Communiqués des Verts les 13 et 26 septembre 1996 et éditorial de M. Guy Hascoët, porte-parole, le 25, publiés dans "Vert contact" les 21, 28 septembre et 5 octobre, sur les propos de M. Le Pen affirmant "l'inégalité des races", intitulés "Pour une saisine du Conseil constitutionnel", "Faire barrage" et "Pas d'argent public pour le FN" (pétition).

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Média : Vert contact

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Vert Contact - 21 septembre 1996

Une loi pour ne plus tolérer l’intolérable

En affirmant « l’inégalité des races », Jean-Marie Le Pen et le Front National ont proclamé leurs convictions racistes et ont soutenu des propos qui évoquent des temps de barbarie pas si lointains où l’on théorisait sur les « untermenschen » (sous-hommes).

Les Verts estiment donc que l’annonce du Garde des Sceaux en faveur de l’élaboration d’une nouvelle loi va dans le bon sens. Ils demandent expressément que ce projet de loi ne se contente pas d’élargir la notion « d’appel à la haine raciale » mais donne à la République les moyens de condamner sans ambiguïté toute diffusion d’idées racistes sous n’importe quelle forme et de prononcer l’inéligibilité de ceux qui les énoncent.

Cette requête ne doit pas être un simple paravent : en effet, tandis que le Préfet du Var a interdit la semaine dernière deux manifestations anti-Front National, celui des Bouches-du-Rhône n’a pas voulu interdire celle du Front National à Marseille, qui exploite de manière honteuse le drame vécu par une famille.

Les bonnes intentions affichées à Paris ne doivent pas s’arrêter aux limites des circonscriptions.

Les Verts (Communiqué à la presse du 13/09/96)


Vert Contact - 28 septembre 1996

Affaire Le Pen

Pour une saisine du Conseil constitutionnel

Les déchirements liés à l’exclusion sociale, la peur de l’avenir… font le lit du vote Front national – qu’il faudra désormais appeler tout simplement fasciste. Les arguments rationnels ne semblent plus porter chez certains citoyens.

Si l’actualité de la semaine a démontré qu’une frange importante de la population se réfugie dans des valeurs stables, il serait dangereux de tout amalgamer en décriant toutes ces personnes comme proches de thèses extrémistes. Par ailleurs, si la défense des valeurs laïques reste un thème moderne, un retour à des formes de combats politiques passés – tels que les a connu la France il y a un siècle – constitue aussi peut-être une autre manière de rechercher des références stables…

Depuis trois semaines, une frontière invisible a été franchie par Jean-Marie Le Pen. Alors que « les grands » se refusent à utiliser la loi de 1972 sur la propagation du racisme, nous assistons à une dérivation du débat vers le projet d’une autre loi.

Il existe pourtant des recours possibles. Sans parler, pour l’instant, d’une Commission d’enquête parlementaire sur le FN lui-même – qui déjà peut trouver sa légitimité dans des faits avérés (colleurs d’affiches armés, etc.) -, Le Pen dirige un parti financé par la République. Or, ses déclarations sont contraires à certains articles fondamentaux de la Constitution de la République. Aussi, il est raisonnable de demander à la Chambre des députés de voter une loi qui permette, à l’avenir, de saisir le Conseil constitutionnel dans ce type de cas. En effet, un citoyen qui professe des idées contraires à la Constitution, peut-il rester leader d’un parti ? ou, s’il devait le rester, ce parti peut-il continuer à être financé par la République ?

L’heure de la fin de la politique de l’Autruche a sonné. Parmi les diverses propositions que nous aurons avancé lors de la rencontre du 26 septembre consacrée au problème du Front national [à laquelle le Parti radical socialiste a invité le PCF, le PS et Les Verts (1)], nous demandons aux partis qui sont à la Chambre de prendre cette initiative.

Guy Hascët (25/09/96)

(1) Délégation verte composée de M.-A. Isler Béguin, J.-L. Bennahmias, G. Konopnicki et D. Voynet.


