Allocutions de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, sur les rencontres internationales des enseignements artistiques et sur l'action culturelle dans les Ardennes, Charleville-Mézières, le 27 septembre 1996.

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Circonstance : Déplacement à Nancy et Charleville-Mézières le 27 septembre 1996. Ouverture des Rencontres internationales des enseignements artistiques à Charleville-Mézières

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Ouverture des rencontres internationales des enseignements artistiques au théâtre de Charleville-Mézières – le vendredi 27 septembre 1996

Monsieur le Président, cher Jacques Félix
Madame la Directrice, chère Margareta Niculescu,

Vous avez confié à Raymond Weber la présidence de ces rencontres internationales des enseignements artistiques et je m’en réjouis vivement.

Raymond Weber a, généreusement, accepté votre invitation comme il avait, tout aussi spontanément, acquiescé à la proposition de Bernard Stasi de parrainer le projet quartier-culture d’Épernay, tout comme il l’a toujours fait auprès des structures nationales et européennes qui le sollicitaient ou qu’il dirige.

Il connaît votre travail et sa présence, cette « présidence », sont la juste reconnaissance des efforts que je suis venu saluer ici.

C’est la première fois qu’un tel rassemblement se produit à ce niveau qualitatif et quantitatif.

Je suis particulièrement heureux de m’associer à l’ouverture de vos travaux, à cette passerelle qui nous conduit de la marionnette vers les autres arts.

Vous connaissez mon attachement, ma détermination, mes convictions en matière d’enseignement artistique. L’avenir de la création passe, bien sûr, par les voies de la formation, par celles de rencontres, de confrontations pluridisciplinaires et vous avez ouvert largement ces voies.

Vous avez, dès la première heure, eu le souci, la volonté d’une ouverture, aussi, aux autres créateurs, aux autres formateurs des autres continents.

Aussi, Monsieur le Président, Madame la Directrice, vous comprendre aisément qu’en venant ici, je n’étais pas guidé par un simple sentiment de curiosité ou de courtoisie.

Je connaissais l’importance du travail accompli depuis dix années par l’Institut international de la marionnette, je connaissais l’ampleur et le succès de ce Festival international que vous avez généré.

J’avais appris, aussi, l’impact qu’avaient eues les Rencontres internationales des écoles de marionnettes – en 1990 et 1993 – et je ne doutais pas, non plus, de l’importance de cette nouvelle initiative, européenne, internationale.

C’est pourquoi, le sentiment et la volonté qui m’ont guidé jusqu’ici sont, cher Président, chère Directrice, inspirés par la reconnaissance et l’admiration.

La reconnaissance, parce que vous avez entrepris une œuvre de la plus haute importance : former, former, au plus haut niveau de l’exigence artistique, des jeunes qui, auprès de vous, ont trouvé le meilleur de ce qu’une vie doit permettre et offrir, c’est-à-dire se réaliser pleinement, être en capacité d’accomplir le chef d’œuvre qui doit être l’aboutissement de toute vie.

L’admiration, parce qu’il vous aura fallu une patience, une détermination hors du commun.

Tout est gageure, tout est défi, dans votre aventure : votre implantation en province, bien loin de Paris, volontairement, votre ouverture au monde, à l’enseignement au spectacle, votre capacité à convaincre, à fédérer.

Bref, vous avez gagné ce pari de faire prendre au sérieux la marionnette et, à travers elle, la culture tout entière.

Comment pourriez-vous douter une seconde de l’attachement de vos partenaires qu’un à un vous avez rendus solidaires de vos entreprises ?

Pour ce qui me concerne, j’entends bien que nos engagements, ceux du ministère de la culture, perdurent, s’accroissent à l’occasion et entraînent, avec eux, l’adhésion durable des collectivités et des mécènes que vous avez su associer étroitement à vos actions.

Cette rencontre internationale fera date dans l’histoire des enseignements artistiques. Elle aidera, j’en suis sûr, à une prise de conscience de l’importance d’un secteur qui concerne, certes, des millions d’élèves dans le monde, mais qui nous concerne tous.

Le troisième millénaire sera aussi celui de l’imaginaire. Vous y contribuez déjà, tous, par vos enseignements.

