Texte intégral
Europe 1 – 8 décembre 1999
Q - Les Russes massacrent en ce moment des civils à Grozny, en Tchétchénie. Le sommet européen d'Helsinki doit-il décider de sanctionner Eltsine ?
« Oui, absolument et fortement ! Il faut intervenir beaucoup plus fortement… »
Q - Comment ?
« Il y a des voies diplomatiques, politiques. On sait, en d'autres périodes, être beaucoup plus forts, beaucoup plus fermes. Je trouve que, du côté occidental, on se réserve beaucoup dans cette affaire. »
Q - Eltsine répète partout où il va que la Tchétchénie est dans la Russie, que ça ne nous regarde pas.
« Oui, bien sûr ! Mais quand il s'agissait du Kosovo, on a eu d'autres pratiques, d'autres démarches. Je ne dis pas que la situation est similaire, mais en tout état de cause, il faut prendre en compte une situation où on écrase un peuple. C'est terrible. Il y a des souffrances. Nous sommes dans une situation affolante et il faut vraiment intervenir. »
Q - R. Hue dit, ce matin : « Il y a urgence » ?
« Absolument. »
Q - Vous n'organisez pas de manifestation, vous qui êtes un expert en manif ?
« Je trouve qu'il y a peu de manifestations effectivement d'organisées. En d'autres périodes, on verrait de bons esprits se lever. Ils sont un peu silencieux. »
Q - Eh bien voilà, organisez-les !
« Mais bien sûr. Pourquoi pas, pourquoi pas ? »
Q - Et vous auriez peut-être plus de monde que pour la manif du 11 octobre !
« Non, je crois que, 50 000 personnes, il faut le faire. Pour le moment, je ne vois pas une force politique qui ait pu rassembler autant de monde que nous l'avons fait le 16 octobre. »
Q - Le 11 décembre, dans quelques jours, il y aura moins de monde.
« Il y aura une autre manifestation, effectivement, pour aussi faire reculer les marchés financiers, la puissance de ceux qui veulent que le chômage s'aggrave. Il y a vraiment, là, des mesures à prendre. Nous le ferons le 11. »
Q - L. Jospin va réunir, ce soir, un conseil de crise sur le boeuf britannique. Est-ce que vous êtes favorable à la levée de l'embargo ou à son maintien ?
« Sur la base de l'avis rendu par l'Agence française alimentaire de sécurité sanitaire, il y a quand même des doutes importants qui semblent subsister. Tant qu'il y a un doute, tant qu'il y a un danger pour la santé des français, ce n'est pas être frileux que de dire “Attention !“ Je suis pour le principe de précaution. Je n'ai pas le rapport, mais si ce rapport émet la moindre hypothèse de doute, je me prononce contre la levée de l'embargo sur le boeuf britannique. »
Q - Vous demandez qu'on publie ce rapport comme tout le monde ?
« Oui, oui, la transparence. »
Q - On va le lire. Mais pourquoi un expert français, vaudrait-il plus qu'un expert européen ?
« Je n'ai pas vu le rapport. Si, dans les conclusions des experts, il y a, effectivement, le doute qui persiste, je crois qu'on peut les réserves et ne pas lever l'embargo. »
Q - Donc, entre le principe de précaution et une crise avec T. Blair qui a fait des efforts, une crise avec l'Europe et la Commission Prodi, votre choix est fait ?
« Ecoutez, la pire des crises, c'est la santé des Françaises et des Français. Donc, il est important que, dans ce domaine, nous ne négligions pas, pour des questions politiciennes, la santé des Français. »
Q - Mais est-ce que le devoir des politiques n'est pas de dépasser les peurs et les « ni oui ni non » des experts ?
« On doit pouvoir s'appuyer sur des rapports extrêmement précis pour dire : “Y-a-t-il, oui ou non, un doute ?“ S'il y a doute, je crois qu'il faut rester dans la précaution. Ça me semble évident, élémentaire. Sinon, qu'on lève les choses ! Et après, il y aura des mesures à prendre : de traçabilité, etc. Mais c'est un autre domaine. »
Q - M. Aubry, votre amie, relève, avant Noël, les minima sociaux, donne des primes d'un montant global voisin de 3 milliards. Vous, vous réclamez 5 milliards. Ça ne s'appelle pas de la démagogie ?
