Texte intégral
Lutte Ouvrière : 2 août 1996
Pendant les attentats, les Jeux continuent
Qui que soient les poseurs de bombe d'Atlanta : des membres des milices d'extrême-droite américaine, des militants de quelqu'autre cause ou un déséquilibré en mal de publicité, ce sont en tout cas des crapules. Il faut l'être pour déposer dans un lieu public un engin de mort destiné à tuer aveuglément. Il fallait l'être, aussi, pour déposer une bombe, comme cela paraît de plus en plus vraisemblable, dans l'avion de la TWA qui a explosé la semaine précédente. Les attentats terroristes de ce genre, quels qu'en soient le lieu et les prétextes Invoqués, sont abjects et rien ne peut les justifier.
Malgré la bombe cependant, les Jeux continuent. Ne pas les continuer eût été abdiqué devant les poseurs de bombe ? Oui, sans doute. Mais qui pourrait avoir la naïveté de croire que la véritable raison ne soit pas l'argent, les intérêts énormes en jeu ?
Car derrière la vélocité des coureurs, la grâce des gymnastes, l'adresse et la force des judokas ; derrière l'effort des athlètes qui, en cherchant à se dépasser, repoussent plus loin les capacités du corps humain, Atlanta est surtout une gigantesque foire. Les muscles fournissent le spectacle, mais les sponsors, les organisateurs (privés), les concessionnaires et les marchands sont exclusivement préoccupés par ce que tout cela rapporte.
S'agissant de l'Amérique et, qui plus est, d'une Olympiade sous le patronage de Coca-Cola, la presse en France n'est pas avare de détails sur l'emprise des affaires sur les Jeux. D'autant que la course à l'argent ou à la rentabilité publicitaire est telle de la part de tous ceux qui ont décroché un contrat avec le comité d'organisation que cela tourne à la pagaille : des transports anarchiques, des embouteillages monstres, des résultats affichés farfelus, des transmissions informatiques en folie, et jusqu'aux médailles dont les destinataires sont intervertis. Et certains commentateurs de commenter mélancoliquement que l'économie de marché est décidément moins à même d'assurer la centralisation dans une organisation de cette ampleur qu'une organisation étatique.
Mais pour la presse, même cela est encore une occasion d'embaucher la trompette nationaliste. Comme si les Jeux Olympiques et, plus généralement, le sport de haut niveau, avait attendu Atlanta pour se soumettre au règne du fric !
Le chauvinisme en délire se donne libre cours dans le commentaire des épreuves. L'évocation de la fraternité du sport et de l'universalité des Olympiades a été laissée aux discours d'inauguration. Là, c'est un affrontement, non pas entre sportifs, mais entre nations où la gloire et la déchéance se mesurent au nombre de médailles obtenues. Ce qui compte, c'est infiniment moins le résultat que la nationalité de celui qui l'a réalisé.
Surtout – évidemment – si la nationalité est française. Et nous n'avons pas fini d'entendre parler de la trentaine de médailles, obtenues par une trentaine de sportifs, comme d'un titre de gloire qui hisse plus haut tout un pays.
C'est stupide et c'est surtout nuisible. D'abord, parce que ces commentaires – qui se prétendent neutres, le sport étant censé l'être – distillent et exacerbent les sentiments nationalistes, les sentiments de rivalité entre nations par sportifs interposés. Ensuite, parce qu'on nous bourre le mou. Aux jeunes qui font du sport dans l'espoir de s'en sortir et à qui la réussite en judo d'un enfant d'émigrés algériens ou d'une petite Charentaise est censée montrer que la réussite est à leur portée. Mais pour quelques-uns qui s'en sortent, combien d'autres qui n'en ont que l'illusoire espoir ? Aux autres, jeunes ou non, les Jeux sont offerts pour que, pendant quelques jours, ils oublient le reste, les difficultés quotidiennes, les plans de licenciements annoncés, les mesures prises contre eux par le gouvernement.
