Texte intégral
LE MONDE, 10 mars 1998
Le Monde
Philippe Séguin s’est déclaré prêt à exclure du RPR Jean-François Mancel si celui-ci se fait réélire président du conseil général de l’Oise avec les voix du Front national. Parlez-vous de même, à l’UDF, pour Philippe Vasseur, qui envisage une alliance avec l’extrême droite du conseil régional Nord-Pas-de-Calais ?
François Bayrou
- « Oui. Et je demande à Philippe Vasseur de cesser ce genre de déclarations. L’opposition est en reconstruction du point de vue de ses idées, mais, pour moi, la première des reconstructions, c’est celle qui doit se faire sur les valeurs morales. Nous avons une grave opposition avec le Front national, pas seulement sur la politique et sur les mesures à prendre, mais sur les valeurs morales, c’est-à-dire sur la conception de ce qu’on a de plus précieux : qu’est-ce qu’une société et quelle est la valeur de la personne humaine dans la société où l’on va vivre ?
Eh bien, si nous avions la faiblesse, pour quelques suffrages, de nous laisser aller à quelque compromis ou compromission que ce soit, nous ruinerions la reconstruction morale de l’opposition ! Ce qui est en jeu, c’est beaucoup plus que les régions. C’est la crédibilité de ce que nous avons dit depuis des mois et des années sur le fond, j’allais dire sur l’ « âme » de ce que nous croyons. Je serai sans faiblesse dans cette affaire. Philippe Vasseur, comme d’autres, compromet par ses déclarations le nécessaire climat de confiance morale qui doit préparer la reconstruction de l’opposition. »
Le Monde
Une partie de votre électorat souhaite l’accord avec le front national…
François Bayrou
- « Dans les sondages, le nombre de ceux qui, dans notre électorat, sont opposés à un accord avec l’extrême droite est en constante augmentation. Ils sont, aujourd’hui, près de 70 %. Pourquoi ? Parce que nous avons tenu un langage de vérité, en parlant sur le fond, depuis des années. Le Président de la République, les responsables de formations politiques ont dit que nos valeurs sont en contradiction - pas seulement différentes : en contradiction - avec les valeurs qui sont annoncées par l’extrême droite. Tenons-nous-en là ! »
Le Monde
Les responsables nationaux tiennent en effet ce langage, mais la gauche entretient le soupçon qu’il sera contredit, localement, par des élus de second rang…
François Bayrou
- « Naturellement, la gauche espère que nous apparaissions comme ambigus ou hésitants dans cette affaire. Il n’y a qu’une seule réponse ; soyons intransigeants ! Après comme avant le 15 mars, il faut que tout le monde comprenne qu’il s’agit là d’un sujet d’intérêt général, primordial, et pas seulement de quelque avantage local. S’il apparaissait que nous sommes ambigus sur nos valeurs, alors, tout ce que nous raconterions sur la reconstruction n’aurait aucun sens. »
Le Monde
Que répondez-vous à ceux qui peuvent trouver une certaine légitimité au principe de la « préférence nationale » ?
François Bayrou
- « Tout discours politique fondé sur la recherche d’un bouc émissaire, tendant à expliquer que les problèmes de la France viennent des étrangers et qu’il suffirait de chasser ou d’écarter les étrangers en situation régulière, est non seulement une escroquerie, mais un manquement à ce que nous avons en commun de plus sacré. On a vu, dans le siècle, tant et tant de drames provoqués par une telle croyance qu’il me semble que nous devrions au moins être vaccinés ! »
Le Monde
Bruno Mégret dit que « la préférence nationale, c’est le patriotisme d’aujourd’hui »…
François Bayrou
- « Cela relève exactement de ce dont je parle. Nous nous battons contre une immigration incontrôlée, parce que nous avons la lucidité et la responsabilité de dire : attention !, les décisions du Gouvernement ne vont pas dans le sens du contrôle de l’immigration, mais facilitent cette immigration et vont créer un « appel d’air ». Disant cela, nous devons et nous pouvons dire, en même temps, qu’une politique de bouc émissaire est non seulement déshonorante, mais dramatique. »
Le Monde
N’existe-il pas, à droite, un parti virtuel, qui va peut-être s’affirmer à l’occasion de ces élections régionales : celui des partisans de l’alliance avec l’extrême droite ?