 

Allocution de Monsieur Philippe Douste-Blazy, ministère de la culture, en réponse au maire de Charleville-Mézières – le vendredi 27 septembre 1996

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,

Si je suis particulièrement heureux d’être venu dans les Ardennes, et de tenir une promesse que j’avais faite à mes amis, nombreux ici, je le suis également d’être, ici, à Charleville-Mézières, dans votre Hôtel de Ville.

Charleville-Mézières est une grande métropole, active, sportive et commerçante, vous me l’avez dit. Tout comme je le savais, c’est une ville qui a un véritable rayonnement.

Je tiens à vous dire, Monsieur le maire et, à travers vous, à tous les Carolo-macériens et aux Ardennais, combien j’avais été bouleversé par ces terribles inondations, qui vous ont si durement éprouvés l’an dernier.

Je tiens à vous dire combien j’ai été impressionné par la solidarité dont vous avez fait montre et le courage dont tous les habitants ont fait preuve.

Une fois encore, les ardennais ont confirmé leur réputation d’hommes et de femmes au grand cœur et au courage indéfectible.

C’est de culture qu’il nous faut parler.

Les empreintes de l’histoire, si terrible ici, auraient pu conduire à une forme plus grave de désertification. Il n’en est rien et votre agglomération témoigne d’un réel dynamisme et je m’en réjouis.

Non seulement, votre patrimoine est à la hauteur de l’image d’une grande métropole départementale – la place ducale est une réalisation architecturale d’exception. Mais nombreux sont les autres témoins, dans ce domaine, et qui font de Charleville, une bien belle ville.

Non seulement, Charleville-Mézières abrite les équipements traditionnels, « de base », comme toutes les grandes villes, mais de surcroît vous disposez, ici, des structures dont le rayonnement dépasse vos frontières.

Le musée de l’Ardenne, inauguré il y a deux ans à peine, le musée Rimbaud, votre École Nationale de musique, si performante, vos lieux de diffusion, l’Institut international de la Marionnette, le Centre international de littérature pour la jeunesse, votre bibliothèque-médiathèque, qu’il faut achever d’agrandir et d’aménager… sont des équipements et des structures dont vous pouvez être légitimement fiers.

Charleville-Mézières est également présente et active lors du Mois du patrimoine écrit et du Temps des livres.

La bibliothèque de votre ville fait partie des six bibliothèques municipales françaises qui organisent une exposition intitulée (Re)Découverte, lancée par le ministère de la culture, pour découvrir la richesse du patrimoine des bibliothèques publiques françaises.

Cette année, le thème des « itinéraires et voyages à travers le patrimoine écrit » a invité votre bibliothèque municipale à organiser l’exposition L’agencement du monde ou le voyage rêvé du marquis de Sy, qui dévoile l’imposante collection, aujourd’hui conservée à Charleville-Mézières, de ce noble bibliophile.

Dans le cadre du Temps des livres, et pour la troisième année, se dérouleront, dans votre ville, l’opération Les Aubades en Ardennes. Du 21 au 26 octobre, trois écrivains français, trois écrivains belges et un écrivain québécois passeront une semaine de l’autre côté de la frontière, dans les Ardennes belges ou françaises, et rencontreront le public dans les écoles, les bibliothèques, les cafés et les librairies de Charleville-Mézières.

Cette grande fête transfrontalière du livre marque, là encore, la variété des événements culturels organisés par votre cité.

Je reviendrai sur ces différents points au cours de ma visite et des rencontres que j’aurai avec leurs divers responsables tout à l’heure.

En saluant ainsi l’action conduite à Charleville-Mézières, je veux aussi, Monsieur le Maire, vous apporter mes encouragements.

Il faut qu’ensemble nous fassions mieux encore.

Le Préfet avec, à ses côtés, la Direction régionale des affaires culturelles de Champagne-Ardenne, est prêt à vous entendre, à vous aider. Je sais qu’une prochaine rencontre est prévue entre vos collaborateurs et mes services régionaux et je suis certain que vous saurez conjuguer vos efforts pour développer au mieux l’existant et ouvrir des nouvelles perspectives de coopération.

