Texte intégral
Le Figaro : Sauver le système de soins français en maîtrisant la croissance des dépenses remboursées de l'assurance maladie.
R. : En soins ambulatoires, les dépenses remboursées ne représentent que 54 % des dépenses totales. La réforme n'encadre que la hausse des dépenses remboursées, celle-ci sera votée désormais annuellement par le Parlement, plaçant enfin les élus nationaux devant une responsabilité que tout le monde réclamait, mais qui sera, n'en doutons pas, politiquement lourde.
Pouvait-on continuer de constater une déconnexion de l'évolution des dépenses par rapport à des recettes affectées depuis de nombreuses années par la crise de l'emploi, laquelle se trouvait à son tour aggravée par la hausse des charges pesant sur le travail et la consommation ? Ne rien faire aurait abouti immanquablement à la faillite de la Sécurité sociale, dont les grands perdants auraient été les malades et la plus grande partie des professionnels de santé.
Le Figaro : La réforme ne remet pas en question la médecine libérale.
R. : L'objectif de dépenses est national et il n'y aura pas de « quotas » individuels ni de « rationnement » des soins. Il ne s'agit pas d'une maîtrise comptable individuelle.
Les outils de cette maîtrise médicalisée des dépenses de soins reposent sur les références médicales opposables, le carnet de santé obligatoire, l'informatisation des cabinets et le codage des actes. Ils sont bien connus des médecins et, pour certains, déjà utilisés depuis la convention de 1993.
Les créations de filières et de réseaux de soins expérimentaux seront autorisées au cas par cas par le ministre. Fondées sur le volontariat des médecins et des malades elles seront soumises à l'évaluation. L'accès libre et direct au médecin généraliste ou spécialiste n'est pas remis en question, ni d'ailleurs le niveau de remboursement.
Les malentendus de la réforme. Si la plus grande partie des médecins admettent la nécessité d'une réforme, c'est l'interprétation de la responsabilité des prescripteurs dans le déficit des comptes qui est la principale cause d'un mécontentement, voire d'une révolte. Alors que la loi fait état d'une contribution exceptionnelle des médecins et des mécanismes de remboursements individualisés conventionnellement en cas de dérapage sérieux des dépenses, les opposants à la réforme désignent indifféremment ces deux dispositions sous le terme de sanctions.
Les équilibres financiers
La contribution exceptionnelle d'une année des médecins, parfois importante, est une cause de mécontentement et de malentendus. Pourtant, à la différence de la contribution payée par d'autres secteurs dépendent des fonds sociaux, la contribution des médecins sera restituée à la profession sous forme d'une aide à l'informatisation et à la cessation anticipée d'activité. De plus, l'application des nouvelles dispositions fiscales fait que cette contribution peut constituer davantage un réel problème de trésorerie qu'une diminution globale du pouvoir d'achat.
Le mécanisme d'équilibre financier prévu en cas de dépassement de l'objectif de dépense constitue un autre malentendu. En cas de dépassement modeste, il n'y aura pas de revalorisation d'honoraires, c'est la règle depuis bien longtemps. C'est seulement dans le cas extrême, et on peut l'espérer peu probable, d'une dépassement réitéré et important que des remboursements seront demandés aux médecins.
Les remboursements porteront sur la seule part remboursée par l'assurance maladie, au-delà de l'objectif fixé, ces remboursements seront individualisés selon des critères conventionnels, ce qui est un gage d'équité.
La réforme est à l'opposé des projets socialistes. Pour les socialistes – qui viennent de le rappeler –, il faut encadrer les dépenses de santé et non les seules dépenses effectivement remboursées par l'assurance maladie. Ainsi serait supprimé tout espace de liberté ou toute marge de manœuvre, réalisant un verrouillage global du système de soins.
Au nom de la séduisante, mais utopique, notion de soins gratuite pour tous, sans avance de frais, les socialistes ont toujours prôné la généralisation du tiers payant des dépenses, y compris pour le ticket modérateur, allant ainsi jusqu'à retirer, pour ce dernier, toute signification et tout effet. Dans cet esprit, il n'y a qu'un pas à franchir pour restreindre l'accès libre au praticien de son choix et remettre en question le paiement direct à l'acte, vis-à-vis duquel les socialistes sont plus que réservés. Comme tout dispositif verrouillé, tel que cela s'est passé outre-Manche, l'installation de pratiques dommageables et d'un double système de soins finirait par s'imposer.
Enfin, faut-il rappeler que, s'agissant des 8 000 médecins à diplômes hors CEE exerçant dans les hôpitaux, les socialistes sont favorables à l'élargissement de leurs conditions d'exercice, d'installation ou de titularisation.
Dissiper les malentendus et bâtir l'avenir. Il est urgent que les malentendus soient levés, que les partenaires renouent le dialogue pour bâtir l'avenir, qui a pour objectif la qualité des soins et des conditions d'exercice des professions de santé.
Réforme de la formation, maîtrise d'une démographie adaptée aux besoins, respect des domaines d'activités de chaque acteur et des espaces de liberté, revalorisation de l'acte humain par rapport à l'acte technique sont des voies d'avenir pour l'équilibre du système de soins français.