François Bayrou
- « Si jamais on assistait à cette affirmation-là, alors, je craindrais le pire pour l’opposition. Il y a ceux qui font de la politique pour des places ou pour obtenir un mandat, et puis ceux qui font de la politique avec ce qu’ils ont de plus précieux. Je le dis gravement : un certain nombre d’entre nous ne pourront pas accepter ce « n’importe quoi ». Si jamais il y avait, à l’intérieur de l’opposition, ce genre de tentation, je suis sûr que des hommes comme Philippe Séguin, ou moi, ou François Léotard, ou d’autres, nous ne l’accepterions pas. »
Le Monde
Comment se traduira ce refus ?
François Bayrou
- « Nous prendrons les décisions, les sanctions nécessaires. Les valeurs morales sont plus importantes que les idées politiques. Pour fonder une action, la politique vient en second, la morale vient en premier, en tout cas à mes yeux. »
Le Monde
Imaginez-vous qu’un jour un Front national « new look », dirigé par M. Mégret, par exemple, puisse devenir pour vous un interlocuteur acceptable ?
François Bayrou
- « Tant que ce parti affirmera que les races ne sont pas égales, qu’il doit y avoir un traitement des hommes selon leur race ; tant que ce parti dira ce qu’il dit sur les étrangers ; tant qu’il usera d’intimidation et rabaissera le débat, il ne pourra pas être pour nous un interlocuteur. Pour qu’il le devienne, il faudrait une rupture. Or cette rupture ne se produira pas, pour une raison simple : la plupart des dirigeants du Front national se servent de ces sujets comme des « produits d’appel ». Ils cherchent à choquer, pour obtenir une publicité qui leur permettre ensuite, d’attirer les Français les plus fragiles. Jugeant sur les valeurs, sur les affirmations de fond, je serai intransigeant. »
SUD-OUEST, mercredi 11 mars 1998
Sud-Ouest. - Diriez-vous, comme d’autres, que les rumeurs d’alliance entre la droite et l’extrême droite font partie d’un « procès perpétuel » instruit par les socialistes ?
François Bayrou. - Ce n’est pas un procès. C’est un argument de campagne électorale. Depuis François Mitterrand, c’est à chaque élection la même histoire. Et nos affirmations, pourtant sans ambiguïté, sont royalement ignorées. La gauche rêve d’une opposition qui se laisserait aller à la soumission face à l’extrême droite. Cela servirait formidablement ses intérêts. L’épouvantail aurait enfin une réalité. Pour nous, au contraire, les choses sont simples. Nous pensons que la reconstruction de l’opposition commence par sa reconstruction morale, par la création d’un lien de confiance avec les Français, qui seront sûrs de notre parole. C’est pourquoi je serai intransigeant sur les engagements pris.
S.-O. - Entre les différentes mesures annoncées (cumul des mandats, loi contre l’exclusion, etc.) et les bons indicateurs économiques, quelles raisons pourraient avoir les Français de sanctionner la gauche au pouvoir ?
F. B. - Nous n’en sommes pas encore au temps du bilan définitif qui permet de sanctionner. Le moment que nous vivons, c’est celui de l’avertissement et de la recherche de l’équilibre des pouvoirs. Les bons indices, tout le monde voit bien que ce sont, en grande partie, les résultats de la politique menée avant le mois de mai. Il faut dix-huit mois avant que les conséquences d’une politique se fassent sentir : faites le compte. Et, malheureusement, c’est à long terme que l’on verra la gravité des conséquences des décisions prises aujourd’hui. Je pense par exemple au choix des trente-cinq heures. Le message des citoyens d’aujourd’hui doit donc être un avertissement.
S.-O. - Existe-t-il selon vous un « seuil » de régions perdues à partir duquel le RPR et l’UDF devront revoir complètement leur stratégie ?
F. B. - La réponse n’est par arithmétique. En 1992, nous étions au sommet de notre popularité, et la gauche au pouvoir était au plus creux de la sienne. Le rééquilibrage est donc presque automatique. Pour autant, ces élections ne sont qu’une étape. J’ai la conviction que beaucoup de reconstructions sont devant nous, dans le domaine des idées, dans le domaine de la pratique politique, de l’authenticité, des valeurs morales. Je crois qu’il faudra que les choses bougent, quel que soit le résultat de ces élections.
S.-O. - Jacques Chirac a retrouvé sa popularité mais ne veut pas incarner le rôle de chef de l’opposition. Est-ce que la situation ne présente pas pour vous plus d’inconvénients que d’avantages ?
F. B. - Le Président de République n’est un homme politique ordinaire. Il n’est pas le chef d’un clan. Il est une référence commune pour nous tous dans l’opposition, parce qu’il a la charge des enjeux essentiels. À ce titre, il est une chance pour nous.
