Articles de M. Jean-Claude Tricoche, délégué national de la FEN, dans "FEN-hebdo" les 22 décembre 1997 et 9 février 1998 (avec Mme Françoise Bottin, FEN), intitulés "Une étude sur la mission de formation continue des adultes de l'éducation nationale" et "Une évolution maîtrisée des GRETA", sur la crise des GRETA et les propositions de la FEN pour une nouvelle organisation (d'après le rapport de Michel Blachère).

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FEN HEBDO - 22 décembre 1997

Vie de la FEN - Formation professionnelle

Une étude sur la mission de formation continue des adultes de l’EN

Michel Blachère, inspecteur général, a été chargé, par le ministère de l’éducation nationale, d’une étude sur l’évolution des GRETA et de la mission de formation continue des adultes de l’éducation nationale. La FEN, auditionnée à sa demande, a fait connaître l’ensemble de ses propositions élaborées depuis 1995.

Cette étude sera intégrée dans les travaux de la Mission Pair, qui réfléchit actuellement sur l’ensemble du système éducatif et qui devrait rendre sa « copie » début janvier.

En préalable à cette rencontre, la FEN avait fait parvenir deux documents sur son diagnostic et ses propositions sur la formation continue.

Notre diagnostic

Depuis 1994, les GRETA ont enregistré une baisse d’activité et la situation de certains est très critique. Leur part sur le marché de la formation continue des entreprises est passée de 17 à 11 % en deux ans, le nombre d’heures-stagiaires diminuant de 8 %. Par ailleurs, la part des financements publics dans leurs recettes est en baisse.

Pour la FEN, il y a certes des causes externes dues à la mise en œuvre de la loi quinquennale et au désengagement de l’État ainsi qu’à la refonte de la collecte des contributions des entreprises. Mais la crise que traverse les GRETA sert de révélateur à des dysfonctionnements internes, la non-articulation des politiques de formation continue et de formation initiale n’ayant pas permis une utilisation plus rationnelle des moyens tant humains que matériels. Cette situation dégradée des GRETA est préjudiciable, tant aux contractuels victimes de nombreux licenciements qu’à la mission de service public de l’éducation nationale en formation continue.

Nos propositions

Il convient donc de mettre fin aux dysfonctionnements constatés et de repenser la politique de formation continue de l’éducation nationale, dans le cadre de l’éducation tout au long de la vie. Il faudrait, en priorité, accélérer la mise en œuvre de la loi d’orientation de 1989, qui stipule que la formation continue est une mission du service public d’éducation, comme la formation initiale et l’insertion des jeunes.

Pour ce faire, la FEN propose que, sous la responsabilité des recteurs, les CAEN et CTPA définissent une politique académique, articulant formation initiale et formation continue, permettant de mieux globaliser les ressources et de mettre en cohérence les activités des services, sans gommes les particularités de l’une et de l’autre. Une meilleure mutualisation des moyens humains et matériels permettrait ainsi d’assurer l’égalité d’accès de tous à la formation continue, sur l’ensemble du territoire.

Pour les moyens en personnels, il faudrait à la fois mieux utiliser les postes existant et obtenir des postes de CFC pour activer les actions de développement de la formation continue ? Des supports pour des postes de gestionnaires et d’administratifs seraient aussi nécessaires à ce niveau.

La FEN a insisté sur l’importance de la formation initiale et continue de tous les personnels qui interviennent en formation continue. Il conviendrait aussi d’éliminer les attitudes discriminatoires envers les personnels intervenant dans ce secteur et de reconnaître les compétences qu’ils y développent.

Concernant la structure GRETA actuelle, pour la FEN, elle ne peut pas permettre de faire face aux nécessaires évolutions. La FEN propose la constitution d’une structure qui gérerait les ressources humaines et financières de la formation continue, en respectant le système de réseau, la mutualisation des moyens et qui s’inscrirait dans une politique académique mise en œuvre au plus près du terrain. Cette structure devrait s’inscrire dans la réforme du décret de 1985 sur les EPLE.

