Texte intégral
RTL : mercredi 17 juillet 1996
RTL : Quels sont les critères qui ont guidé vos choix pour dissoudre tel régiment plutôt qu'un autre ?
C. Millon : Toute la réorganisation des armées que je viens d'annoncer a été effectuée selon trois critères. D'abord un critère opérationnel : il faut que l'armée soit capable de défendre le pays. Deuxièmement, un critère de rationalisation : il faut que l'armée soit moins coûteuse comme l'a demandé le Président de la République. Et enfin, essentiellement pour les collectivités locales et pour les personnels, un critère d'aménagement du territoire.
RTL : Vous attendez-vous à un traumatisme auprès des populations concernées par ces déplacements de régiments ?
C. Millon : Très franchement non. Pour une raison simple, c'est que le ministère de la défense a tout mis en oeuvre pour que toute restructuration soit compensée automatiquement. Comment ? De trois manières. D'abord, chaque fois qu'il y a deux régiments d'appelés, si un des deux est dissous, l'autre est professionnalisé. Or, il faut savoir qu'un régiment professionnalisé diffuse deux fois et demie plus de pouvoir d'achat qu'un régiment d'appelés. Donc là, il n'y aura pas de conséquences économiques et sociales graves pour ces localités ou pour ces bassins d'emploi. Or, dans plus de 21 localités, c'est ainsi. Dans la ville de garnison restera un régiment d'engagés. Deuxièmement, il y aura des délocalisations de la région parisienne vers des villes de province qui auraient pu être traumatisées par ces transformations ou ces restructurations. Il y aura 13 délocalisations. Troisièmement, nous préparons des centres de formation, de sélection, d'orientation, dans le cadre du service national rénové et un certain nombre de villes recevront ces centres. Ce sont des centres importants puisqu'ils créeront environ 200 emplois chaque fois et qu'on verra passer environ 600 à 1 000 jeunes gens ou jeunes filles toutes les semaines.
RTL : On sait qu'il y a un côté psychologique en ce moment dans les réflexes de la population, ce qui explique en partie la situation économique actuelle. Est-ce qu'avant que votre message ne se traduise concrètement sur le terrain, vous ne craignez pas d'entretenir le pessimisme ?
C. Millon : Non, je veux simplement dire aux Français qu'il faut qu'ils soient réalistes. Je comprends leurs préoccupations, leurs inquiétudes. Mais il faut qu'ils se rendent compte que le dossier, c'est eux qui l'ont entre les mains. Je crois qu'il a été très bien géré par les services du ministère de la défense, par les commissions parlementaires, les élus locaux. Il y a eu une concertation et une collaboration tout à fait exemplaire. Je rappelle que le ministère de la défense va, sur ces trois années, débloquer des sommes très importantes – près de 3 milliards de francs – avec l'Europe et avec le ministère des finances.
RTL : Cela dit, déjà, l'opposition socialiste notamment, vous critique sur ces sommes estimant que ce n'est pas assez pour accompagner les dissolutions de régiment. Ça va faire quand même économiser de l'argent, cette réforme ?
C. Millon : Ça permettra des économies à terme, mais dans l'immédiat non. D'abord, les 20 milliards auxquels fait référence le PS, c'est la différence entre la loi de programmation passée et la loi de programmation d'aujourd'hui. Je voudrais d'ailleurs souligner devant tous les Français que nous faisons effectivement 20 milliards d'économie durant six ans. On va permettre à la nation d'avoir 120 milliards d'économie en six ans.
RTL : Et du côté des cadres militaires, n'est-ce pas la fin de toute une époque, avec les traditions ? N'avez-vous pas l'impression qu'ils ont des états d'âme ?
C. Millon : Les militaires sont comme tous les Français. Ils sont interrogés sur cette réforme. Certains se sont mêmes préoccupés et inquiétés. Mais je crois que maintenant, elle a été réfléchie avec eux, elle est engagée, elle a été très bien annoncée et initiée par le Président de la République et que les militaires n'ont plus d'état d'âme. Ils n'ont plus la nostalgie en tête. Ils ont envie que la France ait l'armée de ces besoins.
RTL : Les carrières vont être réduites ? Cassées même pour un certain nombre de jeunes officiers par exemple ?
