Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je n’ai pas l’habitude – vous aurez pu l’observer – de commenter les élections qui ont lieu à travers le monde. Il y en a quand même pas mal. Si je devais les commenter, ceci me demanderait sans doute beaucoup de temps, mais je ne le fais pas parce que ce n’est pas dans notre tradition. Si donc aujourd’hui je fais une exception et si je commente les élections qui ont eu lieu en Russie, c’est qu’elles ont une grande importance pour les Européens et pour la France. Je voudrais faire à cet égard quatre observation :
D’abord, vous avez constaté comme moi que le candidat Eltsine l’emporte nettement : 53,70 % aux dernières estimations contre environ 40 % pour M. Ziouganov. C’est une victoire franche pour M. Eltsine, qui est assez éloignez – il faut bien le dire – des pronostics et des commentaires que nous avions pu recevoir ou entendre au cours de la période récente. Cette victoire franche nous conforte dans le dialogue que nous avions établi avec les dirigeants russes.
C’est d’autre part – et c’est une victoire de la démocratie. J’ai entendu, j’ai lu des observations, des critiques qui ont pu être émises à propos de ce grand débat qui a eu lieu en Russie, mais il n’en demeure pas moins que le phénomène sans doute le plus frappant, c’est le sérieux avec lequel la population russe a considéré cette élection pour ce qui la concerne et le sérieux du vote. C’est la deuxième fois que nous l’observons, car c’était déjà le cas lors des dernières élections législatives. Je dirais que le peuple russe s’est approprié cet exercice fondamental de la démocratie qu’est une grande élection comme celle-ci. C’est sans doute la première fois dans l’histoire russe que le peuple choisit son dirigeant.
J’ajouterai – c’est ma troisième observation – que les Russes ont définitivement tourné la page du communisme. Sans doute ne faut-il pas dire définitivement, mais enfin je crois que l’on peut quand même le dire et, de ce point de vue, c’est une événement d’une très grande portée. 79 ans après la révolution de 1917, le peuple russe fait le choix et ce choix et de tourner la page du communisme. C’est un événement important pour le peuple russe et c’est aussi un événement important pour nous, à la mesure de l’importance qua eue la révolution russe dans l’histoire des Européens et dans l’histoire du monde.
Enfin, le peuple russe a exprimé un message que ses amis doivent entendre. C’est le choix des réformes et du développement économique, c’est-à-dire l’aspiration du peuple russe à retrouver les voies de la prospérité, c’est le choix du redressement national et c’est enfin le choix d’une grande nation qui veut sortir de ses difficultés. Je sais qu’on exprime rarement des sentiments dans le métier que je fais, mais je crois que c’est un moment émouvant pour nous qui sommes des voisins et des amis du peuple russe. Naturellement des incertitudes demeurent, mais je ne doute pas que dans les mois qui viennent les observateurs concentreront leur attention sur ces incertitudes. Nous, de mêmes, nous y serons attentifs, mais je crois fondamentalement que la Russie vient de prendre une grande décision. Elle a tourné la page du passé, elle a renoncé à regarder en arrière, et elle a décidé de porter ses regards devant elle. Ceci nous renforce dans nos convictions. Avec la Russie aujourd’hui, nous voulons développer le partenariat privilégié que nous avons décidé d’établir lors des nombreuses rencontres que nous avons eues au plus haut niveau lors des mois passés. Quand j’emploie le mot « partenariat privilégié », qui est désormais le mot qui exprime la relation franco-russe, ce n’est pas un mot en l’air. Partenariat privilégié, cela signifie que nous accordons une importance privilégiée à la qualité et à la densité des relations entre nos deux pays. C’est pourquoi, pour autant que cela dépende de nous, nous entendons soutenir les autorités russes dans les voies de la réforme et du redressement.
Enfin, nous sommes confortés dans notre vœu d’organiser avec la Russie l’architecture européenne de sécurité. Au moment où l’Alliance atlantique se préoccupe de son avenir et de son élargissement, elle devra être très attentive aux arguments de la Russie. Je ne doute pas que nous trouverons avec celle-ci les terrains d’entente. Bref, à la Russie nouvelle, la France tend une main amicale.
Q. : À quelles incertitudes faisiez-vous allusion tout à l’heure ?
R. : Cela ne fais allusion à rien de particulier, mais à tout ce que chacun sait sur les difficultés que connaît aujourd’hui la Russie, et à propos desquelles je vous ai dit tout à l’heure que nous voulions l’aider.