S.-O. - Vous êtres président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et très attaché au maintien du département. Ne pensez-vous pas qu’il existe un échelon de trop ?
F. B. - C’est vrai qu’il y a beaucoup de confusion dans l’esprit de nos concitoyens. Je suis favorable à une clarification des compétences et des ressources. Pour autant, je ne crois pas que l’on puisse rayer de la carte les départements ou les régions. C’est une question de proximité : certaines choses peuvent se gérer depuis la capitale régionale, d’autres non. Mais pourquoi ne pas imaginer de mieux coordonner l’action de ces différents échelons ? Pourquoi ne pas imaginer que ce soient, par exemple, les mêmes élus qui gèrent les régions et les départements, comme Jacques Chaban-Delmas l’avait voulu ? On ferait beaucoup d’économies, et on aurait une action plus cohérente.
OUEST-FRANCE, mercredi 11 mars 1998
Ouest-France
Quel est le message essentiel que vous cherchez à faire passer à travers ces élections ?
Bayrou
- « Le message est double. D’abord, ces élections sont importantes à cause du choix des équipes qui dirigeront les conseils régionaux. Ces équipes ont une responsabilité majeure quant à la cohérence et à la vision de l’avenir des régions. De ce point de vue, on ne peut pas dire que les équipes de la gauche, dite « plurielle », aient une cohérence et une vision commune comparables à celles qu’ont entre eux RPR et UDF ! Il suffit de prendre les problèmes touchant à l’équipement du territoire, aux routes, au train, aux infrastructures, pour mesurer à quel point la majorité rouge-rose-verte est divisée… Le deuxième message vise à saisir l’occasion de ces élections régionales pour débattre des grandes orientations du Gouvernement. À mes yeux, l’essentiel est de chercher à concilier la performance économique avec une société plus humaine. Or, j’observe que le Gouvernement a choisi de tourner le dos à la réalité, c’est-à-dire à la compétition mondiale. »
Ouest-France
Ces élections devraient aussi être l’occasion de parler de décentralisation ; faut-il aller plus loin dans ce domaine ? Et si oui, pourquoi ?
Bayrou
- « Oui, pour deux raisons : pour clarifier les compétences et les responsabilités des différentes collectivités. Pour généraliser la pratique de l’expérimentation. La France est un pays dans lequel l’égalité s’est transformée en paralysie. Jamais, dans le domaine social ou économique, un élu - sauf exception, comme Pierre Méhaignerie avec le RMI - n’a la possibilité d’expérimenter une idée personnelle. Il faut toujours passer par l’échelon national : c’est handicap typiquement français. »
Ouest-France
Comment le surmonter ?
Bayrou
- « En sortant des compétences croisées, en cherchant à dessiner de nouveaux périmètres ou des pratiques nouvelles. Je propose une idée qui m’est pour l’instant personnelle. Pourquoi ne pas imaginer que les élus départementaux et les élus régionaux soient les mêmes ? C’est-à-dire qu’on garde les compétences des deux assemblées, mais que celles-ci soient gérées par les mêmes hommes ? Par exemple les élus du Finistère seraient conseillers départementaux au conseil général du Finistère et conseillers régionaux au conseil régional de Bretagne. Voilà qui donnerait plus de souplesse aux institutions, simplifierait les choses et… ferait des économies ! »
Ouest-France
Dans la configuration actuelle, y a-t-il trop de régions en France ? Êtes-vous favorable à leur regroupement ?
Bayrou
- « Oui, nous avons trop de régions en France. On pourrait trouver des découpages plus efficaces, et n’auraient rien d’artificiel. Ainsi serait-il naturel de rapprocher la Bretagne et les Pays de la Loire, mais aussi l’Aquitaine et Midi-Pyrénées. »
Ouest-France
Quelle sera votre position pour les présidences de région lorsque le RPR et l’UDF n’auront pas de majorité relative ?
Bayrou
- « Deux hypothèses : ou bien il existe un espoir raisonnable, avec des voix marginales (divers droite, chasseurs, écologistes), d’emporter la victoire pour l’un des nôtres, et on la tente. Ou bien la victoire ne peut être acquise que par un accord avec l’extrême droite, alors ma position est nette : on ne prend pas ce risque. »
Ouest-France
Êtes-vous personnellement opposé au cumul des mandats ?