C. Millon : Non, il va y avoir une réorganisation bien sûr au niveau de la hiérarchie, des commandements. Mais sur ce plan-là aussi, il faut vivre avec son temps. Et les militaires savent bien que les engagés qui rentreront dans l'année, y rentreront pour 8 ans, 10 ans, 12 ans. Et puis, il y aura une communion plus importante entre l'armée et la société civile. Or, c'est ce que nous souhaitons mettre en oeuvre.
RTL : Et les états d'âme de certains élus de la majorité ?
C. Millon : Je crois que jamais il n'y a eu autant de concertation. Alors je dis à ces élus que je comprends leurs préoccupations, leurs angoisses et leurs inquiétudes mais que je les attends quand ils veulent, où ils veulent, comme ils veulent autour d'une table pour travailler. Et qu'on va voir comment compenser la fermeture de tel et tel établissement, de tel régiment, de telle base et ce qu'on peut mettre à la place, ce que l'on peut favoriser. Mais je ne crois pas que le maintien de la situation d'aujourd'hui soit la meilleure des choses. Je voudrais simplement donner une illustration. Le fait de ne pas avoir géré la direction des constructions navales durant tant d'années, ça nous amène à une situation où on a 22 milliards de charges et 15 milliards de chiffre d'affaires, c'est-à-dire 7 milliards de déficit permanent. Le fait de ne pas avoir géré le GIAT nous a amené à trouver une société qui a entre 10 et 11 milliards de perte de trésorerie alors que son chiffre d'affaires est bien inférieur. Alors, on n'a pas le droit de rester immobile. Il faut réformer pour pouvoir construire pour la France une armée efficace et un outil de défense à la hauteur de ses ambitions.
RTL : Les implantations en Allemagne sont très touchées. Ça a l'air assez mal perçu par nos amis d'outre-Rhin ?
C. Millon : La concertation a été totale, elle s'est faite au plus haut des niveaux, entre le Président de la République et le Chancelier. Le Chancelier a demandé qu'on maintienne une présence militaire à tel ou tel endroit. Nous lui avons donné satisfaction sur bien des points. La brigade franco-allemande, bien sûr, restera. La participation de la France au corps européen bien sûr se maintiendra, donc, c'est vrai que c'est un petit traumatisme outre-Rhin mais ils comprennent très bien que la réorganisation de nos armées, la professionnalisation de nos armées et les contraintes budgétaires nous amènent à prendre ces décisions.
RTL : Parlons un peu de l'efficacité militaire de cette réorganisation ?
C. Millon : C'est la raison principale. C'est que nous savons qu'une armée professionnelle, plus efficace, plus mobile, plus compétente, sera mieux à même à assurer la défense de la France dans les conditions géostratégiques modernes. On l'a vu à la Guerre du Golfe. On le voit en Bosnie. On l'a vu en Somalie, au Rwanda, même des opérations comme aux Comores ou au Centrafrique. Il faut avoir des troupes compétentes, efficaces, mobiles qui réagissent à l'événement. Ça, c'est la caractéristique de l'armée professionnelle. On va mettre une armée professionnelle au point. On ne va surtout pas rompre le lien entre l'armée et la nation. Et c'est toute la question des réservistes, du rendez-vous citoyen, de l'engagement des volontaires dont on va débattre durant les mois à venir. Car nous savons bien qu'aujourd'hui la France est en train de se constituer un outil de défense solide, moderne, efficace mais qu'il faut maintenir l'esprit de défense. Et vous le sentez bien dans le ton de mon propos : je suis optimiste car je le vois se développer et s'affirmer partout dans les communes de France.
France 3 : mercredi 17 juillet 1996
France 3 : Les critiques vont jusque dans les rangs de votre majorité. Votre restructuration n'est-elle pas le prototype d'une réforme impopulaire, mais nécessaire ?
C. Millon : C'est une réforme nécessaire et qui, à mon avis, provoque aujourd'hui des préoccupations ou des inquiétudes que je comprends, mais qui, à mon avis, seront calmées lorsqu'on aura pris connaissance de toutes les mesures d'accompagnement économiques et sociales, de toutes les mesures d'accompagnement en matière immobilière et en matière même de format des armées. Je voudrais rappeler une chose : ces mesures sont la conséquence du choix fait par le Président de la République et décidé par le Parlement de passer d'une armée de conscription à une armée professionnelle.