Vert Contact - 5 octobre 1996

Faire barrage

Une délégation verte composée de Jean-Luc Bennahmias, Guy Konopnicki (1) et Dominique Voynet a participé le 26 septembre à une réunion invitée par le Parti radical socialiste pour élaborer une réponse collective au Front national. Cette brève rencontre entre les forces de la gauche et Les Verts n’est que le début d’une mobilisation contre l’extrême-droite. Les Verts se félicitent qu’elle ait permis de créer un comité national de vigilance ouvert à d’autres forces politiques, syndicales et associatives. Les forces présentes : PRS/PS/MDC/PCF/Les Verts ont adopté la déclaration commune suivante : « Depuis de nombreuses années, l’extrême-droite distille dans notre pays un discours raciste et xénophobe qui, par un effet de banalisation, tente de se répandre au sein de la population, avivant les tensions sociales, créant les sentiments de haine, poussant à la violence. La lutte contre le racisme, la xénophobie et l’extrême-droite constitue avant tout un combat politique. Il s’agit donc d’une priorité pour les formations de gauche et les écologistes. Le premier moyen de lutter contre l’extrême-droite est d’assécher le terreau dans lequel elle prospère. Il est de réduire le chômage avec tout ce qu’il entraîne de misère sociale et de sentiment d’abandon. Il faut aussi se mobiliser partout et en toutes circonstances pour défendre les valeurs de la République. Il est enfin nécessaire de tirer les leçons du passé. Les signataires décident de constituer un comité national de vigilance contre l’extrême-droite, auquel ils proposeront à d’autres forces politiques, syndicales et associatives de se joindre. Ce dernier sera chargé de conduire tout type d’action de nature à faire régresser le racisme et la xénophobie ».

Les Verts (Communiqué à la presse du 26/9/96)

(1) Guy Konopnicki est auteur du livre : Les filières noires, ed. Denoël, 1996, 120 F (diffusion Ecodif).

P.S. : Suite à une information parue dans la presse, Les Verts tiennent à préciser que, n’étant pas la puissance invitante, ils ne sont évidemment pour rien dans le fait que Noël Mamère (CES) – avec lequel Les Verts ont engagé un rapprochement structurel – n’ait pas été invité à cette réunion.


Vert Contact - 5 octobre 1996

Une pétition à l’initiative des verts

Pas d’argent public pour le Front national !

En affirmant qu’il y a une « inégalité entre les races », le leader du Front national s’est délibérément mis hors des valeurs de la République.

En effet, ses déclarations violent :

L’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui proclame « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » ;

L’article 1 de la Constitution française : « La Communauté est fondée sur l’égalité et la solidarité des peuples qui la composent » ;

L’article 2 de la Constitution française : « La France […] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

En conséquence, nous soussignés demandons que le Front national ne bénéficie plus du financement versé par l’État aux partis politiques démocratiques.


Vert Contact - 21 septembre 1996

Il n’y a plus de vaches folles en France !

Deux récentes initiatives, l’une publique, l’autre confidentielle, vont tenter de freiner l’effondrement du marché bovin. Dans chaque cas, le consommateur est floué.

La première initiative est le projet gouvernemental de financement du ramassage et de la destruction des cadavres d’animaux par une taxe sur chaque kilogramme de viande. En effet, avant la crise de la vache folle, les coûts d’enlèvement et d’équarrissage étaient supportés par le recyclage des carcasses en farines animales. Depuis juin dernier, la règlementation interdit ce recyclage. Mais alors, qui va payer l’équarrissage ? « Pas les éleveurs », dit le ministre de l’Agriculture. « Ni les collectivités territoriales », ajoute-t-il. Euh… pourquoi pas les consommateurs ? conclut-il !

Ainsi, alors que toute une filière de production bovine s’est moquée de nous et de notre santé depuis dix ans – en nous vendant, sans états d’âme, du steak douteux – on nous taxe aujourd’hui pour avoir des garanties sur la qualité de la viande que nous achèterions ! Les mêmes irresponsables nous obligent déjà à payer notre eau courante plus cher sous prétexte de coût de traitement d’une pollution réelle (nitrates, pesticides) que les écologistes dénoncent depuis plus de vingt ans.

Bref, pour l’eau comme pour la viande, c’est le consommateur qui « est la vache à lait. Le productivisme, agricole en l’occurrence, est si corrupteur que ni les normes sanitaires ni les prix du marché ne suffisent à protéger les populations : il faut qu’elles acquittent une taxe pour boire et manger sain !

La seconde initiative, confidentielle et incertaine, consisterait à diminuer progressivement le nombre de cas déclarés de vaches folles en France. Certes, la semaine dernière encore, la presse a annoncé un cas d’ESB (1) en Mayenne – le dixième en France depuis le début de l’année. Je crains que, quelle que soit la réalité épidémiologique, ces annonces ne se fassent de plus en plus rares afin de rassurer « le consommateur » et de lui faire retrouver le chemin du bifteck.

Yves Cochet (17/09/96)

(1) ESB : Encéphalite’ spongiforme bovine.