Interview de M. Alain Deleu, président de la CFTC, dans "Ouest France" du 2 octobre 1996, et article dans "La Lettre confédérale CFTC" du 14, sur l'emploi et la place de travail, thème du prochain congrès de la CFTC (intitulé "Travail, reprends ta place ").

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Média : Ouest France - La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

Ouest-France : 2 octobre 1996

Ouest-France : Avec votre congrès sur le thème « Travail reprend ta place ! », est-ce que vous n'avez pas peur de vous faire dépasser par l'actualité ?

Alain Deleu : Au contraire, elle va nous rencontrer. Si on joue avec le mécontentement, il y aura un retour important. Décembre 1995 est riche en enseignements, je suis persuadé que les Français ne souhaitent pas un nouvel affrontement. Le problème actuel c'est la divergence entre le travail des hommes et dans le même temps d'obtenir le plus de consommateurs possibles. Cela mérite qu'on s'en préoccupe.

Ouest-France : Qu'est-ce que vous proposez comme solutions ?

Alain Deleu : Tout en restant proche du terrain, il faut dans un premier temps une relance salariale, ensuite insister pour une politique active de l'emploi et puis, aider les gens à se recaser. Les excédents de l'UNEDIC doivent servir à ça. Quant aux 32 heures pour tous, c'est du travail au noir et du chômage assuré. Avec les aides publiques à la création d'emploi, il faut négocier entreprise par entreprise, au cas par cas. Si on provoque un rapport de force, au bout du compte, il jouera pour les patrons qui sont les plus forts en ces temps difficiles de chômage. Mieux vaut parier sur les hommes et discuter avec eux.

Ouest-France : Les faits ne semblent pas vous donner raison…

Alain Deleu : Je ne dirais pas ça. Regardez l'assurance chômage, ce ne sont pas les contestataires qui ont gagné, ce sont ceux qui ont discuté avec les patrons. C'est notre pari et on espère gagner. On se dit que si on ne réussit pas la négociation, c'est l'aventure. Il faut avant tout parler pour qu'il n'y ait pas de blocage dans la situation, sinon il est très difficile de la dénouer.

Ouest-France : Vous avez prévu de dialoguer le 17 octobre ?

Alain Deleu : Nous avons participé au choix du 17 octobre, mais je regrette que cette date ait été choisie par la manifestation des fonctionnaires. Le 17, c'est traditionnellement la journée mondiale de la misère. Nous voudrions lui donner une dimension particulière qui traduit les soucis des plus pauvres. Et surtout ne pas se diluer dans des revendications trop marges. C'est pourquoi nous n'exigeons rien au niveau national. Ce genre de comportement c'est comme un produit qui a dépassé la date de consommation Chaque délégation s'adaptera à sa situation locale.

Ouest-France : Donc, vous n'appelez pas à la grève ?

Alain Deleu : Notre mission syndicale n'est pas de déstabiliser le Gouvernement, notre but est de réussir socialement la mutation économique. Les gens ont peur et la peur est mauvaise conseillère. On risque n'importe quoi. C'est la raison pour laquelle nous sommes inquiets et nous ne voulons pas jouer avec le feu. La France n'a pas les moyens de s'offrir une crise sociale dure et il n'est pas impossible qu'elle se déclenche.


La Lettre confédérale CFTC : 14 octobre 1996

Travail, reprends ta place !

Les banques, la RATP, la Défense nationale, les fonctionnaires, et combien d'entreprises sont, cette semaine, au coeur de ce qu'on appelle l'action syndicale. Les mouvements de protestation et de revendication s'accumulent. Les organisations CFTC s'y impliquent en faisant entendre leur originalité. Réalistes et constructives, elles n'en sont que plus exigeantes sur le respect du dialogue, la négociation, la prépondérance des hommes sur les calculs à courte vue.

Est-ce en affichant d'entrée des suppressions d'emplois dans les Fonctions publiques, après avoir bloqué des négociations salariales depuis un an, qu'on va mobiliser les personnels pour réussir la modernisation des services publics, pour un aménagement plus harmonieux du territoire. On eut s'en douter.

Les industries de défense, frappées de plein fouet par la nouvelle donne stratégique et par les choix budgétaires, crient bien haut ce qui est au coeur des préoccupations de la plupart des salariés : l'urgence de la relance de l'emploi.

Précisément, c'est le thème de notre prochain congrès. Ce numéro de la Lettre confédérale contient le document d'orientation qui servira de base aux discussions du Congrès. Rendre toute sa place au travail des hommes, et mettre le travail au service des hommes, tel est l'objectif central qui nous est proposé. Alors, syndicats, au travail. Vous avez la parole. Vos délégués mandatés pourront défendre les amendements déposés avant le 13 novembre. Les commissions du congrès pourront également travailler sur le texte. Rendez-vous à Nantes.