Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, à France 2 le 9 mars 1998, sur la violence des jeunes dans les banlieues, les volets en faveur des jeunes dans la loi contre l'exclusion sociale, la nécessité "d'alerter" sur la question des licenciements parallèlement à la mise en place des 35 heures, la préparation des élections régionales en Ile-de-France, et le sport féminin.

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

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Cette nuit à Sartrouville, des jeunes, des groupes de jeunes, ont brûlé une dizaine de voitures : un acte de vandalisme qu'on a déjà connu, et qui peut-être se répète. Comment faire pour lutter contre cette violence des jeunes ?

– « D'abord, cette violence, elle est inexcusable, parce qu'elle frappe des familles tout à fait modestes. Et je crois surtout qu'il faut faire appel aux jeunes eux-mêmes pour lutter contre ces violences. Moi, je suis frappée : toute la semaine dernière, j'ai rencontré des jeunes étudiants et lycéens de Seine-Saint-Denis, et la moitié des débats que j'ai eus avec eux ont porté sur leur angoisse par rapport à cette violence. Ils ont peur, ils sont victimes de racket, et ils sont prêts à s'investir, à créer des associations, à discuter avec les adultes. Ils veulent une présence adulte plus importante dans leur établissement. Donc, je leur ai proposé d'organiser, d'ici l'été, des assises des lycées et des étudiants, pour voir comment on peut aborder ce problème ».

Dans le cadre de la loi sur l'exclusion, vous avez pris aussi votre part, notamment pour les jeunes, pour aider les jeunes. Cela peut-être une réponse ?

– « Oui, bien sûr, parce que lors des rencontres locales de la jeunesse, beaucoup de jeunes en grande difficulté ont lancé des appels très forts, notamment pour qu'on les aide à retrouver de chemin de l'emploi. Donc, dans la loi contre l'exclusion, il y a un programme très important pour accompagner des jeunes très isolés jusqu'à l'emploi, avec des moments de formation, parce qu'il y a besoin parfois de rattrapage. Il y a également la question de la couverture sociale universelle. C'est important pour beaucoup de jeunes – plus de 100 000 d'entre eux n'ont plus de couverture sociale. Il y a tout ce qui concerne les questions d'accessibilité – à la culture, aux sports, aux vacances, aux loisirs –, avec des mesures très concrètes. Donc je pense que cela peut permettre à des jeunes qui sont aujourd'hui en grande désespérance, donc qui peuvent tomber dans la violence de sortir la tête hors de l'eau ».

Sans le débat actuel – qui est une ébauche de débat – sur la croissance et les fruits de la croissance, vous êtes partisan de quoi, vous ? On a vu certains communistes dire qu'il fallait notamment faire un moratoire sur les licenciements, interrompre les licenciements, puisqu'il y a davantage d'argent. Vous êtes plutôt solidaire de L. Jospin ou plutôt solidaire de…

– « Cela ne se pose pas comme cela. Je crois que, par rapport aux licenciements, c'est vrai que l'effort engagé par le Gouvernement pour la création d'emplois, à travers le plan emplois-jeunes, à travers les 35 heures, ne portera réellement ses fruits que si, d'un autre côté, il n'y a pas de poursuite de licenciements massifs, comme on le voit dans certaines entreprises. Donc je pense en effet qu'il faut alerter sur la question des licenciements. Sur la croissance, il faut d'abord qu'on l'installe durablement. Cela passera certainement par une relance de la consommation. Je pense que le pouvoir d'achat, la consommation, devraient permettre de progresser sur l'emploi. Mais cela va demander que l'on conforte tous les chiffres qui ont été annoncés en début d'année. »

Vous êtes candidate pour les régionales, en Ile-de-France ; comment cela se passe, cette campagne ? Cela se réveille un peu ? on a l'impression que, pas en Ile-de-France en particulier, mais les régionales, cela ne passionne pas encore les foules…

– « Honnêtement, beaucoup de personnes me le disent dans la campagne : ils n'entendaient pas beaucoup parler de la région, sauf à travers les affaires judiciaires ; ils ne voyaient pas très bien à quoi la région servait dans leur vie quotidienne. À partir du moment où l'on parle des compétences de la région, que ce soit des lycées, les transports, la formation, ou l'incitation économique, les gens s'intéressent au débat. Ils sentent que s'il font sauter ce verrou de la région en Ile-de-France, si cette région est dirigée par une majorité qui s'inscrit dans l'effort gouvernemental et pour répondre à leurs attentes, cela peut-être un plus pour eux très important. Donc je sens une mobilisation qui grandit surtout qu'il faut aller jusqu'au bout, bien sûr. Il faut aller jusqu'à dimanche prochain, mais il est possible qu'enfin cette région Ile-de-France, soit rendue aux Franciliens, donc c'est important. »

Les communistes ne pourront pas avoir de présidence de région, avec les problèmes, notamment de listes dissidentes, a priori, enfin sauf surprise ?

– « Il y a des possibilités. Je pense à l'Auvergne. Donc, il faut aller au bout de cette campagne, et puis voir les résultats. »

Un mot, quand même, sur les femmes dans le sport. Hier, vous avez assisté à plusieurs manifestations autour de cela, vous avez développé justement cette implantation féminine ?

– « Oui, pour la première fois, on a fait une réunion vendredi soir, avec les femmes sportives, pour élaborer avec elles des mesures permettant de donner plus de visibilité à la pratique féminine du sport, notamment dans les sports où elles sont nouvellement venues, pour leur permettre de concilier de la meilleure façon – c'est venu avec force dans le débat – à la fois leurs études et le haut niveau, le haut niveau et leur vie de femme, et leur vie de mère. Et donc on va organiser une vaste consultation, déboucher sur des journées de travail. J'espère pouvoir prendre quelques mesures dans le cadre de la loi d'orientation sur le sport. »

R. Dumas, ce matin dans le Figaro, dit qu'il n'a pas pris la décision, qu'il n'a certainement pas pris la décision de démissionner ou pas du Conseil constitutionnel. Qu'en pensez-vous : qu'il faut qu'il démissionne, qu'il faut qu'il reste ?

– « Je crois d'abord qu'il faut préserver la présomption d'innocence. Moi, je suis frappée : il est convoqué le 18 mars, et déjà il est à la Une de tous les médias. Ensuite, bien évidemment, c'est à lui de prendre ses responsabilités. C'est le cinquième personnage de l'État. Je pense qu'il aura à prendre une décision, à partir du moment où il y aura eu cette convocation le 18 mars. »

Il ne peut pas être mis en examen et rester Président du Conseil constitutionnel ?

– « C'est lui qui prendra la décision, je pense. Mais pour l'instant, il n'est pas mis en examen. »