Texte intégral
Allocution de Monsieur Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture, à l’occasion du colloque l’enfant, la musique et l’hôpital, le vendredi 20 septembre 1996
J’ai souhaité qu'un colloque nous réunisse ici aujourd'hui, dans le cadre de la politique que je développe en faveur des actions musicales en milieu hospitalier. Je me réjouis de la façon dont il s'annonce. Pour deux raisons.
D'une part, parce que vous représentez tous les acteurs, impliqués dans ce type d'action, sur l'ensemble du territoire national.
D'autre part, parce que cette journée est un moment important, dans une action que nous menons, ensemble, depuis près d'un an et qui est appelée à connaître de nouveaux développements.
Tous les partenaires concernés par le développement d'actions musicales en milieu hospitalier, notamment en pédiatrie, sont en effet réunis ce matin.
Le corps médical est, ici, largement représenté. Je vois réunis dans cette salle, tous les personnels hospitaliers - médecins, professeurs, chirurgiens, directeurs d'hôpitaux, infirmiers et infirmières, aides-soignants - et cela dans différentes spécialités : néonatologie, anesthésie, réanimation, rééducation neuro-respiratoire, chirurgie viscérale pédiatrique, chirurgie orthopédique... et bien d'autres encore.
Les associations et les musiciens : ce sont eux, les artisans de ces actions ! C'est grâce à leur travail quotidien, tellement bénéfique pour les jeunes malades, que la musique prend tout son sens à l'hôpital.
Les institutions : c'est le ministère de la culture, représenté par la direction de la musique et de la danse, et la délégation au développement et aux formations ; ce sont certaines directions régionales des affaires culturelles, qui sont également présentes ; c'est la cité de la musique, qui nous accueille.
Le ministère du travail et des affaires sociales, représenté par la direction de l'action sociale, et également les partenaires privés - entreprises et fondations - qui soutiennent l'action des associations.
Enfin, l'ensemble du territoire national est également représenté.
L'expérience dont vous allez témoigner a, en effet, été acquise aussi bien dans les établissements hospitaliers de Lyon, Tours, Bordeaux, Marseille, Lens, Caen, Soissons, Grenoble, Saint-Nazaire, que dans les centres hospitaliers universitaires de la région parisienne, notamment ceux de l'assistance publique des hôpitaux de Paris, tels que : Robert DEBRE, NECKER, Armand TROUSSEAU, Raymond POINCARE à Garches, Kremlin-Bicêtre, Saint-Vincent de Paul... Là aussi, pardon de ne pas être exhaustif...
Je vois, dans les débats qui vont s'ouvrir ici, tout à l'heure, une importante et nouvelle étape de l'action que j'ai souhaité engager, il y a moins d'un an, en décembre 1995, avec l'opération Silences... Musique.
Durant une quinzaine de jours, à l'approche des fêtes de Noël, des musiciens de renom, issus de la variété comme de la musique classique ont été invités à joindre leur voix et leur talent à l'action entreprise, à l'année, par les personnels hospitaliers et les musiciens qui interviennent au chevet des enfants hospitalisés.
Ils ont été nombreux à répondre à l'appel, de Georges MOUSTAKI à Patrice FONTANAROSA, de Véronique SANSON à Frédéric LODEON, de Steve WARING à Brigitte ENGERER. Je voudrais pouvoir ici les citer tous.
Leur mobilisation exceptionnelle, amicale et généreuse, a permis d'attirer l'attention du plus grand nombre sur ces techniques nouvelles d'accompagnement musical ; d'informer le public ; de conforter, dans leur action, ceux qui s'y emploient. Grâce à cette opération, le travail de fond, poursuivi depuis des années par de nombreuses associations, a été mieux connu.
À la suite de ce coup de projecteur, dès le mois de janvier 1996, a été mis en place le programme de formation que j'avais annoncé.
L'Association Enfance et Musique, déjà forte d'une expérience de quinze ans, en est l'opérateur.
Ce programme de formation se déroule selon deux grands axes. L'un, destiné au corps médical et au personnel hospitalier. L'autre, destiné aux musiciens intervenant en milieu hospitalier.
La formation destinée au corps médical et au personnel hospitalier comporte trois volets, pour l'année 1996.
Le premier volet comprend des actions de formation, avec une mise en pratique immédiate, au chevet même des enfants, dans sept établissements hospitaliers, à Paris et en région. Je voudrais les citer.
L'hôpital d'enfants Armand TROUSSEAU à Paris, en bloc opératoire dans le service ORL du professeur GARABEDIAN ; l'hôpital Raymond POINCARE DE GARCHES dans le service neuro-respiratoire du professeur ESTOURNET ; l'hôpital Necker enfants malade à Paris dans le service de cardiologie pédiatrique du professeur KACHANER ; le centre hospitalier universitaire de Grenoble dans le service de chirurgie et d'hématooncologie du professeur BOST ; le centre hospitalier Pellegrin à Bordeaux dans l'ensemble des services pré et post-opératoires ainsi qu'en bloc opératoire chez le professeur BONDONNY ; le centre de pédiatrie et de rééducation de Bullion dans le service du Docteur LEBON, qui accueille des adolescents accidentés de la route, brûlés, ou greffés pour des séjours post-opératoires ; le centre hospitalier universitaire Sainte-Marguerite de Marseille, dans le service de pédopsychiatrie du professeur RUFFO et dans le secteur psychiatrique mère-enfant.