« Non, non, non ! Vous savez, quand il y a 6 millions de gens dans la difficulté, comme on le sait, accorder 2,7 milliards - c'est ce qu'accordent actuellement M. Aubry et le gouvernement -, alors que nous avons des recettes fiscales qui sont en supplément de 30 milliards, je pense qu'on pourrait faire un effort vis à vis de ces catégories. Ces catégories de gens concernées le ressentent très, très durement. Plus il y a les richesses insolentes qui s'affichent avec une croissance qui revient, plus les inégalités grandissent à leurs yeux. »
Q - Donc la croissance, c'est l'agitation sociale entretenue par le PC surtout et quelques syndicats.
« Je pense que le Parti Communiste est dans son rôle, lorsqu'il y a des profits qui grandissent, une croissance qui permet des marges supplémentaires, de dire : “Pensons à ceux qui souffrent le plus dans la société“. On est vraiment dans la vocation du Parti Communiste. »
Q - Si les chômeurs perçoivent autant que les salariés, pourquoi travailleraient-ils aussi durement ?
« D'abord, les chômeurs ne perçoivent pas autant que les salariés. Et si les chômeurs, un jour, percevaient autant que les salariés, c'est qu'on n'aurait pas assez augmenté les salaires des salariés. Donc, je suis pour une augmentation plus importante, des bas salaires notamment, et des salaries… »
Q - C'est formidable, vous demandez toujours le double de ce que propose le gouvernement. Et encore, c'est un gouvernement de gauche dans lequel vous êtes.
« Quand je demande le double pour l'impôt sur les grandes fortunes, le gouvernement ne me suit pas. »
Q - Vous vouliez proposer une loi en janvier pour pénaliser le travail précaire. Hier, il paraît que le groupe parlementaire du PC l'a refusée et que vous préfériez une loi pour durcir la procédure de licenciement économique, dont Jospin ne veut pas. Où est la vérité ? »
« La vérité, c'est ce qu'on a dit dans la manifestation du 16 octobre dernier, qu'on va redire le 11 décembre prochain, à Paris samedi : c'est que la situation, ces plans sociaux… Regardez ce matin encore, les lainières de Roubaix, 6 000 salariés qui ont perdu leur emploi en dix ans ! On liquide… »
Q - Mais ce n'est pas la faute du gouvernement Jospin ou du gouvernement Juppé ?
« Le cadeau de Noël, pour ces gens-là, c'est la liquidation de l'entreprise. Je dis que dans une situation comme celle-là, il faut avoir le moyen de stopper les licenciements. Oui, je suis pour une loi avec un moratoire sur les licenciements qui permette qu'on examine si toutes les conditions ont été examinées avant d'imaginer les licenciements. »
Q - En plus, avec les 35 heures, vous allez étouffer les entreprises ?
« Non, je ne crois pas qu'on va étouffer les entreprises. D'abord, on va donner de l'oxygène aux conditions de vie des hommes et des femmes de ce pays. Deuxièmement, les entreprises doivent pouvoir embaucher à cette occasion et participer de la croissance qui, actuellement, revient. Nous le voyons bien. »
Q - M. Aubry - qui sera l'invité du Club de la presse dimanche - se plaît à démontrer que les emplois-jeunes sont un vrai succès. Ça, au moins, vous pouvez lui accorder ?
