Texte intégral
Date : vendredi 20 septembre 1996
Source : RMC / Édition du matin
P. Lapousterle : Vous êtes maire, Monsieur Gaudin, ministre, président de la région Provence-Alpes-Côte-D'azur, vous êtes un grand responsable UDF puisque c'est vous qui faites et défaites les investitures. Que de responsabilités pour un même homme ! Allez-vous conserver tout ceci ?
J.-C. Gaudin : Oui, mais j'ai mis trente ans pour me préparer à ces fonctions. Vous savez, cela faisait dix-huit ans que j'étais parlementaire et c'était un peu mon tour d'être ministre. Et d'ailleurs, je suis très heureux de l'être.
P. Lapousterle : Donc, vous allez garder tout cela ?
J.-C. Gaudin : Jusqu'en 1998, et après nous verrons.
P. Lapousterle : Un mot sur la visite actuelle du Pape Jean Paul II en France dont on sait que vous entretenez avec lui des relations harmonieuses et cordiales. Vous êtes même commandeur de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Que pensez-vous des protestations venant du camp laïc qui estime que la laïcité est menacée dans ses principes ?
J.-C. Gaudin : La France est laïque et républicaine. Rien ne menace ses fondements essentiels. Nous ne sommes plus à l'époque du père Combes, en 1905, et dans les luttes anticléricales. Je trouve ce débat totalement déplacé à l'égard d'un homme qui honore notre pays, qui aime la France, qui vient, dit-il, en pèlerin ; ce qui est l'exacte vérité. C'est l'homme qui a le plus défendu les Droits de l'homme depuis de nombreuses années. C'est l'homme qui est le messager permanent de la paix. C'est l'homme à qui on doit la chute du mur de Berlin. C'est quand même pas mal, non ! On peut l'accueillir les bras ouverts. En tout cas, moi, depuis Marseille, je suis très heureux que le Pape soit là. Vous savez que c'est mon bord, je ne vais pas m'en cacher ! Je suis très heureux. J'ai vu à plusieurs reprises le Pape. Vraiment, c'est un homme qui mérite le respect Et pour moi, j'ajoute l'affection.
P. Lapousterle : Votre ville a été profondément choquée, traumatisée par le récent assassinat d'un adolescent par un autre adolescent. Est-ce qu'à votre connaissance, ce matin, dans votre ville, il y a des traces durables de cet acte-là et est-ce qu'il y a des conséquences politiques à la double mobilisation que votre ville a connue ?
J.-C. Gaudin : Bien sûr, des traces, il y en a. C'est évident ! Nous devons, nous, les responsables politiques, tirer les conséquences d'un drame aussi affreux que celui que nous avons vécu mais que nous avons surmonté. Parce que le père du petit Nicolas, le docteur M. Bourgat, nous a donné l'image de la dignité, il a appelé à la solidarité des Marseillais, à l'affection des Marseillais. Les Marseillais ont répondu. Ils étaient plus de 6 000 à l'enterrement du petit Nicolas, samedi dernier. J'en suis encore ému moi-même et je dois vous dire que, vraiment, j'étais fier des Marseillais dimanche. Le reste, l'agitation politicienne, que l'on vienne dégouliner de la haine, de l'intolérance, du sectarisme, n'a rien avoir avec l'image que les Marseillais ont donnée. Et ça, je crois que c'est important et cela nous marque.
P. Lapousterle : Est-ce qu'il n'y a pas un problème de sécurité à Marseille ? On entendait tout à l'heure parler d'une vague de protestation chez les chauffeurs d'autobus marseillais.
J.-C. Gaudin : Oui, c'est vrai. D'ailleurs, le nouveau directeur général de la RTM s'occupe activement de cela, en liaison avec mes collaborateurs. C'est vrai que nous devons mieux assurer la sécurité de nos chauffeurs de bus. Je vais y veiller aussi personnellement, mais c'est très difficile. Aussi bien pour les chauffeurs de bus que pour les gosses dans les écoles, vous ne pouvez pas mettre un gendarme derrière chaque gosse. Or, à Marseille, nous avons des forces de police importantes, je parle de la police d'État Il y a 600 policiers dans la ville. J'ai doublé, en un an, la police municipale. Les îlotiers font bien leur travail.