Une fois les Jeux terminés, les sportifs auront leurs médailles, les organisateurs, leurs bénéfices. Et nous retrouvons la réalité de la vie et l'exploitation que les amuseurs ne peuvent pas faire oublier et à laquelle Il nous faudra mettre un terme un jour.
Lutte Ouvrière : 9 août 1996
L'avenir sera ce que nous le ferons
Les Jeux Olympiques sont terminés et les commentateurs de tous les grands médias français peuvent être satisfaits : comme les Jeux avaient lieu outre-Atlantique, ils ont, même put se permettre le luxe d'en dénoncer un petit peu le côté mercantile, d'en critiquer le manque d'organisation, d'ironiser sur le chauvinisme du public américain. Et ils n'en finissent pas, pour autant (car le chauvinisme n'a pas de patrie !), de se féliciter du nombre de médailles remportées par la délégation française.
Ce n'est pas surprenant. C'était l'un des buts de l'opération : offrir à tous les exploits, à tous les pauvres, la dérisoire consolation d'une ou de quelques médailles remportées par des athlètes possédant la même carte d'identité nationale qu'eux ; faire rêver les foules ; faire croire à des millions de jeunes, à qui cette société n'offre aucun avenir, qu'avec quelques efforts, le sport pourrait leur ouvrir à eux aussi les portes de la gloire et de la fortune.
La recette est ancienne. Aux temps lointains de la décadence romaine, les riches patriciens offraient à la masse des citoyens que leur système avait ruinés un peu de pain et les Jeux du cirque pour endormir leur mécontentement
Deux mille ans plus tard, les classes possédantes utilisent le même genre de dérivatif, d'autant plus volontiers qu'elles en font, en plus, une nouvelle source d'affaires profitables.
Mais pendant que l'on nous repasse pour la énième fois les images d'Atlanta, nos gouvernants continuent à nous préparer un avenir qui, si la classe ouvrière se laisse faire, se traduira pour elle par de nouveaux reculs.
Plus personne ne nie plus que le chômage va encore s'aggraver dans les mois qui viennent. Comment pourrait-il en être autrement, d'ailleurs, puisque des milliers de suppressions d'emplois supplémentaires ont été annoncés ces dernières semaines, et que l'État lui-même donne l'exemple dans la fonction publique et, en particulier, dans l'enseignement, alors même que l'on se plaint du nombre d'illettrés dans le pays.
Ces jours derniers, Chirac a entrepris de multiplier les consultations politiques, non seulement avec les leaders de sa majorité, mais aussi avec un certain nombre de dirigeants socialistes, comme Rocard ou Mauroy. On sait ce que cela veut dire. Quand les hommes politiques de droite recherchent un accord avec ceux qui se disent de gauche, c'est toujours pour faire avaler une potion amère aux travailleurs.
L'automne 1995 avait été marqué par la volonté du gouvernement Juppé d'imposer son « plan », dirigé contre le système de protection sociale, et contre les régimes de retraite des travailleurs du secteur public.
La grève de novembre-décembre de la fonction publique l'avait contraint à reculer, au moins provisoirement. Mais le gouvernement n'a pas changé d'intentions pour autant. Son but, c'est toujours de permettre à la bourgeoisie de maintenir ses profits malgré la crise de son propre système, en s'efforçant de diminuer, de toutes les manières possibles, la part du revenu national qui revient aux travailleurs.
Alors, mettons à profit ces mois d'été pour nous préparer à faire échec aux plans que nos gouvernants sont en train de concocter.
Ce n'est pas à nous de faire les frais de la crise du système capitaliste. C'est à ceux à qui ce système a permis d'accumuler des profits fabuleux.
Tous les athlètes s'accordent pour le dire : l'essentiel, c'est « le mental ». Eh bien, nous avons le bon droit pour nous. Nous avons la force, parce que nous sommes le nombre. Il ne nous manque que la conviction qu'il est possible d'imposer au gouvernement, quel qu'il soit, de changer de politique, pour pouvoir regagner tous ensemble sinon de « l'or », du moins l'argent qu'ils nous volent au fil des années.