France 3 : Vous avez parlé de compensations, mais si on en croit certains leaders de la majorité ou de l'opposition, les économies que vous faites s'élèvent à 100 milliards de francs, les compensations n'atteignant que 3 milliards.
C. Millon : Il faut être sérieux dans ce domaine. Quand nous sommes arrivés aux affaires, c'est-à-dire il y a un an, on a trouvé une DCN dont le déficit était de 7 milliards de francs par an ; un GIAT qui avait une perte de 12 milliards de francs et une armée qui avait du mal à accomplir ses missions, parce qu'elle n'avait pas eu les réformes de structure attendues ou voulues par les conditions géostratégiques qui avaient changé. À partir de ce moment-là, nous avons fait une réforme calmement : nous y avons associé les responsables militaires, les responsables politiques, et le Parlement a délibéré. Maintenant, nous allons avoir des dissolutions de régiments, des fermetures de bases, des révisions du format de nos armées. Il va y avoir trois types de compensations : des compensations là où il y a deux régiments, il restera un régiment professionnalisé dont le pouvoir d'achat sera deux fois et demi plus important qu'un régiment d'appelés. Donc, on peut supprimer le régiment d'appelés à côté. Il n'y aura aucune conséquence économique. C'est le cas dans 21 villes de garnison. Le deuxième cas : nous allons délocaliser les activités de la région parisienne pour les mettre en province, et cela dans un but d'aménagement du territoire. Je dis à Monsieur Quilès : cela, ce n'est pas inscrit dans les 5 milliards de francs, mais ça permettra d'aménager le territoire. Troisièmement : dans le cas de la rénovation du service national, dans neuf villes, nous allons installer des centres de sélection qui vont chaque fois créer à peu près 200 emplois et amener une population de 800 à 1 000 personnes.
France 3 : Vous avez souvent mis en avant la défense européenne, mais vous annoncez pourtant la suppression de 11 régiments français en Allemagne. N'est-ce pas un peu paradoxal ?
C. Millon : D'abord, il reste des régiments en Allemagne.
France 3 : Oui, mais vous en supprimez tout de même 11 !
C. Millon : Bien sûr, comme on en supprime en France. Puisqu'on fait une révision du format des armées, après avoir consulté le chancelier Kohl et le ministre allemand de la défense, il a été décidé d'appliquer cette réduction des effectifs aussi bien pour les troupes françaises basées en Allemagne que pour les troupes· françaises basées sur le territoire national. C'est la raison pour laquelle, oui, il y aura 11 régiments qui seront dissous et qui sont en Allemagne, soit en 1997, soit en 1999.
L'Express : 18 juillet 1996
L'express : Vous venez d'annoncer une restructuration qui ira jusqu'en 1999. Après, ce sera terminé ?
Charles Millon : Non, la restructuration annoncée n'est pas un simple ajustement, c'est un élément d'une réforme globale. Il y aura de nouvelles vagues de restructuration qui ne seront pas de même importance ni de même nature.
L'express : C'est-à-dire ?
Charles Millon : En 2000-2001 nous restructurerons les forces de soutien : intendance, logistique... En 2002, ce sont les structures de commandement qui seront concernées.
L'express : Pendant cette mutation, notre armée sera perturbée, donc forcément affaiblie.
Charles Millon : C'est là le défi. Garder notre capacité opérationnelle tout en vivant une reforme sans précédent. Cela demande une mobilisation extraordinaire des militaires, mais également un respect scrupuleux, par les politiques, des engagements pris.
L'express : Une autre majorité, un autre gouvernement ne pourront donc pas remettre en cause votre réforme ?
Charles Millon : Personne ne reviendra sur cette réforme car personne ne conteste la nécessité de professionnaliser les armées, de les adapter à leurs fonctions d'aujourd'hui, en particulier le triptyque dissuasion-projection-prévention. Et personne ne conteste la nécessité de réviser le service national, même si l'on peut diverger sur ses modalités.
L'express : Et s'il y a cohabitation en 1998 ?
Charles Millon : La loi de programmation est votée pour six ans, avec l'engagement personnel du Président de la République sur son application. Cette loi comporte un véritable contrat entre la communauté militaire et la nation. Elle ne traite pas seulement des matériels, mais aussi de la mission et du format des armées, c'est-à-dire des hommes. Si on la modifiait pour des raisons de conjoncture, on prendrait le risque de porter atteinte à ce lien de confiance entre l'armée et la nation.
