Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, accordée à la télévision finlandaise le 18 mai 1998, sur la réforme des institutions européennes avant l'élargissement de l'Union et sur le fonctionnement du Conseil de l'euro.

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Circonstance : Entretien de M. Védrine avec Mme Tarja Halonen, ministre finlandais des affaires étrangères, à Paris le 18 mai 1998

Média : Télévision

Texte intégral

Question : Est-ce vous avez parlé avec notre ministre des réformes institutionnelles rapide de l'Union européenne, notamment après les réflexions franco-allemandes sur ce sujet à Avignon ?

Réponse : Nous en avons parlé parce que nous avons fait un tour d'horizon complet des questions bilatérales, des questions européennes et de quelques questions d'actualité, comme les questions du Kosovo ou de l'ex-Yougoslavie.
Sur les questions européennes, nous avons aussi tout passé en revue, y compris, la dimension institutionnelle. Nous avons donc échangé nos analyses, Le fond de l'analyse est le suivant : nous considérons que les institutions actuelles marchent à peu près bien à 15 mais que, naturellement, à 20 ou 24, elles seraient inefficaces. C'est pour cela que la France a pris l'initiative, juste après le Sommet d'Amsterdam, avec les Italiens et les Belges, de proposer à ses partenaires une réflexion sur la réforme institutionnelle avant la concrétisation du prochain élargissement. Ce n'était pas un préalable à l'ouverture des négociations, mais cela devait intervenir avant la conclusion. Nous avons donc échangé nos points de vue sur ce sujet, sur les trois principaux chapitres c'est à dire la question de la taille et du fonctionnement de la Commission, la question de la pondération des votes et la question de l'usage de la décision à la majorité qualifiée, ceci remplaçant petit à petit la décision à l'unanimité sur certains sujets. Nous avons fait le point, nous en avons discuté, nous ne sommes pas en désaccord sur ce sujet. Il est clair qu'il faut y réfléchir. Nous ne sommes pas enfermés dans un calendrier précis : puisque, en fait, cela dépend du calendrier des négociations et ce calendrier n'est pas fixé a priori. Tout dépend, en effet, des difficultés concrètes qu'il faudra surmonter. Nous avons pensé que c'était très utile que la France et la Finlande aient un échange sur ce point comme il est souhaitable qu'il y en ait dans l'année qui vient entre tous les partenaires de l'Union européenne. Ce n'est pas une phase formaliste de cette réflexion, c'est une phase en amont.
Quant à ce qui a été dit à Avignon par le chancelier Kohl et le président Chirac, cela concerne l'idée que dans la définition des institutions européennes futures. Il faut avoir bien en tête le principe de subsidiarité dans la mesure où il ne faut pas tout faire faire par les institutions européennes. Il faut garder la possibilité de faire prendre des décisions concrètement le plus près possible des gens. C'est une idée générale mais, ce n'est pas une réponse technique ni une négociation juridique, cela donne un état d'esprit.

Question : Le président Chirac a quand même fait comprendre qu'il faudrait procéder rapidement vers la réforme maintenant. A Amsterdam cela a déjà échoué, avez-vous plus d'espoir maintenant ?
 
Réponse : Oui, encore une fois sur le calendrier, l'idée française c'est qu'il faut se mettre d'accord avant la concrétisation du prochain élargissement. Donc, nous avons un certain temps. Un temps que l'on ne connaît pas, mais nous avons le temps de discuter, de réfléchir. A Amsterdam, malheureusement, nous avons abouti à des conclusions qui nous semblent insuffisantes. Elles ne sont pas négligeables, il y a deux ou trois choses très utiles comme les coopérations renforcées. Néanmoins, cela ne suffit pas à assurer le bon fonctionnement de l'Union européenne pour l'avenir. Il faut donc, reprendre le sujet. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas conclu à Amsterdam qu'il faut abandonner le sujet. Il est souvent arrivé en Europe que l'on ne puisse pas traiter un problème, et bien on continue à en parler jusqu'à ce que l'on ait trouvé une solution.

Question : Ensuite sur la question du Conseil de l'euro, qu'est-ce que vous souhaitez exactement du fonctionnement de ce Conseil de l'euro ? Est-ce que c'est seulement un forum de discussion ? Quelles compétences devrait-il avoir, à votre avis ?

Réponse : Et bien, il y a deux réponses. D'abord à Luxembourg, il y a un arbitrage sur ce point, on a déterminé quels étaient les pays qui avaient vocation à être dans le Conseil de l'euro, quels étaient les sujets sur lesquels les ministres des pays participants à l'euro travailleraient ensemble et quels étaient les autres sujets sur lesquels les ministres du conseil Ecofin  continuent à travailler. Nous avons donc déjà répondu de façon théorique, sur ce point.
Pour le reste, c'est la réalité qui commandera. C'est-à-dire que les ministres des pays participants à l'euro auront des problèmes à traiter ensemble, et qu'ils les traiteront ensembles dans le Conseil de l'euro. Aujourd'hui, on ne peut donc pas répondre à votre question de façon théorique, a priori. Dans six mois, dans un an, je crois que l'on verra très bien à quoi sert le Conseil de l'euro. Cela s'imposera.