Lutte Ouvrière : 16 août 1996
Régularisation sans délai de la situation des sans-papiers !
Le coup de force de la préfecture de police de Paris, qui, sur ordre du ministre de l'intérieur, avait hospitalisé de force les sans-papiers grévistes de la faim, a eu l'effet contraire à celui souhaité par ses auteurs.
Cette tentative du gouvernement de briser par la force le mouvement des sans-papiers, qui en sont aujourd'hui à leur 41e jour de grève de la faim, n'a pas affaibli leur volonté d'obtenir satisfaction. Et leur décision d'exiger de traiter avec Chirac lui-même montre leur détermination. Par ailleurs, elle a suscité assez largement l'indignation et a contribué à poser un peu plus clairement dans l'opinion le problème de ces travailleurs qui sont entrés en France tout à fait normalement, y ont travaillé et qui se trouvent aujourd'hui transformés en sans-papiers, en « clandestins » parce que des lois ont changé récemment.
Après l'échec de cette grossière manoeuvre du gouvernement, l'obstination de celui-ci à mettre ces familles au ban de la société et les préparatifs d'expulsion apparaissent encore plus inhumains. D'autant plus inhumains d'ailleurs qu'hypocritement les responsables du ministère de l'intérieur avaient osé prétendre qu'ils intervenaient dans cette grève de la faim pour des raisons humanitaires.
Oh, bien sûr, les responsables du ministère de l'intérieur, à commencer par Jean-Louis Debré, n'ont sans doute pas envie d'être comparés à Margaret Thatcher (qui laissa mourir sans broncher des prisonniers Irlandais), ou au gouvernement turc actuel, mais le mot « humanitaire » est bien le dernier qui convienne pour parler du comportement des autorités françaises vis-à-vis des immigrés en situation irrégulière, des sans-papiers aujourd'hui en grève de la faim, comme de bien d'autres. Et si Debré et aujourd'hui Chirac veulent faire preuve de sentiments « humanitaires », il ne leur reste plus qu'une solution, celle de régulariser la situation des sans-papiers.
Les politiciens, dans leurs discours dominicaux, aiment bien faire étalage de grands sentiments, et évoquer le respect avec lequel il conviendrait de traiter la « famille », cellule de base, selon eux, de la société. Mais dans leur comportement de tous les jours, ils n'ont absolument rien à faire de relations familiales, dès lors que cela concerne des travailleurs, a fortiori immigrés.
Dans les États-Unis d'avant la guerre de Sécession, les propriétaires d'esclaves pouvaient séparer un couple, les priver de leurs enfants et priver les enfants de leurs parents, quand ils estimaient cela nécessaire à la bonne marche de leurs affaires. Et toute l'Europe occidentale (dont bien des grandes familles s'étaient enrichies dans la traite des Noirs) a pleuré longtemps sur les malheurs des héros de la Case de l'oncle Tom. Mais le capitalisme « libéral » de la fin du XXe siècle n'est pas tellement plus reluisant que l'économie esclavagiste du siècle précédent. Les hommes qui dirigent l'économie, comme les politiciens à leur service, ne voient dans les travailleurs que des machines à produire du profit, dont on peut se débarrasser quand on n'en a plus besoin. Ils n'ont qu'un portefeuille à la place du coeur.
Quand ils avaient besoin de main d'oeuvre, les capitalistes français ont été en chercher au Portugal, au Maghreb, en Afrique noire. Mais depuis que l'économie capitaliste stagne, que le marché du travail s'est dégradé, nos gouvernants ont rendu les regroupements familiaux pratiquement impossibles. Ils s'arrogent le droit d'accepter de marier ou pas des couples dont l'un des membres n'est pas de nationalité française, de les séparer éventuellement par l'expulsion. Et si les parents immigrés d'enfants possédant la nationalité française ne peuvent pas être expulsés, ils n'ont pas droit automatiquement, pour autant, à des titres de séjour leur permettant de travailler, c'est-à-dire de mener une vie normale.