« Eh bien oui, surtout qu'on a fait les choses ensemble ! Les emplois-jeunes, c'est une proposition commune des socialistes et des communistes. Ce que je pense aujourd'hui néanmoins, c'est que si on ne veut pas que ces emplois deviennent des emplois précaires, il faut, sans délai, transformer ces emplois-jeunes en emplois stables. Et je pense que, dès le 1er janvier 2000, ça peut être un magnifique cadeau à 200 000 emplois-jeunes de leur dire : “Ne soyez plus inquiets sur votre avenir. Ça ne va pas se terminer au bout des cinq ans et vous allez pouvoir garder, dans un métier nouveau, un emploi“. »
Q - M. R. Hue, vous n'arrêtez pas de faire de la pression sur le gouvernement Jospin. Vous lui dites : « Il faut une politique sociale plus à gauche ». Est-ce que ça veut dire que les trois ministres communistes qui sont dans le gouvernement participent à un gouvernement qui est en train de virer à droite ?
« Non, précisément pas. Ils ne virent pas à droite parce qu'il y a des communistes. D'ailleurs L. Jospin ne s'en cache pas, il dit à ses partenaires, à T. Blair, à G. Schröder : “En France, ce n'est pas comme en Allemagne ou en Angleterre“. Oui, en France, il y a des communistes ! Il faudra s'y faire longtemps, longtemps, longtemps parce que c'est dans la durée qu'on veut rester dans ce gouvernement. »
Q - Il y a des députés PC qui vous cherchent des noises. Il y a votre congrès, vous allez faire un peu le méchant dans les mois qui viennent. Est-ce que, d'ores et déjà, vous pouvez dire : « Nous resterons dans le gouvernement » ou la stratégie c'est : « S'il y a une pression du PC, on en sort ? »
« Ce sont les communistes qui ont décidé, dans un vote démocratique, d'aller au gouvernement, qu'on soit dans le gouvernement. C'est donc une démarche qui n'est pas conjoncturelle, qui est stratégique, et seuls les communistes pourraient décider du contraire. Je ne crois pas que l'on s'oriente dans cette voie. »
Q - D'accord, mais vous mettez des bâtons dans les roues du gouvernement. Vous sortez une campagne sur le droit de vote des étrangers.
« Ecoutez, je rends un service immense au gouvernement de la France. Je permets qu'il soit plus à gauche. Je suis dans mon rôle ! »
Q - Plus vous l'engueulez, plus vous lui rendez service.
« Non, je suis pour qu'on tienne des engagements d'un gouvernement bien à gauche. Il est évident que la présence des communistes dans cette majorité et au gouvernement est un gage qu'il soit bien à gauche. »
Q - Et la pression continue !
« Ecoutez, on est là pour ça. »
Q - Aux européennes, vous avez pris la tête de liste, vous avez défendu l'Europe, vous avez été élu député européen. Aujourd'hui, vous êtes le prince incontesté de l'absentéisme à Strasbourg. Est-ce que vous démissionnez ?
« On m'avait dit, quinze jours après, je ne serai plus au Parlement, que j'allais démissionner. J'y suis encore et j'y suis pour un moment encore. »
Q - Vous y êtes d'autant plus que vous n'y allez pas.
« Ecoutez, j'y vais la semaine prochaine, j'y vais effectivement quand mon emploi du temps le permet. Mais je tiens mes engagements. »
France 2 : 10 décembre 1999
Q - R. Hue, vous allez nous parler de l'emploi et de l'action que vous menez demain avec d'autres organisations. On est en plein contexte européen aussi. A Helsinki, est-ce que la guerre franco-britannique sur le boeuf peut remettre en cause tous les projets européens importants comme l'élargissement, comme la défense ?
« Je crois que ça va être un sujet qui va être effectivement à l'ordre du jour de façon plus marquante que certainement prévu. Je trouve que la décision du gouvernement français est une décision très responsable, courageuse et je la soutiens totalement. Le maintien de l'embargo est d'autant plus nécessaire qu'il y a non seulement le principe de précaution, mais c'est une question de principe, d'éthique. La santé des français, la santé alimentaire, c'est quelque chose qu'on ne néglige pas même s'il y a des problèmes qui peuvent se poser en termes de relations internationales et de commerce. Je crois que c'est une priorité. Je le répète, la position me semble très responsable. »
Q - L'Europe doit-elle prendre des sanctions vis à vis de la Russie à propos de la Tchétchénie ?