P. Lapousterle : Pourtant, cela continue !
J.-C. Gaudin : Oui, mais avec moins d'intensité. Selon les chiffres du préfet Sapin, il y a eu cette année 1 800 actes délictueux de moins à Marseille que les années précédentes. Donc, on est dans la bonne direction mais il nous faut faire beaucoup d'efforts. On va faire une réunion avec les parlementaires du centre-ville, le préfet. J'assisterai moi-même à cette réunion pour prendre un certain nombre de décisions. Ce sont cela aussi, les leçons du drame.
P. Lapousterle : À propos de la violence dans les écoles : le ministre de l'Éducation nationale a appelé à deux heures de discussion entre les partenaires de l'école, enseignants, parents, enfants, pour éviter les violences à l'école. Est-ce que vous soutenez l'initiative ? Est-ce que vous allez mime y participer ?
J.-C. Gaudin : Absolument Il a bien fait Nous l'avions déjà fait à l'initiative du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, hélas, la semaine dernière, pour le petit Nicolas. Nous recommençons. Moi-même, j'irai ce matin dans un lycée mais je ne vous dirai pas lequel car je souhaite y aller tout seul et je ne veux pas être accompagné de journalistes et de caméras.
P. Lapousterle : On est si méchant que cela ?
J.-C. Gaudin : Non, mais je veux le faire dans la discrétion. Je ferai mon travail, comme le recteur, comme Madame l'inspecteur d'académie.
P. Lapousterle : Est-ce que vous approuvez les déclarations d'A. Juppé, votre Premier ministre, qui a été très dur sur le FN, traitant J.-M. Le Pen, de raciste, xénophobe et antisémite ?
J.-C. Gaudin : Oui, je pense effectivement que M. Juppé, après surtout ce qu'a déclaré à Marseille la semaine dernière J.-M. Le Pen, a bien fait de réagir de la manière la plus claire. Il faut que les autres dirigeants politiques réagissent de la même manière. Que L. Jospin ne nous donne pas trop de leçons, que L. Jospin condamne aussi mais dise qu'il ne veut pas profiter des voix du Front national. Car, dans la perspective d'élections triangulaires avec le maintien du candidat du Front national au second tour, ce sont les amis de L. Jospin qui empochent la mise et qui ont le jackpot Alors il faut qu'il le dise aussi et qu'il le mette en application en disant qu'il refuse les voix du Front national.
P. Lapousterle : À propos d'élection, votre région va connaître une élection, dont on parle déjà beaucoup, dimanche prochain. Ce sera le deuxième tour de l'élection cantonale à Toulon avec le candidat du Front national arrivé en tête au premier tour. Toutes les fractions politiques représentées au Parlement demandent à voter pour le candidat de la majorité RPR. Et si le candidat du Front national était élu quand même ?
J.-C. Gaudin : C'est aussi une possibilité bien entendu. Je dirais simplement que c'est une chose d'appeler à faire barrage au Front national, et il faut le faire. C'est facile de le dire et c'est un peu plus difficile pour la gauche d'aller mettre un bulletin dans l'urne dimanche pour faire échec au candidat du Front national Nous avons eu une élection cantonale, il y a trois mois à Marseille, et j'ai eu la curiosité d'étudier les listes électorales. Après le premier tour et après le second tour. Ce ne sont pas les mêmes électeurs qui viennent voter le second dimanche que le premier. Alors, bien entendu, tout le monde appelle à faire barrage, ce que je souhaite, moi, c'est que les hommes sincères de gauche, qui veulent faire obstacle aux idées du Front national, se dérangent pour venir voter pour le candidat, qui est d'ailleurs un candidat du RPR.
P. Lapousterle : Donc c'est vous qui faites appel aux électeurs de gauche, c'est bien ça ?
J.-C. Gaudin : Je dis qu'ils se mettent en conformité avec leurs déclarations et leurs actes. Là, c'est sincère. Mais quand il y a des personnalités à Marseille – dont je tairai le nom – qui prêchent la lutte contre le Front national mais qui ne vont pas voter au second tour entre un candidat de la majorité actuelle et le Front national, que ces gens-là ne nous donnent pas de leçon ni par la voie orale, ni par la plume.
P. Lapousterle : À Gardanne, on a été surpris de voir que l'UDF et le RPR allaient soutenir un candidat dont vous disiez le plus grand mal il y a encore quelque temps !
