, dans ce débat, au sein de la FGAF et au sein de l'UNSA toute votre place. Plus que jamais ensemble, nous devons réaffirmer le rôle irremplaçable de l'État et des services publics pour notre pays.
Nous devons réaffirmer que service publics et République sont intimement liés, sans tomber dans le républicanisme nostalgique qui ne peut servir que de replâtrage idéologique.
Sachons conserver ce qui fait toute la richesse de cet esprit républicain : fierté patriotique certes, mais aussi idéal démocratique et éthique universaliste.
Les mises en cause récentes des fonctionnaires, des agents publics peuvent offrir un tremplin au national populisme qui ne peut se confondre avec l'extrême-droite mais qui en est souvent l'antichambre.
Ce national populisme qui cultive volontiers un esprit cocardier, sensible aux flatteries chauvines, irrigue toute un parti du mouvement syndical.
Il se nourrit de la peur sociale, du repli identitaire et d'un certain goût pour les hommes providentiels et les démagogues de toute nature.
Il se nourrit du rejet de l'Europe, du développement du chômage, de la précarité et de l'exaspération sociale. Ce danger, nous devons le regarder bien en face et lui trouver des contrepoisons efficaces et dans ce domaine, vous policiers, avez un rôle capital à jouer.
Voilà, chers amis, chers camarades, les quelques mots que je voulais vous adresser. Ensemble, j'en suis sûr, nous pourrons relever les formidables défis que cette époque nous a lancés.
Je vous remercie.