« Je pense que nous assistons en Tchétchénie à une situation des plus graves, à une population qui est prise en otage. Il y a des bandes d'intégristes et puis il y a cette attitude des maîtres du Kremlin cynique parce qu'on sait bien qu'une partie de la démarche et de l'écrasement de ce peuple est liée à des élections qui ont lieu prochainement. Je crois que l'Union européenne doit prendre des mesures très fortes. »
Q - Des sanctions économiques ?
« Ah oui, absolument ! Il me semble qu'il faut mettre un terme à un certain nombre d'aides que reçoivent actuellement les Russes. Il faut être très ferme en la matière. Je suis indigné de la passivité de la communauté internationale actuellement. Je pense vraiment qu'il y a des mesures à prendre, fortes. Il ne s'agit pas pour moi de m'inscrire dans une démarche d'ingérence que je ne considère pas comme juste. Mais si on n'a pas un devoir d'ingérence, on a un devoir de solidarité avec le peuple tchétchène, ça, ça me semble évident. »
Q - La solidarité communiste n'est plus ce qu'elle était ?
« Ça n'a rien à voir parce que, moi, ces chars russes qui écrasent un peuple, ce massacre, je le condamne avec la plus grande force. Ça n'a rien à voir avec la moindre éthique communiste. D'ailleurs, ce sont des mafieux qui dirigent. Ça n'a rien à voir ! »
Q - La menace nucléaire esquissée par Eltsine hier à Pékin, ça vous semble être à prendre au sérieux ou pas ?
« Ecoutez, je ne crois pas que ce soit quelque chose qui soit aujourd'hui à l'ordre du jour. Il m'a semblé que les propos d'Eltsine étaient des propos quelque peu déplacés dans une situation singulière, particulière. Je ne porte pas de jugement sur ces propos-là. »
Q - Ça ne vous inquiète pas ?
« Non. Ce qui m'inquiète, c'est ce qui est en train de se passer où un peuple est en train d'être massacré en Tchétchénie. Ça, je crois qu'on a les moyens, de faire pression y compris sur les Américains parce que les Américains sont très distants. J'ai bien vu l'échange entre Eltsine et B. Clinton hier. Ça portait plus sur l'anecdote que sur la réalité d'un peuple qui est en train de se faire massacrer. »
Q - Votre actualité pour demain avec de nombreuses organisations, ce sont des manifestations à Paris et dans des régions et départements français pour l'emploi, et l'on pourrait penser aussi contre le manque de décisions gouvernementale. C'est pour où c'est contre ?
« Non, non, c'est pour. C'est pour l'emploi et si c'est contre quelque chose, c'est contre ces plans de licenciements. Regardez, hier - ça va se décider dans les jours qui viennent - aux lainières de Roubaix, on ferme l'entreprise brutalement à quinze jours de Noël. On ne prévient même pas les salariés. Non, c'est une situation inacceptable. »
Q - 2 000 emplois.
« Oui, mais il y en a eu 6 000 de supprimés en dix ans. »
Q - Et il y a un plan qui est promis, une aide qui est promise pour les reclasser.
« Oui, mais tout ça traduit bien à mon avis une situation qui se dégrade. D'un côté, il y a des efforts qui sont faits. Je ne néglige pas le recul du chômage grâce à des mesures gouvernementales souvent auxquelles on participe. Mais en même temps, je ne peux pas me taire sur une situation qui à mon avis ne peut pas continuer. Je suis pour un moratoire qui empêche ces plans de licenciements et je suis pour le dire fort aujourd'hui. Je suis pour qu'on ait une politique de l'emploi. Oui, il me semble que le gouvernement doit prendre d'autres mesures dans ce domaine. Par exemple, certains se sont étonnés du débat, pour ne pas dire la polémique, avec M. Aubry concernant le financement de la sécurité sociale. Vous savez que nous ne voulions pas voter. D'ailleurs, nous nous sommes abstenus.
Q - Vous avez failli faire tomber le gouvernement.