J.-C. Gaudin : Le plus grand mal, non ! J'avais mis en exergue ses maladresses. Monsieur Fabre-Aubrespy, le lendemain des élections régionales que j'avais remportées et contre B. Tapie et contre J.-M. Le Pen, était sur le Phocéa, le bateau de B. Tapie, dans le vieux port de Marseille, en grande discussion avec lui, filmé par les caméras de télévision. Avouez que ce sont des maladresses. Mais les maladresses, cela se pardonne ! M. Fabre-Aubrespy est le candidat de Monsieur de Villiers. Nous avons décidé, l'UDF et le RPR, de ne pas le gêner et mieux, de le soutenir. Alors, j'imagine que Monsieur Fabre-Aubrespy doit être content J'attends d'ailleurs qu'il me le dise.
P. Lapousterle : Vous le soutenez, sans oublier ?
J.-C. Gaudin : Nous le soutenons sans oublier. Mais enfin, la jeunesse permet de faire des maladresses. Il faut savoir les pardonner.
P. Lapousterle : Un brin de proportionnelle ?
J.-C. Gaudin : Non ! Cela me paraît tout à fait ... surtout avec les propos que vient de tenir J.-M. Le Pen, nous n'allons pas faire une loi électorale qui permettrait simplement à J.-M. Le Pen d'entrer au Parlement ! Nous, à l'UDF, nous n'avons jamais demandé la modification de la loi électorale pour les élections législatives tant nous savons que, dans l'héritage du gaullisme, le scrutin majoritaire est une priorité. Se posera sans doute, un jour, le fait d'élargir un peu pour que tout le monde soit représenté mais enfin, les minorités ou les partis qui ne remportent pas le scrutin majoritaire sont représentés dans les mairies, sont représentés quand ils le peuvent au conseil général ou même au conseil régional. Alors, ne nous faisons pas à nous-mêmes de faux procès, soyons clairs au contraire ! Que les hommes de la majorité actuelle se retroussent les manches et expliquent la politique conduite par A. Juppé : 65 milliards d'économie sur le budget de l'État pour générer 25 milliards de baisse des impôts ! Voilà ce que fait le Premier ministre et c'est du bon travail. Personne ne l'avait fait avant lui. Et si il nous faut le faire, c'est que nous réparons aussi les erreurs, les errements, les politiques inconséquentes qui ont été menées avant nous, sous la présidence de F. Mitterrand.
Date : mercredi 2 octobre 1996
Source : Europe 1 / Édition du matin
S. Attal : Le Gouvernement va obtenir la confiance aujourd'hui, il n'y a aucun doute là-dessus. Pour autant, est-ce que cela suffit à vous tranquilliser, vous et vos collègues du Gouvernement, sur la cohésion de la majorité ?
J.-C. Gaudin : Je crois que l'on aurait tort de minimiser ce geste. Nous sommes dans un État de droit, il y a des règles républicaines, si on commence à contester un vote à l'Assemblée nationale et un autre au Sénat, où va-t-on ? Il y aura, ce soir, la confiance des députés au Gouvernement d'A. Juppé.
S. Attal : Vous savez que, dans le passé – on en parle beaucoup en ce moment – des gouvernements comme celui de J. Chaban-Delmas, par exemple, ont eu des confiances écrasantes et ont démissionné un mois plus tard ?
J.-C. Gaudin : C'était une autre époque. À l'heure actuelle, le Gouvernement a le soutien, et c'est très important, du Président de la République. Le Gouvernement fait un travail terriblement difficile. Il faut réparer des erreurs qui ont duré pendant de nombreuses années. Le Premier ministre le fait avec courage. Il le fait avec intelligence. Il a un Gouvernement soudé autour de lui. Par conséquent, il va expliquer cet après-midi devant l'Assemblée nationale ce qui a été fait déjà depuis un certain nombre de mois et aussi la perspective jusqu'en 1998. C'est cela, son rôle.
S. Attal : Mais quand beaucoup de députés, notamment des UDF, disent qu'ils vont voter mais avec réserve ?
J.-C. Gaudin : Non, mais les UDF ne disent pas cela. Ils en disent d'ailleurs moins que d'autres, les UDF. Ils disent simplement ceci : il y a une équipe majoritaire. À l'intérieur de cette équipe majoritaire, il y a deux familles : le RPR et l'UDF. L'UDF entend, bien entendu, peser sur tous les choix aujourd'hui du Gouvernement et du Parlement. Et sur l'essentiel, c'est-à-dire sur la politique économique menée par A. Juppé pour atteindre nos objectifs de la monnaie unique, il y a un appui total, sans réserve de l'UDF. C'est le plus important Par contre, sur un certain nombre d'autres textes ou d'autres lois, à ce moment-là, il doit y avoir discussion entre le Gouvernement et les familles qui composent sa majorité. Rien de plus normal.
