Texte intégral
La Lettre Confédérale CGC : 9 septembre 1996
Optimisme contre réalisme
À la CFE-CGC, nous ne sommes ni des sapeurs de moral, pour reprendre l'expression des plus hautes autorités, ni des météorologues sociaux prédicateurs d'automne chauds, mais simplement des syndicalistes de l'encadrement.
Un encadrement qui, par nature, est porté à aller de l'avant, à impulser le changement, à conquérir technologies et marchés.
Un encadrement que l'on a refermé dans un dilemme devenu insoutenable : ou disparaître des marchés, ou adapter en précarisant, en attendant à notre modèle social, en supprimant des emplois.
Un encadrement qui veut sortir des mâchoires de cet étau et rompre le cercle pervers qui alimente défiance, incertitude sur l'avenir, inquiétude sur la pérennité de son emploi, révolte devant l'incapacité de donner aux jeunes un premier vrai travail.
Notre ligne d'action, réaffirmée fin juin, lors du Congrès, est claire et cohérente.
D'abord assurer un développement durable par un meilleur partage des gains de productivité. Cessons de favoriser les profits financiers au détriment constant des salaires. Augmentation régulière des rémunérations et baisse des prélèvements fiscaux et sociaux, qui pèsent pour leur plus grande part sur les salaires, doivent permettre cet infléchissement.
Si les dernières décisions gouvernementales veulent aller dans ce sens, elles sont parfaitement ambiguës – je donne, je reprends – et totalement insuffisantes pour redonner du souffle à l'encadrement, pour satisfaire et encourager ceux qui font et tirent la croissance économique.
Notre second objectif est de réduire l'incertitude sociale. En premier lieu – et il ne s'agit pas là de prédiction mais d'alerte – en contrant la multiplication des plans sociaux en particulier, ceux dits préventifs qui touchent les entreprises en parfaite santé.
Je l'ai dit cet été, je le redis, ces plans sont dangereux, porteurs de refus et de révoltes si un moratoire permettant de préparer un meilleur contrôle social n'est pas instauré rapidement. Que l'on sache bien que l'encadrement veut que nous les arrêtions et que la CFE-CGC sera présente pour les combattre.
Le pessimisme n'est pas de bon ton en ce moment. La psychothérapie de l'optimisme comme antidote à la morosité a sans doute ses vertus.
L'encadrement veut espérer. On ne lui en a pas encore donné de vraies raisons.
La Lettre Confédérale CGC : 9 septembre 1996
Météo sociale
Bien périlleux est l'exercice auquel on demande périodiquement aux leaders syndicaux de se livrer. Le calme précède-t-il la tempête ? L'automne sera-t-il chaud ? etc. Bien malin celui qui peut dire si, où et quand une étincelle provoquera l'explosion sociale.
Les anecdotes sur le calme précédant mai 1968 sont suffisamment nombreuses pour rappeler chacun à la prudence. Qui avait vraiment vu venir les mouvements de fin 1995 ?
Ce que l'on peut dire en revanche, aujourd'hui, c'est que la rentrée sociale est placée sous le signe de l'inquiétude profonde des salariés sur leur emploi, leur avenir, celui de leurs enfants, et d'un scepticisme généralisé sur les choix économiques des décideurs.
Elle est marquée aussi par le refus de l'encadrement de continuer à subir des contraintes de plus en plus lourdes avec des effectifs de plus en plus réduits et des rémunérations de plus en plus allégées.
Elle est marquée toujours par l'insécurité sociale que développent à loisir les promoteurs de plan sociaux répétitifs, itératifs, le suivant étant justifié par le coût du précédent. Sacro-sainte profitabilité immédiate !
Elle est marquée encore par les abcès de fixation que forme la restructuration des industries de l'armement, des constructions navales, de l'aérien, comme des banques et des assurances… et par les problèmes de la fonction et du secteur publics.
Elle est marquée enfin par le discours ultra-libéral, provocateur même, de certains qui n'hésiteraient pas à détruire ce qui reste des instruments de cohésion sociale ou qui créent des associations pour promouvoir les délocalisations. ? Ai-je parlé de déserteurs ?
Ce n'est pas par masochisme ou volonté perverse d'ajouter au pessimisme ambiant que je décris cette situation. C'est parce qu'elle est ressentie qu'elle est transmise aux responsables syndicaux dans toutes les rencontres, toutes les réunions, toutes les assemblées. C'est parce que je considère avoir un devoir d'alerte, un devoir de vérité, que j'expose une dure réalité sans fard.
Pour nous, CFE-CGC, notre rentrée sociale est malgré tout placée sous le signe de l'espoir.
Espoir que nous voulons redonner par la restauration d'un développement économique durable fondé sur une revalorisation des revenus disponibles du travail (plus de salaires, moins de prélèvements).
Espoir que nous souhaitons voir revivre au travers de la réduction de l'incertitude. Contrôle des plans sociaux, aménagement et réduction du temps de travail, combat pour l'ARPE, maintien du financement de la retraite à 60 ans (ASF), contrat de générations pour l'emploi des jeunes… en forment la trame.
Et si en cette rentrée, nous présentons un candidat à la présidence de l'UNEDIC, ce n'est pas parce que nous courons pour une présidence de plus. NON, c'est que nous nous battons pour 200 000 jeunes chômeurs de moins !
C'est aussi cela l'espoir !