Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à Radio France internationale le 9 mai 1998, sur la tentative de réenclanchement du processus de paix au Proche-Orient et sur la situation "préoccupante" au Kosovo.

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Circonstance : Réunion du G8 Finances et Affaires étrangères à Londres (Grande-Bretagne) les 8 et 9 mai 1998

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

A l'occasion de la réunion des ministres des Affaires étrangères des 8, à Londres nous avons passé en revue l'ensemble des crises. Naturellement nous avons parlé du processus de paix, du moins du mauvais état du processus de paix. Madeleine Albright a rendu compte aux autres membres du Sommet de l'état des efforts américains. Vous savez que l'Union européenne à travers la présidence britannique, mais aussi la France en tant que telle, apportent leur plein soutien aux efforts américains et c'est très important que les Etats-Unis qui avaient été un des parrains du processus de paix, soient vraiment engagés avec beaucoup d'énergie. C'est le cas de Mme Albright depuis plusieurs mois.

La situation actuelle est que les Palestiniens ont accepté la proposition américaine d'un nouveau retrait de 13 %, ce qui est très loin en effet des souhait palestiniens, qui, se fondant sur les engagements pris à Oslo, pouvaient espérer un retrait trois fois supérieur. Mais, ils l'acceptent comme preuve de bonne volonté pour réenclencher une dynamique de paix, qui malheureusement n'existe plus. On sait que le gouvernement israélien, selon la presse, accepterait 9 %, mais même ce chiffre n'a pas été confirmé. On sait que le gouvernement israélien pour le moment ne veut pas s'engager et ne répond pas. Il doit se réunir à ce sujet. J'ai dit il y a quelques jours que la balle était dans le camp du gouvernement israélien, maintenant chacun le voit et il faut espérer que le gouvernement israélien, et même M. Netanyahou qui était capable de confirmer l'accord sur l'évacuation d'Hébron, n'a pas dit son dernier mot. En tout cas, les Etats-Unis, Mme Albright en particulier, me paraissent être restés très mobilisés et très engagés et pas du tout sur le point d'arrêter leurs efforts.

Q — Les Européens soutiennent-ils les efforts de Washington ?

R — Naturellement, nous les soutenons mais de façon active, pas de façon passive.

Q — C'est à dire ?

R — Les Européens, et notamment la France, soutiennent les efforts américains en cours. Nous voyons cela comme complémentaire et non pas comme concurrentiel et naturellement nous soutenons de façon effective, c'est-à-dire que nous avons notre propre action, nos propres contacts avant de partir à Londres. J'ai reçu M. Nabil Chaath, le ministre palestinien des Affaires étrangères qui est venu m'expliquer le détail des entretiens qui avaient eu lieu à Londres et justement leurs espérances sur Washington. Nous restons très engagés, sans que nous ayons des contacts utiles sur ce plan et nous travaillons en liaison avec la présidence britannique, et eux comme nous, en liaison avec les Etats-Unis. Cela a encore été le cas à Londres. Il s'agit d'agir ensemble de toutes les façons possibles pour obtenir ce déblocage.

Q — Concernant à présent le Kosovo, vous avez eu des entretiens avec M. Primakov. Où en est le Groupe de contact sur le Kosovo ?

R — Les entretiens dans le cadre de la réunion des huit ministres a confirmé l'analyse du Groupe de contact. L'analyse des uns et des autres est inquiète tout simplement parce que la situation se détériore sur le terrain. Nous ne changeons pas d'avis depuis le Groupe de contact du début mars : le statu quo est intolérable, l'indépendance est impossible à soutenir parce qu'elle déstabiliserait l'ensemble de cette région. Il reste une autonomie très substantielle dont nous pensons qu'elle doit être mise au point par une négociation entre les responsables yougoslaves et les responsables des Albanais du Kosovo. Nous appelons, avec beaucoup de force, les uns et les autres à s'engager sans préalable supplémentaire dans la négociation. Il n'est que temps et le temps qui passe ne fait qu'aggraver les choses de part et d'autre et nous avons constaté ici à Londres que les ministres de la réunion des 8, qui ne font pas partie du Groupe de contact, partagent cette analyse et soutiennent les efforts qui sont entrepris. Mais, nous ne sommes pas encore aux résultats puisque cette négociation ne commence pas, que les Yougoslaves ne veulent pas accepter jusqu'à maintenant, en dépit de rumeurs non confirmées une présence internationale, qui est un élément de confiance indispensable pour le leader des Albanais du Kosovo, M. Rugova. Pendant ce temps-là, il y a des provocations, une escalade dans la violence qui est très préoccupante, nous restons très préoccupés, très mobilisés et très déterminés à bâtir cette solution politique, seule bonne réponse.

Q — Il n'y aura pas de déclaration sur le Kosovo à l'issue de cette réunion du G8 ?

R — Si, il y aura un texte des ministres qui passe en revue, qui balaie l'ensemble des problèmes du moment et des crises régionales, dont le Kosovo naturellement, mais simplement la réunion des 8 n'est pas une réunion décisionnelle, donc elle tient compte, elle prend acte, elle prend note, elles soutient ce qui est décidé dans le cadre du Groupe de contact. Les décisions sur cette affaire se prennent dans le Groupe de contact, dans un certains cas sur le plan des mesures économiques, notamment quand on décide des sanctions au sein de l'Union européenne et chaque fois que c'est nécessaire sur le plan de la légalité internationale, au sein du Conseil de sécurité.