S. Attal : Vous avez présidé un groupe parlementaire dans le passé. Vous savez donc ce que c'est l'ambiance du Palais Bourbon, de l'Assemblée nationale. On parle beaucoup de la ligne jaune ou de la ligne rouge, en ce moment. Les députés voudraient savoir où elle est. Qu'est-ce qui est permis ?
J.-C. Gaudin : Vous savez, moi, j'en suis à ma dix-huitième rentrée parlementaire, sauf que cette fois-ci, je suis de l'autre côté, je suis dans le camp du Gouvernement et je ne suis pas sur les travées de l'Assemblée nationale ou du Sénat Chaque fois, il y a un peu d'excitation au moment d'une rentrée parlementaire mais les choses, si chacun le veut, doivent trouver leur rythme de croisière, dans l'intérêt des Françaises et des Français, dans l'intérêt supérieur du pays. Alors, au Parlement le droit de légiférer, de modifier, de transformer, de refuser éventuellement un projet du Gouvernement ; au Gouvernement d'avoir l'habileté et la pédagogie nécessaire à convaincre ses propres amis que ce qu'il fait, il le fait dans l'intérêt de tous. Parce que vous savez, si nous ne sommes pas tous ensemble aux élections de 1998, alors il n'y aura pas de chances pour nous ! Pas plus pour le Gouvernement que pour les députés. Donc, première règle, c'est une règle d'union et d'union très forte.
S. Attal : Est-ce qu'elles auront bien lieu en 1998, ces élections ? F. Léotard a dit qu'il doutait que cela aille jusqu'au bout.
J.-C. Gaudin : Même si elles ont lieu avant, raison de plus pour que nous soyons prêts et deuxièmement, que nous soyons déterminés et troisièmement, que nous soyons parfaitement unis. Quand on est uni, on fait reculer y compris le Front national.
S. Attal : Mais vous croyez qu'elles peuvent avoir lieu avant ?
J.-C. Gaudin : Cette décision appartient au seul Président de la République et je ne pense pas que beaucoup de monde ait pu avoir des confidences sur ce sujet ! En tout cas, moi, je n'en ai pas.
S. Attal : Vous êtes ministre et c'est donc normal que vous voyiez les choses un peu en rose, mais honnêtement, cela ne va pas très bien. Quand on voit le Président de la République qui vole au secours de son Premier ministre, cela dénote un peu de fébrilité et ce n'est pas bon ?
J.-C. Gaudin : Non, le Président de la République a eu tout à fait raison d'intervenir comme il l'a fait. Il y a un jeu de « faux culs » entre ceux qui disent « on adore Chirac ! On soutient le Président de la République mais on tire à vue sur le Premier ministre et le Gouvernement. » Qu'est-ce que cela veut dire ! Le Gouvernement, c'est celui voulu par le Président de la République. Et le Gouvernement ne fait qu'une chose, c'est appliquer la politique que veut le Président de la République. Et d'ailleurs, elle portera ses fruits. Donc c'est dur, c'est difficile. Nous le disons à nos compatriotes ! Peut-être, on ne le dit pas assez bien, peut-être faut-il aller à leur rencontre. Quand le Président de la République fait un voyage dans le Pas-de-Calais, il n'est pas sur la Côte d'Azur.
S. Attal : Donc, c'est clair maintenant : quand quelqu'un attaque Juppé, il attaque Chirac.
J.-C. Gaudin : Bien entendu !
S. Attal : Depuis que vous êtes maire de Marseille, on dirait que vous avez changé d'attitude vis-à-vis du Front national ?
J.-C. Gaudin : J'ai changé depuis bien avant, j'ai changé depuis 1991.
S. Attal : Comment voyez-vous les choses et, à votre avis, quelle est la meilleure façon de le combattre ?
J.-C. Gaudin : Première réponse : je le dirai à mes amis parlementaires qui de temps en temps ont tendance à courber l'échine et à redouter évidemment les élections de 1998 : d'abord l'union. Il y a trois mois, à Marseille, nous avons eu une cantonale dans un quartier du centre-ville qui est un quartier plutôt paupérisé. On nous annonçait que le Front national allait tout racler et nous, UDF, RPR on était uni et on a mis cinq points dans la vue au Front national. Vous savez, Marseille n'aime pas Le Pen et d'ailleurs, Le Pen n'aime pas Marseille non plus.