L'express : Vous avez mis fin à une carte de France militaire vieille de plusieurs siècles, où beaucoup de forces étalent stationnées dans le Nord et l'Est. N'est-ce pas téméraire ?
Charles Millon : Les choix ont été faits à partir d'une analyse géostratégique : le danger n'est plus aux frontières, mais à des centaines, voire des milliers, de kilomètres. La protection des intérêts vitaux ou la garantie de l'intégrité du territoire ne sont plus fonction de l'implantation des troupes aux frontières.
L'express : Pourquoi épargner alors la gendarmerie, véritable sanctuaire dans votre réforme ?
Charles Millon : Parce qu'elle doit assurer la sécurité des populations en répondant à de nouvelles menaces intérieures : terrorisme, trafics de drogue ou d'argent sale, Mafia...
L'express : Vos projets ont déjà provoqué la colère à Cherbourg, à Brest, ailleurs. Craignez-vous d'autres manifestations dans les villes concernées ?
Charles Millon : Les problèmes ne sont pas de même dimension. Il peut y avoir des manifestations de déception dans la population locale et d'inquiétude des personnels civils. C'est naturel. J'expliquerai aux élus locaux les mesures d'accompagnement économique et social prévues pour épargner aux populations de graves traumatismes. Il faut savoir par ailleurs qu'un régiment professionnel engendre un pouvoir d'achat 2,5 fois plus élevé qu'un régiment d'appelés. Un comité interministériel s'est encore tenu, lundi 15, pour étudier ces dispositifs et les crédits qui leur seront consacrés. Par exemple, 500 millions de francs seront débloqués par l'Europe pour faciliter les reconversions d'activité et aider au développement d'entreprises nouvelles.
L'express : Vous avez réactivé le comité stratégique, mis en sommeil : vous craignez donc que la réforme s'applique mal ?
Charles Millon : Ce comité n'a jamais cessé de travailler. Il passe aujourd'hui à la seconde étape : réformer la direction générale de l'armement, préparer la formation des futurs militaires professionnels, développer la recherche, aider l'industrie à exporter. Ce comité va, de plus, établir un tableau de bord de la restructuration, et il proposera au fil des mois d'éventuelles corrections de tir.
L'express : Vous avez de la chance : l'armée ne proteste jamais, elle obéit.
Charles Millon : Une réforme ne peut pas se mener à la trique. Je rends hommage au sens de l'intérêt national dont fait preuve la communauté militaire.
Elle a pris en main la réforme, l'a intégrée. C'est une leçon pour sa hiérarchie, pour l'autorité politique et pour les autres corps sociaux, qui sont souvent arc-boutés sur des situations acquises et engoncés dans les corporatismes. La défense nationale n'a pas succombé à la tentation du conservatisme.
L'express : Pourtant, moins de régiments, ce sont moins de belles carrières promises aux militaires...
Il faudra en effet réviser la pyramide des gradés. L'armée ne sera plus le lieu où l'on entre en pensant qu'on y restera toute sa vie. Toutes les entreprises fonctionnent ainsi aujourd'hui. L'armée dispensera aux militaires une formation pour leur permettre une nouvelle carrière dans le civil : il aura des passerelles entre armée et société civile.
L'express : En février dernier, vous citiez de Gaulle, qui écrivait, dans « Vers l'armée de métier » : « Le corps militaire est l'expression la plus complète de l'esprit d'une société. » Pensez-vous vraiment que ce soit le cas en 1996 ? À travers cette restructuration, le corps militaire expérimente une méthode pour la réforme qui peut inspirer toute la société et servir de référence.
[Tableau non reproduit]
Paris-Match – 25 juillet 1996
Armées : les troupes mises à pied
Chirac et Millon suppriment 100 000 soldats dans les troupes terrestres, 22 500 dans l'aviation, 13 000 dans la marine. Comment ?
C'est à la fin du mois de juin, il y a une vingtaine de jours, que Charles Millon a remis sur les bureaux de Jacques Chirac et d'Alain Juppé son projet de restructuration des forces armées.
Après d'ultimes arbitrages concernant la dissolution des régiments, l'Élysée et Matignon ont donné leur feu vert à celle réforme de grande ampleur dont l'élaboration aura pris plus de six mois.