« Oui, mais nous avons pris nos responsabilités en la matière. »
Q - C'est pour la prochaine fois ?
« Non. Ce n'est pas en ces termes que ça se pose. Mais regardez, qui avait raison ? Aujourd'hui, on a des milliers de personnels hospitaliers dans les rues de Paris qui ont raison de se battre parce qu'il manque d'effectifs, il manque de moyens. On avait donc raison de dire qu'il fallait mettre plus de moyens à la santé publique et au financement de la sécurité sociale dans des conditions différentes. »
Q - Vous êtes pour une proposition de loi empêchant, réglementant les licenciements ?
« Ah oui, absolument. Je suis pour une proposition de loi qui participe d'un moratoire immédiat sur les plans sociaux afin qu'on regarde si la situation de l'entreprise ne permet pas de faire autrement. Il y a des entreprises qui bénéficient d'aides importantes publiques, il faut les contrôler. D'ailleurs, je propose le 18 janvier prochain au Parlement une proposition de loi qui vise à contrôler les fonds publics aux entreprises. »
Q - Et la croissance qui permet de créer des emplois, alors vous ne la voyez pas ?
« La croissance, je vois qu'elle existe. En même temps, je pense que la croissance, pour qu'elle se dynamise davantage, il faut qu'on donne davantage de pouvoir d'achat. Et ce n'est pas dans le faible relèvement des minima sociaux qu'on vient d'avoir là qu'on relancera l'économie. Il y a des gens, il y a six millions de précaires, il y a des gens qui souffrent actuellement d'une situation. Il faut leur donner des moyens. C'est pour ça que je réclame 5 milliards et non pas ce qui a été seulement attribué même si ce n'est pas négligeable. »
Q - 2,7 milliards, c'était pas mal quand même !
« Oui, mais écoutez, 2,7 milliards, c'est à regarder… Mais vous avez raison de dire les choses comme ça. Regardons cela en fonction des excédents fiscaux. On a 30 milliards d'excédents fiscaux par rapport à l'an dernier. Il faut les utiliser pour les gens… »
Q - Est-il vrai que vous annoncez presque un chamboulement du Parti communiste à partir de la semaine prochaine ?
« Nous allons aider à un congrès fondateur avec effectivement des changements importants pour un nouveau Parti communiste. Dans les jours qui viennent, les communistes seront appelés à donner leur opinion, à construire ce nouveau parti dans le cadre du congrès. »
RMC : 16 décembre 1999
Q - Pendant que nous sommes ici, R. Hue, Grozny est assiégé avec 40 000 personnes à l'intérieur : est-ce qu'il faut désespérer, R. Hue, ou faut-il imposer des sanctions ?
« Je crois que le massacre dont vous parlez est quelque chose d'horrible et il me semble que la Communauté internationale doit faire beaucoup plus et beaucoup plus fort. Je suis assez surpris, choqué, de l'absence de fermeté dans les prises de position. Il ne s'agit pas d'imaginer une intervention militaire, certainement pas, personne n'y pense mais en même temps la pression pourrait être beaucoup plus forte. Les États-Unis sont vraiment en retrait par rapport à d'autres situations dans le monde et puis ce peuple qui est pris dans un étau entre d'un côté - il y a de vrais terroristes intégristes qu'il faut combattre - mais en même temps on voit bien ce cynisme honteux de politiciens russes qui, à la veille des législatives, sur le dos du peuple tchétchène, veulent faire des choix, c'est… »
Q - Des sanctions… C'est possible des sanctions ?
« Je crois qu'il y a des aides à la Russie aujourd'hui, la Russie est dans le G8, on peut effectivement faire des pressions importantes. D'ailleurs à plusieurs reprises, lorsque ces pressions ont vu une possibilité d'aboutir, on a vu que les russes reculaient. Voyez, ces derniers jours, il y a eu de petites modifications malheureusement insuffisantes mais tout cela est lié à ce que peut faire la communauté internationale. Je pense qu'elle ne fait pas assez et, de ce point de vue, nous l'avons rappelé d'ailleurs hier à l'Assemblée nationale dans une question au ministre des Affaires Étrangères. »
Q - Les 35 heures ont été votées cette nuit. Est-ce que vous êtes enthousiaste ce matin ou est-ce que vous êtes un peu déçu du peu d'emplois créés jusqu'à présent et même promis ?
