Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, à RMC le 11 juin 1996, sur la crise de la vache folle et la préparation des élections législatives de 1998.

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Texte intégral

RMC : Partagez-vous la critique d’irresponsabilité lancée par L. Jospin à, l’encontre de J. Chirac pour ce qui concerne la gestion de la crise dite de la « vache folle », l’accusant d’avoir finalement préféré entretenir de bonnes relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne plutôt que de défendre la santé des Français ?

J.-M. Le Pen : Je crois que l’accusation est fondée mais M. Jospin est particulièrement mal placé pour porter cette critique. Quand on voit le parallèle qu’on peut faire entre l’affaire du sang contaminé et l’affaire de la « Vache folle » – qui se ressemblent un petit peu, il faut le dire –, les responsabilités assumées à ce moment-là par M. Fabius ne permettent pas à ses amis de faire aujourd’hui le procès de quiconque. En revanche, le FN, comme d’habitude, a été le premier à dénoncer les risques de la « Vache folle » en juin 1990, c’est-à-dire il y a six ans, au Parlement européen. Notre ami Martinez a épinglé la maladie de la « Vache folle » et a déclaré qu’il pouvait y avoir un risque de transmission à l’homme. Et le commissaire britannique, bien évidemment, l’a renvoyé sur sa ligne de but en traitant ces déclarations de fantasmes délirants, etc. Le FN a rappelé, comme il l’avait fait pour le SIDA, en temps utile, ce qu’il faudrait faire pour protéger la santé publique. Malheureusement, comme d’habitude, on ne prendra que des demi-mesures, des quart-mesures ou pas de mesure du tout, jusqu’au moment où la catastrophe sera patente et où les responsables défileront dans la rue, contre eux-mêmes, comme ils l’ont fait pour les moines par exemple. On a vu des gens venir pleurer et on s’est demandé contre qui ces gens protestaient alors que c’était eux qui étaient au Gouvernement M. Léotard a dit : c’est abominable, nous sommes dans un pays où il y a des gens armés, avec des cagoules, etc. Mais M. Léotard ignore-t-il qu’il est ancien ministre de ce temps-là et qu’actuellement, il est l’un des chefs de la majorité gouvernementale ?

RMC : Que faut-il faire pour la « Vache folle » en ce moment ?

J.-M. Le Pen : Il faut évidemment maintenir l’embargo, toutes les mesures de protection et les investigations nécessaires à la découverte des moyens d’endiguer ce qui peut être une catastrophe de santé.

RMC : Je reviens sur ce que vous avez dit de M Fabius : sa responsabilité n’est pas établie.

J.-M. Le Pen : Elle n’est pas établie mais tout de même, c’est sous le gouvernement socialiste, il a au moins la responsabilité gouvernementale.

RMC : Quel est votre sentiment sur la gestion des HLM de Paris ?

J.-M. Le Pen : Cela me parait banal. Si on faisait une investigation générale en France sur la passation des marchés publics, une très grande partie de la classe politique serait en prison. Par conséquent, je crois que la malhonnête, je crois que l’illégalité était une règle consensuellement acceptée par les partis de la bande des quatre. Chacun se servait, chacun prenait sa part et se taisait sur les délits des autres. Et nous sommes les seuls à pouvoir, là encore, faire le procès de la classe politique qui s’est laissée entrainer à ces dérives. On sait bien qu’il y a eu des valises d’argent qui ont circulé, on sait bien d’où elles venaient et où elles allaient mais tout le monde lait semblant de ne pas le savoir.

RMC : Est-ce que M Tibéri doit démissionner ?

J.-M. Le Pen : S’il est impliqué, évidemment. Et je pense qu’il doit y avoir, dans son parti, des gens qui ne verront pas cela d’un mauvais œil parce qu’il y aura une place à prendre.

RMC : À Toulon, une tombe a été profanée de façon assez spectaculaire, l’émotion est vive dans la ville, le maire FN de la ville organise d’ailleurs un rassemblement ce matin. Quel est votre sentiment sur cette affaire ?

J.-M. Le Pen : D’abord, je condamne évidemment cet acte qui est ignoble mais je constate qu’il y a tout de même des indignations à deux vitesses dans ce pays. Il y a l’indignation à grande vitesse quand il s’agit de Carpentras et de la violation d’une tombe juive, et il y a l’indignation à très petite vitesse quand il s’agit du corps d’un catholique, dans un cimetière catholique. C’est une donnée, d’ailleurs, de la vie politique d’aujourd’hui, dont il faut tenir compte.

RMC : Qu’est-ce que ça veut dire ?

