Texte intégral
Seules la réduction des charges et le maintien d'un cours de change compétitif permettront de ramener le chômage au taux de 10 %. Le retour au plein-emploi, quant à lui, exigera une plus grande flexibilité et des formations adaptées aux besoins prévisibles des entreprises.
En France, les chiffres du chômage, pour le mois de décembre 1997, ont annoncé une légère embellie : une baisse de 1,8 % par rapport au niveau de l'année précédente. On ne peut que s'en réjouir, bien que les chiffres de janvier soient venus tempérer cet optimisme. Mais c'est aussi l'occasion de réfléchir aux données fondamentales du problème et de remettre en question certaines des idées reçues à ce propos.
La société politico-médiatique française, de droite comme de gauche, partage en effet, sur ce sujet, deux convictions inébranlables :
1. Le niveau élevé du chômage est aujourd'hui une fatalité enracinée dans nos structures économiques et sociales. Personne ne peut sérieusement envisager un retour au plein-emploi. Cette abdication intellectuelle se réfugie dans le slogan indéfiniment reproduit « D'ailleurs, personne ne propose rien ».
2. La seule possibilité d'améliorer la situation réside, nous dit-on, dans des mesures administratives ponctuelles, visant à traiter les situations les plus brûlantes, telles que le chômage des jeunes ou les difficultés des chômeurs de longue durée.
Ces deux convictions doivent être passées au crible du jugement critique si nous voulons enfin résoudre, comme d'autres pays ont su le faire, ce problème explosif. Dans son évaluation annuelle de la situation économique mondiale, le Fonds monétaire international a publié un graphique sur l’évolution du chômage en France depuis 1980.
Il permet de faire plusieurs constations.
Maintenu au niveau de 6 % en 1980, malgré les deux chocs pétroliers antérieurs, le taux de chômage n’a atteint 10 % qu’en 1985, après quatre années de politique économique socialiste qui ont affaibli la compétitivité des entreprises françaises.
Lorsque cette compétitivité a été partiellement rétablie, par la dévaluation de 1986, le taux de chômage a baissé, repassant nettement au-dessous de la barre des 10 %, niveau auquel il s'est maintenu pendant trois ans.
Il est reparti à la hausse, vers un taux de 12 %, à la suite des gestions budgétaires catastrophiques de 1990 à 1993, qui ont à nouveau dégradé la compétitivité de notre économie. Le maintien du taux de change surévalué du franc par rapport au dollar, depuis 1992, a consolidé cette perte de compétitivité et donc conforté le chômage. J'ai signalé cette anomalie dans ces colonnes en octobre 1996.
Dès le début de 1997, la réaction du marché des changes a enfin réalisé ce que les dirigeants n'avaient pas osé décider. Depuis que la relation entre le franc et le dollar a été corrigée, nos exportations se sont développées, entraînant progressivement avec elles la reprise de l'investissement. Il ne faut pas chercher d'autre explication à la baisse du chômage observée au cours des derniers mois. On le vérifie en constatant que le niveau moyen du chômage est passé de 10,8 à 10,5 % dans tous les pays européens qui ont bénéficié de la hausse du dollar. L'amélioration de la compétitivité des entreprises, grandes et petites, entraîne mécaniquement la diminution du chômage. La macroéconomie, cela compte ! Les mesures administratives prises pour « enrayer le chômage » - elles sont tellement compliquées qu'il est impossible d'en garder le souvenir ! - n'ont eu aucun effet mesurable sur la courbe de l'emploi.
Le seul frein à la baisse du chômage réside aujourd'hui dans le niveau des charges acquittées par les employeurs sur les salaires qu'ils versent. Après en avoir fait l'étude théorique, j'ai cherché à en assurer la vérification pratique. C'est ainsi que le conseil régional d'Auvergne a mis en place, le 15 octobre 1997, une mesure consistant à ramener à 10 % le taux des charges patronales sur les salaires pour toute nouvelle embauche. La seule formalité réside dans la déclaration d'embauche pour un contrat à durée indéterminée. La réaction a été stupéfiante : 1 600 emplois créés en un peu plus de trois mois, ce qui équivaut à 56 000 emplois créés sur le plan national, soit plus que les emplois-jeunes du Gouvernement durant la même période, pour un coût budgétaire quatre fois moindre ! Il est intéressant de noter que ces emplois se répartissent de façon homogène sur l'ensemble du territoire régional, ce qui prouve que le mal a été traité à sa racine.
Ces deux mesures globales - compétitivité du cours de change, entraînant la baisse des taux d'intérêt, et réduction des charges sur les bas salaires - suffiraient, à mon avis, à inverser la tendance et à nous faire revenir, dans un délai de dix-huit mois, à un taux de chômage inférieur à 10 %, ce qui est l'objectif national que nous devons nous fixer.
Pour atteindre le plein-emploi - c'est-à-dire un taux avoisinant les 5 % - deux efforts supplémentaires seraient nécessaires. L'un est bien connu : c'est celui qui consiste à améliorer la flexibilité du travail pour approcher les horaires correspondant aux besoins saisonniers et hebdomadaires des entreprises. Les situations sont tellement diverses que seules des solutions au cas par cas peuvent être trouvées, sous forme d’un dialogue social au sein de l’entreprise. Toute formule rigide et obligatoire, comme l’article premier de la loi sur les 35 heures, affaiblit notre compétitivité, et aussi, sachons-le, notre crédibilité internationale. Le modèle français est souvent tourné en dérision… Il est Impératif que l’opposition indique clairement ce qu'elle fera sur ce point le jour où elle reviendra au pouvoir.
L'autre effort concerne la formation professionnelle. Nous ne sommes pas loin d'une situation où, dans certains secteurs d'activité, les nouvelles offres d'embauche ne trouveront pas de personnes qualifiées pour y répondre. D'où la nécessité d'une intensification de la formation professionnelle et d'une concertation plus étroite avec les entreprises afin d'anticiper la réponse à leurs besoins prévisibles. La dimension régionale est la mieux appropriée pour réaliser cet ajustement.
Non, le chômage n'est pas une fatalité ! Mais, au lieu du touche-à-tout administratif, mettons en place les équilibres globaux ainsi que les mesures simples qui permettront le retour au plein-emploi.