Suite à une question de Monsieur Blachère sur les CAFOC, la FEN a rappelé que, s’ils doivent assurer la formation des différents intervenants en formation continue, ils devraient aussi être des outils de veille pour suivre les évolutions en FC, sans entrer en concurrence avec les GRETA. Une en concurrence avec les GRETA. Une mise à plat de leurs missions, de leurs articulations avec les GRETA et les DAFCO serait souhaitable avant d’étudier l’évolution de leur structure. Monsieur Blachère a aussi demandé notre avis sur la validation des acquis professionnelles (VAP). La FEN a rappelé que la loi Aubry de 1992, sur la VAP, est mise en œuvre de façon marginale. Il conviendrait que le ministère de l’éducation nationale se saisisse de cette loi et la développe. La VAP ne se développera que si elle est un outil de reconnaissance des acquis « informels ». La question est posée sur la capacité de l’EN à évoluer sur cette validation. Actuellement des choses se font qui ne sont ni connues, ni valorisées.

À l’issue de cette rencontre, qui a permis de vérifier un certain nombre d’accords sur ce dossier, Monsieur Blanchère nous a indiqué qu’il remettrait son rapport au cabinet du ministre, fin décembre.

Espérons que le dossier de la formation continue des adultes sera enfin pris en compte dans son intégralité par notre ministère !

Françoise Bottin
Jean-Claude Tricoche

 

Vie de la FEN - Une évolution maîtrisée des GRETA

Le Bureau fédéral national a adopté à l’unanimité une série de revendications qui fixent le cadre d’une évolution maîtrisée des GRETA. Pour autant, la réflexion n’est pas close. Elle doit se poursuivre car demeurent des interrogations d’ordre structurel et fonctionnel.

Dans le cadre fixé par la loi de juillet 1971, l’éducation nationale a mis en œuvre, dès 1973, la formation continue des adultes. Il faudra attendre 1989 pour que celle-ci soit reconnue par le législateur, comme une des missions du service public d’éducation (loi d’orientation sur l’éducation).

En un peu plus de vingt années, l’éducation nationale est devenue le premier opérateur sur le marché de la formation continue des adultes. Mais, depuis 1994, la situation s’est dégradée, les GRETA ont enregistré une baisse d’activité. Le chiffre d’affaires global est passé de 3,1 à 2,7 milliards de francs de 1993 à 1995. Le nombre d’heures-stagiaires a chuté de 8 % dans la même période et le nombre de stagiaires a diminué de 50 000. Les chiffres pour l’année 1996 confirment cette dégradation de la situation des GRETA.

Une situation dégradée

Un regard sur les comptes des GRETA montre que la part des financements publics dans leurs recettes est en baisse. Cette baisse n’est que partiellement compensée par une légère progression des financements provenant des entreprises.

Ce premier constat fait, l’analyse montre que les causes des difficultés rencontrées par les GRETA sont de deux ordres.

Les causes externes :
La mise en œuvre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 a modifié profondément le champ de la formation professionnelle. La décentralisation des dispositifs jeunes 18-25 ans, la refonte de la collecte des contributions des entreprises sont les deux facteurs essentiels de cette transformation. Ils ont induit une nouvelle attitude des acteurs de la formation professionnelle et notamment des prescripteurs. Le désengagement de l’État en est une illustration. Le relais pris par les régions n’implique pas des politiques et des choix similaires à ceux de l’état. De plus, la dépense totale de formation stagne et les entreprises internalisent cette activité.

Les causes internes :
La crise que traverse les GRETA sert de révélateur à des dysfonctionnements qui, pour partie, sont inhérents à la conception originelle du groupement d’établissements. Différents rapports de l’inspection générale ont pointé ces dysfonctionnements, même si nous ne partageons pas toujours les conclusions qu’en tire la vénérable institution.

L’absence de personnalité juridique des GRETA et l’exigence de professionnalisme dans certaines fonctions apparaissent aujourd’hui contradictoires.

D’autres part, la non-articulation des politiques de formation continue et de formation initiale n’a pas permis une utilisation rationnelle des potentialités humaines et matérielles du service public d’éducation. En clair, la mission de formation continue des adultes est restée marginale dans l’institution.

Causes externes et causes internes se conjuguent souvent dans la situation dégradée que connaissent les GRETA. Cette situation est préjudiciable aux personnels, notamment aux contractuels confrontés à de trop nombreux licenciements.

Elle est aussi préjudiciable à la mission de service public que doit assumer l’éducation nationale dans ce secteur, comme dans celui de la formation initiale.

Assurer pleinement les missions de service public

Face à cette situation, et au moment où s’impose la nécessité d’une éducation tout au long de la vie, la FEN a construit une série de propositions pour promouvoir l’éducation permanente et renforcer l’action du service public d’éducation dans ses trois missions.

