Texte intégral
M. Cotta : Le FLNC-Canal historique a revendiqué hier l’attentat de la mairie de Bordeaux. C’est une reconnaissance que vous ne remettez pas en cause ?
J.-L. Debré : Non, je ne remets pas en cause cette revendication. Le Gouvernement ne peut pas tolérer les attentats, quelles que soient les personnes qui les revendiquent, pas plus celui de la mairie de Bordeaux qu’un autre attentat. En ce qui concerne la Corse, je crois que ce n’est pas avec une telle irresponsabilité qu’on prépare l’avenir de cette île. L’Ile de Beauté mérite mieux que la violence absurde, aveugle et inadmissible. C’est pour ça que le Gouvernement sera intraitable avec celles et ceux qui en sont les auteurs ou les complices de ces violences.
M. Cotta : C’est le deuxième attentat commis par les terroristes corses en métropole. Y a-t-il, selon vous, un projet cohérent, organisé de la part des terroristes nationalistes corses pour déplacer la lutte sur le continent ?
J.-L. Debré : Demandez à ceux qui ont des contacts avec les nationalistes corses de ces mouvements, pas moi.
M. Cotta : Vous en avez eus ?
J.-L. Debré : Je n’ai de contacts avec les élus corses, représenté à l’Assemblée territoriale. Il y a, dans les élus corses représentés à l’Assemblée territoriale, des représentants de ces mouvements nationalistes.
M. Cotta : Vous dites donc qu’il n’y a pas de crainte de transfert de la lutte armée sur le continent ?
J.-L. Debré : Ah non, je ne dis pas ça ! Je dis que nous avons un certain nombre de signes inquiétants qui montrent qu’ils ont décidé d’intensifier leurs actions violentes. Par conséquent, nous avons pris, sur le continent, un certain nombre de mesures. Je ne dirais pas lesquelles, naturellement.
M. Cotta : Le Gouvernement dit qu’il combattra ce terrorisme comme il a combattu l’an dernier d’autres formes de terrorisme, le terrorisme corse comme le terrorisme islamiste. Qu’est-ce que ça implique ? Une sorte de plan Vigipirate ?
J.-L. Debré : Non. L’année dernière, en ce qui concerne le terrorisme islamiste, j’ai fait preuve d’une détermination sans bornes. Le Gouvernement a été, dans cette lutte contre le terrorisme islamiste, exceptionnel d’efficacité. Conformément à ce que nous avions fait il y a un an, nous allons continuer. Mais contrairement à d’autres, nous ne faisons pas de discours : nous agissons. Nous agissons comment ? Je vais prendre un exemple : depuis le début de l’année, vingt-deux nationalistes corses ont été écroués dans nos prisons. Jamais dans le passé, on a autant interpellé. Ce qui est nouveau par rapport à tous les autres gouvernements, c’est que ces nationalistes corses qui ont été écroués sont toujours en prison. Nous ne les avons pas remis en liberté.
M. Cotta : Ceci étant, on a l’impression que la réaction du Gouvernement est très forte aujourd’hui après Bordeaux, mais que, depuis la fin août il y avait des attentats en Corse tous les soirs et qu’on aurait peut-être pu réagir plus violemment avant.
J.-L. Debré : Je viens de vous répondre. Il y a deux façons de vous répondre : l’une, facile : on fait des communiqués, des discours, on s’indigne. Il y a une autre façon, plus efficace…
M. Cotta : C’est la vôtre, j’espère !
J.-L. Debré : Ce n’est pas la mienne, c’est celle du Gouvernement. Elle consiste à interpeller, à arrêter, à mettre hors d’état de nuire. Vingt-deux responsables directs ou indirects d’attentats, depuis le mois de janvier, sont dans les prisons françaises. Encore hier, nous avons découvert une cache d’armes. Toutes les semaines, nous faisons des investigations qui amènent à trouver des armes et des auteurs d’attentats. Nous allons continuer, car dans les jours qui viennent, tôt ou tard, les auteurs de tous ces attentats seront identifiés, interpellés et arrêtés. Et pour beaucoup de ces attentats, nous ne sommes pas loin d’arriver au terme de nos investigations.
