Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous êtes ici dans la maison de la liberté, de l'égalité, de la démocratie, des Droits de l'homme, et aussi des Droits de l’enfant.
Votre marche pose une question essentielle : comment est-il possible, malgré les formidables progrès, qu'il y ait encore autant d'enfants privés de leur enfance, utilisés comme de la main d’œuvre à vil prix, maltraités, et souvent réduits à une situation d’esclaves ? Car le travail des enfants est la forme moderne de l'esclavage. Et pourtant, si l'humanité le veut, elle peut y mettre un terme !
Les chiffres sont là. Il y a 120 millions d'enfants de 5 à 14 ans qui sont quotidiennement astreints à travailler. Deux fois plus que le nombre total de Français. Si l'on ajoute ceux qui travaillent moins régulièrement, ce sont plus de 250 millions d'enfants qui sont concernés. L'équivalent des Etats-Unis ou de la Russie, condamnés à cette exploitation !
Les données concernant les pays, les entreprises, les secteurs d'activités, sont de mieux en mieux connues, grâce à l'action d'associations et d'organisations non-gouvernementales telles que l'OIT et l’UNICEF.
Le Bureau international du travail indique que des enfants de trois ans travaillent à la fabrication d'allumettes dans des salles non aérées, pleines de poussières et de vapeurs toxiques. Je pourrais aussi évoquer ces gosses qui inhalent à longueur de journée des pesticides. Ceux qui usent leur corps dans des mines de charbon. Ceux qu'on exploite comme domestiques. Sans oublier les enfants volés ou vendus, et ceux que l’on utilise pour le commerce du sexe. Tout cela parce qu'il est des individus sans morale, et pour qui l'argent justifie tout.
Il s'élève parfois des voix pour justifier l'injustifiable. Selon certains, l'économie fragile de tel pays en développement s'écroulerait si cette main d'œuvre à bon marché disparaissait : c'est raisonner à courte vue ! Le développement n’est durable que fondé sur l’éducation. Or le travail des enfants empêche leur scolarisation. Lutter contre le travail des enfants, c'est lutter pour l’éducation, donc pour le développement.
Selon d'autres, le travail des enfants est indispensable à la survie de familles. C'est vrai que l'on ne pourra lutter définitivement contre cette exploitation qu'en luttant contre la pauvreté. La méthode peut-être souple, mais l'objectif, lui, doit être absolu. Cela doit cesser. Partout, et totalement.
J'ai réuni le 16 mai dernier notre Parlement des enfants. Il est formé de 577 députés-juniors. Ils ont examiné beaucoup de suggestions élaborées par des enfants. Celle qu'ils ont classée en premier consiste à interdire à l’Etat et aux collectivités publiques d'acheter des produits fabriqués par des enfants. Même si l'exportation des produits ne compte que pour une assez faible part dans le travail des enfants, c'est une idée juste et, sous une forme ou sous une autre, je vais proposer au Gouvernement et à mes collègues députés de la reprendre et d'en faire une loi de la République.
Pour avancer, faisant écho à votre marché, je voudrais insister sur quatre orientations d’action :
— La première, c'est de lever partout la « loi du silence ». Il faut dire, écrire, filmer, dénoncer, rendre visible, mettre en cause, pour établir une pression. Pourquoi, par exemple, les chefs d'Etat qui constituent le G8 et qui viennent de se réunir ne s'expriment-ils pas sur ce sujet devant le monde entier ? S'ils le faisaient, cela rendrait service à la cause que nous évoquons.
— Pourquoi ne pas lier l'annulation d'une partie de la dette de certains pays à la mise en œuvre d'un programme d'éradication progressive du travail des enfants ? Il y a des États qui le font spontanément : c'est donc possible.
— Le Gouvernement français, sensibilise à cette démarche et qui agit déjà en ce domaine, ne pourrait-il pas donner une impulsion encore plus forte en accompagnant davantage encore les associations et les organisations qui luttent contre le travail des enfants ?
— Enfin, il faut favoriser partout le développement d'un syndicalisme indépendant et reconnu. C'est un bon moyen d'éradiquer tout ce qui dans le travail est contraire à la dignité humaine, donc le travail des enfants.
Que tous ceux qui, en Inde, au Brésil, en Haïti, au Rwanda, dans tous les pays que vous représentez, agissent pour cette cause, trouvent ici l'hommage que leur rendent les députés français. J'adresse notre profonde reconnaissance aux organisateurs de votre Marche. La France a entendu votre message et elle le soutient. Je crois que le premier but de l'action politique est de défendre les faibles. Dans ma fonction, je veillerai de toutes mes forces à votre cause.