Éditorial de M. Jean-Antoine Giansily, président du CNI, dans "France réelle" de septembre 1996, sur la crise de la vache folle et l'aide à l'élevage bovin dans le cadre de la PAC, intitulé "Défendre la PAC".

Prononcé le 1er septembre 1996

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Texte intégral

Le Parlement européen aura vécu les six derniers mois au rythme de la tragédie qui aura durement frappé les éleveurs français et déstabilisé le marché européen de la viande bovine sous la pression américaine.

Il ne faut en effet pas se faire d'illusion sur les origines de cette crise sans précédent dans l'histoire de l'élevage et de l'alimentation européens : plus que pour des raisons sanitaires ou animales, ce sont des motifs purement commerciaux de concurrence avec les producteurs de viande bovine d'Amérique du Nord qui ont conduit à cette situation.

Sans vouloir en effet être médisant, il y a tout de même une concordance étrange entre le rejet par le Parlement européen d'une proposition d'origine britannique de recourir à l'utilisation des hormones pour l'élevage des veaux et les déclarations du ministre britannique de la santé annonçant la parution, dans un journal scientifique (The Lancet) d'une déclaration qui, finalement, ne devait pas être publié en raison de son «manque de rigueur scientifique et annonçant la transmission à l’homme de la maladie de Kreutzfeldt-Jacob par l’ingestion de viande bovine prélevée sur des animaux atteints de la « tremblante du mouton » devenue la maladie de la vache folle lorsqu’il s’agit des bovidés.

Le vent de panique qui a soufflé sur les consommateurs européens, attisé par l'irresponsabilité des journalistes que Jacques Chirac a bien fait de stigmatiser à l'occasion du Sommet de Florence, a créé une dépression considérable sur le rythme de consommation de la viande de bœuf (jusqu’à moins 40 %) qui explique l'effondrement des cours et la nécessité de stocker les viandes pour ne pas arrêter la chaîne de l'abattage.

Cette déstabilisation du système n'a évidemment profité qu'aux producteurs de viande d'Amérique du Nord et d'Amérique latine, qui se sont empressés de rafler une bonne partie de nos marchés à l'exportation. En outre, elle a permis aux producteurs d'autres filières (volaille, viande ovine) d'augmenter leur production, tout en augmentant substantiellement leurs prix, sans que cela profite directement aux producteurs français...

Avec mon ami Christian Jacob, président de la Commission agricole du Parlement Européen, j'ai moi-même, en qualité de rapporteur de la Commission des budgets pour les prix agricoles pour la campagne 1997, vigoureusement pris la défense des producteurs de viande bovine français, dont la qualité des produits est indéniable. Je conseille à nos lecteurs qui désirent en savoir plus de lire dans le numéro 15 La Revue de Politique Indépendante, paru le 10 septembre, les articles de Joseph Daul, président de la Fédération nationale bovine (FNB) et de l’Association interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV), et du chroniqueur scientifique Pierre Leduc.

Notre Mouvement reste envers et contre tout le Centre national des indépendants et paysans et chacun sait qu’avec Désiré Debavelaere, Joseph Hudault. Bernard Barbier et Jean Dumont notamment, notre souci constant est de défendre la politique agricole commune, dont les mécanismes ont à celle occasion joué à plein pour empêcher la faillite des éleveurs de bovins français.

Philippe Vasseur, ministre de l’agriculture, vigoureusement soutenu par le Président de la République, a tenu à réaffirmer l'entier soutien du gouvernement français à nos agriculteurs, mais nous ne devons pas baisser la garde. Les réductions drastiques du budget de l'Union européenne et le fait que la moitié des 520 milliards de francs annuels du budget de l'Union soit consacrée à la politique agricole commune attise les convoitises.

Le coût final de la crise de la vache folle se situera entre 3 et 5 milliards de francs, qui seront naturellement prélevés dans la poche du contribuable européen. Imaginez ce qui aurait pu être réalisé avec une telle somme, notamment en matière d'infrastructures routières et ferroviaires, puisque c'est de ce côté-là, équilibre budgétaire oblige, que les Commissaires européens ont décidé de rogner les crédits.

Il faut s'attendre, alors que, derrière la France et l'Allemagne, s'organisent comme cela a été réaffirmé par Jacques Chirac et Helmut Kohl le 1er septembre à Bonn), ce qu'il faut bien appeler le marché intérieur des Quinze et la monnaie unique, outil irremplaçable pour mettre fin à la domination du dollar, à d'autres coups de Trafalgar aussi peu loyaux que l'affaire de la vache folle. Les Indépendants et Paysans, organisés et solidaires, sauront, par temps de crise, montrer la voie de l'intérêt de la France et de l'intérêt de l’Europe.