En fait de mesure « humanitaire », l'hospitalisation des grévistes de la faim de Saint-Bernard s'accompagnait de menaces d'expulsion. Des expulsions pour lesquelles les autorités ne pourraient même pas invoquer de prétexte économique. Car à qui pourrait-on faire croire que dans un grand pays comme la France on ne pourrait pas trouver de solutions vraiment humaines pour quelques dizaines ou quelques centaines de familles. Mais Debré et ses semblables veulent avoir l'air ferme par rapport à la partie la plus réactionnaire de leur électorat, ne pas laisser le monopole de la xénophobie à Le Pen.
Et nous qui, par hasard de naissance, avons en poche une carte d'identité de nationalité française, nous aurions tort de nous désintéresser de cela, de croire que cela ne concerne que les seuls « étrangers ». Quand nous ne sommes plus utiles aux capitalistes, ils ne peuvent certes pas nous expulser du pays (du moins pour le moment, car à d'autres époques, combien se sont vus retirer, par dénaturalisation, une nationalité française à laquelle ils croyaient avoir droit ?). Mais ils ne se gênent pas pour nous expulser des entreprises, nous jeter à la rue, au nom de cette même logique qui a érigé leur recherche du profit individuel en loi fondamentale de la société.
La mesure « humanitaire » décisive qui s'impose, c'est d'en finir avec ce système économique dément !
Et dans l'immédiat, c'est sans délai que Chirac et le gouvernement doivent accorder aux sans-papiers la régularisation de leur situation en France.
Lutte Ouvrière : 23 août 1996
Solidarité avec les « sans-papiers »
De Debré à Juppé, en passant par Raoult, les ministres y sont allés à qui mieux de discours sur la nécessité de la fermeté à l'égard des Africains sans papiers qui font la grève de la faim à l'église Saint-Bernard à Paris.
« Ce n'est pas parce qu'on est dans l'illégalité même un certain temps qu'on est au-dessus des lois » – déclarait vertueusement à la télévision le ministre de l'intérieur Debré. Mais cet homme est collègue ou ami d'une belle brochette de notables corrompus, de patrons corrupteurs, de banquiers escrocs, de ministres à qui les juges ont dû rappeler qu'ils n'ont pu à se considérer au-dessus des lois au point de s'arroger par la prévarication des privilèges ou de gros revenus occultes.
Quant aux sans-papiers en lutte, ils sont pour la plupart dans l'illégalité simplement parce que la loi a été changée depuis qu'ils sont en France, faisant par exemple que les enfants nés en France de parents immigrés n'ont plus automatiquement la citoyenneté française et deviennent donc expulsables ainsi que leurs parents. Ces mêmes lois récentes rendent les regroupements familiaux pratiquement impossibles et autorisent la séparation des couples par expulsion.
L'attitude du gouvernement français est ignoble. Sa fermeté à l'égard des Africains sans papiers n'est que de la lâche démagogie pour plaire à la fraction la plus réactionnaire de l'électorat de droite, de plus en plus attirée par Le Pen et son langage raciste et xénophobe.
Le gouvernement rend la vie plus dure pour tous les travailleurs immigrés : ceux qui, chassés par la misère, sont venus d'eux-mêmes, comme ceux que les patrons français ont fait venir il y a vingt ans ou plus, quand ils manquaient de bras.
La droite reprend volontiers à son compte cette affirmation de Rocard quand il était Premier ministre socialiste : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
Mais qui est responsable de la misère des ex-colonies françaises d'Afrique ?