S. Attal : Vous avez mis du temps à le comprendre.
J.-C. Gaudin : Mais non, on n'a pas mis du temps à le comprendre. Il y avait des situations politiques qui pouvaient être différentes mais pour ma part, vous savez bien que tous les inquisiteurs de la création sont venus voir, à l'époque, comment je dirigeais le Conseil régional et ils n'ont jamais pu trouver la preuve d'un acte quelconque qui aurait porté la trace infâme de la xénophobie, du racisme ou de l'antisémitisme. Alors attention, maintenant ! Que ceux qui nous donnent des leçons, par exemple au Parti socialiste, ne se pourlèchent pas les babines à l'idée de savoir que le maintien du candidat du Front national au second tour d'une élection législative leur facilitera l'élection. On doit lutter ...
S. Attal : Est-ce qu'il faut l'interdire ?
J.-C. Gaudin : Non. S'il fallait l'interdire, à d'autres époques cela aurait pu être fait. Je vous renvoie à vos classiques, que vous connaissez parfaitement bien, à l'époque où F. Mitterrand, Président de la République, écrivait aux chaînes de télévision qu'on ne voyait pas assez Monsieur Le Pen.
S. Attal : Est-ce qu'il faut interdire le maintien d'un candidat du Front national au deuxième tour ?
J.-C. Gaudin : Pas du tout ! Dans la République, il doit y avoir la liberté et l'égalité devant le suffrage pour tous. C'est d'ailleurs pour cela que je suis favorable au maintien du scrutin majoritaire.
S. Attal : La loi Toubon ?
J.-C. Gaudin : La loi Toubon : elle n'est pas, d'ailleurs, comme on le dit, de circonstance. Le garde des Sceaux préparait cela depuis un certain nombre d'années ... de mois. En réalité, il va soumettre son texte au Conseil d'État et puis je crois qu'il faut qu'il en discute très loyalement et très franchement avec le Parlement. Il y a des réticences. Eh bien, il appartiendra au garde des Sceaux de les dominer.
S. Attal : Deux mots sur des faits de société. Vous étiez avec nous quand vous avez entendu le père de Céline. Il accuse la télévision. Vous avez été frappé à Marseille ?
J.-C. Gaudin : Le père de Céline a surtout repris des propos du docteur Bourgat qui a eu son fils assassiné dans les conditions que vous savez à Marseille. De cet événement de Marseille, moi, je garde deux images : le même jour, Monsieur Le Pen éructant sur la place de la République à Marseille et le même jour, le Président de la République avec des jeunes à Auschwitz. Tous ces propos insensés, toute cette volonté d'animer la haine contre une autre partie de la population, on sait où cela peut conduire. Des deux images, j'ai de beaucoup préféré celle du Président de la République avec des jeunes à Auschwitz : mise en garde à nos compatriotes tout le temps !
S. Attal : Dernière chose, c'est cette affaire DHL. Vous êtes ministre de l'Aménagement du territoire également. C'est quand même un cas d'école. Est-ce qu'à votre avis, c'était une erreur pour les Alsaciens de repousser ces emplois ?
J.-C. Gaudin : Je suis allé, à l'invitation de Madame Trautmann et de Monsieur le président Hoeffel, inaugurer la foire de Strasbourg il y a à peine trois semaines. Je me suis exprimé très clairement. Ce sont, dans notre pays, Dieu merci, encore ceux qui portent les écharpes tricolores qui décident ! Il y a eu de grandes manifestations, vous l'avez vu, à Strasbourg contre DHL mais en même temps, un sondage disait que les Alsaciens étaient pour DHL. Les Alsaciens feront ce qu'ils voudront et visiblement ils n'en veulent pas, moi, ce que je regretterais pour mon pays, ce que je regretterais pour la France dans la situation où nous nous trouvons, avec les efforts que nous devons faire, c'est que DHL dise « au revoir messieurs, je vais m'installer dans un autre pays européen. » Ça, ça se serait dommageable pour notre pays, pour l'emploi et pour l'aménagement du territoire et alors ça, je le regretterais.