Extraits de l'interview de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, dans "Ouest-France" le 25 octobre 1996, sur la proposition de loi sur la prestation spécifique dépendance.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Ouest France

Texte intégral

B. Le Solleu : La prestation dépendance pourra-t-elle être en place le 1er janvier prochain ?

J. Barrot : La proposition de loi va maintenant venir devant l'Assemblée nationale et y sera examinée en urgence. Tout est organisé pour une mise en oeuvre de la prestation spécifique dépendance au 1er janvier. Nous allons veiller, dans mon ministère, à ce que les décrets d'application soient prêts à temps.

B. Le Solleu : Ce texte est-il encore amendable ?

J. Barrot : Le débat à l'Assemblée nationale est ouvert. Avec quelques limites, bien sûr, sur le plan financier. Nous sommes tenus par les enveloppes budgétaires et les départements ne peuvent, actuellement, pas aller au-delà. Quant à l'assurance maladie, elle est appelée à médicaliser les lits des maisons de retraite et les caisses de retraite doivent assurer les prestations d'aide-ménagère. Mais le débat va être enrichi par les élus qui ont pu expérimenter la prestation, notamment en Ille-et-Vilaine. On débattra sûrement de la nature des revenus à prendre en compte dans le calcul du plafond de ressources et des recours sur succession. Personnellement, si l'on peut, je privilégie d'abord la réévaluation du plafond d'accès à la prestation. (…)

B. Le Solleu : Cette prestation modifiera-t-elle le système destiné aux personnes dépendantes ?

J. Barrot : Nous le modifions profondément. C'est désormais une prestation en nature, C'est-à-dire en services rendus, alors qu'une partie de l'actuelle allocation compensatrice est thésaurisée. Nous pourrons éviter les abus et, dans une seconde étape, améliorer cette prestation dépendance quand nous aurons dégagé des moyens nouveaux.

B. Le Solleu : La prestation changera-t-elle quelque chose à l'isolement des personnes âgées dépendantes ?

J. Barrot : Attribuer la prestation ne suffit pas, je suis bien d'accord. C'est une vraie politique qui doit se mettre en place et les conseils généraux en seront les pivots. Je crois en l'imagination sociale. Tous les acteurs devront se coordonner, se mettre en réseaux. Les maires, les associations, tous les intervenants. L'expérimentation menée dans douze départements pilotes ont confirmé l'efficacité de cette approche globale et coordonnée. On doit quitter l'ère de la maison de retraite pour le logement au coeur du village. Les intervenants à domicile devront bénéficier de stages de formation. C'est un tout. Si l'on se contente de transformer une allocation en une prestation, ce n'est pas la peine.

B. Le Solleu : Combien d'emplois d'utilité sociale peuvent-ils être suscités ?

J. Barrot : On considère que, pour cinq personnes âgées dépendantes, un équivalent temps plein est nécessaire. Nous avons donc chiffré à 50 000 les emplois susceptibles d'être créés. Les départements ont donc tout intérêt à investir dans cette politique qui résout le problème des familles et créé de l'emploi.

B. Le Solleu : De l'emploi essentiellement à temps partiel ?

J. Barrot : S'il y a un secteur où le temps partiel doit fleurir, c'est bien là effectivement. Il sera incité par les ristournes des cotisations sociales et incitations diverses que nous avons mises en place. Le temps partiel, notamment féminin, est très souhaité. Et dans des départements, c'est l'une des chances de permettre à des jeunes ménages de rester dans des cantons qui se dépeuplent.

B. Le Solleu : Les départements pourront-ils faire face financièrement à cette prestation ?

J. Barrot : Il en va au plan local comme au plan national. Si vous gérez bien, si vous associez des professionnels qualifiés et des élus motivés, vous parvenez rapidement à des coûts bien mieux maîtrisés. Enfin, il faut savoir accueillir, encourager tout le bénévolat associatif.

B. Le Solleu : Y aura-t-il une politique nouvelle à l'égard des maisons de retraite ?

J. Barrot : Elles doivent accueillir des personnes âgées de plus en plus dépendantes. Pour cela, il faut accélérer leur médicalisation. La maison de retraite classique tient plus de l'hôtellerie que l'établissement spécialisé. Nous devons, dans un délai de deux ans, mener à bien la réforme de la tarification. Les prises en charge de l'assurance maladie ne varieront plus en fonction de l'établissement mais en fonction des personnes accueillies et de leur degré de dépendance, constaté une fois par an.