Ces pays ont été pillés, pour certains d'entre eux depuis des siècles par la bourgeoisie française. Leurs populations ont été décimées par le trafic d'esclaves, par les massacres, puis par le travail forcé. Leurs richesses naturelles ont été accaparées par le capitalisme français. C'est le commerce des esclaves et le pillage qui sont à la base de la richesse du capitalisme français et de l'enrichissement de bien des « respectables » familles bourgeoises, actionnaires de grands groupes financiers ou industriels actuels.
Ni le vol organisé, ni l'exploitation ne se sont arrêtés lorsque la bourgeoisie française a été contrainte d'abandonner la forme coloniale de sa domination.
C'est pour les préserver que nos dirigeants politiques ont imposé aux malheureux pays d'Afrique les dictatures des Mobutu, des Bokassa, des Houphouët, des Bongo et autres crapules sanguinaires qui, en contrepartie, ont largement contribué à financer la caste politique française, principalement les réseaux du parti gaulliste aujourd'hui au pouvoir. Et les dépenses de prestige des dictateurs ou leurs dépenses militaires, payées par la sueur et le sang de leurs peuples, irriguent les coffres-forts des Bouygues, Dassault et autres Bolloré.
De droite ou de gauche, tous les politiciens ont protégé ce système qui enrichit la bourgeoisie française en aggravant la misère des peuples d'Afrique, y compris Jospin qui, dans ce domaine comme dans bien d'autres, tient à afficher la prudence d'un homme politique responsable.
Tous les travailleurs de ce pays, que nous ayons ou non une carte d'identité française dans la poche, devons être du côté des sans-papiers qui mènent un combat désespéré. Par solidarité d'abord. Mais aussi parce que l'évolution réactionnaire des choses qu'exprime la politique du gouvernement est une menace pour l'ensemble de la classe ouvrière.
Des syndicats d'Air France ont, semble-t-il, envisagé d'empêcher que des avions civils soient utilisés pour les rapatriements forcés. En allant jusqu'au bout et en refusant de les faire voler, ils montreraient la voie...
Lutte Ouvrière : 23 août 1996
Nous avons reçu du parti communiste le texte suivant signé de Robert Hue, et adressé à Arlette Laguiller, pour Lutte Ouvrière :
L'évolution de la situation des « sans-papiers » est devenue très préoccupante. Chacun d'entre nous a, à diverses reprises, manifesté sa solidarité avec ces hommes et ces femmes en lutte depuis des mois.
J'ai pensé que l'urgence de la situation appellerait une démarche immédiate et efficace de nature à réunir les forces de gauche, de progrès, écologistes, les syndicats, les mouvements associatifs…
C'est pourquoi, je vous propose que nous nous adressions ensemble au Président de la République afin qu'il intervienne en vue d'un règlement négocié. Voici le projet de texte que je vous soumets :
« Les hommes, les femmes et les enfants « sans papiers », réfugiés à l'église Saint-Bernard et en lutte depuis des mois, dont certains en grève de la faim, sont dans une situation très grave. Il y a le risque que se produise un drame humain auquel nul ne peut rester insensible. L'image de la France pourrait en être durablement ternie. Nous nous adressons solennellement au Président de la République pour lui demander d'intervenir auprès du gouvernement afin que celui-ci reprenne immédiatement les négociations. »
Voici la réponse d'Arlette Laguiller :
Quoiqu'ayant les plus vives réserves sur la phrase « l'image de la France pourrait en être durablement ternie », qui peut laisser entendre qu'il y aurait une communauté d'intérêts entre la France de Chirac, de son gouvernement et de ceux qu'ils représentent et l'ensemble des travailleurs et des classes populaires qui vivent dans ce pays.je m'associe pleinement, au nom de Lutte Ouvrière, à la démarche proposée par le parti communiste car il y a, effectivement, une absolue nécessité à régulariser la situation des « sans-papiers » réfugiés à l'église Saint-Bernard.
Vous pouvez donc rajouter ma signature et celle de Lutte Ouvrière à votre texte.
