Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur le rôle de la Confédération internationale des Sociétés d'auteurs et compositeurs (CISAC), et sur l'attachement de la France à la défense du droit d'auteur et à l'exception culturelle, Paris les 18 et 19 septembre 1996.

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Circonstance : Audience de la Confédération Internationale des Sociétés d'Auteurs et de Compositeurs (CISAC) et clôture du congrès de la CISAC, à Paris les 18 et 19 septembre 1996

Texte intégral

Allocution à l’occasion de l’audience avec une délégation de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs (mercredi 18 septembre 1996)

Mesdames, Messieurs les représentants de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs,

Comme vous l’a dit lundi mon collègue Jacques Godfrain je n’ai pu, à mon grand regret, témoigner personnellement, à votre congrès, l’attention que je porte à la sauvegarde des droits des auteurs et à l’importance essentielle de la gestion de ces droits par les auteurs eux-mêmes.

Aussi, avant de m’adresser plus spécialement à Mme Marilyn Bergman votre présidente, je voudrais vous confirmer que, pour le ministre français de la Culture, la protection des créateurs est un facteur essentiel de la vie culturelle.

Je suis attentif aux tensions qui accompagnent l’évolution technique qui vous projette dans l’ère numérique. La France s’opposera dans les négociations internationales prochaines aux pressions commerciales excessives qui pourraient menacer la conception humaniste du droit d’auteur, à laquelle nous sommes attachés, en Europe, et particulièrement en France.

Mes collaborateurs m’ont rendu compte de la qualité des débats de vos premières journées sur le thème de l’auteur au prochain millénaire. Je connais la compétence que vous vous êtes collectivement donnée pour faire face aux défis techniques.

Je souhaite que votre organisation de coopération internationale se renforce pour que s’équilibre, à l’heure d’internet, le dialogue entre créateur et industries de la communication. J’espère que votre solidarité permettra de dépasser les différences de conceptions qui partagent le champ de la propriété intellectuelle, et d’éviter qu’elles s’accentuent sous l’effet de préoccupations uniquement économiques.

La libre créativité des auteurs est nécessaire à l’équilibre du monde de demain. Je forme d’autant plus ce vœu qu’en Marilyn Bergman, le gouvernement français va honorer l’animatrice d’une des principales sociétés d’auteurs américaines.

Cette distinction dans l’ordre des Arts et Lettres concerne aussi bien la présidente de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs que l’auteur, la parolière, qui participe avec talent à la vie musicale américaine et mondiale, et que je sais sensible au rôle du créateur dans la vie moderne.

 

Toast de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la Culture, à l’occasion de la clôture de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (jeudi 19 septembre 1996)

Madame la présidente de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs,

Chère Mme Marilyn Bergman,

En vous recevant hier pour vous remettre la distinction dont le gouvernement français a tenu à vous honorer, je vous ai dit toute l’attention que je porte à l’action de coopération internationale de la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs, cette grande famille des auteurs que vous présidez.

Mesdames et messieurs les représentants des cent soixante-trois sociétés d’auteurs de toutes les parties du monde, je suis heureux de partager avec vous, ce soir, dans cette ambiance de fête musicale, les derniers moments d’un congrès particulièrement riche de réflexions et de propositions.

Retenu de longue date par l’inauguration de l’université franco-russe, je n’ai pu vous accueillir moi-même au début de votre réunion. Mon collègue, le ministre délégué à la Coopération, vous a transmis le message que je souhaitais vous adresser au nom du gouvernement français.

Solidarité et compétence, telles sont les qualités reconnues à votre confédération. Elles vous permettent de jouer un rôle déterminant dans le processus d’adaptation de la protection des créateurs aux contraintes du nouveau monde numérique.

L’existence dans quatre-vingt-dix pays de sociétés de gestion collective est la manifestation de la solidarité internationale des auteurs de toutes les disciplines de la création intellectuelle. Vos organismes de défense professionnelle sont les interlocuteurs indispensables des utilisateurs des œuvres de l’esprit, éditeurs, producteurs, diffuseurs et désormais serveurs de réseaux.

Leurs succès commerciaux sont bénéfiques pour les économies nationales, mais ils ne peuvent se bâtir sans vous, car ils mettent en valeur non pas des produits mais des œuvres de l’esprit, les œuvres de la personnalité de chaque auteur. Oui, votre présence ce soir démontre que, dans le monde entier, s’affirme votre solidarité face aux industries de la communication. À leurs concentrations qui s’affermissent sans cesse, doit répondre la solidarité renforcée des créateurs.

Votre compétence est votre second atout. Si l’auteur isolé sera de plus en plus démuni, il doit pouvoir trouver auprès de vos sociétés une réelle capacité de gestion. Vos sociétés sont de véritables entreprises, gérées avec beaucoup d’efficacité dans le souci des intérêts des auteurs.

Mais elles doivent renforcer aussi leur compétence technique pour entrer dans le jeu numérique de la société de l’information, du cybermonde qui s’esquisse. J’ai été informé des résultats remarquables qu’en deux ans votre secrétariat général a obtenus pour assurer le codage et l’identification des œuvres sur les réseaux numériques.

Mon ministère et les professionnels français ayant participé à ces innovations, je sais que, pour employer un vocabulaire au goût du jour, vous avez construit les rapports qui conviennent avec les nouveaux diffuseurs.

Solidarité et compétence, tels sont donc les atouts de la gestion collective. Mais ces moyens sont au service de la conception humaniste du droit d’auteur que vous avez tenu à célébrer dans la patrie de Beaumarchais et de Victor Hugo – dont, m’a-t-on dit, vous avez, dans vos réunions, rappelé des propos prophétiques.

Vous représentez ici des sociétés de gestion. Vous avez raison de revendiquer votre qualité de gestionnaire. Mais, par là même, vous affirmez une valeur supérieure, celle du droit moral de l’auteur, celle de la liberté de la création, qui s’impose quelles que soient les contraintes ou les ambitions économiques. Si l’armature du droit d’auteur s’affaiblissait, si ce droit disparaissait au profit de la seule rentabilité de produits, nous pourrions craindre pour la diversité des expressions culturelles et, par là, pour la liberté d’expression.

Le dynamisme des échanges de votre congrès sur la fonction de l’auteur au troisième millénaire apaisent ces craintes. À la solidarité, à la compétence, vous ajoutez la pugnacité. Soyez certains, comme le président de la République, M. Jacques Chirac l’a dit en recevant votre délégation, que la France continuera de soutenir votre action, à laquelle c’est avec un immense plaisir que, ce soir, je lève mon verre.