Le deuxième volet concerne onze autres établissements hospitaliers à Mulhouse, Angers, Antibes, Chambéry, Lille, Lyon, Rennes, Toulouse, Toulon, Besançon, Nice qui auront accueilli, au cours de l'année 1996, plus de cent soixante personnes venues d'horizons hospitaliers divers, pour des stages d'une semaine.
Le troisième volet, enfin, comprend des actions de formation inter-établissement, sous forme de stages dans les locaux de l'association Enfance et Musique, à Pantin.
Deux cents professionnels de l’hôpital - médecins, infirmières, anesthésistes, aides-soignantes - ont été ou seront prochainement accueillis en 1996 dans ces derniers stages.
La formation destinée aux musiciens intervenant en milieu hospitalier s'articule notamment autour de l'expérience-pilote mise en place à Tours par le centre de pédiatrie GATIEN de CLOCHEVILLE, en collaboration avec le centre de formation des musiciens intervenants de cette ville.
Ce sera là, je le sais, un des temps forts de vos débats, cet après-midi. C'est un travail extrêmement satisfaisant, fondé sur le rapprochement entre les préoccupations des équipes soignantes, et celles des jeunes musiciens. Ceux d'entre eux qui souhaitent se former à la spécificité du travail à l'hôpital peuvent en trouver là de nouveaux horizons artistiques et humains, et de nouveaux débouchés professionnels.
Pour l'année 1997, je souhaite bien entendu voir se poursuivre et s'intensifier de tels plans de formation, sans lesquels il serait impossible de développer et pérenniser la présence de la musique à l'hôpital.
Je serai également attentif à ce que l'ensemble des institutions culturelles et musicales s'impliquent de plus en plus, dans ces projets, notamment en région, en liaison avec les établissements hospitaliers et les associations de musiciens intervenants.
Je citerai là un exemple : la convention récemment signée en région Picardie entre, d'une part ; la direction régionale des affaires culturelles et la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, et, d'autre part, l'association des élèves et anciens élèves de l'école nationale de la santé publique, regroupant la quasi-totalité des directeurs et futurs directeurs des établissements sanitaires de la région.
La signature de cette convention Musique à l'Hôpital - qui a pour objectif de promouvoir des actions musicales au sein des hôpitaux de la région Picardie - s'inscrit de la façon la plus satisfaisante dans la dynamique que je souhaite voir se développer sur l'ensemble du territoire.
En conclusion - ou plutôt en introduction à cette journée de travail, de réflexion et de témoignages - je voudrais simplement rappeler ceci : j'attache une importance capitale au domaine d'action qui nous réunit aujourd'hui. À l'hôpital la musique, souvent synonyme de partage, se révèle un précieux langage et un moyen de communication privilégié.
Je compte sur les conclusions de ce colloque pour nous permettre de franchir, ensemble, une autre étape ; de mieux percevoir l'actualité et l'étendue d'un nouveau champ d'action ; de mesurer l'adhésion de tous les partenaires et de constater une évolution des mentalités : davantage de solidarité, davantage d'ouverture à l'autre.
Dans ce domaine riche en perspectives qu'est la présence de la musique à l'hôpital et qui, je le précise ne relève ni de la thérapie, ni de la simple animation mais représente bien une approche nouvelle -, s'offrent à nous aussi bien l'exploration de ces techniques récentes que le développement d'un véritable projet de société.
Il s'agit bien, en effet, d'impliquer l'ensemble des acteurs de ta vie culturelle et musicale, auprès de nos partenaires du monde médical ou associatif dès lors que doit être restauré le lien social ou confortée la dignité de l'individu.
Je pense que, aujourd'hui plus que jamais, nous avons à nous mobiliser sur de tels desseins.
D'avance, merci de vos travaux. Soyez tous assurés que je serai pleinement attentif à leurs conclusions et que je veillerai personnellement à leur mise en œuvre.
Le Parisien - 20 septembre 1996
Le Parisien : Quel est pour vous la place de la musique à l’hôpital ?
Philippe Douste-Blazy, ministre de la culture : La musique à l’hôpital revêt une importance capitale car elle crée un véritable langage entre les malades et les soignants ; avec l’intervention des parents aussi quelquefois. Le programme que nous avons initié en 1995 avec Enfance et Musique permet des informations spécifiques, pour des musiciens qui sont alors capables d’entrer dans des services aussi sensibles que la réanimation ou la cardiologie pédiatrique par exemple. Les médecins désormais l’acceptent. J’attends beaucoup d’une expérience pilote menée à Tours, pour former non seulement de jeunes musiciens mais aussi les équipes soignantes à l’accompagnement musical.
Le Parisien : Cette musique à l’hôpital, c’est un lien avec le monde extérieur ?
Philippe Douste-Blazy : Son premier objectif, c’est de lutter contre cette forme particulière d’isolement qu’entraîne l’hôpital, de repli sur soi, chez les enfants particulièrement. La musique entre dans une démarche plus globale de prise en compte de l’accueil et des conditions de vie à l’hôpital.
Le Parisien : Autrement dit, elle contribue à humaniser l’hôpital…