« Ah non, je considère que c'est une loi très importante. C'est une loi qui peut constituer une véritable avancée de civilisation avec des créations d'emplois. Cette loi peut permettre de créer des emplois à condition que l'on ne laisse pas le patronat imposer sa loi, sa loi à lui. Il est clair que le Medef se comporte de plus en plus comme le fer de lance d'une action antigouvernementale. Il y a une démarche politique du Medef dans la situation que nous connaissons avec la volonté de pression visant à ce que cette loi soit davantage de flexibilité, de productivité du travail et évitant les créations d'emplois. Or il est nécessaire, effectivement, d'associer les aides publiques aux créations d'emplois. C'est un élément que nous avons fait avancer dans la loi…
Q - Donc les 35 heures ça va être une bataille.
« Oui, mais qui peut penser un seul instant qu'une très grande réforme sociale peut se faire en dehors du mouvement social, en dehors de luttes et d'ailleurs, vous voyez bien que les mouvements sociaux grandissent autour des 35 heures actuellement. »
Q - Vous soutenez ces mouvements sociaux ?
« Bien sûr, mais totalement. Moi je considère, et je sais bien ça fait partie des différences que nous avons parfois avec nos partenaires socialistes, je considère que le mouvement social n'est pas un handicap, mais qu'il est un élément positif pour la gauche plurielle. »
Q - Est-ce que c'est bon de voter des lois qui organisent les batailles, M. Hue ?
« Mais le problème c'est “qui organise la bataille ?? Si le patronat essaie de mettre des bâtons dans les roues à la mise en oeuvre de la loi, au nom de quoi les salariés n'auraient pas à se mobiliser pour faire que la loi soit vraiment une loi positive ? C'est une loi qui peut être une très bonne loi de civilisation, une très bonne loi pour l'emploi à condition qu'elle soit l'affaire des salariés et je crois que l'on peut se féliciter qu'actuellement, dans de nombreux endroits les salariés ont décidé de ne pas se laisser faire et de ne pas laisser faire le patronat, seul, dans cette affaire. Et puis l'État doit aussi donner l'exemple. Je pense que dans les grands services de l'État, dans la fonction publique, il faudrait que nous avancions plus vite. »
Q - Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris que le Medef refusait - les patrons, donc - refusaient de recevoir M. Aubry ?
« Oh, vous savez, ce n'est pas un grand drame. C'est une façon pour les patrons de traiter avec mépris, effectivement, la question sociale. Je crois que le gouvernement ne doit pas passer pour les fourches caudines du Medef. Si c'est ce que voulait le Medef, eh bien il ne faut pas s'inquiéter de ce refus de négocier. De toute façon, il sera bien contraint de négocier et c'est pour cela que si le gouvernement, si M. Aubry, a à l'esprit que le mouvement social est un allié extraordinaire dans cette bataille, eh bien nous avancerons.
Q - On vous avait entendu, il y a quelques jours de cela, lorsque M. Aubry avait accordé 1 000 francs de prime, on va dire, aux bénéficiaires du RMI et puis 2 % d'augmentation minima sociaux, dire que ce n'était pas assez et malgré tout M. Aubry a maintenu cette décision. Est-ce que vous n'êtes pas un peu fatigué que vos demandes, vos exigences ne soient pas prises en compte ?
« Non, parce que si déjà M. Aubry a dû faire le premier pas sur les minima sociaux, insuffisant… »
Q - C'est parce que vous étiez là.
