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RTL : Ce n’est pas confirmé par l’Élysée, mais le Président Chirac va s’exprimer mercredi via un texte dans la presse quotidienne régionale ? Estimez-vous comme Laurent Fabius, hier soir, au Grand Jury RTL-Le Monde que le chef de l’État peut intervenir dans la campagne à condition que ce soit sans excès ?
J.-C. Gayssot : Oui. Tout le monde dit que le président de la République va intervenir, les Présidents précédents l’avaient fait – vous l’avez dit tout à l’heure. Jacques Chirac va le faire. Il faut essayer de comprendre pourquoi il veut le faire. Il a le droit de le faire bien sûr. Moi, je crois que, coûte que coûte, la droite et le président de la République, qui a lancé la dissolution, veulent à tout prix réussir ces élections pour pouvoir disposer pendant cinq ans d’une majorité, pour le malheur de notre peuple. Ce qui se prépare, c’est très grave. Donc l’intervention du président de la République, c’est la preuve que décidément ils veulent mettre toutes les chances de leur côté pour réussir à obtenir la majorité, je le répète, pour le malheur de notre peuple. Mais je crois que cette intervention traduit aussi une inquiétude que cela ne se passe pas comme cela. Ce qui monte dans le pays, c’est justement l’idée que, si Jacques Chirac a dissous l’Assemblée nationale – alors qu’il disposait d’une majorité écrasante – ce n’est pas pour faire du bien à notre pays ; c’est parce qu’il se prépare de mauvaises choses ! C’est parce que c’est le libéralisme, l’ultralibéralisme qui est en train d’être concocté – et de ce point de vue, Alain Madelin a raison de dire que la majorité avance masquée – ce qui est en train de se concocter, c’est de la souffrance et c’est du chômage.
RTL : Quelles sont-elles ces mauvaises choses ?
J.-C. Gayssot : Par exemple, c’est la mise en cause de la fonction publique et du service public.
RTL : Mais le gouvernement dit que les services publics à la française seront maintenus.
J.-C. Gayssot : Mais c’est le service public à la française qui est mis en cause. Quand on nous dit qu’il y a trop d’État, qu’est-ce qu’il faut entendre ? Les auditeurs le savent bien ! Il faut entendre dans la bouche de M. Juppé qu’il y a trop d’infirmières, d’instituteurs, de policiers comme îlotiers, trop d’enseignants. C’est cela qu’il faut entendre ! On veut mettre en œuvre une politique qui va justement détruire les atouts et les acquis de la France, qui va nous empêcher de donner un élan nouveau à notre pays, alors que c’est possible. Justement, nous essayons, nous, les candidats et militants communistes, avec nos amis de montrer qu’on peut faire autrement.
RTL : Le PS serait un peu l’épine dorsale d’une majorité. Vous seriez quoi, vous ? Une force d’appoint ?
J.-C. Gayssot : Sûrement pas une force d’appoint. J’ai écouté Jean-Christophe Cambadélis, et il a eu raison de dire que la gauche était pluraliste. C’est quelque chose sur laquelle personne ne peut revenir. La gauche est pluraliste et nous allons chacun dans nos partis, à la campagne, avec nos propositions. Je crois que le mouvement social, d’une part, mais aussi l’intervention des communistes ont contribué à ce qu’il y ait des évolutions à gauche. Preuve en est, les orientations communes que nous avons présentées avec le Parti socialiste, mais aussi avec le Mouvement des citoyens. Le Parti communiste veut être la force qui contribue à ce que véritablement une politique de gauche change la donne dans ce pays. Il ne faut pas recommencer ce qui a échoué. Il faut que les conditions pour le progrès social, pour l’intervention des travailleurs, soient véritablement nouvelles. Il faut faire de la modernité.
RTL : Jean-Christophe Cambadélis reconnaît qu’il y a des divergences entre PC et PS. Quand on regarde les programmes : 35 heures tout de suite pour le PC ; dans trois ans, dit le PS. Les augmentations de salaire : Laurent Fabius disait hier soir, pas d’excès. Or vous voulez au moins 1 000 francs pour le SMIC. Il y a un grand nombre de divergences sur des points clés, non ?
J.-C. Gayssot : C’est vrai que nous proposons, nous, l’augmentation du SMIC à 1 000 francs dès le mois de juillet. Je crois qu’il faut que cela change rapidement pour des millions de familles. Quand nous disons 1 000 francs d’augmentation du SMIC, ne croyons pas que cela va être le luxe dans les familles qui ne gagnent que le SMIC. Quand nous disons qu’il faut relever le RMI, quand nous disons qu’il faut multiplier par quatre l’impôt sur les grandes fortunes pour s’attaquer à la pauvreté, ne croyez pas que cela va être le paradis dans les familles.
RTL : Selon les socialistes, il faudrait une relance par l’offre, ne pas surcharger les entreprises, et remettre des taxes.
J.-C. Gayssot : Mais il faut relancer par l’offre et la demande.
RTL : C’est ce qu’ils disent !
J.-C. Gayssot : Eh bien, il faut jouer le jeu. La démesure, c’est excessif, mais la demi-mesure aussi. Si l’on veut que les 35 heures créent des emplois, il ne faut pas tarder. C’est pourquoi dans la déclaration commune, nous avons accepté de dire que, tout de suite, une loi devait permettre d’aller vers les 35 heures. C’est pourquoi sur les salaires, nous nous félicitons d’avoir pu avancer l’idée d’une augmentation sensible. Et il faut l’augmentation du SMIC tout de suite à 1 000 francs.
RTL : Et l’Europe ? Si jamais les conditions mises par Lionel Jospin au sujet de l’euro étaient acceptées, finalement l’Europe va se faire. Alors ?
J.-C. Gayssot : Je crois qu’il y a des évolutions qu’il faut prendre en compte. Le Parti socialiste a écrit avec nous – et ce n’est pas anodin – qu’il refusait la construction de l’Europe si elle se faisait au détriment de la nation, si c’était l’Europe des marchés financiers, si c’était l’Europe de l’ultralibéralisme. Ce sont des choses nouvelles que nous apprécions. Nous sommes contre la monnaie unique parce que nous considérons que cela se retournerait contre le peuple et l’Europe elle-même. Mais nous pensons que, sur ces questions, on peut aller vers une construction européenne qui soit véritablement démocratique et qui prenne en compte les intérêts des peuples et y compris avec des convergences nécessaires. Mais pour tout cela, il faut que non seulement les électeurs donnent leur opinion au moment du vote – et je dis avec beaucoup de force que les candidats présentés par le Parti communiste ou soutenus par le Parti communiste auront ces exigences de politique nouvelle à gauche et d’une gauche vraiment à gauche – et en même temps il faut que cette campagne, même si elle est très courte, ainsi que la suite de la campagne, permettent l’intervention citoyenne dans le pays parce qu’il faut aussi faire de la politique autrement si on veut véritablement avoir une politique de gauche.