Avec mes salutations communistes,
Lutte Ouvrière : 30 août 1996
Le combat des « sans-papiers » continue, la solidarité doit s'amplifier
En intervenant brutalement contre les immigrés qui occupaient l'église Saint-Bernard et en expulsant immédiatement certains d'entre eux, le gouvernement et son appareil de répression se sont montrés aussi odieux que médiocres et imbéciles.
Odieux, car la plupart des Africains qui réclamaient la régularisation de leur situation vivaient et travaillaient en France depuis des années. Nombre d'entre eux étaient en règle par rapport à des lois pourtant déjà restrictives. Ils ne sont devenus des « sans-papiers » que parce que le vote des lois Pasqua, il y a trois ans, par une majorité qui voulait plaire à la fraction la plus bornée et la plus réactionnaire de l'électorat de droite, a transformé, après coup, leur situation.
Médiocre et imbécile, la hâte avec laquelle le gouvernement a affrété un avion militaire comme charter d'expulsion, par peur d'avoir à affronter le personnel des compagnies d'aviation ou des aéroports (qu'il a dû cependant affronter lors de l'escale de Dakar).
Médiocre et imbécile l'attitude de la police, qui a relâché des femmes immigrées arrêtées à Saint-Bernard, en les déposant loin de leurs domiciles avec leurs enfants, sans leur donner même un ticket de métro pour rentrer chez elles, mais en les abreuvant d'injures racistes.
Ceux des « sans-papiers » qui en ont encore la possibilité, continuent à réclamer la régularisation de leur situation. Ils doivent avoir notre soutien. Par solidarité, tout simplement. Mais aussi parce que les cyniques retournements du gouvernement, ses reniements, témoignent de son mépris non seulement envers tous les immigrés, mais aussi envers tous les pauvres et, au-delà, envers nous tous, les travailleurs.
Au-delà de ce qui est dû à la démagogie raciste ou xénophobe, c'est un mépris de classe. C'est le mépris des nantis et de leurs représentants politiques à l'égard de nous tous. Car Ils n'affichent pas, au moins ouvertement, le même mépris envers les émirs du pétrole ou les exploiteurs algériens, tunisiens ou africains. Ceux-là peuvent s'installer librement en France et côtoyer, dans leurs villas de la Côte d'Azur, les riches de France ou d'Amérique.
Oh ! Ceux d'entre nous qui ont leur carte d'identité française dans la poche ne risquent certes pas d'être expulsés du pays. Mais ils peuvent l'être de leur travail. Ils ne peuvent pas être privés du droit de rester en France – ou pas encore – mais ils peuvent être privés de leur gagne-pain et poussés vers la misère. Alors qu'il y a déjà cinq millions de chômeurs, permanents ou occasionnels, les plans sociaux annoncés par des entreprises parmi les plus importantes du pays, et qui continuent à faire des bénéfices colossaux, témoignent du même mépris de classe.
Comme en témoignent les suppressions d'emplois programmées par le gouvernement dans les services publics.
Comme en témoignent toutes les mesures prises par le gouvernement pendant l'été qui, toutes, rendent la vie plus difficile pour les classes laborieuses : la réduction de l'allocation de rentrée scolaire, par exemple, ou l'augmentation de leur cotisation maladie pour plusieurs catégories de retraités.
Les « sans-papiers » mènent un combat désespéré, car il est difficile à quelques centaines ou même à quelques milliers, de renverser un rapport de forces.
À nous tous, nous pouvons le faire.
Le patronat et son gouvernement le savent assez bien pour que, derrière leur cynisme, perce leur inquiétude pour la rentrée. La preuve, la crainte que le gouvernement a eue de la réaction des travailleurs des compagnies aériennes.
L'argent existe, s'il n'était pas accaparé, pour subvenir aux besoins de tous : pour donner un travail utile à tous, pour assurer à tous les protections sociales.
Mais Il faut en imposer un autre usage. Il ne faut pas laisser au patronat et à l'État la gestion sans contrôle de l'économie car ils mènent toute la société à la catastrophe, sur le plan économique comme sur le plan humain.