Bayrou
- « Je suis pour que les élus nationaux puissent avoir un mandat de responsabilité locale (maire par exemple) et pour qu’un président de collectivité locale puisse siéger au Parlement. La France est un pays qui s’est construit sur l’unité nationale, et ma conviction est que, dans ce pays-là, il faut que la province ait des avocats à Paris. Il est nécessaire que la technocratie parisienne trouve en face d’elle des élus enracinés dans leur responsabilité locale. Donc, je suis pour deux mandats, mais deux seulement : un local et un national. Ensuite aux électeurs de choisir. »
Ouest-France
Puisque le système de choix des candidats vous paraît « malsain », pourquoi n’avez-vous pas rompu avec cette pratique ?
Bayrou
- « Si on avait ajouté la division à la défaite que nous avons connue au printemps dernier, il y aurait eu de grands risques pour que le corps électoral nous le fasse payer chèrement. Je suis persuadé qu’il nous faudra un jour prochain changer de méthode. L’union ne doit plus nous empêcher de choisir, en toute circonstance, le meilleur candidat. Le jour viendra, comme dans toutes les autres grandes démocraties, où les citoyens de terrain auront leur mot à dire dans ces désignations : cela assurera le renouvellement et le succès. J’en prends, pour ma part, l’engagement. »
France Inter - mercredi 11 mars 1998
S. Paoli
Vous n'étiez pas au Zénith parce que vous sortez à peine de l'avion ?
Bayrou
- « Oui c'est ça. J'étais à Nîmes. »
S. Paoli
C'est une vie de fou une campagne ?
Bayrou
- « Oui, mais si on fait ça c'est qu'on aime ça. On ne va pas tout de même se faire plaindre. »
S. Paoli
Non, mais mesurez-vous le décalage entre votre engagement à tous, ceux qui sont concernés par ces régionales et finalement, quand même, le peu de curiosité ou le peu d'attention que l'opinion porte à ces élections ?
Bayrou
- « Les derniers jours avant une élection sont cruciaux. On a vérifié dix fois et spécialement à chaque dernière élection que le climat se modifiait dans les derniers jours, et quelquefois dans les dernières heures. Peut-être est-il en train de se passer quelque chose. »
S. Paoli
C'est pour ça qu'hier soir au Zénith c'était un petit peu plus punché ?
Bayrou
- « Moi, je pense que c'est normal et légitime que nous prenions aussi le ton, la pugnacité, non pas l'agressivité mais le caractère dynamique et entier que demande une campagne électorale. On ne peut pas faire une campagne électorale à reculons et on ne peut pas faire une campagne électorale malgré soi. Donc il faut naturellement entraîner la conviction de ceux qui nous écoutent. Bien entendu ils ne nous écoutent pas comme des militants, mais ils nous écoutent comme les citoyens qui ,vont dire dans quelques jours quelle est leur volonté sur la composition des équipes des régions et quel est, au fond, leur jugement, sur le climat politique. »
S. Paoli
Sur un point qui vous importe, celui des alliances. Hier matin, B. Mégret ne cachait pas qu'officiellement certains disent qu’il n’y a rien de possible mais, qu'implicitement, en-dessous, comme ça, il y a des choses qui peuvent se négocier.
Bayrou
- « C'est une, question qui est réinstallée sans cesse par la gauche dans le débat politique malgré les affirmations qui je crois sont d'une très grande clarté, qu'ont faites les responsables des familles politiques de l'opposition. Et pourquoi est-elle réinstallée comme ça par la gauche ? Parce que la gauche espérerait que nous ayons une attitude ambiguë et que, ayant une attitude ambiguë, elle puisse trouver là un aliment de campagne pour chercher contre nous une condamnation du corps électoral. Je veux dire ceci, que j'ai déjà dit mais que je suis heureux de répéter avec vous : la reconstruction de l'opposition, ce n'est pas seulement une reconstruction du projet ; ce n'est pas seulement une reconstruction des idées politiques. La reconstruction de l'opposition est une reconstruction morale et c'est une reconstruction du lien de confiance. Quel lien de confiance y aurait-il si, après avoir annoncé que nous serions parfaitement clairs dans cette affaire, la réalité se révélait différente ? Il n'y en aurait plus, et moi je suis certain que nous avons besoin, dans cette affaire, d'adopter une seule ligne qui ne soit pas faite d'injures et d'anathèmes de chaque jour mais une seule ligne qui soit claire et intransigeante. »
S. Paoli
Que dites-vous à un P. Vasseur qui dit qu'il ne passe pas d'alliance avec le. Front national mais qui accepte toutes les voix, d’où qu'elles viennent ? Est-ce que ça c'est un discours politique facile à défendre ou pas ?