M. Cotta : A. Juppé était personnellement mis en cause par les nationalistes corses depuis son voyage en Corse de juillet dernier. Etait-il possible de mieux assurer la sécurité du Premier ministre ?
J.-L. Debré : Le sécurité du Premier ministre est assurée dans les meilleurs conditions.
M. Cotta : Pas celle de la mairie de Bordeaux ?
J.-L. Debré : Savez-vous combien de temps il faut pour déposer une bombe ? Quelques secondes. Nous avons pris un certain nombre de précautions. Nous avons fait en sorte que les terroristes ne puissent pas agir facilement. Là, il y a eu un problème.
M. Cotta : Vous avez longtemps été l’homme du dialogue en Corse. L’attentat de dimanche signe-t-il l’échec définitif de toute politique de dialogue avec tel ou tel mouvement terroriste corse ?
J.-L. Debré : A. Juppé, lorsqu’il est venu dans l’île en juillet, a clairement énoncé la politique du Gouvernement. Ce n’est pas la politique du ministre de l’Intérieur : c’est la politique du Gouvernement dans son ensemble. Quelle est cette politique ? Elle repose sur le rétablissement de l’ordre public ; sur le soutien à l’activité économique. Cette politique est marquée par la mise en place de deux choses : une zone franche sur toute l’île d’une part, et d’autre part, un dialogue constructif avec les formations représentées à l’Assemblée de Corse. Mais ce dialogue en vue de préparer l’avenir de l’île ne peut fonctionner que s’il y a rétablissement de l’ordre républicain. C’est ce que nous faisons depuis des mois et des mois, avec l’efficacité que vous savez, puisqu’actuellement vingt-deux nationalistes corses sont en prison.
M. Cotta : Il n’y a pas eu de divergence de démarche entre vous et Matignon ? D’un côté le dialogue et de l’autre la fermeté ?
J.-L. Debré : Il y a, en Corse, une politique : la politique qui est décidée par le Premier ministre. Ce n’est pas la politique du Premier ministre ou du ministre de l’Intérieur : c’est la politique du Gouvernement dirigé par le Premier ministre. Il n’y a pas de différence entre la politique suivie par A. Juppé et celle que je suis en Corse.
M. Cotta : Quel signe fort pouvez-vous donner ? Arrêter F. Santoni, le leader du FLNC-Canal historique ? Accentuer la politique de désarmement sur l’île ? Démanteler les réseaux ?
J.-L. Debré : Démanteler les réseaux, c’est ce que nous faisons tous les jours. Ce matin, il y a encore des investigations qui sont en cours. Hier, nous avons interpellé deux personnes. Nous avons découvert une cache d’armes. Je viens de vous dire que, contrairement à tous les autres gouvernements, nous avons interpellé des Corses qui sont toujours en prison.
M. Cotta : Apparemment ça ne suffit pas, puisque ça continue !
J.-L. Debré : Eh bien, nous allons continuer. Ça prendra du temps. C’est une politique qui est la seule politique efficace pour l’île. Pour assurer le développement de cette île, il faut rétablir l’ordre républicain. L’immense majorité des Corses veut la paix et la tranquillité. Le Gouvernement fera tout ce qu’il peut et avec tous les moyens. J’ai renforcé considérablement les moyens en efficacité et en hommes en Corse. Le Gouvernement fera tout pour assurer cette paix et cette tranquillité.
M. Cotta : Excluez-vous qu’on dise un jour aux Corses : « si vous voulez l’indépendance, prenez-la » ?
J.-L. Debré : Totalement
M. Cotta : Le ministère de l’Intérieur paye-t-il son téléphone ? La Cour des comptes dit que non.
J.-L. Debré : Oui ne vous inquiétez pas. Je vous ai joint hier soir : j’ai pu avoir votre numéro de téléphone sur un téléphone du ministère de l’Intérieur.