« C'est parce qu'on est là. Regardez, permettez-moi d'extrapoler un peu mais en Europe, quand on regarde ce qui se passe en France, on dit : “La social-démocratie française“, L. Jospin est différent de T. Blair ou de Schröder pourquoi ? Parce qu'il y a en France une histoire du mouvement ouvrier, un parti communiste qui est dans le gouvernement, d'ailleurs c'est cette originalité en Europe, donc je crois que oui on… alors revenons aux minima sociaux, revenons aux augmentations du gouvernement. C'est insuffisant pourquoi ? Pas parce que je veux faire de la surenchère, mais… »
Q - Parce qu'il y a la croissance…
« Quand il y a la croissance, quand il y a plus de 30 milliards de rentrées fiscales supplémentaires, est-ce que l'on ne peut pas consacrer un peu plus ? Là, il y a 2,7 milliards, je ne boude pas, je ne fais pas la fine bouche mais on pourrait mettre 5 milliards et engager un processus. Il faut se rendre compte des difficultés, je ne vais pas revenir longuement là-dessus mais vous les connaissez, vous les avez déjà données à l'antenne, il y a des gens qui souffrent aujourd'hui parce que quand on a 2 5000… »
Q - Mais pourquoi votre raisonnement n'est pas passé M. Hue ?
« Mais écoutez, je pense que ce raisonnement n'est pas passé - il est passé partiellement - mais il n'est pas passé parce qu'il y a une certaine coupure parfois, entre l'élite, ceux qui font les lois et puis les ministres et la réalité sociale. Pourquoi je souhaite être en permanence lié au mouvement populaires ou au mouvement sociale tout en étant dans les institutions, dans la majorité, au gouvernement ? Parce que je pense qu'il ne faut jamais quitter la réalité du terrain et je pense que quand on sait que l'augmentation de 2 % représente un tiers de baguette de pain, chaque jour, on doit comprendre que c'est insuffisant. »
Q - Vous allez dire cela aujourd'hui à la réunion que vous avez vos partenaires de la majorité plurielle ?
« Bien sûr. Vous savez que je n'ai pas ma langue dans ma poche et chacun sait que c'est constructif de dire ça pour la majorité plurielle. Je serai tenté de dire : “Je suis là pour ça“. Ce n'est pas dans ma vocation éternelle et définitive, ni celle du Parti communiste, d'être toujours là à rappeler la réalité sociale mais quand même c'est dans son essence. Je suis là pour dire qu'il faut améliorer encore les choses. Ces gens qui ont les minima sociaux, qui sont dans le mouvement populaire, ceux dont on parlait tout à l'heure en lutte pour les 35 heures, c'est ceux qui ont mis la gauche au pouvoir, c'est eux qui sont les électeurs de la gauche plurielle et il faut vraiment penser à eux. »
Q - Quelques mots, R. Hue. Que pensez-vous de la désertion générale de Bruxelles de toutes ces têtes de listes qui avaient promis qu'ils y resteraient et est-ce que vous, vous aller rester ?
« Pour le moment je ne suis pas touché - vous le savez - par le cumul des mandats puisque ma ville, la ville dont je suis maire à moins de 20 000 habitants. Donc, contrairement à ce qui a été affirmé je ne quitte pas le Parlement européen pour le moment. Moi je suis contre le cumul, donc il est vrai qu'à un moment donné, se posera le problème pour moi de choisir un mandat à quitter. Je n'ai pas choisi pour le moment, je le ferai. »
Q - Mais vous allez quitter Bruxelles comme tout le monde.
« Je n'ai pas tranché, c'est possible mais je n'ai pas tranché du tout, vraiment pas tranché. Le problème qui se pose aujourd'hui, c'est que l'on ne peut pas avoir une grande élection politique en France si les leaders politiques ne sont pas engagés, c'est ce qui m'a conduit à être tête de liste comme certainement les autres leaders politiques auxquels je ne jette pas la pierre. Mais en même temps on ne peut pas d'un côté vouloir un engagement total des forces politiques dans une grande élection comme les élections européennes et dire que les leaders ne doivent pas être tête de liste. Changeons la loi. J'ai voté la fin du cumul des mandats, attendons que maintenant elle vienne vraiment et il faudrait que le Sénat ne bloque pas. »