Bayrou
- « Je lui ai déjà dit que ce sont des déclarations propres à semer le trouble et que dans une campagne électorale on n'a pas besoin de troubles. Il faut avoir une ligne parfaitement compréhensible par nos concitoyens. »
S. Paoli
Concernant la violence, au niveau de l'enseignement que peut-on faire pour éviter d'en arriver à ce que. C Pasqua appelle « le risque du Bronx » pour l’Île-de-France ?
Bayrou
- « Pour moi c'est très clair. C'est une affaire d'éducation. Quels sont les lieux d'éducation ? Le premier lieu d'éducation, c'est évidemment la famille, le lieu où se forme la sensibilité et qui est, dans la société où nous vivons, un lieu tiraillé. Deuxième lieu d'éducation l'école ; troisième lieu d'éducation : le quartier, la vie de la ville ou du quartier. Voilà les trois principaux lieux d’éducation. Et quelle est la priorité. Naturellement on peut faire des plans avec 36 mesures, j'en ai fait qui n'ont pas été démentis. Chaque génération gouvernementale successive essaie d'y apporter sa pierre mais quelle est la priorité des priorités ? C'est que ces trois lieux d'éducation soient solidaires sur les mêmes valeurs, qu'on défende la même vision des choses. Et que, notamment sur les sujets essentiels, ceux qui touchent aux dérives que nous connaissons, nous soyons capables, toute la société, c'est-à-dire vous aussi les médias, les responsables politiques, de présenter la même vision de l'avenir. C'est pourquoi moi j'ai été terriblement choqué par la pétition des 111 vedettes sur la libéralisation de la drogue parce que, dans une société comme ça, on a besoin que tous ceux qui sont privilégiés par la notoriété, par leur réputation, par leur réussite dans la vie se liguent pour lutter contre ce qui est un des principaux facteurs de violence... »
S. Paoli
Vous dites au fond qu’il y a un peu une crise des modèles pour les jeunes aujourd'hui ?
Bayrou
- « Je dis que les modèles, enfin tous ceux qui sont installés par la chance en situation d'être des modèles doivent se battre sur cette ligne-là. L'ONU a publié un rapport il y a une dizaine de jours sur la drogue, où elle a mis en évidence deux choses. La première c'est qu'il n'y a pas de drogue douce et de drogue dure, on passe de l'une à l'autre. Et la deuxième chose, c'est que la principale complicité, le principal atout, la fissure dans le barrage qu'on peut faire à la drogue vient de ceux qui sont des modèles. Les vedettes du spectacle et même ceux des médias et de la politique. C'est pourquoi, moi je dis que, la responsabilité appartient à tous ceux qui ont l'occasion de s'adresser aux jeunes, que les jeunes reconnaissent comme étant célèbres ou talentueux ; ceux-là ont une responsabilité plus grande que les autres. Et moi j'appelle à la solidarité contre ce genre de dérive. »
S. Paoli
S’agissant quand même de la responsabilité politique, est-ce qu’il n’y a pas danger, y compris dans une campagne comme c’est le cas, au fond, à se rejeter d’un camp à l’autre - que ce soit la droite ou la gauche peu importe -, la responsabilité de la violence ? Est-ce qu’il n’y a pas un discours plus…
Bayrou
- « Vous aurez vu que je ne l'ai pas fait. »
S. Paoli
C'est vrai, tout à fait. Mais n'empêche que c'était quand même un peu cas hier soir…
Bayrou
- « Oui, ce sont des propos de campagne électorale. La vérité est cependant qu’il y a un certain nombre de gens qui se battent sur le front de cette résistance-là, qui ne veulent pas céder ; et il y en a d'autres qui sont du côté du laxisme. Et aux électeurs de savoir qui est de quel côté ? Ça n'est pas une calomnie que de dire qu'il y a des mouvements ou des sensibilités politiques qui se sont plus souvent installés du côté du laxisme que du côté de la solidité. Eh bien, que les électeurs imposent à leurs responsables politiques d'être solides, sur cette affaire-là ; elle est essentielle. Une société qui s'apprête à céder sur la drogue est une société foutue. Vous avez parlé de « Bronx », eh bien moi je crois qu'en effet, il y a des risques de dérive de cet ordre. Et je n'ai pas l’intention d'être indulgent ou gentil La vérité bien entendu, c'est qu'il ne s'agit pas des gamins - ce n’est pas un gamin qui a fumé une cigarette qui est visé ici -, c'est tous ceux qui participent à cette culture de la lâcheté. Et je n'ai pas envie d'en être. »