Dans une période de rigueur et de difficultés réelles, comme celle que nous connaissons, il convient également que les collectivités soient plus entreprenantes, encore, dans le domaine de la culture dans les quartiers, en direction des populations les plus défavorisées, en direction du milieu scolaire, dans le cadre d’échanges internationaux, européen en particulier.

Je connais votre détermination, ne doutez pas de la mienne.


Allocution de Monsieur Philippe Douste-Blazy, ministère de la culture, au Conseil général des Ardennes – le vendredi 27 septembre 1996

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,

Vous voudrez bien me pardonner de commencer cet entretien – car je souhaite que notre rencontre soit un véritable échange – par un hommage que je veux rendre à Jacques Sourdille, votre regretté Président.

Je devine qu’il vous manque. Je sais ce que lui doivent les Ardennes, mais je sais aussi l’hommage public, reconnaissant et fidèle que vous lui avez rendu, uni d’intention. Je voulais dire que je m’associais à votre deuil, à votre peine.

Monsieur le Président, votre assemblée départementale reçoit, aujourd’hui, un ministre et un ami qui entend, certes, vous remercier pour le soutien que vous accordez à la vie culturelle ardennaise, mais qui vient à vous avec de fermes intentions.

J’ai besoin des contributions et des encouragements que vous prodiguez aux partenaires culturels et, d’une manière mécanique, ou presque, j’imagine bien que nous poursuivrons de concert et que nous améliorerons l’ordinaire.

Je souhaite que nous cherchions et trouvions ensemble, les moyens de mieux défendre, protéger, restaurer et mettre en valeur notre patrimoine.

Dans le cadre de la Fondation du patrimoine, j’ai voulu que tous les efforts en faveur du patrimoine soient démultipliés, prolongés et tout particulièrement en direction du patrimoine de proximité, du patrimoine non protégé.

Ce n’est pas ici que je développerai cette notion du patrimoine non protégé et sa définition. Vous savez, tout comme moi, que c’est à Maurice Blin, à l’époque rapporteur général du budget au Sénat, que nous devons la création, il y a presque vingt ans de cela, de la ligne « Patrimoine rural non protégé », au sein du budget de mon ministère.

Monsieur le Sénateur, cher ami, merci ! Vous avez, par ce geste, ouvert la voie à une belle ambition, à une grande politique territoriale.

C’est ce que je vous propose de poursuivre et de réussir, dans les Ardennes : prendre en charge d’une façon exemplaire ce patrimoine trop souvent négligé parce que mésestimé et quelque peu oublié.

Si cette ambition-là vise, bien entendu, à préserver et à valoriser ce qui ressort de l’ethnologie, de l’architecture, de l’histoire…, elle vise, dans mon esprit, à contribuer aussi à une qualité de vie, à développer le tourisme, à préserver et à générer de l’emploi.

Avec Maurice Blin, vous étiez les premiers à y songer. Ensemble, soyons les premiers, toujours, à poursuivre dans cette voie. Je sais que vous y êtes favorables. L’église de la Cassine, dont le Préfet et le Directeur régional des affaires culturelles m’ont entretenu, me semble être un exemple idéal et susceptible d’être étendu, largement.

La Cassine, dont on m’a vanté les charmes parmi lesquels son élégance abbaye, possède une superbe église XIXe en déshérence.

Elle était sur le point d’être vendue au franc symbolique. La population s’émeut, se rassemble, décide de se « réapproprier » ce petit monument et entreprend de le restaurer, avec bonheur. Mais combien y a-t-il d’églises, de chapelles, de lavoirs qui, hélas, ne connaîtront pas de tels attachements une telle sollicitude ?

L’héritage est une dette. L’usufruit, dont nous jouissons, nous fait l’ardente obligation de transmettre cet héritage, pour le moins intact, mieux encore, enrichi par nos soins et par nos attentions.

C’est ce grave sujet, sur cette belle ambition que je souhaite échanger avec vous, certain que votre volonté en ce domaine sera aussi forte que la mienne.

Je ne doute pas que le Conseil régional et des mécènes nombreux, aux côtés des communes concernées, s’associent à de tels projets.