J.-M. Le Pen : Cela veut dire qu’il y a des réactions privilégiées, les citoyens ne sont pas traités de la même manière. Il y a des gens, semble-t-il, qui seraient des citoyens à double part tandis que d’autres seraient à demi ou à quart de part. Nous, le FN, nous sommes les citoyens à quart de part, tout le monde le sait bien.

RMC : La décision du préfet d’interdire le groupe NTM au festival de Châteauvallon, décision suivie d’ailleurs d’une déprogrammation ?

J.-M. Le Pen : Il s’est trouvé enfin un représentant de l’État pour faire respecter les moeurs et la dignité de notre société. Je trouve ça assez remarquable et assez étonnant Qu’un groupe puisse se promener avec un tel titre, a quelque chose de particulièrement scandaleux et je suis heureux qu’enfin, il ait été porté remède à cette abomination.

RMC : Le PS dit que M. Marchiani le préfet du Var, et vous-même, vous entretenez des rapports amicaux ?

J.-M. Le Pen : À partir du moment où quelqu’un exprime une pensée saine, c’est vrai qu’il peut être accusé de complicité avec le FN.

RMC : Sur le plan politique, toutes les formations préparent activement les élections législatives prévues en 1998. Est-ce qu’elles auront lieu à la date prévue, à votre avis ?

J.-M. Le Pen : C’est le président de la République qui a le doigt sur la queue de détente, comme l’on dit à l’armée, ce que l’on appelle la gâchette. Je le crois tout à fait capable de tirer, par conséquent nous nous mettons en situation de faire face, s’il était besoin, à des élections anticipées. Mais cela prouverait simplement que l’esprit manœuvrier est aussi présent à l’esprit de M. Chirac.

RMC : On a entendu une déclaration de B. Mégret appelant à une recomposition politique et invitant « les membres de la majorité RPR ou UDF qui ont idées proches du FN, de cesser de mettre le drapeau dans leur poche ». Est-ce qu’à votre avis, il y a de nombreux élus RPR-UDF qui ont des idées proches du FN ?

J.-M. Le Pen : Ils doivent avoir des idées d’autant plus proches que leur situation électorale est périlleuse, c’est sûr. Je pense que devant l’aggravation de la situation de notre pays dans à peu près tous les domaines, il y a tout de même des inquiétudes, des interrogations et il est possible, et souhaitable en tout cas, que des élus et surtout des électeurs, changent leur manière de voir. Le FN est en situation alternative, il est le seul à proposer une politique réellement différente de celle que propose et qu’ont suivie, dans le fond, ensemble et sur la même ligne, le PS et la droite RPR-UDF. Je crois que devant la gravité des options qui vont se présenter à notre pays, je pense que le paysage politique devra se recomposer entre les partisans de la renaissance et ceux qui acceptent la décadence.

RMC : Cela veut dire que vous espérez que des élus RPR-UDF passent des accords électoraux avec vous, dans certains endroits où vous êtes fort ?

J.-M. Le Pen : Oui, ou abandonnent leurs étiquettes, ou modifient leur manière de faire et leur manière de voir.

RMC : Si vous présentez des candidats partout – ce que vous avez dit jusqu’à présent – cela ne vous ennuie pas qu’un candidat socialiste passe à cause de votre maintien devant un candidat de la majorité actuelle ?

J.-M. Le Pen : Cela ne m’ennuie pas particulièrement. Je considère que les socialistes et le RPR et l’UDF font la même politique, ont les mêmes responsabilités avec, pour la droite, la circonstance aggravante que leurs électeurs sont de droite et qu’ils trahissent les engagements qu’ils ont pris à leur égard. Mais moi, je préfère que ce soit le FN qui soit en tête. Et je dis que le mode de scrutin qui a été fait pour nous éliminer, peut parfaitement réserver une énorme surprise si des événements venaient confirmer de façon éclatante ce que nous ne cessons de dire.

RMC : On dit que vous serez peut-être vous-même candidat aux élections dans le Var ?

J.-M. Le Pen : C’est généralement ce que font les hommes politiques aux élections. Aux élections, ils se présentent. Si je me trouve dans cette situation-là, il est probable que je me présenterai. Je n’ai jamais reculé devant aucun sacrifice dans ce domaine.

RMC : Et quand on dit que ce serait dans le Var, ça ne vous parait pas stupide comme idée ?

J.-M. Le Pen : Je suis chez moi partout. J’irai là où l’appel populaire sera le plus puissant.

RMC : Et c’est où ?

J.-M. Le Pen : Je ne sais pas.

RMC : Mais si, vous le savez, pourquoi ne voulez-vous pas le dire ?

J.-M. Le Pen : On ne dit jamais où on va porter son attaque.