Installée en janvier 1995, une commission fédérale a été chargée d’élaborer des propositions dans ce sens. Elle rassemble tous les syndicats concernés et s’entoure de la compétence des acteurs de terrain.

En juin 1995, le Conseil fédéral national avalise une première série de revendications qui fixent le cadre dans lequel la FEN entend préparer l’évolution des GRETA.

Pour faire face à ces difficultés et pour renforcer l’action du service public d’éducation, dans sa mission de formation continue des adultes, nous demandons la mise en œuvre d’une politique articulant formation initiale et formation continue. Dans chaque académie, l’action de l’éducation nationale et de ses établissements (EPLE), devra se développer dans le cadre de cette politique globale et concertée, mettant en cohérence les trois missions définies par la loi d’orientation de 1989 : formation initiale, formation continue, insertion. Les personnels seront préparés pour prendre part à toutes ses missions. Les structures et les moyens seront mis au service de l’objectif d’éducation et de formation tout au long de la vie.

Une évolution maîtrisée des GRETA

Concrètement les recteurs doivent proposer aux CAEN, une politique articulant l’ensemble des missions des établissements du second degré. Politique cohérente avec celle développée par l’enseignement supérieur et par l’enseignement agricole. Les CTPA doivent se prononcer sur l’organisation des structures et la mise en œuvre des moyens, au service de cette politique globale.

IUFM, MAFPEN, CAFOC, CAFA doivent préparer complémentairement les personnels à intervenir devant des publics adultes et à des missions spécifiques à la formation continue. Enfin, l’effet réseau du groupement d’établissements doit être préservé et la mutualisation des moyens et des activités spécifiques renforcée.

Une nouvelle organisation pour les GRETA

S’appuyant sur les travaux menés par la commission fédérale et sur les décisions du CFN de juin 1995, le Congrès de Rennes nous a mandatés pour faire évoluer la structure des GRETA. Depuis Rennes, deux syndicats, Administration & Intendance et SNPDEN, ont précisé leur conception d’une évolution, en proposant la création d’un établissement public doté de la personnalité juridique.

Dans le même temps, d’autres organisations dont le syndicat des enseignants, privilégiaient une nouvelle organisation des GRETA n’impliquant pas la création d’un EPLE.

À partir de ces cheminements apparemment contradictoires, les travaux de la commission fédérale ont permis de lister de nombreux points de convergences sur les conditions d’une évolution de la structure des GRETA. Sur cette base, le Bureau fédéral national des 20 et 21 janvier 1998 a adopté à l’unanimité un texte qui marque une nouvelle étape dans la construction de notre projet d’éducation permanente né au congrès de Toulouse en 1980. Sans trancher sur la forme de la nouvelle structure ni sur la nécessité de lui conférer la personnalité juridique, cette question reste en débat, nous formulons un certain nombre d’exigences pour une nouvelle organisation chargée de gérer la logistique des activités de formation continue des adultes, au service des EPLE du groupement. Elle disposera de postes budgétaires, à contraintes particulières, de direction et de gestion et s’accompagnera d’un renforcement de l’activité de développement du conseil en formation continue. Par sa composition et son fonctionnement, le conseil d’administration assurera transparence et démocratie, dans les décisions prises au sein du groupement. Cette évolution nécessitera de revoir la carte actuelle des GRETA à partir du contexte géographique et économique, en tenant compte d’un seuil minimum d’activité et d’un regroupement renforçant la réponse formation du service public d’éducation.

Ces revendications s’inscrivent dans une révision de décret du 30 avril 1995 sur les EPLE.

Il nous faut donc poursuivre notre réflexion et affiner nos propositions en laissant aux syndicats nationaux trancher des questions qui les concernent fortement, tel le lien entre la fonction de direction et la présidence du conseil d’administration.

En s’appuyant sur l’expérience acquise depuis 25 ans par l’éducation nationale et ses personnels dans la formation continue des adultes, la FEN formule aujourd’hui une nouvelle série de revendications pour renforcer l’action du service public d’éducation. Le ministre ne peut les ignorer.

Il lui appartient maintenant d’engager rapidement la concertation et les réformes nécessaires. Ni les personnels, ni la FEN n’accepteront une nouvelle période d’immobilisme préjudiciable à l’éducation nationale et à ses usagers.

Jean-Claude Tricoche