Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, dans "Ouest-France" du 10 mars 1998, sur les enjeux des élections régionales.

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Média : Ouest France

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Roland Godefroy : Ces élections ont-elles valeur de test politique national ?

Robert Hue : Dès lors qu'un scrutin concerne l'ensemble des Français, sa dimension nationale est évidente. Cette consultation offre donc l'occasion à nos concitoyens de donner une dynamique nouvelle à l'action de la gauche plurielle. Et aussi de faire entendre leurs exigences. L'autre enjeu est, bien sûr, régional. Quand la droite, battue en juin dernier, contrôle 90 % du territoire, il y a urgence à mettre en adéquation les Régions avec la politique nationale. C'est d'autant plus important que les partis de la droite, souvent avec la complicité du Front national, utilisent les Régions comme un obstacle à la mise en œuvre des priorités gouvernementales.

Roland Godefroy : Quels sont vos principaux thèmes de campagne ?

Robert Hue : Je place ces régionales sous le thème de l'emploi et de la formation. Et aussi sous celui de la transparence - je pense au contrôle des fonds publics - et de la citoyenneté. Des milliers et des milliers d'emplois peuvent être créés si l'on met en œuvre des politiques nouvelles. Commençons par recenser les besoins. Je propose qu'on mette ensuite en place des conférences régionales réunissant les chefs d'entreprise, les salariés et leurs organisations, les banques, les élus et les pouvoirs publics, pour dégager de nouveaux financements. Les moyens existent. La question est de savoir comment on les déploie.

Roland Godefroy : Quelle sera votre attitude lors des élections des présidents de Région ?

Robert Hue : En cas de succès, il conviendra naturellement de restituer dans l'exécutif la diversité des forces qui auront permis de l'emporter. Pour les présidences, il est hors de question d'imaginer la moindre alliance avec le Front national. C'est à la droite que cette question se pose. Je constate que beaucoup d'initiatives sont prises pour favoriser des rapprochements. C'est détestable.

Roland Godefroy : Les départements sont-ils aujourd'hui en trop ?

Robert Hue : Tout ce qui serait de nature à réduire l'autonomie des collectivités locales. Voire à supprimer l'une d'elles, serait un appauvrissement pour notre démocratie. Il serait utile, en revanche, de mieux définir les compétences de chacun de ces échelons et de dynamiser leurs coopérations.

Roland Godefroy : L'élargissement de l'Europe à l'Est ne risque-t-il pas de marginaliser les Régions du littoral français ?

Robert Hue : L'actuelle construction européenne, guidée par les marchés financiers, privilégie certaines Régions et en sacrifie d'autres. L'arc Londres-Milan, via l'Allemagne, fait l'objet de toutes les attentions alors que les régions dites périphériques sont beaucoup moins aidées. Cette conception ultralibérale est désastreuse pour les régions de l'Ouest. Leurs atouts sont pourtant importants. Je pense, bien sûr, à l'agriculture et à la filière agroalimentaire, et je n'oublie pas le maritime, pêche et réparation navale. Ni la protection environnementale des côtes. Le désenclavement de certains départements doit être également assuré par un développement du transport ferroviaire. Cela passe par le TGV Ouest qui doit connaître enfin son aboutissement.

Roland Godefroy : Ces régionales vont être l'occasion pour de nombreux élus communistes d'ajouter un autre mandat à ceux qu'ils possèdent déjà. Vous trouvez cela normal ?

Robert Hue : Tous les élus français, et pas seulement les communistes, sont concernés par votre question. Je partage pleinement les préoccupations de Lionel Jospin pour limiter le cumul des mandats. A une nuance près, qui concerne le cumul entre la fonction de maire et celle de parlementaire. Je préconise l'introduction d'un seuil. Au-dessus de 100 000 habitants, il est clair qu'être maire est une occupation à temps complet. Et je crois qu'il ne faut pas priver l'Assemblée nationale de l'expérience des maires des communes petites et moyennes. Mais je ne peux dégager cette réflexion sur le cumul d'un vaste chantier institutionnel. L'instauration de la proportionnelle intégrale, la revalorisation du Parlement et la création d'un véritable statut de l'élu permettraient encore plus efficacement l'accès des femmes et des jeunes à la vie politique, qui est indispensable.