Comment la disparition massive d'unités militaires, parfois essentielles à la vie économique des départements, sera-t-elle accueillie par l'opinion ? C'est toute la question. Dans l'entourage du Président, on affirme ne pas craindre autre chose que « quelques tensions locales », mais de nombreux députés, préoccupés par leur réélection, redoutent une crise plus profonde due aux pertes d'emplois et à la baisse d'activité qui pourraient accompagner la fermeture des sites.
Les restructurations seront draconiennes. En six ans, l'armée de terre perdra près de 100 000 hommes (passant de 268 000 à 172 000) et, au lieu des neuf divisions actuelles, quatre groupements de 15 000 soldats chacun seront créés autour de quatre composantes distinctes (blindée, mécanisée, intervention blindée rapide, infanterie d'assaut). Au total, ce sont 38 régiments qui disparaîtront, dont 11 actuellement présents sur le sol allemand, tandis que quelques forces seront transférées d'une commune à une autre.
Dans certaines villes de garnison durement frappées, une présence militaire sera tout de même maintenue. C'est le cas chez Philippe Séguin à Épinal, chez Jean-Pierre Chevènement à Belfort, mais aussi à Metz, Verdun, Vincennes, Compiègne, Dijon, Laval, La Rochelle, Noyon, Orléans, Mont-de-Marsan ou Oberhoffen.
La présence militaire en Île-de-France sera considérablement allégée à Versailles, Maisons-Laffitte, les Mureaux, Beynes ou Dugny-le Bourget, et une quinzaine d'organismes liés aux armées devront être délocalisés. Le service de diffusion générale de gendarmerie de Rosny-sous-Bois sera, par exemple, transféré à Limoges, et celui des télécommunications et télématique du même groupement, au Mans. Conformément aux réductions d'effectifs dans la réserve, quatorze centres mobilisateurs vont fermer à Amiens, Béziers, Bastia, Épinal, la Valette-du-Var, Saint-Avold, Chartres, Laon, Monswiller, Pannes, Saint-Omer, Sens, Sougé et Tarascon. Les régiments de manoeuvre de Nîmes-les-Garrigues, Laval, Pau et Draguignan n'existeront plus, tandis que les centres d'instruction des Rousses et du 4e régiment d'infanterie de marine de Fréjus – chez François Léotard – seront également dissous.
Les coupes claires toucheront aussi la marine l'aviation. En six ans, la Royale perdra 13 000 hommes (passant de 69 000 à 56 000), et treize navires seront désarmés par anticipation, dont le porte-avions Clemenceau l'an prochain, et deux sous-marins en 1998, Plusieurs ensembles aériens fermeront à l'horizon 2002. C'est le cas de la base d'Apt et du complexe de Toul-Thouvenot.
L'armée de l'air perdra, elle, 22 500 hommes (de 93 500 à 71 000) pour une flotte totale de combat qui n'excédera pas 360 appareils.
Un plan d'accompagnement économique et social a été prévu par le gouvernement. Il sera financé par des crédits nationaux, mais l'État pourra également compter sur des fonds européens. Sept cents millions de francs en provenance de Bruxelles seront répartis entre les régions françaises les plus touchés par les restructurations.
Frédéric Gerschel
La question de la semaine
… à Charles Millon
Paris-Match : La France a été accusée par la presse étrangère d'avoir laissé les Serbes entrer dans Srebrenica en refusant le recours aux frappes aériennes. Plusieurs milliers de Musulmans ont été massacrés par la suite. Quelle est votre réaction ?
Charles Millon : C'est absurde. Nous sommes allés en Bosnie pour terrasser l'hydre de la purification ethnique, et ce n'est pas nous qui, d'une quelconque manière, nous serions associés à une entreprise de lâcheté et de démission. En 1995, la France, avec la création de la Force de réaction rapide, a oeuvré de façon déterminante pour l'arrêt des combats. Dorénavant, le rôle de nos troupes, à qui je viens de rendre visite à Sarajevo et à Mostar, est prépondérant dans l'application des accords de paix de Dayton. Quant à Karadzic et Mladic, leur procès s'impose. J'ai dans les yeux l'image simultanée des charniers que l'on a découverts et du général Mladic faisant tranquillement du ski. C'est difficilement supportable.